Après Les Mauvaise herbes, L’Attente ou encore La Saison des pluies, Keum Suk Gendry-Kim retrouve son pays pour un récit à la fois intimiste et universel qui aborde la question de la maternité et plus largement de la place de la femme dans la société contemporaine…
« Faire des enfants est un devoir » : ainsi parle la mère de l’héroïne pudiquement baptisée Bada même s’il s’agit bien ici de l’histoire de l’autrice Keum Suk Gendry-Kim. Mais Bada, elle, ne veut pas d’enfant pour se consacrer pleinement à son métier. Enfin, c’est ce qu’elle déclare à sa meilleure amie, Soomi, qui vient de lui confier qu’elle est pour sa part enceinte.
« D’après le gynécologue, beaucoup de couples ont des difficultés à avoir des enfants. Alors j’étais inquiète… », dit Soomi, « Mais, aussitôt après avoir arrêté la pilule, je suis tombée enceinte ».
Mais Bada a menti. En fait, Bada et son mari, San, font tout depuis quelques temps pour avoir un enfant. Elle a arrêté de fumer, fait du sport, note au quotidien sa température pour comprendre son cycle reproductif, surveille ses périodes d’ovulation, lève les jambes en l’air après avoir fait l’amour espérant faciliter la rencontre du sperme avec ses ovules… Mais rien n’y fait.
Alors, Bada et San se résignent à faire des tests de fertilité à l’hôpital. Diagnostic : une ovaire gauche défaillante, une concentration de spermatozoïdes inférieure à la moyenne, bref de quoi compliquer les choses. Et de commencer le parcours du combattant pour une fécondation in vitro : les injections afin de stimuler les ovaires, la ponction folliculaire pour recueillir les ovocytes, le recueil du sperme, la fécondation… Mais toujours rien.
Entre espoirs et désillusions, pressions familiales et errances médicales, Bada en vient à se demander pourquoi elle tient tant à avoir un enfant.
« Parce que mon mari le veut ? À cause de la pression de ma mère et de mes beaux-parents ? Parce que j’ai peur de ne pas pouvoir tomber enceinte l’âge venant? »
Peut-être un peu tout ça en même temps. En Corée-du-Sud comme un peu partout dans le monde, les injonctions à la maternité sont encore très fortes, à tel point que certaines femmes font des enfants quasiment en mode automatique, sans se poser de questions, les bonnes questions. Pour Bada, l’incapacité biologique de procréer va fatalement l’amener à se les poser…
Considérée comme l’une des plus importantes autrices coréennes contemporaines, Keum Suk Gendry-Kim élabore au fil des albums une œuvre forte et engagée traduite dans plusieurs langues et couronnée par de nombreux prix. Si ses récits ont toujours pour contexte son pays, la Corée-du-Sud, et parfois un point de départ intimiste, ils nous questionnent à chaque fois sur des thématiques universelles comme ici la maternité et la place des femmes dans notre société, le tout avec une mise en image sublime alternant illustrations pleine page et gaufrier classique.
Eric Guillaud
Demain est un autre jour, de Keum Suk Gendry-Kim. Futuropolis. 26€