23 Juin

De Gaulle, La Cagoule, Seules à Berlin, Le banquier du reich, Algérie une guerre française… cinq BD qui nous parlent du XXe siècle

Certains nous prédisent la fin de l’histoire depuis des lustres. Qu’on se rassure, du côté du neuvième art, l’histoire avec un grand H est et sera encore longtemps la matière première des auteurs, une source d’inspiration inépuisable et un voyage sans fin pour les lecteurs. En mode biographie, documentaire ou fiction, ce genre littéraire se porte à merveille. La preuve avec cette sélection de livres sortis ces derniers mois…

On commence avec la très belle série De Gaulle dont le deuxième volet vient de sortir aux éditions Glénat. Quatre petits mois d’attente seulement pour retrouver ce grand personnage de l’histoire de France avec à la plume et aux pinceaux Mathieu Gabella (scénario), Frédérique Beau-Dufour (historienne), Christophe Regnault (Story-board) et Michaël Malatini (dessin). Le premier volet retraçait la période allant de la jeunesse de De Gaulle jusqu’à son départ pour Londres. On le retrouve ici au micro de la BBC le 18 juin 1940 lançant son célèbre appel à continuer le combat contre l’ennemi allemand. Ce deuxième volet s’achève avec la libération de Paris. Un dossier d’une petite dizaine de pages accompagne le récit et finit judicieusement de nous plonger dans cette époque sombre de l’histoire de France. Une très belle biographie prévue en trois volets, co-éditée par Glénat et Fayard dans la collection Ils ont fait l’histoire (De Gaulle tome 2, de Gabella, Renault, Malatini et Neau-Dufour. Glénat / Fayard. 14,50€).

Huit mois, trois tomes, une affaire rondement menée par Damour au dessin, Vincent Brugeas et Emmanuel Herzet au scénario. La Cagoule, comme son nom l’indique nous entraîne dans la France des années 30, celle du Front populaire, et bien sûr celle de La Cagoule, organisation secrète anti-républicaine, anti-communiste et anti-sémite fondée en 1936 par les anciens membres d’Action Française. Le récit, mélange de fiction et de réalité, se présente comme un polar autour de personnages ayant réellement existé, notamment le policier Pierre Mondanel ou les politiciens Marx Dormoy et Roger Salengro (La Cagoule, un fascisme à la française, de Brugeas et Herzet. 3 tomes. 14,95€ chaque).

Berlin, avril 1945. La ville n’est plus qu’un immense champ de ruine. Les derniers habitants sont prostrés dans les caves, il n’y a plus d’eau potable, plus d’électricité, plus de téléphone, plus de transports et plus de pain. Les enfants hurlent de faim, les adultes tremblent de peur. Et au milieu de tout ça, deux femmes, l’Allemande Ingrid et la Russe Evgeniya. La première a assisté impuissante à la chute de Berlin, la deuxième est arrivée avec l’armée soviétique, avec la mission de reconnaître les restes d’Hitler. Une rencontre improbable qui donnera naissance à une amitié sincère dépassant les clivages nés de la guerre. Un récit fort et poignant qui aborde une thématique inhabituelle en BD et ailleurs à travers ces deux femmes, le tout avec une mise en images de caractère. Magistral ! (Seules à Berlin, de Nicolas Juncker. Casterman. 25€)

On reste en Allemagne avec Le banquier du Reich, un récit de Pierre Boisserie et Philippe Guillaume au scénario, de Cyrille Ternon au dessin, qui retrace la vie d’Hjalmar Schacht. Considéré comme l’un des plus grands économistes de tous les temps, cet homme est connu pour avoir mis un terme à l’hyperinflation allemande de 1923, puis sorti l’Allemagne de la grande crise des années 1930 et surtout pesé sur le succès du régime nazi en devenant son ministre de l’économie. Personnage ambigüe qui fut arrêté et déporté après l’attentat manqué de juillet 1944 contre Hitler, Hjalmar Schacht fut acquitté, à tort pour beaucoup, lors de sa comparution devant le tribunal de Nuremberg. Une biographie solidement documentée prévue en deux tomes ! (Le banquier du Reich, de Boisserie, Guillaume et Ternon. Glénat. 14,50€)

D’une guerre à l’autre, la série d’Alfio Buscaglia et Philippe Richelle, dont le deuxième volet – sur les cinq prévus – est sorti en mars nous embarque dans l’Algérie des années 50 pour une fiction ancrée dans ce qu’on appelait à l’époque « les événements » le tout à travers les parcours de quatre personnages fictifs qui sont unis par les liens de l’enfance. Des histoires d’amour et de haine, d’amitié et de trahison sur fond d’opérations militaires, d’actes terroristes, d’exécutions sommaires et de tortures. Réaliste, documenté, couvrant toute la période depuis les prémices du conflit jusqu’à son épilogue, Algérie, une guerre française permet d’aborder cette période sombre de l’histoire de France tout en se divertissant. Une belle réussite ! (Algérie, une guerre française, Alfio Buscaglia et Philippe Richelle. Glénat. 14,50€)

Eric Guillaud 

17 Juin

Les naufragés de la Méduse : la double histoire d’un naufrage et d’un tableau racontée par Jean-Sébastien Bordas et Jean-Christophe Deveney

Pas de naufrage en vue pour l’album de Jean-Sébastien Bordas et Jean-Christophe Deveney, retardé pour faute de pandémie, le voici à  trôner magistralement dans les vitrines de toutes les bonnes librairies déconfinées. Et vous n’allez pas être déçus…

Pour réussir un tableau, faut-il tout connaitre de son sujet, comme le laisse supposer un des personnages de ce récit ? Peut-être. En tout cas, Théodore Géricault le concevait certainement ainsi. Pour Le radeau de la Méduse, le peintre a amassé une documentation conséquente sur le naufrage de la frégate, cherchant le moindre détail dans les archives disponibles ou à travers le témoignage des survivants. Au risque parfois de s’y perdre.

Réalisé entre 1818 et 1819, soit deux petites années seulement après le naufrage, Le radeau de la Méduse est une oeuvre majeure de la peinture française, une oeuvre imposante, hors norme, de par ses dimensions, près de 5 mètres sur 7, de par le retentissement qu’elle eut à l’époque dans la société, et finalement de par son influence sur l’évolution de la peinture.

Le Musée du Louvre qui a très vite accueilli le tableau résume parfaitement les déchirements nés autour de l’oeuvre. Quand certains y voyaient « un amas de cadavres » abject loin de ce que préconisait le classicisme, d’autres y décèlaient un manifeste libéral, une critique de l’ultra-royalisme, un tableau moderne, une oeuvre d’actualité.

De fait, Gérivault cherchait-il à rendre compte de l’horreur ou de l’héroïsme, voulait-il montrer les hommes de la Méduse comme des miraculés, des assassins, des monstres ou simplement comme des êtres humains plongés dans un contexte qui ne l’était pas ?

Alternant l’histoire de cette création picturale et celle de la tragédie maritime, passant de la solitude de l’artiste à celle des naufragés, Jean-Sébastien Bordas et Jean-Christophe Deveney nous offrent un récit au scénario intense et documenté avec une belle fluidité narrative, un dessin tout en finesse et une mise en couleurs d’une très grande légèreté. De quoi se laisser embarquer dans l’aventure… avec une bouée tout de même !

Eric Guillaud

Les naufragés de la Méduse, de Deveney et Bordas. Casterman. 26€

15 Juin

Jeannot, une bande dessinée de Carole Maurel et Loïc Clément sur le deuil d’un enfant

Perdre un enfant n’est pas dans l’ordre naturel des choses. C’est un drame sans nom pour les parents. Avec Jeannot, album paru aux éditions Delcourt, Carole Maurel et Loïc Clément abordent ce sujet délicat avec infiniment de finesse aussi bien dans le texte que dans le trait…

Parler de la mort n’est pas chose facile, parler de la mort d’un enfant encore moins, et en parler à des enfants peut relever du défi. Carole Maurel et Loïc Clément l’ont relevé avec succès. Jeannot est un bijou de sensibilité, d’humanité, de tendresse et de poésie, un ouvrage qui s’adresse à la jeunesse mais pas seulement nous explique la dessinatrice Carole Maurel.

« Il y a une certaine habilité côté scénario qui fait que l’album s’adresse aussi aux adultes même s’il est clairement ciblé enfant. Il y a deux portes d’accès possibles, deux niveaux de lecture qui sont intéressants. Par exemple, quand Jeannot communique avec les plantes, nous, adultes, pourrions le penser atteint de quelques troubles cognitifs. Les enfants, eux, y verront un pouvoir surnaturel, un super-pouvoir, même s’il s’avère être une malédiction pour Jeannot ».

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11 Juin

Hope ou le roman noir allié aux forces occultes

Les ripoux, les starlettes, les vieux pervers cachés à la tête des studios, l’industrie du rêve qui vend du cauchemar, une cité des anges pourrie jusqu’à la moelle, le tout dans un noir et blanc poisseux, sublimé par les romans de Dashiel Hammett ou de Raymond Chandler, voici le terrain de jeu du ‘roman noir’ mais aussi de Hope de l’écurie 2000 AD publié aux Éditions Delcourt. Avec une (petite) pointe de magie noire en plus.

Voici donc une plongée dans le Los Angeles des années 40 dans laquelle on voit se débattre la sempiternelle figure du détective privé à la gueule cassée nommé Mallory Hope qui boit trop et ne dort pas assez. Et comme s’il n’avait pas déjà assez un sale gueule, le voilà qu’il commence cette aventure par un tabassage en règle. Une sale posture dont il réussit à s’échapper grâce à une pincée de magie noire…

Tiens, voilà justement ce qui était censé être le ‘plus’ de cette histoire, ce mélange a priori inédit entre uchronie (le tout se passe dans un Los Angeles de 1940 où la Deuxième Guerre Mondiale serait déjà terminée), polar et occulte. Un occulte aussi poisseux que malsain, bouffant ceux qui l’utilisent et qui porte le sceau du magazine anglais culte 2000 AD (Judge Dredd) dans lequel le tout a d’abord été publié il y a trois ans.

Or bizarrement, cet élément magique devient assez rapidement anecdotique, à part lorsque le personnage principal évoque avec morgue sa relation tordue avec l’espèce d’ange (ou démon ?) gardien que l’on voit sous la forme d’une nonne portant un éternel masque à gaz et qui ne le lâche pas d’une semelle. D’où vient-elle ? Quel est le pacte qu’il a conclu avec elle ? Qu’est-ce qui est vraiment arrivé à la femme et au fils de Hope qui ont tous les deux disparu sans laisser de traces ? Ces questions-là, les deux auteurs n’ont eu ni l’envie ni la place d’y répondre, se focalisant plutôt sur l’enquête visant à retrouver un enfant star porté, lui aussi, disparu et qui l’amènera, forcément, à entrevoir la (sale) poussière que l’on cache sous le tapis.

Alors lorsqu’il assume son goût pour les clichés du roman noir (femme fatale incluse), Hope est cynique et sans concession comme il faut, jusque dans ces cadrages nerveux et contrastés qui rappelleront aux plus érudits certains vieux classiques du cinéma de l’époque mais aussi le jeu vidéo Max Payne. Mais pour découvrir le ‘Philip Marlowe rencontrant l’exorciste’ tant attendu, il faudra par contre repasser. Ou on est alors prié d’attendre le second volume, prévu en VO pour Janvier prochain, surtout vu la relative brièveté (80 pages) de ce premier jet.

Olivier Badin

Hope de Guy Adams & Jimmy Broxton, Delcourt, 12,50 euros

© Delcourt / Guy Adams & Jimmy Broxton

10 Juin

Hors-Saison: une autobiographie de James Sturm sur fond de campagne présidentielle américaine

Alors que l’élection présidentielle américaine se rapproche à grand pas, James Sturm nous fait revivre la précédente campagne électorale à travers une autobiographie absolument passionnante…

Trump ou Biden ? On connaîtra le nom du prochain président des États-Unis en novembre ce cette année après une campagne qui promet d’être violente, aussi violente que la précédente. Souvenez-vous de Trump en 2016 promettant d’envoyer Hillary Clinton en prison pour une sombre histoire de messagerie privée qu’elle aurait utilisée pendant qu’elle était secrétaire d’état.

C’est justement sur cet épisode houleux que s’ouvre le récit de James Sturm. Impossible d’aller sur internet, d’allumer la radio ou la télévision sans en entendre parler. Mark, le personnage central de ce récit, ne le supporte plus comme il ne supporte plus cette campagne présidentielle. Au point de déprimer !

Mais il a bien d’autres raisons de déprimer. Mark vient de se séparer. Il y a encore quelques semaines, sa compagne Lise et lui-même soutenaient la candidature de Bernie Sanders. Mais depuis, Lise l’a quitté. Le voilà seul, face à ses deux enfants à gérer, face aussi à des problèmes d’argent, des problèmes de boulot et pour finir la dégradation brutale de la santé de sa mère. Cancer. De quoi péter un câble ! Et il le pète ce câble en saccageant un chantier sur lequel il travaillait et ne parvenait à se faire payer. Qui a dit que les emmerdes, ça vole toujours en escadrille ? Et pendant ce temps-là, la campagne présidentielle se poursuit…

Superbe récit anthropomorphique au format à l’italienne, deux cases par page, un peu plus de 200 pages et au bout du compte un récit vraiment touchant sur ces Américains moyens qui se démerdent comme ils peuvent face à une vie qui n’a rien de ce qu’on peut attendre du rêve américain.

Eric Guillaud

Hors-saison, de James Sturm. Delcourt. 24,95€

© Delcourt / Sturm

04 Juin

Vélo ou voiture il faut choisir. Tronchet sort son Petit traité de vélosophie

Un traité de vélosophie. Vous y pensiez ? Tronchet l’a fait. Grand amateur depuis toujours de la petite reine, l’auteur de Raymond Calbuth, des Damnés de la Terre associés ou encore de La Bite à urbain nous explique pourquoi et comment le vélo est l’avenir de l’homme… et de la femme.

L’avenir… et le présent ! Car c’est aujourd’hui qu’il faut changer nos habitudes. La période de confinement que nous venons de traverser y aura peut-être contribué. Beaucoup d’urbains se sont mis au vélo avec le déconfinement venu au point de faire exploser les chiffres de trafic vélo dans les grandes villes. En France, son usage aurait augmenté de 87% par rapport à la période d’avant confinement. C’est énorme ! Alors, autant dire que ce petit traité de vélosophie tombe à pic !

« Le vélo, c’est dans la tête! » écrit en préface l’écrivain et journaliste Eric Fottorino. C’est aussi dans les molets, vous expliquera Tronchet. Car oui, il faut pédaler, parfois sous la pluie, parfois sous les injures des automobilistes bloqués dans les bouchons mais toujours sous les applaudissements de la nature.

En une cinquantaine de planches, autant d’histoires, souvent drôles, toujours bien vues, Tronchet nous parle de son quotidien en mode cycliste, histoire de nous inviter à réinventer la ville…

Eric Guillaud

Petit traité de vélosophie, de Tronchet. Delcourt. 12,50€

© Delcourt / Tronchet

03 Juin

Sélection officielle Angoulême 2021. Le Dernier Atlas : une saga uchronique titanesque

Titanesque. C’est précisément le mot qui vient à l’esprit au regard de ce deuxième volet du Dernier Atlas. Titanesque par le robot trônant fièrement en couverture, titanesque par un scénario exigeant, ouvert sur notre monde et son passé…

Souvenez-vous, nous les avions rencontrés à l’occasion de la sortie du premier volet en mars 2019, les quatre Nantais Gwen de Bonneval, Hervé Tanquerelle, Fabien Vehlmann et Fred Blanchard, accompagnés de leur coloriste Laurence Croix, viennent tout juste de boucler le deuxième épisode de la saga uchronique intitulée Le Dernier Atlas

Quand on dit tout juste, ce n’est pas tout à fait vrai. L’album a connu un retard à l’allumage dû au coronavirus et au confinement. Deux mois de report mais au final un atterissage en douceur sur les étagères de toutes les bonnes librairies de France et d’ailleurs.

Et vous ne pourrez pas le louper. Avec sa couverture jaune du plus bel effet et ce robot géant en premier plan, le dernier Atlas au monde avec tous ses boulons, l’album se remarque de loin. 

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29 Mai

House Of X : les X-MEN se réinventent encore une fois…

Si vous êtes fans de la maison MARVEL, vous savez que ces fins businessmen aiment régulièrement rebooter leurs séries, quitte à réécrire les personnages, leurs liens ou encore leurs origines et à bousculer les fans. Habituée à ce traitement de cheval, sa série phare les X-MEN s’offre ici un nouveau ravalement de façade assez radical et surtout très adulte.

En même temps, il était temps. De l’avis de nombreux fans, cela fait maintenant des années que la série végétait, enchaînant les scénaristes et les dessinateurs sans qu’aucun ne réussisse à retrouver une certaine flamme. Oui, il fallait foutre un gros coup dans la fourmilière et c’est ce qui se passe avec House Of X.

Alors le point de départ de cette nouvelle version est hautement politique, vu que les mutants se sont réunis sur la même île dans une espèce d’arche de Noé, d’où ils décident de proposer au reste de l’humanité des remèdes contre le cancer ou pour allonger leur espérance de vie… Mais à condition qu’ils soient reconnus comme un pays à part entière. Sauf que personne n’est vraiment qu’il prétend être. Et alors que les Quatre Fantastiques entrent aussi dans la danse, un projet secret baptisé Orchis et caché dans une station spatiale placée en orbite autour du soleil se réveille. Le tout afin de « sauver l’humanité de l’extinction » mais surtout de l’invasion mutante…

© Marvel / Panini Comics – Jonathan Hickman, Pepe Larraz et RB Silva

Bien sûr, cela plus d’un demi-siècle que Jack Kirby et Stan Lee ont lancé la série et qu’elle s’est depuis longtemps détachée de l’esprit un peu béni-oui-oui de ses débuts. Mais la volonté affichée ici est de proposer une série adulte, en prise avec son époque et notamment le pessimisme ambient. Réaliste, noir et quasiment mystique, House Of X joue pas mal avec nos nerfs. Déjà parce qu’elle fait valdinguer les repères des fidèles lecteurs en redistribuant les rôles. Ressuscité, rajeuni mais avec un visage presque tout le temps caché par un casque cybernétique, le professeur X par exemple est désormais aussi froid que calculateur, bien que toujours idéaliste. Tout comme son ancien protégé, et membre historique, Cyclope devenu cynique et radical et l’un de ses plus farouches adversaires.

© Marvel / Panini Comics – Jonathan Hickman, Pepe Larraz et RB Silva

Mais il y a aussi cette temporalité éclatée, l’histoire étant racontée en suivant pas moins de quatre époques différentes, dont une mille ans dans le futur avec un ton SF apocalyptique assez dur. Ou encore ces dialogues très denses ou cette dramaturgie assez emphatique, comme si le scénariste Jonathan Hickman s’était senti obligé de faire dans la surenchère pour être à la hauteur de l’évènement.

© Marvel / Panini Comics – Jonathan Hickman, Pepe Larraz et RB Silva

Bref, pour ce premier des quatre numéros prévus, il va falloir s’accrocher. Â la limite, on se demande même s’il ne faudrait pas mieux attendre que tout cela sorte en intégral pour que l’on puisse, enfin, avoir une vue d’ensemble et donc peut-être comprendre un peu mieux l’intrigue assez complexe. Mais il faut quand même avouer que c’est un vrai pari artistique, porté par un trait très actuel et les couleurs qui pètent de partout, est osé et a de la gueule. Reste à savoir s’il permettra aux X-MEN de retrouver leur place de leaders… Ou pas.

Olivier Badin

House Of X/Powers Of X #1 de Jonathan Hickman,Pepe Larraz et RB Silva, Marvel/Panini Comics, 8,90 euros  

L’instant d’après : une intrigue illusionniste signée Zidrou et Maltaite

Sorti le 13 mars dans toutes les bonnes librairies de France et d’ailleurs, cet album de Maltaite et Zidrou aurait pu connaître le même sort que ses personnages, disparaître l’instant d’après. Mais le confinement instauré quelques jours plus tard n’a finalement pas réduit à néant le travail de ses auteurs. Et il est encore largement temps de le découvrir…

Des personnages qui disparaissent. Comme ça. Sans explication. D’un coup ! Ils sont là et l’instant d’après ils ne sont plus là. Alors bien sûr, ça effraie, ça interroge et ça commence à faire désordre dans la France des années 60. Surtout que ces disparitions peuvent toucher n’importe qui, intervenir n’importe où, à n’importe quel moment, dans un ascenseur, une salle de classe, une cabine d’essayage, un avion…

Et même une voiture ! Aline, harpiste reconnue, était assise à côté de son mari. En pleine discussion. Tendue la discussion. La Facel Vega fonçait sur l’autoroute, quand la jeune femme s’est évaporée. De quoi troubler son mari qui en perd le contrôle du véhicule et finit les 4 pneus en l’air. Lui se retrouve à l’hôpital, elle nulle part. De quoi éveiller la suspicion des policiers, d’autant que la jeune femme venait de souscrire une assurance vie. De quoi aussi faire revenir la soeurette des États-Unis. Blandine,  petite blonde streap-teaseuse que tout le monde croit hôtesse de l’air dans sa famille, se retrouve au coeur de l’affaire, à essayer de trouver des pistes, démêler le vrai du faux…

Après deux mois de confinement, voilà une histoire qui devrait aérer nos esprits, emmenée par le prolifique scénariste Zidrou et le dessinateur Eric Maltaite, nom associé aux séries 421 et plus récemment Choc. Pour ceux qui aiment les énigmes non résolues ou presque…

Eric Guillaud

L’Instant d’après, de Zidrou et Maltaite. Dupuis. 14,50€

 

25 Mai

Un Travail comme un autre : sublime adaptation en BD du roman de Virginia Reeves par Alex W. Inker

Attention talent ! Alex W. Inker à qui l’on doit déjà trois albums aussi remarquées que remarquables aux éditions Sarbacane revient avec l’adaptation du premier roman de Virginia Reeves, Un Travail comme un autre, une histoire dans l’Amérique des années 20, à la fois belle et tragique…

Terminé le confinement ! Sans reprendre le cours d’une vie tout à fait normale, nous allons enfin pouvoir vaquer à quelques-unes de nos occupations habituelles, notamment retrouver nos librairies préférées et découvrir les nouveautés que nos amis auteurs et éditeurs nous ont concoctées pour ce printemps étrange.

Parmi celles-ci, Un Travail comme un autre, première véritable lecture post-confinement et premier coup de coeur. Il faut dire que l’album a tout pour séduire : une fabrication hyper-soignée, ce qui est souvent le cas chez Sarbacane, près de 180 pages en quadrichromie, un papier de très belle qualité, une couverture magnifique, une dessin savoureusement rétro et légèrement burlesque qui rappellera à certains la bande dessinée américaine du milieu du XXe siècle, et une histoire de caractère signée de l’Américaine Virginia Reeves et magnifiquement adaptée par le Français Alex W. Inker dont c’est ici le quatrième album de bande dessinée après Apache, Prix polar SNCF 2016, Panama Al Brown et Servir le Peuple, tous publiés aux éditions Sarbacane.

L’histoire justement. Un Travail comme un autre nous embarque dans l’Amérique des années 20. Ce n’est pas encore la Grande Dépression, laquelle débutera avec le krach boursier de 1929, mais déjà, à cette époque, de nombreux fermiers endettés pour assurer la modernisation de leurs exploitations ne parviennent plus à honorer leurs emprunts et sont jetés sur les routes du pays, errant à la recherche d’un nouveau boulot.

Roscoe T Martin aurait pu être un de ces paysans ruinés s’il n’avait pas eu l’idée, l’audace ou le courage, appelez ça comme vous voulez, de détourner une ligne électrique de l’Alabama Power. Non seulement, lui, l’ancien électricien devenu fermier contre son grès lorsque sa femme hérita de l’exploitation familiale, évite la faillite mais trouve le moyen de développer son activité agricole, au point de devenir un homme des plus respectable et respecté des environs.

Jusqu’au jour où un employé de la compagnie d’électricité en question s’électrocute sur l’installation illicite de Roscoe. Pour lui, c’est le début de la fin. Á défaut de connaître l’errance sur les routes comme nombre de ses pairs, Roscoe T Martin va connaître les affres de l’emprisonnement dans un pénitentier d’état. Vingt ans de prison, abandonné par sa femme, violenté par les geôliers, vingt ans… et toute un vie qui fout le camp.

Beau et tragique, sensible et violent, Un Travail comme un autre trouve illustration à sa juste mesure sous le pinceau d’Alex W. Inker. Plus de 180 pages à dévorer, une immersion totale dans l’Amérique des années 20 avec son cortège de douleurs et d’injustices, de brutalités et de lâchetés. Indispensable pour les amoureux de Steibeck, fortement conseillé pour les autres. Du super boulot !

Eric Guillaud

Un Travail comme un autre, d’Alex W. Inker. Sarbacane. 28€ (en librairie le 27 mai)

© Sarbacane / Inker

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