19 Mar

Errance en mer rouge, un voyage sur les pas de Henry de Monfreid signé Joël Alessandra

L.10EBBN002048.N001_ErranceMe_C_FROublier le souffle d’Anna, oublier la douleur, la maladie qui l’a anéantie, oublier la mort. Un mois après le décès de sa femme, Tom commence seulement à réaliser que la cicatrisation sera longue et douloureuse. La solution ? Fuir ce quotidien devenu insupportable, s’envoler pour d’autres horizons. Ce sera l’Afrique, Djibouti, le lycée Kessel où il remplace au pied levé un professeur de dessin rapatrié en urgence en France. A défaut d’échapper aux souvenirs douloureux, Tom se laisse envoûter, happer, par ce pays, par ses habitants, ses ambiances et par ses fantômes, Joseph Kessel et surtout Henry de Monfreid, l’écrivain voyageur. L’aventure est au bout de la piste !

Magnifique. Absolument magnifique ! Errance en mer rouge est un récit comme on en lit finalement assez rarement, une invitation au voyage, à l’aventure, à la découverte. Il faut dire que Joël Alessandra, auteur d’une vingtaine d’albums parmi lesquels Le Périple de Baldassare (Casterman), Retour du Tchad (La Boîte à bulles), Ennedi la beauté du monde (La Boîte à bulles) ou Instinct sauvage (KSTR), est lui-même un grand voyageur et avoue une attirance particulière pour l’Afrique où Il a vécu un an et demi, à Djibouti. Une histoire troublante, un graphisme vivant, des atmosphères merveilleuses, de belles références littéraires… Errance en mer rouge vous emmènera loin, très loin !

Eric Guillaud

Errance en mer rouge, de Alessandra. Editions Casterman. 22,50€

18 Mar

Omaha Beach, 6 juin 1944 ou l’histoire d’une photographie mythique de Robert Capa

© Dupuis

© Dupuis

C’est l’un des clichés les plus célèbres du Débarquement en Normandie et plus largement du XXe siècle. Un homme allongé dans l’eau, arme à la main, prêt à en découdre avec l’ennemi, une photo légèrement floue prise dans l’urgence, dans la folie du débarquement en juin 44 par un photoreporter qui deviendra mondialement célèbre, l’immense Robert Capa.

70 ans après cette immortalisation de l’un des événements majeurs de la Seconde guerre mondiale, événement qui annonce la libération et la fin des années noires en Europe, les éditions Dupuis et l’agence Magnum Photos s’unissent pour publier une monographie portant sur le cliché, une monographie « à la croisée de la photographie et de la bande dessinée » précise le dossier de presse, 60 planches réalisées par Dominique Bertail au dessin et Jean-David Morvan au scénario complétées par un dossier associant photos, archives et témoignages.

Jean-David Morvan revient sur le genèse de cet album : « J’aime la bande dessinée et la photo. Il y a environ un an, j’ai eu l’idée de contacter Magnum Photos pour leur proposer de faire des bandes dessinées adaptées de leurs reportages. Je n’avais aucun contact, j’ai donc envoyé un email à une adresse trouvée sur Internet. J’ai eu une réponse de Clément Saccomani, le Directeur Editorial de Magnum Photos deux jours plus tard. Ils étaient intéressés et souhaitaient me rencontrer ».

Un album à paraître le 30 mai.

Eric Guillaud

Blast : à vous couper le souffle !

Blast t4 par Manu Larcenet © Dargaud

Blast t4 par Manu Larcenet © Dargaud

Magistral ! Un choc graphique ! Un vénéneux voyage dans les ténèbres ! Le quatrième tome des aventures de Polza Mancini vient de sortir. Blast, c’est l’effet de souffle que l’on ressent après une explosion – et c’est ce qu’a réussi à nous faire éprouver Manu Larcenet avec cette série qui figurera dans les must du 9ème art.

Le dictionnaire nous dit qu’une explosion, c’est une onde qui a plusieurs effets :

  • l’onde de choc dans l’air percute la personne et provoque une onde de choc dans son corps, c’est le « blast primaire »
  • elle projette des objets, c’est le « blast secondaire »
  • lorsque l’onde de choc atteint une personne, celle-ci se trouve pendant un très court instant avec une surpression d’un côté et la pression atmosphérique de l’autre, c’est le « blast tertiaire »
  • enfin l’effroi provoqué par l’explosion induit fréquemment un traumatisme psychique que l’on qualifie parfois de « quatrième blast ».
Blast t4 par Manu Larcenet © Dargaud

Blast t4 par Manu Larcenet © Dargaud

Vous voilà prévenu avant la lecture des 4 tomes de Blast. Ce traumatisme psychique, cet état d’apesanteur qui le libère du poids de sa lourde carcasse, c’est ce que recherche Polza Mancini, un écrivain de 150 kg parti à la dérive après la mort de son père. « Si vous voulez comprendre… Il faut que vous passiez par où je suis passé ». Blast c’est donc le récit, par nature sujet à caution, de cette dérive, à travers un long interrogatoire policier – pour comprendre l’histoire d’un homme suspecté d’avoir fait de nombreuses victimes dont Carole Oudinot, la seule femme qu’il ait aimée.

« Ça y est. C’est fini. Quelle aventure!

Je voudrais adresser ici un remerciement général à tous ceux qui se sont laissés tenter par ces quatre livres. C’était très inattendu qu’un tel récit puisse trouver une audience si importante. Merci, donc, de m’avoir suivi sur ces 5 dernières années qui me semblent aujourd’hui tenir du marathon, certes formateur, mais épuisant. Je suis soulagé que la fin arrive, nullement attristé, solitaire  ou démuni, comme d’ordinaire, au moment de mettre un point final à un livre. Juste soulagé. »

Manu Larcenet - Dargaud / Rita Scaglia

Manu Larcenet – Dargaud / Rita Scaglia

Ainsi s’exprime le peu disert Manu Larcenet sur son blog. Il a réussi à mener à bien ce nouveau récit, mêlant réflexions et résonances des plus autobiographiques pour les réflexions existentielles. Mais ce récit est aussi bien plus noir que ne l’était le Combat ordinaire ou le Retour à la terre. Une oeuvre supplémentaire qui confirme la maturité et la puissance graphique de son auteur. Avec originalité et une liberté incroyable, il multiplie les styles – jusqu’aux dessins de ses enfants pour évoquer les fameux Blast de son héros ou le papier découpé pour les créations schizophréniques d’une de ses victimes. Il y a du Jiro Taniguchi dans les planches évoquant la nature et ses magnifiques plages de silence et du Didier Comès pour la fluidité du noir et blanc.

Il a pourtant bien failli se perdre plus d’une fois, comme il le confie à la fin de son ouvrage. Il a alors fait appel à son fidèle complice Jean-Yves Ferri, qui l’a remis en piste en lui proposant quelques strips de Jasper, l’ours bi-polaire sur la banquise, des tranches d’humour salutaire pour Larcenet, comme pour le lecteur, au milieu d’une histoire sur le fil du rasoir.

Après un si long périple, cette grasse carcasse nous aura fait réfléchir sur ce qu’est l’harmonie et le retour à l’état sauvage en harmonie avec la nature. Pourvu que les bouddhistes se trompent, une fois refermé le dernier tome, les effets du Blast n’ont pas fini de nous souffler … une réussite en forme d’apothéose.

Didier Morel

Blast (4 tomes) par Manu Larcenet © Dargaud

A noter : ce 4ème tome est dédié à Laurent Beaufils, le géant roux, notre regretté confrère de France 3, mort prématurément l’an dernier. Ils se sont rencontrés au cours de reportages et il a réalisé avec Sam Diallo en 2006, un documentaire permettant au spectateur de suivre Manu Larcenet pendant la conception du troisième tome du Combat Ordinaire. Manu Larcenet a donné son visage et sa silhouette au personnage du journaliste qui clôt la série.

 La B.O à se glisser entre les oreilles pour prolonger le plaisir (un clin d’oeil de Larcenet, son héros porte un T-shirt faisant référence au groupe) :

Red Hot Chili Peppers – Scar Tissue

16 Mar

L’album Lucie s’en soucie réédité aux Humanoïdes Associés

lucie-s-en-soucie-bd-volume-1-simple-51236A quoi peut bien rêver une jeune parisienne célibataire de 30 ans ? Au grand amour bien sûr. Et au prince charmant, vous savez celui qui est beau, créatif, intelligent, rassurant et drôle. Une perle rare que Lucie pense avoir finalement dégoté au hasard d’une soirée chez un voisin. Lambert, c’est son petit nom, est photographe, mais sans pellicule. De l’humour à froid qui scotche un peu mais bon ! Pour Lucie, le souci est ailleurs. Du haut de ses 30 ans, Lucie n’a plus de temps à perdre et son prince charmant doit aussi être un parfait géniteur même si elle se défend par ailleurs d’être dans le moule comme sa soeur. Très peu pour elle le plan bobonne, la bague au doigt et les polichinelles dans le tiroir… ou alors avec du sentiment !

Une course au bonheur ! Voilà ce que nous racontent Catel et Véronique Crisseaux, elles-mêmes trentenaires à l’époque, dans ce récit intimiste publié en 2000 dans la collection Tohu Bohu. Naviguant dans la sphère du tandem Dupuy – Berberian, les deux jeunes femmes avaient imaginé avec Lucie le pendant féminin de Monsieur Jean. Un pendant féminin qui vivra plusieurs aventures dans une série publiée ultérieurement chez Casterman. Un tantinet parisien mais franchement drôle !

Eric Guillaud

Lucie s’en soucie, de Catel et Véronique Grisseaux. Editions Les Humanoïdes Associés. 14,20€

14 Mar

Pulp : ce nouveau festival promet de vous faire pétiller

Pulp Festival 2014

Pulp Festival 2014

Un festival hybride, c’est ce que propose la Ferme du Buisson, la scène nationale de Marne-la-Vallée (Noisiel 77) avec Arte. Ce week-end du 14 au 16 mars, Pulp entend sortir de la case pour croiser les genres en associant la bande dessinée avec la musique, la danse et le théâtre, mais aussi le cinéma et la peinture. Plus que jamais la BD est un art vivant et cette 1ère édition le réaffirme.

Auteurs de BD et artistes venus de tous horizons, duels de dessinateurs, installations, spectacles, expositions, librairie, rencontres et débats animeront ce week-end au rythme des bulles.

« L’explosion du 9e art, dans ses formes les plus populaires comme les plus pointues, nourrit aujourd’hui de façon profonde les imaginaires collectifs. Du livre au live, du papier glacé à l’image animée, des cases à l’installation, de la 2D à la 3D, PULP FESTIVAL déplace les frontières pour inventer un art toujours plus vivant »

peut-on lire sur le site internet de l’événement.

Ainsi, « Dans l’oeil du cyclope », installation conçue avec la revue Professeur Cyclope, créée en 2013, côtoiera, plongée dans l’univers de six auteurs et de leurs multiples sources d’inspiration. Dans La Ferme des animaux, Blexbolex, sur un scénario de Loo Hui Phang inspiré de George Orwell, colonisera de ses dessins une maison, du sol au plafond.

 

Ceci n'est pas une bande dessinée par Phillipe Dupuy

Ceci n’est pas une bande dessinée par Philippe Dupuy

Parmi les nombreux spectacles, les visiteurs découvriront La Fille, road-movie rock et sexy de la chanteuse pop Barbara Carlotti et Christophe Blain, l’auteur de la BD best-seller Quai d’Orsay. Mais aussi Le moral des ménages, pièce de Stéphanie Cléau avec Mathieu Amalric, illustrée par Blutch, d’après le roman d’Eric Reinhardt. Les Chiliens de Teatrocinema raconteront à leur façon une Histoire d’amour de Régis Jauffret, tandis que l’Odyssée d’Homère sera revue et dessinée par la compagnie britannique « The Paper Cinema » et Nicholas Rawling.

Enfin connaissez vous l’émission Tac au Tac diffusée par l’ORTF ? Sur le principe de ces séances de cadavres exquis, une dizaine de dessinateurs se donne rendez-vous pour des matchs d’improvisation totale de dessin, commentés en direct par des comédiens et retransmis sur grand écran. Au menu : Jul, Catherine Meurisse, Marion MontaigneCyril PedrosaMathieu Sapin, Mana Neyestani,François Olislaeger, Dash Shaw, Hervé Tanquerelle, Nicolas Wild…

Didier Morel

Pour découvrir ce festival, rendez-vous donc les 14, 15 et 16 mars prochains à la Ferme du Buisson à Marne-la-Vallée (77000). 
Inscription : 01 64 62 77 00 et le programme
Tarif : 29 euros pour le pass festival tarif plein.

Captain Biceps, une interview en douceur de Tebo

Nous l’avions interviewé en mars 2010 alors qu’il venait de publier le septième volet de Samson et Néon. Quelques années et bébés plus tards, nous le retrouvons quasi inchangé, toujours aussi Tebo, à l’occasion d’un nouveau Captain Biceps, les aventures du justicier en collant rouge qu’il anime depuis 10 ans maintenant avec son ami Zep. 400 000 exemplaires vendus à ce jour annonce fièrement l’éditeur. De quoi bomber le torse et jouer les gros bras mais ce serait mal connaître Tebo, rencontre avec un auteur qui aime les super-héros pour de vrai et la baston pour de rire…

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C’est pas commun comme nom, Tebo. D’où ça vient ?

Tebo. Comme je n’ai jamais pu me trouver un pseudo classe, j’ai juste simplifié mon nom de famille qui est thébault.

Une vingtaine d’albums, deux séries adaptées en dessins animés pour la télé… bref, tu es un peu une star de la BD maintenant. C’est facile à vivre?
Tebo. Il y a pire comme métier… En fait, j’ai même trois séries adaptées en dessins animés : Samson et Néon, Captain Biceps et Comment dessiner?. Et là, je bosse sur une autre série animée avec Futurikon (société de production française, ndlr). Les héros sont mes deux premiers enfants et ça s’appellera César et Capucine. Euh… je me la pète un peu !

Tu habites Caen, est-ce un bon endroit pour trouver l’inspiration ?
Tebo. Non, jamais (même si j’aime beaucoup ma ville… ou alors il faudrait qu’il pleuve un peu moins).

Et travailler avec Zep, c’est comment ?
Tebo. Un pied d’enfer ! On se connait depuis 15 ans grâce à la création du journal Tchô! (journal de titeuf). On est devenu vite copains. Et comme on aimait le travail de chacun, il était logique qu’on travaille ensemble. En plus d’être mon pote, d’être très connu, Zep est un des meilleurs scenaristes du gag en une page. Il faudrait être idiot pour refuser de bosser avec lui.

Si je compte bien, c’est le sixième album de Captain Biceps. C’est un puits sans fond en plus d’être une mine d’or ?

Tebo. Le puits sans fond, il faut le travailler… parce que les idées ne tombent pas toutes seules du ciel ! Et si on veut avoir une mine d’or, il faut être très exigeant sur son travail…

Si je te demandais de tirer le portrait de ton personnage, comment le décrirais-tu ?
Tebo. Faut être une grosse brutasse avec peu de cerveau pour oser s’appeler Captain Biceps!

Qu’est-ce qui t’inspire dans la vie ?
Tebo. Pas grand chose… car c’est un très gros boulot pour moi de trouver mes histoires, mes gags ainsi que mes petits bouts de phrases rigolotes dans les bulles. Je creuse dans le fond de mon cerveau pour trouver tout ça!

© Glénat / Zep & Tebo

© Glénat / Zep & Tebo

Et qu’est ce qui t’a plus précisément inspiré pour imaginer ton Captain Biceps et ses aventures ?

Tebo. Captain Biceps est né de l’amour que je porte aux histoires de super-héros (c’est ce genre de bd qui m’a donné envie d’être dessinateur) et des histoires rigolotes trash de Wuillemin, Edika, Maester et surtout Gotlib, avec qui j’ai dessiné un combat de Captain Biceps contre Superdupont! Oui, je sais, je me la pète encore…

Tu n’en a pas marre de faire dans le gros bras ? Tu n’as pas envie d’un peu de tendresse, de délicatesse, de faire une série pour les filles avec des princesses qui chantent et font du cheval, un mélange de Violetta et de Grand Galop quoi ?
Tebo. C’est super dur pour moi, de dessiner un cheval… donc, je vais continué à faire ce que j’adore faire : des hommes en collant et slip qui se mettent des bonnes roustes!

Est-ce qu’il y a du Biceps en toi et inversement ?
Tebo. J’ai de trop grosses cuisses pour être Captain Biceps! Et Captain Biceps est nul avec les filles, alors que moi… ah! merde! moi aussi je suis assez nul avec elles. Bon, ben, j’ai au moins un point commun avec mon héros.

Dans une interview de 2011, tu annonçais pour le tome 6 un récit long et moins de combats ? Au final, on retrouve les mêmes ingrédients que dans les albums précédents, à savoir des histoires courtes et de la baston à toutes les pages ou presque. C’est difficile de changer une formule qui marche ?

Tebo. Quand je parlais de combats, il s’agissait des « combats-gag en une page ». J’en avais un peu marre de les dessiner et je trouvais que l’on avait fait le tour de ce genre d’histoire. Ce qui qui est nouveau dans cet album, c’est qu’il n’y a QUE des histoires courtes avec des petites astuces qui les relient entre elles pour en faire une sorte de grande histoire. En plus, Captain Biceps a avec lui dans (pratiquement) toutes les histoires un assistant (Genius Boy)… Ce qui change un peu la série.

© Glénat / Zep & Tebo

© Glénat / Zep & Tebo

Tu es depuis peu à nouveau papa, le troisième je crois, un petit Raphaël, pourrais-tu abandonner la BD pour te consacrer exclusivement à tes enfants?

Tebo. Non, je ne pourrai pas…  comme je ne pourrai pas abandonner mes enfants pour me consacrer exclusivement à la bd.

D’ailleurs, si tu n’avais pas fait de BD tu aurais pu faire quoi ?
Tebo. Astronaute mais j’étais un peu nul en maths et en sport.

© Glénat / Zep & Tebo

© Glénat / Zep & Tebo

Quel effet ça fait d’être exposé dans une galerie comme Arludik à Paris (du 6/3 au 5/4) ?

Tebo. C’est classe ! Je suis très fier, je commence à snober tous mes confrères qui n’ont pas exposé dans cette superbe galerie.

Quel est ton coup de gueule du moment ?
Tebo. il y a trop de bd qui sortent chaque année (et beaucoup trop de bouses à mon goût), ce qui laisse trop peu de places aux bonnes bd et surtout peu de temps pour que les gens les découvrent. Certaines bd restent à peine une semaine en vitrine avant de retourner dans les cartons… C’est triste!

Quel est ton coup de coeur du moment ?

Tebo. Le film Gravity m’a mis une bonne claque!

Un mot sur tes projets ?
Tebo. J’ai deux bouquins jeunesse qui vont sortir en juin et septembre 2014 (Les Psicopattes 1 et 2, avec Hélène Bruller au scénario chez glénat). Je participe au tome 2 de L’Atelier Mastodonte, une série publiée dans le journal spirou (sortie en juin 2014 chez dupuis). Je bosse sur les illustrations d’un livre traduit de l’américain qui s’appelle Je pète donc je suis (sortie en octobre 2014 chez glénat), j’attaque le story board du troisième et dernier tome d’Alice au pays des singes (sortie en janvier 2015 chez glénat).  Ensuite en juin de cette année, je commence une bd (scenario, dessin et couleur) avec comme héros MIckey (chez Glénat et Disney). L’année prochaine, je dois faire une aventure de Spirou, et après ça, je pourrais reprendre les aventures de Captain Biceps (mais sans mon pote Zep qui est trop occupé ailleurs). Enfin, je prendrai une journée de vacances, et après je me remettrai au boulot…

Ah oui quand même ! Un dernier mot (pas trop gros) ?
Tebo. Il y avait beaucoup trop de questions à cette interview…
 
Nous sommes d’accord. Merci Tebo !

Interview réalisée le 13 mars 2013 par Eric Guillaud

Retrouvez la vie trépidante de Tebo icil’exposition Arludik  et la chronique du sixième album de Captain Biceps sur ce blog

13 Mar

Gustave Doré ou les prémices de la BD

Gustave Doré Le Chat botté © Bibliothèque Nationale de France

Gustave DoréLe Chat botté© Bibliothèque Nationale de France

Gustave Doré. Ce nom ne vous est sans nul doute pas inconnu. Vous l’associez très certainement aux illustrations de grands textes de la littérature, comme les Contes de Perrault, les Fables de La Fontaine ou encore Don Quichotte de Cervantès. Mais peut-être ne savez vous pas que cet illustrateur du 19ème siècle, qui a composé plus de 10 000 planches dessinées, est aussi à considérer comme le premier auteur de bande dessinée français. C’est que propose la magnifique exposition L’imaginaire au Pouvoir au Musée d’orsay à Paris.

En effet, avant de se consacrer à l’illustration de classiques de la littérature, Gustave Doré (1832-1883) a commencé par une carrière de dessinateur. A l’âge de quinze ans, il se présente à Paris chez Charles  Philipon (1800-1862), le directeur du Journal pour rire, avec quelques uns de ses dessins. Le travail de ce tout jeune homme impressionne celui qui édite également, chez Aubert et Cie, les albums du père de la bande dessinée, le suisse Rodolphe Topffer (1799-1846). Gustave Doré est immédiatement engagé comme dessinateur régulier et pendant sept ans va fournir près de 1200 caricatures, devenant une signature incontournable du périodique.

Gustave Doré

Gustave Doré

En parallèle, Gustave Doré va publier quatre albums que l’on considère comme annonciateurs du genre de la bande dessinée. Les trois premiers, chez Aubert et Cie : Les Travaux d’Hercule (1847), Trois Artistes incompris et mécontents (1851) et Des-Agréments d’un voyage d’agrément (1851). Le quatrième, et le plus célèbre, paraît en 1854 dans une autre maison d’édition sous le titre d’Histoire pittoresque, dramatique et caricaturale de la Sainte Russie. Le point commun de ces quatre albums ? La création d’une nouvelle forme de récit qui allie texte écrit et images. Mais surtout leur caractère facétieux. Gustave Doré ouvre en effet la voie de la bande dessinée d’esprit satirique et parodique.

La petite maison d’édition 2024, basée à Strasbourg, ville natale de Gustave Doré, a eu l’idée de proposer une réédition de ses deux dernières histoires de « littérature en estampes », comme se plaisait à la définir Topffer. Si vous avez un esprit curieux, précipitez-vous sur ces deux albums. Ils regorgent d’inventions graphiques et narratives, que certains auteurs de B.D du siècle suivant n’ont pas manqué de reprendre et de développer.

Des-agréments d'un Voyage d'agrément de Gustave Doré

Des-agréments d’un Voyage d’agrément de Gustave Doré

 

Histoire de la Sainte-Russie de Gustave Doré

Histoire de la Sainte-Russie de Gustave Doré

Ainsi, Des-Agréments d’un voyage d’agrément se présente comme le carnet de voyage de monsieur César Plumet, commerçant en passementerie qui vient de prendre sa retraite, et qui décide un soir, après avoir assisté à une représentation de Guillaume Tell, de partir à la conquête des montagnes de la Suisse. Un projet qui n’enchante guère son épouse Vespasie. Elle craint en effet les chutes fatales dans « les abîmes sans fond » ! Mais son époux se montre inflexible, et le voilà parti pour des aventures dignes d’un Don Quichotte. Monsieur Plumet est en effet très souvent « abusé par une imagination trop brillante » comme se plaît à le répéter le narrateur. Sa naïveté sans bornes le conduit aussi à vivre des situations cocasses, dont il est le premier à rire !

 

Gustave Doré construit son personnage comme une figure caricaturale du bourgeois, reconnaissable à un indice vestimentaire : sa casquette, qui change de position en fonction de ses humeurs – un procédé que reprendra Uderzo pour le casque ailé d’Astérix. Autre trait caractéristique, et qui revient comme un leit-motiv dans l’album : les « grandes discussions sur la passementerie genevoise », le soir avant de s’endormir auprès de Vespasie. Et bien sûr, le ventre proéminent, signe de la fortune qu’il a accumulée au cours de sa carrière de négociant.

Les vingt-quatre planches qui composent cette histoire dessinée offrent une étonnante variation de mises en page. Le lecteur se retrouve constamment obligé d’adapter sa manière d’aborder la succession de ce que l’on peut bien appeler des vignettes, même si Gustave Doré ne leur donne pas la forme que nous leur connaissons aujourd’hui. Point de planches segmentées par un ensemble régulier d’images au format identique. Ici se mêlent images verticales et horizontales, pleines pages et miniatures, et même médaillons censés représenter la lorgnette au travers de laquelle Mme Plumet observe, depuis sa chambre d’hôtel, l’ascension du Mont Blanc par son courageux époux.

A l’occasion de la rétrospective que le musée d’Orsay organise sur Gustave Doré jusqu’au 11 mai prochain, la Bibliothèque Nationale de France s’est lancée dans un important travail de numérisation des lithographies de cet artiste. Vous pouvez ainsi feuilleter, sur le site de cette exposition virtuelle, les quarante-six planches qui composent le premier album imaginé par Doré : Les Travaux d’Hercule.

Les Travaux d’Hercule de Gustave Doré

Les Travaux d’Hercule de Gustave Doré

Exposition Gustave Doré (1832-1883). L’imaginaire au pouvoir jusqu’au 11 mai 2014 au Musée d’Orsay à Paris

12 Mar

Maggy Garrisson, une nouvelle figure du polar imaginée par Oiry et Trondheim

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Elle s’appelle Maggy Garrisson et aujourd’hui Maggy Garrisson a le cœur particulièrement léger. Elle a enfin retrouvé un job, un job de secrétaire dans une agence de détective privé. L’agence est miteuse, le privé alcoolique, mais qu’importe, deux ans sans travail ont rendu Maggy moins regardante. Et puis, une fois dans la place, Maggy sait qu’elle pourra toujours monnayer quelques menus services. A commencer par retrouver le canari jaune de Madame Simmons et empocher les 70 livres de récompense. Ce n’est pas l’affaire du siècle, c’est sûr, mais ce n’est qu’un amuse gueule. Et le plat de résistance arrive d’ailleurs très vite ! Anthony Wight, le patron de l’agence, se retrouve à l’hôpital après avoir été tabassé. Il charge Maggy de lui ramener son portefeuille dont le contenu suscite la convoitise générale…

Très belle surprise que ce premier volet de Maggy Garrisson. Stéphane Oiry au dessin et Lewis Trondheim au scénario signent en effet une très belle mise en place pour ce polar que l’on pourrait rapprocher d’un Jérôme K Jérôme Bloche, intimiste et humaniste à souhait. L’ensemble des personnages, l’atmosphère so british, l’intrigue, le dessin, tout concourt à faire de Maggy Garrisson une grande série. On attend le second tome avec impatiente !

Eric Guillaud

Maggy Garrisson, de Oiry et Trondheim. Editions Dupuis. 14,50€

10 Mar

Captain Biceps est de retour et ça va faire mal…

 

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Il a tout pour lui. Il est beau, grand, fort et intelligent… enfin… presque. Mais comme il est musclé, très musclé, il serait malvenu, inconscient, voire totalement suicidaire de lui manquer de respect dans ces quelques lignes.

Alors oui, amis du Neuvième art, pour la première fois de ma vie de chroniqueur, je ferai ici totale allégeance, complète carpette, en disant tout le bien que je pense de Biceps, le plus grand « justicier jour et nuit » de la planète « super-héros », le seul à proposer à ses ennemis dans un élan d’humanité mal contrôlé deux manières de les arrêter, la manière douce qui consiste simplement à leur exploser les dents, les bras et les jambes, et la manière forte. Oui, forcément, ça calme !

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À lire l’interview de Tebo ici

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Le grand Captain Biceps, donc, est de retour pour de nouvelles aventures complètement déb… pardon absolument géniales dans lesquelles il va devoir sauver le monde d’une terrible attaque de vampires, retrouver une équipe de scientifiques tombée entre les mains de sauvages, tenir à distance l’affreux Docteur Nuisible, combattre une pieuvre géante au fond de la mer, prendre un peu de vacances et former les Justice-men, une bande de crétins décidés à faire régner la justice sur la ville entre 14 et 17H29. Pourquoi 17h29 me direz-vous ? Tout simplement parce qu’il y a « Questions pour un champion » à 17h30 pétante !

Avec les aventures de Captain Biceps, on rit beaucoup et en même temps on devient intelligent à l’image de leurs auteurs, Zep et Tebo (oui, ils sont aussi très très musclés!). La BD du siècle et au-delà, en librairie le 12 mars.

Eric Guillaud dit Captain Musclor

Le retour du poing de la justice, Captain Biceps (tome 6), de Zep et Tebo. Editions Glénat. 9,99€

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09 Mar

Clandestino, un documentaire au coeur de l’immigration clandestine signé Aurel

1447_couvMême si son titre peut légitimement laisser penser le contraire, « Clandestino, un reportage d’Hubert Paris – Envoyé spécial » est une fiction.

Une fiction mais un fait d’actualité bien réel et même dramatiquement réel puisque l’auteur, le dessinateur de presse Aurel, aborde ici l’immigration clandestine et plus précisément les harragas, ces hommes et femmes candidats à la traversée de la Méditerranée souvent au péril de leur vie. Et s’il reconnaît avoir pris des libertés avec les personnages, les lieux et les situations, toutes les informations contenues dans les pages de l’album sont certifiées vraies car vécues par l’auteur lui-même à l’occasion de différents reportages effectués en compagnie du journaliste Pierre Daum pour Le Monde Diplomatique.

« Mes premiers essais pour cette histoire… », explique-t-il, « n’étaient pas sous le biais de la fiction, mais ce n’était pas concluant du tout. Ça n’apportait rien et semblait très nombrilisme : tout le contraire de ce que je voulais faire. L’idée est alors venue de créer un personnage de fiction, Hubert Paris, pour apporter une distanciation. Cela m’a permis de raconter des choses très personnelles sans que ce soit égoïste et, dans un second temps, de mélanger plusieurs reportages ».

Ne cherchez pas le scoop… Aurel développe son récit comme un documentaire, prenant le temps d’approcher la réalité, de poser les choses, d’expliquer, de montrer et de nous faire réfléchir. D’Alger à Almaria, en Andalousie, ou les immigrés trouvent une porte d’entrée pour l’Europe sous les milliers d’hectares de serres espagnoles, Aurel envoie son personnage principal Hubert Paris, reporter au magazine américain Struggle, dans les pas de ces migrants qui quittent un pays sans jamais en rejoindre un autre complètement, restant ainsi entre deux terres, refoulés ou utilisés en fonction des aléas économiques et des besoins de main-d’oeuvre à pas cher. Un sujet difficile traité avec intelligence !

Eric Guillaud

Clandestino, un reportage d’Hubert Paris – Envoyé spécial, de Aurel. Editions Glénat. 17,25 €

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