03 Juin

Joe Hill : bon sang ne serait mentir !

Comment réussir à faire son propre trou dans le créneau horreur ou fantastique lorsque son propre père est déjà un monument du genre ? En se diversifiant et en cherchant, notamment, dans la BD le médium parfait pour faire fructifier son héritage. Exemple avec l’américain Joe Hill. 

Alors autant évacuer l’éléphant qui encombre la pièce dès le début : oui, comme son nom ne l’indique pas, Joe Hill est bien un ‘fils de’. Et de pas n’importe qui en plus dans le créneau horrifique : Stephen King. Un peu écrasant comme héritage non ? D’où sa relative discrétion. Mais bien qu’il se soit inscrit dans la même mouvance que papa, il a su vivre son époque en s’impliquant à plusieurs niveaux, et pas que dans la littérature où, pour être franc, il n’a pas pour l’instant fait trop d’éclat.

Or de toutes ses activités, c’est la bande dessinée où, au final il excelle le plus en tant que scénariste. Notamment grâce au succès de la série Locke & Key, au point que la maison de BATMAN DC COMICS a décidé de lui confier sa propre collection, centrée sur l’horreur. Mais pas n’importe laquelle, du moins si l’on se base sur les deux premières sorties inaugurales.

Basketful Of Heads – © Urban Comics DC Comics / Joe Hill et Leomacs

Pourtant, sur le papier, on pourrait croire que Plunge et Basketful Of Head (la version française ‘plongée’ et ‘un panier plein de têtes’ claque moins non ?) ne jouent pas tout à fait sur le même registre. Autant le premier est très sérieux et fait appel à ce que les afficionados appellent de l’horreur ‘cosmique’ bourrée de références plus ou moins cachées à Howard Lovecraft avec son histoire de remorqueurs d’épaves confrontés à des entités extra-terrestres venus sournoisement envahir la Terre, autant le second évolue dans un registre en comparaison presque plus léger. Enfin, autant léger que puisse être le récit des pérégrinations d’un jeune fille bloquée face à des trafiquants de drogues sur une île de la côte est américaine en pleine tempête et armée d’une hache viking magique dont la particularité est de garder en vie les têtes qu’elle s’emploie pourtant à séparer d’une façon tranchante du reste de leurs corps. Mais l’ADN est clairement le même.

En fait, le gros autocollant ‘par le créateur de Locke & Keyque l’on retrouve sur les deux couvertures n’est pas innocent du tout. Sans vergogne, Hill réutilise ici la formule qui lui a permis d’asseoir son (propre) nom. C’est-à-dire un mélange assez subtil au final de références à la ‘pop culture’ des années 80 (cinéma d’horreur de série B, séries TV etc.), d’humour un peu potache mais jamais lourdingue et de personnages pas si manichéens que ça. Et puis il sait alterner poussées soudaines d’adrénaline horrifiques (surtout sur ce Plunge au ton assez désespéré) et moments plus légers. En fait, le style Hill se caractérise par un côté très cinématographique, avec un sens du rythme hérité directement des séries télé, du genre à ne jamais relâcher la tension sans pour autant submerger le lecteur avec.

Basketful Of Heads – © Urban Comics DC Comics / Joe Hill et Leomacs

Et puis dans les deux cas, il a su s‘entourer des bonnes personnes au dessin : le trait plus réaliste de Leomacs (Lucifer) convient parfaitement à Basketful Of Heads alors que celui, plus emphatique, de Stuart Immonen (découvert avec Superman : identité secrète) accentue juste comme il faut le côté apocalyptique de Plunge.   

On pourrait certes dire que Joe Hill est quelqu’un qui emprunte plus qu’il ne crée et qu’au final, ses œuvres ne sont qu’un gigantesque mais habile recyclage. Mais comme face à un 768ème visionnage d’Evil Dead ou de Terminator avec ce qu’il faut comme munitions (pop corn, soda) à nos côtés, on a envie de dire que la question n’est pas là. Et puis la pop culture n’est-elle pas une éternelle entreprise de réemballage ? Ramassage des copies dans deux heures !

Olivier Badin

Plunge, de Joe Hill et Stuart Immonen & Basketful Of Heads de Joe Hill et Leomacs, Urban Comics/DC Comics. 15€

16 Mai

Amen ou la quête mystique de Georges Bess aux confins de l’univers

La sortie l’année dernière de sa superbe adaptation de Dracula nous a rappelé combien le trop rare Georges Bess est un peu une exception dans le paysage actuel. Un français au trait très classique d’un autre temps (il est né en 1947 et a fait les Beaux-Arts) mais qui, justement, tranche avec le tout digital ambiant pour mieux nous envoûter. Une œuvre comme Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad, qui avait déjà inspiré Francis Ford Coppola pour son Apocalypse Now, ne pouvait donc que l’inspirer.

Georges Bess est un admirateur assumé de Jean Giraud, fasciné par les voyages mais aussi par une certaine forme de mysticisme et tout cela transpire ici. Cela dit, sur le papier, Amen est avant tout un pur soap-opera venu directement des années 70. Dans ce monde dominé par les guerres de religion, une mission d’évangélisation est envoyée sur une planète méconnue nommée Arcadia censée détenir un secret pouvant apporter la paix. Â la tête de ce conglomérat de mercenaires décérébrés et de moines illuminés, on retrouve un esclave affranchi devant faire face à l’hostilité larvée des autochtones et à des phénomènes inexpliqués qui décime peu-à-peu leurs rangs.

© Comix Buro/Glénat – Georges Bess

Impossible de ne pas penser au magazine français culte Métal Hurlant aussi ou à certains travaux de Jodorowsky, avec lequel il a d’ailleurs collaboré. Un récit plein de faux-semblants aux airs rétro-futuristes plein de conquistadores des temps modernes armés de pistolets lasers. Pourtant, tout ceci n’est qu’apparat car ce ne sont ni les vaisseaux spatiaux ni la conquête intersidérale qui intéressent vraiment Bess mais bien le cœur des hommes et comment peut s’y cacher avant tout une invariable soif de conquête sous prétexte de propager la bonne parole. Oui, c’est bien la folie des hommes et la religion dans tout ce qu’elle a de plus hypocrite et destructeur qui sont au cœur de ce récit en deux parties (le second tome est attendu pour cet été) dont l’autre référence est aussi le film Aguirre – La colère de Dieu de Werner Herzog avec lequel il partage la thématique centrale.

© Comix Buro/Glénat – Georges Bess

Après, une fois digérée la scène d’introduction assez violente, l’auteur prend la quasi-totalité de ce volume à nous préparer à une rencontre qui, a priori, n’aura lieu que dans la suite. C’est ce qui s’appelle laisser ses lecteurs en suspend… Un défaut rattrapé par le trait fin de Bess et les couleurs, presque psychédéliques d’un auteur décidément à part et qui emmène ici très loin.

Olivier Badin 

Amen – Ishoa ou la procession des équinoxes de Georges Bess, d’après le roman de Joseph Conrad. Comix Buro / Glénat. 14,95 €.

12 Mai

Elric, la nouvelle adaptation du chef d’oeuvre de la fantasy se termine en beauté

Alors que les trois premiers volumes s’étaient enchaînés assez vite, il aura fallu plus de trois ans et demi pour voir cette nouvelle adaptation de la saga d’Elric le Nécromancien, saluée par son créateur Michael Moorcock, s’achever. La cité qui rêve clôt donc cette quadrilogie d’heroic fantasy au souffle épique. Et on en redemande !

Un univers à la fois sombre et enchanteur, des personnages tout sauf manichéens, un trait propre… Oui, la montagne était haute. Et avant eux, plusieurs s’y sont cassé les dents. Et pourtant, on peut dire que l’équipe franco-belge que l’on retrouve derrière ce Elric s’en tire avec les honneurs. Certes, bizarrement, le trait du dessinateur Julien Telo apparaît cette fois-ci un chouia plus hésitant, comme s’il arrivait moins à se décider entre style plus ‘grand public’ et quelque chose de plus noir en directe affiliation avec un Philippe Druillet qui avait signé la première adaptation BD de cette série emblématique de la culture heroic fantasy. Et même si vous n’avez pas lu les épisodes précédentes, un rattrapage s’impose, tant le propos est dense et assez ésotérique. Mais ce sont là presque des détails.

© Glénat / Julien Blondel, Jean-Luc Cano & Julien Telo

Car le souffle épique et grandiloquent (dans le bon sens du terme) des volumes précédents et là et bien là, surtout dans la dernier quart où le prince albinos déchu Elric attaque son propre royaume. L’île aux Dragons y est superbement décrite comme une sorte de nécropole gigantesque où l’ancienne amante du héros, devenue reine à sa place, règne sur un peuple au destin déjà scellé. Tout comme la relation toxique et très symbolique entre ce anti-héros que l’on n’arrive pas totalement ni à détester ni à aimer et son épée magique buveuse d’âmes, Stormbringer.

© Glénat / Julien Blondel, Jean-Luc Cano & Julien Telo

Avec La cité qui rêve, les scénaristes Julien Blondel et Jean-Luc Cano ainsi que  le dessinateur Julien Telo achèvent donc enfin cette première adaptation lancée en 2014 et réalisent leur pari d’offrir une relecture à la fois fidèle et à part de ce premier cycle. Et vu la façon dont le tout se termine, tout laisse à penser qu’un nouveau pourrait démarrer très vite, à condition que le public suive, ce qui n’a pas toujours le cas en France.

PS : à noter pour les fans d’Elric que ce mois-ci, le groupe de hard-rock américain CIRITH UNGOL sortira un nouveau maxi quatre-titres du nom d’Half Past Human. Et comme toutes leurs sorties depuis leur premier album datant de 1981, celle-ci-ci a droit à une pochette signée par l’illustrateur américain Michael Whelan et mettant en scène Elric brandissant Stormbringer.

Olivier Badin

Elric, tome 4 : La cité qui rêve de Julien Blondel, Jean-Luc Cano et Julien Telo. Glénat. 15,50 €.

07 Mai

Batman et metal font-ils bon ménage ?

Le Hellfest vous manque ? Vous aimez Batman et les grandes sagas épiques au long cours servies par les comics depuis les années 80 ? Vous raffolez des objets collectors ? Batman Death Metal coche toutes les bonnes cases !

Même si l’évènement est passé un peu inaperçu en France, la saga Batman Metal a remis presque complètement à plat en 2018 non seulement l’univers du Vengeur Masqué mais aussi de DC Comics en général. Une espèce de cataclysme difficilement résumable mais qui, en gros, a rassemblé une bonne partie des héros maison – Batman bien sûr mais aussi Superman, Wonder Woman, plus toute La Ligue De Justice etc. – pour tous ensuite tout chambouler en les envoyant de façon sadique dans un blender. Et les lecteurs avec.

Mais qu’importe : avec sa grosse remise à plat de tout ce que l’on considérait comme acquis, son gros méchant bien flippant (le Batman Qui Rit), son gros nom au scénario (le très côté Scott Synder) et ses multiples ramifications annoncées, DC avait clairement décidé ici de ne pas faire les choses à moitié. Dont acte.

© Urban Comics/DC – Scott Snyder & Greg Capullo

Presque trois ans après, le constat est, disons, mitigé mais et ce n’est pas ce nouvel appendice qui va changer la donne, bien au contraire. Avec toujours Snyder et le très doué dessinateur Greg Capullo à la manœuvre, Batman Death Metal se révèle être un curieux objet, au format et aux concepts, disons, hybrides.

Alors d’entrée, on prévient les malheureux qui oseraient s’y aventurer sans avoir au préalable réussit l’exploit d’avoir assimilé Batman Metal : n’essayez même pas malheureux ! Même les connaisseurs risquent de sentir d’abord perdus face à tous ces allers-retours incessants entre les différents Multiverse, ces versions multiples du Vengeur Masqué et surtout toutes ces sous-intrigues. L’ambition de Snyder d’accoucher de la saga ultime transpire à toutes les pages. Mais à force de vouloir verser dans le grandiloquent, les personnages semblent parfois désemparés face à une telle démesure pas toujours justifiée.

Ensuite il y a ce format, assez frustrant car seulement de 40 pages par épisode, même si le tout est vendu à un prix largement abordable.  

© Urban Comics/DC – Scott Snyder & Greg Capullo

Mais ce qui risque de diviser le plus, c’est ce choix éditorial d’associer à chaque numéro (sept en tout) un groupe de metal. Un concept marketing un chouia scabreux visant à récupérer les fans de ce style de musique susceptibles de se retrouver dans cet univers très sombre tout en réalisant un jeu de mot un peu facile – musique métal et Batman Metal, pour ceux du fond qui n’avaient pas compris. Or l’implication de chacun des groupes se limite en fait à une pochette thématique les mettant en scène dans le monde de Batman Metal, une préface signée de leur main ainsi qu’en fin de parcours une page d’interview et une petite bio. Mais sans que tout cela ait le moindre lien avec le récit.

Alors qui est visé ici ?

Les fans de metal justement ? Peut-être, surtout que l’éventail des groupes choisis ici est très large, allant du rock/metal théâtral de Ghost en passant par le thrash de Megadeth et Sepultura, le metal progressif d’Opeth et Dream Theater etc. Sauf qu’ils n’apprendront rien ici et ne seront donc probablement attirés que par l’aspect collector de l’objet.

Les fans de Batman alors ? Les plus acharnés peut-être, les autres risquant d’être rebutés. Soit par le rapport taille du texte/prix, soit par le gloubiboulga concocté par un Snyder en roue libre et très occupé à construire son propre mythe. Reste cette initiative, plutôt osée, d’allier musique et comics au service d’un récit certes ampoulé mais qui n’a pas peur d’écraser sous son talon clouté toute une mythologie populaire pour mieux la reconstruire, mais en version plus moderne et surtout, bien plus méchante.

Olivier Badin 

Batman Death Metal, Vol. 1 & 2 de Scott Snyder et Greg Capullo. Urban Comics/DC. 10 euros.

04 Mai

Alpha flight et Next-Men : le changement dans la continuité des X-Men ?

Non, John Byrne n’est pas que celui qui a transformé les Quatre Fantastiques et les X-Men en formidable machine à cash pour le compte de Marvel dans les années 80. Tout en endossant la double casquette de dessinateur et scénariste, il a par la suite creusé d’une façon plus personnelle le même sillon grâce à deux séries méconnues et enfin rééditées en France.

Pour resituer un peu l’importance d’un John Byrne, disons que dans la première moitié des années 80, il fut à Marvel ce que Jack Kirby – dit ‘the king of comics’ – était pour ‘la maison des idées’ à la fin des années 60. Une sorte de superstar et quelqu’un qui, sur son seul nom, transformait tout ce qu’il touchait en or. Marque de confiance absolue, à l’époque, cet américain né en Angleterre en 1950 et passé par le Canada était responsable des deux plus grosses locomotives de l’éditeur, les X-Men et LesQuatre Fantastiques. Deux séries déjà installées mais qu’il a malgré tout imprimé de sa marque, notamment en mettant l’accent sur l’aspect humain des héros. Pour lui, ces mutants et autres êtres surpuissants ont beau être capables de mille et une merveilles, ce sont aussi des personnes tombant amoureux, devenant parents, se séparant, apprenant à accepter leurs différences etc.

Après avoir joué les petites mains dans les années 70, c’est vraiment avec ses deux séries emblématiques que Byrne a donc trouvé son style, aussi bien sur le plan graphique que scénaristique… Quitte à sans s’en rendre compte s’y enfermer un peu, le reste de sa carrière se résumant à ses tentatives plus ou moins réussies de reproduire le même schéma, encore et encore. Exemple avec deux séries, disons, plus mineures, aujourd’hui réédités en France.

La plus instantanément reconnaissable des deux est Alpha Flight – ou la Division Alpha telle qu’elle avait été initialement baptisé en France lorsqu’elle est apparue dans les pages de Special Strange en 1981. Ici, l’analogie avec les X-Men est d’entrée assumée, vu que cette équipe de super-héros canadiens vient du même univers. Les lecteurs nord-américains découvrent d’ailleurs pour la première fois dans les pages de la série X-Men ces agents du gouvernement canadien lancés alors à la poursuite de Wolverine, alias Serval en VF.

Les Next Men ont, eux, eu une genèse bien plus chaotique. Â sa sortie début 92, Byrne a alors perdu son aura d’antan. La mode est désormais aux BD ultra-réalistes et violentes et son style est désormais considéré comme un peu trop daté. Après un passage chez DC Comics pour redonner vie à un Superman moribond, il doit faire appel à un éditeur indépendant pour publier cette nouvelle saga en trois volumes qui reprend, en gros, l’idée d’un groupe de mutants obligés de se battre pour leur liberté et chassés par le gouvernement. Sauf que c’est les années 90 sont là et bien là. Byrne essaye donc de s’adapter en donnant au tout un ton plus cru et désespéré, tout en abordant des thématiques bien trop délicates pour la très prude ‘maison des idées’, comme l’identité sexuelle, l’alcoolisme ou la faillite du modèle parental.

© Marvel/Panini Comics – John Byrne

Malgré leurs différences, ces deux sagas partagent non seulement le même modèle mais aussi la même dynamique de groupe. Lorsqu’on voit Nathan des Next Men avec ses lunettes noires spéciales censées cacher ses yeux dont, sinon, peuvent jaillir des rayons, comment ne pas penser à Cyclope ? Sasquatch d’Alpha Flight est un croisement entre Hulk et Colossus des X-Men. Avec ses pouvoirs puisant dans les traditions de ces ancêtres, Shaman est reflet amérindien de la tempétueuse Ororo etc. Mais surtout, plus que jamais, Byrne s’attache à ses figures de ‘freaks’, à toutes ces personnes qui ne rentrent pas dans les cases alors qu’elles ne demandent que ça. Il est donc l’un des premiers à donner la voix à des minorités jusqu’à lors plutôt ignorées des comics, comme les gens de petite taille ou les homosexuels. Et plus le temps passe et plus leur créateur préfère s’appesantir sur leurs tourments intérieurs plutôt que sur la bonne vieille castagne contre de méchants super-vilains bien monochromes, quitte à perdre peut-être en route certains lecteurs.

Des deux, Alpha Flight reste la plus car toujours ancré dans un schéma traditionnelle, avec toujours cette alternance d’action et d’épisodes plus intimes disons. C’est aussi l’occasion pour Byrne de se faire plaisir à rendant hommage au Canada où il a vécu plus de vingt ans en ancrant souvent l’action dans ses grandes étendues sauvages. Pourtant, pointent déjà ici des thématiques qu’il creusera plus près d’une décennie plus tard avec les Next Men, notamment celle d’un gouvernement favorisant ses propres intérêts, quitte à mentir au grand public et souvent au mépris des lois.

Dix ans plus tard, cette paranoïa rampante est devenue la colonne vertébrale de son art. Si jusqu’à lors il mettait en scène des héros très chevaleresques qui sont avant tout là pour sauver le monde, Byrne change donc de braquet avec Next Men. Ces héros d’un, alors, nouveau genre ne veulent pas en être et sont pétris de psychose. Ils possèdent des pouvoirs dont ils ne veulent pas, dont ils ne savent que faire et qui les font souffrir. Pire : ces capacités hors normes sont la source de tous leurs malheurs. Dix-huit mois après le premier, ce deuxième tome (sur trois prévus) attire encore un peu plus le lecteur dans un labyrinthe scénaristique où Byrne lui-même semble par moment un peu perdu, tant le récit est cérébral et bourré de faux-semblants. Après, même si son style graphique – trop typé années 80, trop ‘propre’ – y apparaît parfois en décalage avec le ton choisi, on ne peut que saluer cette remise en question de la part d’une telle méga-star à l’époque.

Deux séries, deux visions à la fois proches et distinctes et deux occasions pour les fans de John Byrne, histoire de rentrer plus en détail dans l’œuvre de ce grand artisan des comics un peu trop ignoré de la jeune génération.

PS : pour les fans, à noter que la couverture de ce deuxième volet des aventures des Next Men est signée Frank Miller (Daredevil, The Dark Knight). Quant à l’intégrale d’Alpha Flight, on y retrouve au sommaire le grand Steve Ditko (le premier dessinateur ‘culte’ de Sperman et de Doctor Strange) pour un épisode délicieusement rétro de Machine Man où apparaissent trois des membres de l’équipe canadienne.

Olivier Badin

Next Men, Vol. 2 & Alpha Flight: L’Intégrale 1977- 1984 de John Byrne. Delirium et Marvel/Panini Comics. 26 et 35 euros.

 

03 Mai

Year zero ou cette fin du monde qui ne finit jamais…

Une invasion zombie, une société qui s’écroule, des individus essayant chacun à leur façon de survivre… Cela vous rappelle quelque chose ? Bien sûr que Year Zero se revendique ouvertement de The Walking Dead, jusqu’à cette façon de se concentrer sur l’humain plutôt que l’horreur. Mais cette nouvelle saga essaye aussi, timidement, d’écrire son propre petit manuel de survie.

Même pas la peine de tourner autour du pot : le nom de The Walking Dead est cité dès la quatrième ligne du texte d’introduction du premier tome de cette nouvelle série signée par deux petites mains de Marvel et DC Comics. Comme dans la franchise de Robert Kirkman, les auteurs assument d’entrée de s’intéresser plus aux comportements de leurs différents personnages face à la catastrophe plutôt qu’à la catastrophe elle-même. D’ailleurs, l’origine de cette pandémie (cela vous rappelle un sujet d’actualité peut-être ?) est assez rapidement expédiée et digne d’un film de science-fiction de série B des années 50 avec ce mort-vivant datant de la préhistoire et soigneusement conservée dans la glace polaire.

Non, là où Year Zero marque plutôt sa différence, c’est par son style choral et mondialiste. Chacun de ces cinq premiers épisodes alternent des scènes tirées de cinq histoires individuelles se déroulant sur cinq continents. Ce yakuza japonais, ce gamin des rues mexicain ou cette traductrice afghane ont tous en commun d’être isolés ou dans une situation très précaire lorsque cette apocalypse zombie balaie tous. Des survivants avant l’heure qui, chacun à leur façon, vont faire face à la désolation en marche…

© AWA/Panini Comics – Benjamin Parcy & Ramon Rosanas

Oui, on voit des corps mutilés. Oui, des gens se font bouffer et cela décapite pas mal. Mais pourtant, il y a ici un côté presque contemplatif ici, notamment chez ce tueur à gages japonais au calme olympien avec ses longs monologues intérieurs. Voire limite drôle chez ce survivaliste du midwest américain qui sous sa misanthropie de façade cache en fait un grand geek timide en surpoids qui ne demande qu’à avoir des amis et être aimé.

On ne sait pas encore comment tous ces destins vont finir par se rejoindre, ni comment ces deux auteurs vont réussir à se détacher de leur modèle. Mais la justesse du ton, ainsi que le rythme général assez soutenu qui permet de ne jamais décrocher malgré les multiples aller-retour scénaristiques donnent envie de connaître la suite. Comme quoi, on peut être mort et savoir quand même se renouveler.

Olivier Badin

Year Zero – Tome 1 de Benjamin Parcy et Ramon Rosanas. AWA/Panini Comics. 18 €

© AWA/Panini Comics – Benjamin Parcy & Ramon Rosanas

18 Avr

Conan parmi les autre héros Marvel ; une greffe qui ne prend pas ?

 Les crossover – vous savez, ces aventures où se croisent des héros de séries différentes – ont toujours eu le vent en poupe du côté de Marvel depuis les années 60, où l’éditeur s’amusait déjà à faire se rencontrer Spiderman et les Quatre Fantastiques dans le même épisode. Cette fois-ci, c’est Conan qui se prête au jeu mais pas forcément de bonne grâce…

 

Entre Marvel et Conan le Barbare, cela a toujours été une drôle d’histoire. Au début des années 70, le scénariste Roy Thomas a dû littéralement supplier son patron Stan Lee de le laisser adapter en BD le personnage crée par Robert E. Howard en 1932, avant d’en faire l’une des franchises les plus lucratives de « la maison des idées ». Mais après un gros passage à vide à la fin des années 80, Lee le laisse finalement filer à la concurrence laquelle s’empressera, ensuite, de le remettre en selle. Moralité : en 2018, Marvel a de nouveau signé le Cimmérien et visiblement, l’éditeur compte bien rentabiliser son investissement. Donc en plus d’une campagne de réédition colossale, le barbare est actuellement mis à toutes les sauces, avec plus ou moins de réussite.

Ce qui a toujours rendu Conan à part, en plus de l’écriture très classieuse de son créateur, c’est son univers complet et unique, sans vraiment d’autres équivalent chez Marvel. D’où la difficulté d’y ‘transplanter’ d’autres héros… Par un artifice scénaristique un peu pataud, c’est donc le barbare à qui on a demandé ici de faire le voyage pour cette mini-série de cinq épisodes, suite de La Guerre du serpent paru en Septembre dont il répète, hélas, les erreurs.

D’entrée, ça coince avec ce choix, disons, contestable de propulser notre héros dans le Las Vegas d’aujourd’hui sans qu’il ne semble à aucun moment n’en être vraiment troublé. L’autre souci, c’est le côté ‘galerie de personnages’. C’est-à-dire que dans sa quête pour retrouver son ennemi juré le sorcier Kulan Gath, le barbare voit défiler devant lui tout un bataillon de héros ou de méchants ‘mineurs’ dont l’apparition se résume parfois à quelques pages, comme si Marvel avait voulu se servir de cette histoire comme d’une vitrine pour rappeler aux lecteurs l’existence de certains d’entre eux, tel Scarlet Spider. Quitte à un peu trop tout mélanger, Namor le roi d’Atlantis croisant par exemple sans vergogne La Panthère noire pendant que Méphisto tire les ficelles. Un défilé incessant obligeant les auteurs à ne brosser que des portraits assez limités, Conan inclus, dépeint ici comme une brute sans profondeur ne comptant, avant tout, que sur sa force.

Même si sur le papier plutôt amusant, ce road trip frénétique faisant voyager le barbare de Las Vegas aux profondeurs des océans en passant par le Wakanda souffre d’un problème de positionnement. Trop référencé pour les néophytes mais aussi trop superficiel pour les connaisseurs, sans parler d’un style de dessin un peu cartoonesque signé Luke Ross, il ne dépassera sûrement son statut de curiosité un peu trop vite oubliée.

Olivier Badin

Conan – Bataille pour la couronne du serpent par Luke Ross & Saladin Ahmed. Marvel/Panini Comics. 18 €

© Marvel/Panini Comics – Luke Ross & Saladin Ahmed

29 Mar

Undiscovered Country, une vision cauchemardesque de la patrie de l’Oncle Sam post-pandémie

Ils sont juste quelques-uns comme ça, à pouvoir déclencher un projet d’envergure sur leur seul nom. Oui, bien qu’âgé de ‘seulement’ 44 ans, Scott Snyder fait partie de ces scénaristes qui comptent comme on dit : American Vampire, The Swamp Thing ou encore Batman… Cet américain, capable à chaque fois d’imprimer sa patte sans pour autant dénaturer son sujet, s’attaque cette fois-ci au récit post-apocalyptique avec le premier tome d’une série qui s’annonce épique.

Le dernier bébé de Snyder Undiscovered Country est ce que l’on pourrait appeler un blockbuster qui ne se cache pas. Avec son aspect choral, ses quatre autres tomes déjà annoncés et surtout son histoire épique dont on ne fait que deviner les multiples embranchements à la fin de ce premier volume, on n’est même pas étonné d’apprendre que les droits pour le cinéma en ont déjà été vendus, tant ce récit apocalyptique multiplie les superlatifs. Après, ce qui frappe peut-être le plus ici, c’est son caractère involontairement… Prophétique, comme un reflet ultra-pessimiste de ce que notre monde post-COVID pourrait devenir.

Dans un monde ravagé par un mystérieux virus ultra-virulent mortel à 80% du nom d’azur et réduit à deux blocs (l’Europe fusionnée à l’Afrique face à l’Asie), les Etats-Unis sont devenus une forteresse inviolable. Une sorte de prison à ciel ouvert fermée au reste du monde depuis trente ans et dont on ne sait plus rien. Mais lorsqu’un message envoyé de l’intérieur promet un antidote au mal qui terrasse notre planète, un groupe hétéroclite de sept personnages (une journaliste, un docteur, un militaire etc.) aux motivations diverses y est envoyé. Mais ce qu’ils découvrent une fois l’impressionnante enceinte qui jusqu’à maintenant protégeait le continent des regards extérieurs ne correspond pas du tout à ce qu’ils attendaient…

Bien que les références sont multiples et presque toutes cinématographiques (La Planète des Singes, Mad Max, New York 1997 etc.), Snyder et ses compères, dont le coscénariste Charles Soule et le dessinateur Giuseppe Camuncoli, réussissent pourtant à imposer leur vision, bien aidés il est vrai par le travail très pop et vivifiant sur les couleurs. Connu pour être assez bavard, quitte à en faire un peu trop, Snyder fait bien attention à poser son monde ici, faisant bien attention à donner à chaque personnage un background et une raison de vivre propre. Une mise en bouche parfois un peu indigeste mais nécessaire, tant l’univers est riche. Et puis clairement, cela permet de rendre le chemin plus clair pour les (nombreuses) suites à venir. Surtout que le décor est, lui, assez ébouriffant, un pays-continent constellé de ruines et désormais peuplé par des créatures fantasmagoriques. En filigrane, on devine aussi assez facilement un second niveau de lecture, plus politique lui, sur la place de minorités, le repli identitaire ou encore ce qui fait une nation.

Assez touffu, trop parfois, partagé entre blockbuster qui s’assume et œuvre plus personnelle et politique, ce premier volume porte en tous cas de nombreuses promesses, quitte à provoquer une petite frustration que seule la sortie de sa suite pourra calmer. 

Olivier Badin

Undiscovered Country de Scott Snyder, Charles Soule & Giuseppe Camuncoli. Delcourt. 17,50€

14 Mar

Les trésors de Marvel ou comment exploiter au mieux son trésor de guerre ?

Comme DC COMICS avec sa dernière série en date BATMAN ARKHAM, on sent bien que cela turbine sévère du côté des cellules grises de la maison MARVEL pour faire vivre leurs archives à coups de collections au concept plus ou moins légitimes. Là, pour Les Trésors de Marvel, l’idée est de réunir tous les deux mois dans un petit volume de 160 pages vendu à prix très abordable des histoires disparates dont le point commun est leur année de parution.

Sauf que le tout tient presque de la gageure, tant l’univers MARVEL est varié. Au point qu’il est difficile – voire impossible – dans certains cas de choisir une poignée d’épisodes capables de le représenter de façon juste à un instant t. Après, le choix de ce premier tome est intéressant car l’année 1982 est justement une année charnière, celle où la Maison des Idées telle qu’on l’a toujours surnommée était clairement en déclin, plus si courtisée qu’avant car emprisonnée dans des schémas scénaristiques un peu vieillot qui n’avaient pas vraiment changé depuis le milieu des années 60.

Justement, tout l’intérêt du présent volume est de faire la liaison entre l’ancien et le nouveau. Soit sept histoires tirées soit de séries qui étaient alors toujours coincées dans une certaine rengaine du ‘super-méchant-arrive-détruit-tout-New-York-super-héros-arrive-et-arrête-super-méchant-après-une-bataille-épique’, soit animées d’une envie d’entrer dans l’âge adulte tout en foutant un sacré coup de pied dans la fourmilière. Et ici, le leader révolutionnaire qui allait mettre le feu a un nom : Frank Miller.

© Marvel/Panini Comics

Oui, certains l’ont peut-être oublié mais le futur créateur de Sin City et de Batman : Dark Night a fait ses armes chez MARVEL. Lorsqu’il reprend Daredevil en 1979, c’est alors quasiment un inconnu  à qui on confit un titre en perte de vitesse. Il en fera la matrice de toute son œuvre à venir, ultra-réaliste et violente, presque plus sur le plan psychologique que graphique, tout en développant son sens du cadrage, urbain et moderne à la fois. L’épisode choisi ici (Dernière Carte) est l’une des clefs de voûte de son œuvre : devenu aussi scénariste, en plus de tuer l’un de ses personnages, il se permet de tout centrer ici sur le tueur-à-gages psychotique Bullseye, reléguant le super-héros aveugle au second plan. Le résultat est d’une noirceur absolue et reste, encore aujourd’hui, un chef d’œuvre qui tranche nettement avec les autres productions de l’époque, comme le prouvent malgré eux les deux épisodes de Spider-Man choisis pour œuvre ce volume, terriblement prévisibles en comparaison.

© Marvel/Panini Comics

Même s’il est un chouia moins radical dans ses choix artistiques (c’est Chris Claremont, le taulier des X-Men alors, qui se charge du scénario ici), ce n’est pas pour rien non plus qu’on retrouve Miller aussi à la manœuvre derrière le premier épisode de Wolverine, également inclus ici. Et attendez, ce n’est pas fini avec aussi au générique Alex Ross pour la couverture et, entre autres, le canadien John Byrne, alors sur le point d’entamer un run historique à la tête des Quatre Fantastiques. Ça c’est du casting !

Après, difficile de savoir quel type de lecteur est ciblé ici. Le fan pur et dur possède sûrement déjà la majorité de son contenu alors que le novice, lui, hésitera peut-être à se plonger ainsi dans des histoires isolées de leurs séries respectives. Mais bon, à ce prix-là et rien que pour Dernière Carte si vous ne l’avez jamais lu, c’est plus que tentant…

Olivier Badin 

Les Trésors de Marvel – Volume 1 : 1982, collectif. Marvel/Panini Comics. 7 €

08 Mar

Nemesis le sorcier revient et va encore plus loin dans le délire steampunk / fantasy !

Boudiou, les tarés du magazine anglais culte des années 80 2000 AD nous avaient pourtant habitué à aller très loin dans leurs délires. Notamment avec la série ultra-acide Judge Dredd, à laquelle comme par hasard presque tous les artistes présents au générique de Nemesis ont d’ailleurs participé, en premier lieu le scénariste Pat Mills. Et puis on avait déjà prévenu par un premier tome bien épique il y a dix-huit mois… Mais là, c’est officiel : Nemesis Le Sorcier est la série la plus dingo et la plus cosmique de l’univers 2000 AD !

Les points communs entre Nemesis et Judge Dredd sont légions : l’ambiance steampunk, l’humour ultra-noir, la violence sans aucun filtre et, à peine sous-jacent, la virulente critique sociale. Sauf que par rapport à celui qui est la Loi, Nemesis ajoute d’abord une grosse louche de dark fantasy et de mysticisme mais surtout gagne au fur et mesure en puissance, jusqu’à la démesure. Sorti à l’automne 2019, le précédent volume de cette première traduction française quarante ans presque après sa parution initiale avait posé les bases de l’univers en quelque sorte : une Terre ravagée par les guerres nucléaires et où les êtres humains se sont réfugiés sous la surface, dans des mégalopoles rappelant beaucoup le foyer de Dredd (Mega City One) où les citoyens vivent sous la coupe de Torquemada, inquisiteur fou à lier. Assistés par ses Terminators (oui, des années avant le film du même nom), ce bigot sème la terreur tout en faisant la guerre à ceux qu’il nomme les déviants, en premier lieu les aliens (terme, on s’en souvient, qui pourrait se traduire par ‘étranger’). Seul face à lui, Nemesis, magicien au look de centaure cyberpunk…

© Delirium /  Pat Mills, Kevin O’Neill, Bryan Talbot & John Hickelton

Après un donc premier tome pourtant déjà assez délirant avec son noir et blanc classieux, ces nouvelles hérésies serties dans une, une nouvelle fois, très belle édition à couverture cartonnée vont encore plus loin, accentuant l’aspect space opera de la saga tout en y ajoutant des paradoxes temporels. Surtout, Mills se focalise ici sur Torquemada, génial et sadique bad guy à qui il fait tout subir mais pour mieux à chaque fois le remettre en selle, quitte à reléguer au second plan un Nemesis plus nuancé car au final assez éloigné de l’image du chevalier blanc que l’on pourrait avoir de lui. Mais surtout, au-delà des multiples clins d’œil à la pop culture (les connaisseurs reconnaîtront même Vincent Price au détour d’une page par exemple) il ne semble y avoir ici aucune limite, ni en terme de graphisme ni de détours scénaristiques. Lorsque John Hicklenton prend le stylo sur le dernier quart, la série plonge alors dans une noirceur inégalée, où toute trace d’ironie a disparu, pour ne laisser que des personnages plus grotesques et déstabilisants les uns que les autres et où plus aucune lumière ne filtre.

© Delirium / Pat Mills, Kevin O’Neill, Bryan Talbot & John Hickelton

Difficile de résumer ces trois cents et quelques pages apocalyptiques, surtout que sa parution originale en épisode hebdomadaire ont imposé à leurs auteurs à enquiller des rebondissements à la chaine à en faire pâlir d’envie les scénaristes de la série 24H. Mais au-delà du côté luxueux de l’objet et de ses bonus à la hauteur – dont des romans photos ( !) et une ‘histoire de vous êtes le héros’ – cette ressortie dantesque consacre surtout Nemesis comme l’un des récits les plus épiques et les plus épiques jamais publiés dans les pages du pourtant pas très avare en superlatifs 2000 AD. Bref, on ne va pas y aller pas quatre chemins : buy or die !

Olivier Badin

Nemesis Le Sorcier – Les Hérésies Volume 2 de Pat Mills, Kevin O’Neill, Bryan Talbot & John Hickelton. Delirium. 35 €