29 Mar

Undiscovered Country, une vision cauchemardesque de la patrie de l’Oncle Sam post-pandémie

Ils sont juste quelques-uns comme ça, à pouvoir déclencher un projet d’envergure sur leur seul nom. Oui, bien qu’âgé de ‘seulement’ 44 ans, Scott Snyder fait partie de ces scénaristes qui comptent comme on dit : American Vampire, The Swamp Thing ou encore Batman… Cet américain, capable à chaque fois d’imprimer sa patte sans pour autant dénaturer son sujet, s’attaque cette fois-ci au récit post-apocalyptique avec le premier tome d’une série qui s’annonce épique.

Le dernier bébé de Snyder Undiscovered Country est ce que l’on pourrait appeler un blockbuster qui ne se cache pas. Avec son aspect choral, ses quatre autres tomes déjà annoncés et surtout son histoire épique dont on ne fait que deviner les multiples embranchements à la fin de ce premier volume, on n’est même pas étonné d’apprendre que les droits pour le cinéma en ont déjà été vendus, tant ce récit apocalyptique multiplie les superlatifs. Après, ce qui frappe peut-être le plus ici, c’est son caractère involontairement… Prophétique, comme un reflet ultra-pessimiste de ce que notre monde post-COVID pourrait devenir.

Dans un monde ravagé par un mystérieux virus ultra-virulent mortel à 80% du nom d’azur et réduit à deux blocs (l’Europe fusionnée à l’Afrique face à l’Asie), les Etats-Unis sont devenus une forteresse inviolable. Une sorte de prison à ciel ouvert fermée au reste du monde depuis trente ans et dont on ne sait plus rien. Mais lorsqu’un message envoyé de l’intérieur promet un antidote au mal qui terrasse notre planète, un groupe hétéroclite de sept personnages (une journaliste, un docteur, un militaire etc.) aux motivations diverses y est envoyé. Mais ce qu’ils découvrent une fois l’impressionnante enceinte qui jusqu’à maintenant protégeait le continent des regards extérieurs ne correspond pas du tout à ce qu’ils attendaient…

Bien que les références sont multiples et presque toutes cinématographiques (La Planète des Singes, Mad Max, New York 1997 etc.), Snyder et ses compères, dont le coscénariste Charles Soule et le dessinateur Giuseppe Camuncoli, réussissent pourtant à imposer leur vision, bien aidés il est vrai par le travail très pop et vivifiant sur les couleurs. Connu pour être assez bavard, quitte à en faire un peu trop, Snyder fait bien attention à poser son monde ici, faisant bien attention à donner à chaque personnage un background et une raison de vivre propre. Une mise en bouche parfois un peu indigeste mais nécessaire, tant l’univers est riche. Et puis clairement, cela permet de rendre le chemin plus clair pour les (nombreuses) suites à venir. Surtout que le décor est, lui, assez ébouriffant, un pays-continent constellé de ruines et désormais peuplé par des créatures fantasmagoriques. En filigrane, on devine aussi assez facilement un second niveau de lecture, plus politique lui, sur la place de minorités, le repli identitaire ou encore ce qui fait une nation.

Assez touffu, trop parfois, partagé entre blockbuster qui s’assume et œuvre plus personnelle et politique, ce premier volume porte en tous cas de nombreuses promesses, quitte à provoquer une petite frustration que seule la sortie de sa suite pourra calmer. 

Olivier Badin

Undiscovered Country de Scott Snyder, Charles Soule & Giuseppe Camuncoli. Delcourt. 17,50€