08 Août

Chroniques d’été : Finnele ou le regard d’une jeune alsacienne sur la guerre de 14

Couv_217620C’est l’été, les doigts de pied en éventail, le cerveau en mode veille et enfin du temps pour lire et rattraper le retard. Sur la table de chevet, quelques livres en attente comme celui-ci, Finnele, sorti en mai dernier…

Les livres ayant pour contexte la guerre de 14-18 sont nombreux en cette année de commémoration. Nombreux mais finalement assez variés dans leur approche, dans leur forme aussi. Et celui-ci ne fait que confirmer la chose. Ecrit et dessiné par Anne Weinstroerffer, alias Anne Teuf, Finnele offre un point de vue très particulier sur l’époque, celui d’une petite fille alsacienne, Finnele, qui n’est autre que la grand-mère de l’auteure. Sur 200 pages, cet album en noir et blanc raconte la jeunesse de cette femme, la guerre, la mobilisation, les bombardements, l’exil, la peur, la mort, l’arrivée des troupes françaises, les déchirements au sein d’une population partagée entre l’Allemagne et la France, et finalement le retour de l’Alsace dans le giron français.

Basé sur une histoire vraie, Finnele n’en est pas moins une fiction comme l’explique l’auteure elle-même : « Je dispose de très peu d’éléments sur la vie de ma grand-mère durant cette période-là. Je me suis basé sur ce que j’avais et j’ai inventé le reste à partir de faits historiques avérés… ». Plus connu dans le monde de l’édition jeunesse, Anne Teuf signe ici un premier album BD pour le moins séduisant, intéressant aussi bien dans le fond que dans la forme avec un graphisme semi-réaliste précis et des planches dénuées de cases. Une belle découverte !

Eric Guillaud

Finnele, Le front d’Alsace, de Anne Teuf. Editions Delcourt. 14,95 € 

© Delcourt / Anne Teuf

© Delcourt / Anne Teuf

07 Août

Chroniques d’été : Le Horla de Maupassant adapté par Guillaume Sorel

Couv_208522C’est l’été, les doigts de pied en éventail, le cerveau en mode repos et enfin du temps pour lire et rattraper le retard. Sur la table de chevet, quelques livres en attente comme celui-ci sorti en mars de cette année. C’est le moment…

Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, signer l’adaptation d’une oeuvre littéraire mondialement connue que ce soit au cinéma ou comme ici en bande dessinée n’est pas du tout chose aisée. C’est même très risqué pour ne pas dire casse-gueule et le seul apport du visuel sur pellicule ou papier ne suffit pas à faire de l’adaptation une oeuvre digne d’intérêt.

Le Horla, nouvelle fantastique de Guy de Maupassant, a été maintes fois porté à l’écran mais aussi adapté au théâtre et, déjà, en bande dessinée. Malgré tout, l’adaptation de Guillaume Sorel, auteur de BD et illustrateur connu pour ses univers fantastiques, signe ici une adaptation racée grâce à un style graphique fin et nerveux, une mise en page efficace, des atmosphères travaillées… Un voyage express dans les ténèbres de l’esprit !

Eric Guillaud

Le Horla, de Guillaume Sorel. Editions Rue de Sèvres. 15 €

© Rue de Sèvres / Sorel

© Rue de Sèvres / Sorel

04 Août

Le fan-club néerlandais de Tintin, Hergé Genootschap, traîné au tribunal par Moulinsart

© MaxPPP - Hergé

© MaxPPP – Hergé

On ne rigole plus au pays des bulles ! Selon un article de nos confrères du figaro.fr paru ce jour, la société Moulinsart intenterait un procès à Hergé Genootschap, le fan-club néerlandais, pour utilisation illégale de l’image du héros.

Moulinsart c’est quoi ?

Lecteurs assidus de Tintin ou non, tout le monde connaît ce nom. Moulinsart est le château imaginé par Hergé pour les aventures de son personnage. Il apparaît dans l’album Le Secret de la Licorne et devient la propriété du capitaine Haddock. Tintin, mais aussi les Dupondt, Professeur Tournesol, la Castafiore… y séjourneront régulièrement.

Moulinsart est aussi le nom d’une société chargée de l’exploitation commerciale de l’œuvre d’Hergé notamment à travers ses éditions et ses produits dérivés. Et là, ce n’est plus la même limonade.

De l’imaginaire à la réalité, une différence de quelques millions d’euros

Dans un article publié en octobre 2013 sur Slate.fr, le journaliste Lionel Maurel explique comment la société Moulinsart tente d’empêcher Tintin d’entrer dans le domaine public, en publiant un nouvel album par exemple avant 2053. Et de rappeler que « Gérés par la Société Moulinsart avec à sa tête Nick Rodwell, l’époux de la veuve d’Hergé, les droits sur cette œuvre majeure du 20ème siècle sont fortement défendus, y compris en traînant devant les tribunaux des tintinophiles souhaitant rendre hommage à l’œuvre du dessinateur »

Tintin prisonnier de Moulinsart ?

Quentin Girard l’affirme en tout cas en titrant son papier ainsi sur libération.fr en mars dernier. Et d’expliquer comment lui-même et un autre journaliste ont eu maille à partir avec la société Moulinsart après qu’ils aient lancé conjointement un blog et un compte twitter intitulés Le Petit XXIe traitant de l’actualité du jour avec des cases extraites des aventures de Tintin. Si les images présentes sur le blog ont toutes été supprimées à la demande de Moulinsart, le compte Twitter semble lui poursuivre son petit bonhomme de chemin.

Pour Quentin Girard, « la réaction de Moulinsart montre surtout une absence totale de compréhension des nouveaux usages numériques. Si l’on s’attarde deux secondes sur le cas du Petit XXIe, qu’y voit-on? Un blog qui montre chaque jour l’incroyable richesse des albums de Tintin, qui permettent d’illustrer le Boeing malaisien disparu, les affrontements en Ukraine, les écoutes ou même une histoire de cambrioleurs dénoncés par un perroquet. Hergé a traversé le XXe siècle, a vécu de multiples soubresauts de l’histoire, a traité les grandes révolutions comme les faits divers, les vols à l’étalage comme la conquête de la Lune. Et l’histoire ayant une fâcheuse tendance à balbutier, il est toujours étonnant de voir à quel point le discours de l’envahisseur japonais dans le Lotus bleu, «pour le bien des peuples», ressemble à celui de Poutine sur la Crimée. »

Eric Guillaud

30 Juil

Blake et Mortimer héros d’un hors-série des magazines Le Point et Historia

ob_738522_2014-07-lepoint-historiaA l’instar du cinéma, de la littérature ou de n’importe quel autre art, la bande dessinée a toujours reflété, ne serait-ce qu’en filigrane, son époque et donc ses courants de pensée, ses mœurs, ses peurs, ses espoirs, ses avancées technologiques… Bien sûr, les aventures de Blake et Mortimer n’échappent pas à la règle. Lancées par Edgar P. Jacobs en 1946, elles vont accompagner les lecteurs sur près d’une génération depuis Le Secret de l’espadon, dont le scénario est construit sur la menace d’un conflit atomique entre la Chine et le monde occidental, jusqu’au japonisant  3 formules du professeur Satõ qui met en scène en ce tout début des années 70 les progrès de la robotique.

C’est cet arrière-plan historique que les magazines Le Point et Historia, associés sur le coup, ont souhaité mettre en avant dans ce hors-série de plus de 110 pages très complet, parfaitement documenté et illustré. On y parle donc du péril jaune, du secret des pyramides, de Scotland Yard, de l’Atlantide, des savants fous, des intelligences artificielles… mais aussi bien sûr du légendaire tandem Blake et Mortimer ainsi que de leur créateur Edgar P. Jacobs. Un ouvrage de référence pour les nombreux fans de cette série qui a été reprise depuis 1990 par différents auteurs. Le prochain épisode, Le bâton de Plutarque, réalisé par Yves Sente et André Juillard est d’ailleurs attendu pour le 5 décembre prochain.

Disponible en kiosque au prix de 8,90 €

 

Eisner Awards 2014 : Jacques Tardi reçoit le prix de la meilleure BD étrangère avec Putain de guerre

939_4fc4e482ad8a4e1dba3300f069a76ae8Publié chez Casterman en 2008, réédité en 2014, édité aux Etats-Unis sous le titre Goddamn this war!, l’album de Jacques Tardi et de Jean-Pierre Verney sur la guerre de 14/18, Putain de guerre !, a remporté le prix de la meilleur BD étrangère aux Eisner Awards 2014.

De La Fleur au fusil à Putain de guerre! en passant par Varlot soldat, La Der des Ders ou La Véritable histoire du soldat inconnu, Jacques Tardi n’a eu de cesse de crier son incompréhension, son indignation face à cette boucherie à ciel ouvert, ce suicide collectif, dessinant sans relâche les tranchées, les bombes, les barbelés, les gaz… et surtout les hommes, ces hommes français, allemands ou autres, terrés, apeurés, côtoyant chaque jour les rats et la boue, les excréments et les charognes, les boyaux et les morceaux de cervelles, les gueules cassées et les corps en décomposition. Des héros ? Non, Tardi les dessine comme des hommes plus souvent avec la trouille au ventre que l’envie d’en découdre. Dans ses albums, comme ici dans Putain de guerre!, Tardi va au plus près pour toucher l’horreur de sa pointe de crayon. Un véritable témoignage lu et approuvé par les historiens notamment par Jean-Pierre Verney, son ami, qui signe ici une trentaine de pages sur la Grande guerre accompagnées de moultes photographies (la chronique complète de l’album ici).

Dans la même catégorie concourait notamment le livre de David B., Incidents in the night, publié en France par l’éditeur indépendant L’Association.

Le palmarès complet ici

25 Juil

Chroniques d’été : L’amour est dans les vignes… et dans « Premières vendanges » de Wandrille et Nalin

album-cover-large-22604C’est l’été, les doigts de pied en éventail, le cerveau en mode repos et enfin du temps pour lire et rattraper le retard. Sur la table de chevet, quelques livres en attente. C’est le moment…

« Le maire nous unit, le curé nous bénit, vive le maire, vive le curé, vive le Mercurey ! » Et c’est parti pour deux semaines de vendanges. Deux semaines de dur labeur au milieu des vignes, deux semaines aussi de fiesta entre vendangeurs, filles et garçons. Il faut bien goûter le raisin ! Et pour rien au monde, Caroline et Laetitia auraient loupé ce rendez-vous, emmenant même avec elles cette année une amie néophyte, Inès. Le cul en l’air, le nez dans la terre, les mains dans le raisin, nos trois copines vont connaître les joies des vendanges et revenir un peu plus grandes, un peu plus adultes…

Bon, Premières Vendange, sorti en avril, n’est pas la BD du siècle. Rien de très profond ici mais une histoire qui nous parle tout de même d’amitié, d’amour, de passage à l’âge adulte. Les auteurs, Wandrille et Anne-Lise Nalin, ont tous deux participé à la bédénovela Les Autres gens créée par Thomas Cadène, autrefois disponible sur le web et en album chez Dupuis. Anne-Lise Nalin signe ici son premier véritable album, son trait semi réaliste apporte une fraîcheur étonnante à l’ensemble. A lire sous le soleil exactement, entre la glace pistache-coco et l’apéro !

Eric Guillaud

Premières vendanges, de Wandrille et Anne-Lise Nalin. Editions Delcourt. 14,50 €

© Delcourt - Wandrille & Nalin

© Delcourt – Wandrille & Nalin

21 Juil

Chroniques d’été : La Technique du périnée ou l’amour 2.0 selon Ruppert et Mulot

9782800160795C’est l’été, les doigts de pied en éventail, le cerveau en mode repos et enfin du temps pour lire et rattraper le retard. Sur la table de chevet, quelques livres en attente comme cette bande dessinée de Ruppert et Mulot sur l’amour 2.0. C’est le moment…

Et quand je dis l’amour 2.0, il serait plus juste de dire le sexe 2.0 tant l’histoire que nous racontent Ruppert et Mulot commence comme une histoire de sexe purement et simplement. Du sexe virtuel mais du sexe ! JH, jeune homme bien sous tous rapports rencontre une fille, Sarah, via l’application OKCupid. Ensemble, ils prennent l’habitude de se connecter sur Skype et de s’y adonner à quelques fantaisies érotiques pour le plaisir de l’autre. Un jeu solitaire qui tourne vite au jeu de séduction. Et ce qui devait arriver arriva : JH souhaite rencontrer Sarah pour de vrai. Et il la rencontre dans une soirée mondaine et libertine pendant laquelle la jeune femme lui propose un défi sexuel ou plus exactement un défi d’abstinence sexuelle. JH devra muscler son périnée pour dissocier l’orgasme de l’éjaculation et ne plus éjaculer pendant plusieurs mois…

Florent Ruppert et Jérôme Mulot viennent du monde de la bande dessinée dite alternative, L’Association notamment, où ils ont rôdé leur technique de travail. L’un et l’autre contribuent au dessin comme au scénario. Après La Grande Odalisque, album également paru aux éditions Dupuis, le tandem signe La Technique du périnée, un récit étonnant sur fond de libertinage et d’échangisme mais un récit jamais vulgaire, jamais pornographique. Vous ne verrez pas ici de scènes hard ou même érotiques, tout est dans la métaphore, la suggestion. Une BD de cul sans cul en somme, du moins graphiquement. C’est léger, épuré, rafraîchissant, on l’emmène dans le sac de plage !

Eric Guillaud

La Technique du périnée, de Ruppert et Mulot. Editions Dupuis. 20,50 €

20 Juil

Chroniques d’été : André Juillard et Didier Convard rendent hommage à Blake et Mortimer

Couv_213736C’est l’été, les doigts de pied en éventail, le cerveau en mode repos et enfin du temps pour lire et rattraper le retard. Sur la table de chevet, quelques livres en attente. C’est le moment…

Cela fait quelques années que Francis Blake et Philip Mortimer ne courent plus après la marque jaune. L’un et l’autre se sont retirés et profitent d’une retraite bien méritée. Mais une lettre mystérieuse en provenance du Caire et signée du dernier gardien du secret vient les sortir d’une certaine léthargie et leur offrir une ultime aventure, une aventure immobile.

Sorti en avril dernier, ce magnifique petit livre au format à l’italienne, conçu par le tandem Convard – Juillard, se présente comme un vibrant hommage aux héros créés par Edgar P. Jacobs en 1946. Sur la base d’un échange de courrier entre un Blake et un Mortimer vieillis, ils élaborent une dernière aventure avec au menu quelque révélations et surtout cette toujours profonde amitié qui lie les deux hommes.

Une très beau livre conçu pour les amoureux des aventures de Blake et Mortimer et plus largement du Neuvième art !

Eric Guillaud

L’Aventure immobile, de Convard et Juillard. Editions Blake & Mortimer. 13,99 €

18 Juil

Le Captivé ou l’histoire ahurissante d’un voyageur compulsif

COUVERTURE_CAPTIVE_WEB1A voir la moitié de la France se jeter sur les routes chaque été, on pourrait penser le pays atteint de voyagite aiguë. Mais ce serait sans compter avec les vrais cas pathologiques. Albert Dadas en fait partie. Lorsqu’il décide de prendre la route, ce n’est pas pour s’allonger sur une plage ensoleillée ou faire le tour des châteaux de la Loire. Albert Dadas n’a rien du touriste moyen, c’est un captivé, un homme atteint de la folie du fugueur. Il suffit qu’il entende un nom de ville ou de pays pour qu’il quitte immédiatement sa maison et se mette à marcher en leur direction. Ainsi, va-t-il se retrouver successivement à Pau, Paris, Nantes, Marseille mais aussi en Algérie, à Moscou, en Pologne ou en Autriche… Et à chaque fois le même scénario : Albert Dadas finit dans un hôpital ou une prison, sans argent, sans papier… jusqu’au jour où sa route croise celle de Philippe Tissié, un jeune interne en psychiatrie à l’hôpital Saint-André de Bordeaux.

Un sympathique scénario de fiction pensez-vous ? Bien plus que cela. L’histoire du Captivé est en fait basée sur des faits et des personnages bien réels que Christophe Dabitch (Abdallahi, Jeronimus…) et Christian Durieux (Le Pont, Les Gens honnêtes…) ont exhumés après un conséquent travail de recherche et de documentation. L’album reconstitue la vie d’errance de Dadas mais aussi et surtout sa rencontre avec Tissié qui parviendra à le guérir et deviendra ainsi célèbre. Un récit étonnant à la mise en scène et au graphisme irréprochables.

Eric Guillaud

Le Captivé, de Dabitch et Durieux. Editions Futuropolis. 19 €

Futuropolis / Dabitch & Durieux

Futuropolis / Dabitch & Durieux