09 Fév

100 Maisons : l’histoire d’une cité Castor racontée par Delphine Le Lay, Marion Boé et Alexis Horellou

100 MAISONS C1 ok.inddPas facile de se loger dans la France des années 50. La guerre est passée par là avec son cortège de bombardements et de destructions. A Quimper comme ailleurs, les familles s’entassent dans des appartements souvent exigus et sans commodité. A la fatalité, pourtant, un certain nombre d’entre-elles vont préférer se prendre par la main et s’associer autour d’un projet de cité HLM. Son nom : La Cité des Abeilles. 100 maisons à construire et à se répartir en fonction des compositions familiales. Pendant quatre ans, par tous les temps, les familles vont donner leur temps libre et leurs congés payés pour que naisse ce projet. Un défi en même temps qu’un véritable élan de solidarité qu’on retrouve à la même époque dans quantité de villes en France comme Bordeaux, Brest ou Nantes sous le nom générique de Cités Castors.

Après Plogoff, qui retraçait déjà le très bel élan de solidarité d’un peuple, uni en l’occurrence contre un projet de centrale nucléaire, Delphine Le Lay et Alexis Horellou signent une nouvelle BD documentaire passionnante. Particulièrement documenté, 100 Maisons a bénéficié au scénario des lumières de Marion Boé. La jeune femme a réalisé un film sur la cité où elle se rendait petite pour visiter ses grands-parents.

Eric Guillaud

100 Maisons, de Le Lay, Boé et Horellou. Editions Delcourt. 14,95 €

Delcourt / Le Lay, Boé et Horellou

Delcourt / Le Lay, Boé et Horellou

 

03 Fév

L’esprit à la dérive : Samuel Figuière raconte son père entre guerre d’Algérie et démence sénile

9782365350662Des tremblements, des pertes de mémoire, des sautes d’humeur… Mais ce n’est pourtant ni de la maladie de parkinson, ni d’alzheimer dont souffre René Figuière. On appelle ça la leucoaraïose, une maladie du système nerveux central, une banale démence sénile.

Lorsque le diagnostic tombe, il n’y a déjà plus rien à faire. La femme et le fils de René Figuière, Samuel qui est en l’occurrence l’auteur de cet album, comprennent qu’ils vont être les témoins impuissants d’une longue déchéance. Homme déjà réservé, René Figuière se renferme alors un peu plus sur lui-même. La peinture et la musique deviennent ses derniers refuges. Atour de lui, la vie continue tant bien que mal. Histoire de maintenir un lien avec son père, Samuel se lance dans l’adaptation en BD de ses carnets d’Algérie. On y découvre un homme qui avait eu le courage de dire non au port d’armes pendant son service militaire. Envoyé malgré tout en Algérie, il subit maintes humiliations et harcèlements de la part de ses chefs, jusqu’à passer en conseil de discipline.

Samuel Figuière, auteur par ailleurs de Chamans, La Maison à vapeur ou encore de Terre des ogres nous raconte l’histoire de son père et au delà l’histoire de leur relation père-fils avec beaucoup de tendresse et d’humanité. Il ne fait pas de son père un super-héros, juste un gars prêt à défendre ses convictions jusqu’au a bout. Et c’est déjà pas mal… Une belle histoire!

Eric Guillaud

L’Esprit à la dérive, de Samuel Figuière. Editions Warum?. 18€

01 Fév

Le palmarès 2015 du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême (FIBD)

arabe_c12-tt-width-300-height-430-bgcolor-FFFFFFLe Festival International de la Bande Dessinée s’est achevé ce dimanche sur la cérémonie officielle de remise des prix. Et les heureux élus sont :

Prix du Meilleur album : L’Arabe du futur de Riad Sattouf. Allary Editions

Prix du public Cultura : Les Vieux Fourneaux de Lupano et Cauuet. Editions Dargaud

Prix Spécial du Jury : Building Stories de Chris Ware

Prix de la série : Last Man, de Balak, Vivès et Sanlaville

Prix jeunesse : Les Royaumes du nord (volume 1), de Stéphane Melchior et Clément Oubrerie. Editions Gallimard

Prix Révélation : Yékini le roi des arènes, de Xavier et Lugrin. Editions FLBLB

Prix du patrimoine : San Mao, de Zhang Leping. Éditions Fei

Fauve Polar SNCF : Petites coupures à Shioguni, de Chavouet. Editions Philippe Picquier

Prix de la BD alternative : Dérive urbaine, collectif

D’autre part, un Grand Prix Spécial a été remis en début de festival à Charlie Hebdo, « pour que le souvenir du travail de tous les contributeurs de ce titre essentiel de la presse française reste dans les mémoires, en hommage aux dessinateurs assassinés et à leur nécessaire combat pour la liberté d’expression« .

Enfin, c’est le japonais Katsuhiro Otomo (Domu, Akira, Rêves d’enfant…) qui a été proclamé lauréat du Grand Prix du 42e Festival international de la bande dessinée, avec 38% des suffrages exprimés au second tour. Hermann, Alan Moore et donc Katsuhiro Otomo figuraient parmi les trois finalistes du premier tour du scrutin fin décembre, un vote ouvert à 3500 auteurs professionnels.

Plus d’infos ici

23 Jan

Comment devenir un mauvais père ? Guy Delisle vous donne des astuces

Couv_233401Obliger son fils à jouer aux jeux vidéo tous les soirs alors qu’il souhaiterait simplement lire un roman, voilà de quoi est capable Guy Delisle. Un mauvais père ? Pas tant que ça car à l’arrivée le fiston finit par détester les jeux vidéos. Ecoeuré ! Et c’était bien l’objectif recherché. Bon, personnellement, j’ai voulu tester la méthode sur mes deux filles, le résultat n’a pas été franchement concluant. Et je doute que ce soit différent dans la vraie vie de l’auteur.

Reste que les histoires de Guy Delisle réunies dans Le Guide du mauvais père, troisième volume, à défaut d’être vraiment utiles pour la bonne éducation de vos enfants, vous permettra de rire un bon coup. Et c’est finalement l’essentiel. Sur le ton de l’autodérision, l’auteur canadien, dont on peut régulièrement savourer les carnets de voyage (Shenzhen, Pyongyang, Chroniques de Jerusalem…) tente ici de se faire passer pour un mauvais père en tentant de faire pire que ses enfants question bêtises ou défis débiles. Une succession de courtes histoires jubilatoires qui font bigrement du bien en ces temps sacrément lourdingues.

Eric Guillaud

Le Guide du mauvais père, de Guy Delisle. Editions Delcourt. 9,95 €

© Delcourt / Delisle

© Delcourt / Delisle

22 Jan

Le Grand méchant renard de Benjamin Renner : même les poules en rigolent

tumblr_nibsw62HUm1rb1rgoo10_1280 Costaud comme une huitre, aussi charismatique qu’une limace séchée dans un pot de sel, aussi féroce qu’une tortue anémique à la retraite…

N’en jetez plus, la coupe est pleine. Non seulement, le grand méchant renard se fait balader par les poules mais il doit encore subir les moqueries du loup de la forêt voisine qui ne supporte plus cette mauvaise image donnée présentement des prédateurs. C’est vrai quoi. Où va-t-on si les renards ne font plus la loi dans les poulaillers et doivent se contenter de manger des navets ?

Mais le grand méchant renard a un plan : voler des oeufs, les couver, élever les poussins et les manger. Il fallait y penser. C’est tout bête…

A défaut d’être méchant, le renard de Benjamin Renner est divinement drôle. Comme les autres personnages qui traversent cette histoire sans cases, sans décors, sans bulles. Un one shot qui se lit d’une traite et vous laisse un sacré goût de rigolade dans le bec. Il faut dire que l’auteur a plus d’une plume à son arc même s’il signe ici sa première BD. Benjamin Renner est en effet l’un des co-réalisateurs du long-métrage « Ernest et Célestine », récompensé par de multiples récompenses dont le César du Meilleur film d’animation en 2013. Un grand méchant bonheur !

 Et si vous aussi rêvez de jouer les grands méchants renards, alors par ici la sortie.

Eric Guillaud

Le Grand méchant renard, de Benjamin Renner. Editions Delcourt. 16,95 €

© Delcourt / Renner

© Delcourt / Renner

16 Jan

L’Algérie c’est beau comme l’Amérique, un voyage sur les traces de la famille pied-noir d’Olivia Burton

L'Algérie_CouvIl y a des héritages qui ne sont pas toujours faciles à assumer. Olivia est petite-fille de pieds-noirs, rien de grave me direz-vous, mais l’image que lui ont renvoyé ses camarades de fac – celle de colons exploiteurs – ne l’a pas vraiment aidé sur ce point.

Mais que sait-elle au juste de ce passé familial ? De cette vie d’agriculteurs dans les Aurès, de réfugiés à Alger et finalement de déracinés à Marseille ? Trois fois rien. Il y a bien eu ces réunions de famille où chacun se noyait en fin de repas dans des souvenirs parfois heureux, plus souvent douloureux. Il y a eu aussi ces albums photos qu’elle consultait enfant, ces noms de village, Bernelle et Corneille, qui revenaient sans arrêt dans les conversations…

Et puis, il y a eu cette grand-mère qui aimait raconter sa vie en Algérie, le travail acharné de son mari pour défricher les terres, le froid l’hiver, la chaleur l’été, les nuages de sauterelles et puis bien sûr la guerre, l’incendie de la ferme, le départ pour Alger, l’exil…

En mourant, la grand-mère a laissé un dossier à Olivia avec tous ses souvenirs. C’est peut-être ce qui a décidé la jeune femme à se lancer dix ans plus tard sur les traces de sa famille en Algérie avec l’ambition d’y retrouver un village, une maison, une rue, une tombe, un coin de photo, une atmosphère, une odeur qui lui parlent de ses origines, de ses racines.

Un titre qui se lit forcément avec l’accent, une couverture qui respire le soleil, L’Algérie c’est beau comme l’Amérique raconte avec simplicité et sensibilité ce voyage au bout de l’intime. L’Algérie, c’est un peu l’Amérique d’Olivia, un pays mille fois imaginé, rêvé, fantasmé. Alors bien sûr on pouvait s’attendre à ce qu’elle aille jusqu’au bout et signe le dessin. Mais c’est un autre qui le fait à sa place. Son nom : Mahi Grand, artiste complet, peintre, sculpteur, décorateur. Et bien qu’il ne connaisse pas spécialement l’Algérie, Mahi Grand s’en sort à merveille, son trait est élégant, ses mises en scènes, particulièrement efficaces. « Le fait qu’il n’ait pas de connexion particulière avec l’Algérie… », précise Olivia Burton,  » ni aucun affect pied-noir m’a paru moins un obstacle qu’un atout, il allait pouvoir ainsi poser un filtre sur mes éventuelles errances « .

Et ça fonctionne, le roman graphique d’Olivia Burton et Mahi Grand nous transporte littéralement de l’autre côté de la Méditerranée à la découverte de ce pays à la fois si proche et si lointain. Une belle idée !

Eric Guillaud

L’Algérie, c’est beau comme l’Amérique, d’Olivia Burton et Mahi Grand. Editions Steinkis. 20 € (en librairie le 21 janvier)

13 Jan

Charlie Hebdo, Grand Prix du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême? Gwen de Bonneval s’explique

© Gwen de Bonneval d'après Charb

© Gwen de Bonneval d’après Charb

Et maintenant ? Maintenant que l’état de sidération est passée, que chacun y est allé de son hommage, et que le journal est assuré de retrouver les kiosques, que pouvons nous faire ? Donner le Grand Prix du Festival International de la BD d’Angoulême à Charlie Hebdo ? Une pétition est lancée…

L’initiative est partie de Nantes. Gwen de Bonneval est un auteur de bande dessinée que nous avons déjà eu l’occasion de rencontrer  au moment de la sortie d’un de ses albums, un auteur épris de liberté qui ne pouvait ne pas réagir aux heures noires que nous venons de vivre.

Avec quelques auteurs amis, parmi lesquels un autre Nantais, Cyril Pedrosa, il a lancé lundi 12 janvier une pétition sur internet pour que le Grand Prix du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême soit exceptionnellement attribué cette année à Charlie Hebdo.

La suite ici

12 Jan

Charlie Hebdo : un hors-série Spirou dans les kiosques vendredi 16 janvier

6a00d83451decd69e201b7c7346043970b-800wiLes initiatives se multiplient après la semaine tragique que nous venons de vivre. Les éditions Dupuis on décidé de s’unir à tous ceux qui défendent avec force la libre circulation des idées et de rendre hommage à Charlie et à la liberté d’expression en publiant le vendredi 16 janvier un numéro spécial du magazine Spirou en vente uniquement en kiosque.

Dans un communiqué de presse, les éditions Dupuis déclarent : « Spirou n’est pas un journal politique. Spirou est un journal de divertissement. Mais depuis toujours, Spirou défend la liberté, la solidarité, la tolérance, l’amitié, l’intelligence et l’humour. Sans liberté de la presse, pas de démocratie. Sans liberté de création, pas d’édition, et les bandes dessinées que vous lisez ici n’existeraient pas. Sans liberté, pas d’humanité ».

Eric Guillaud

10 Jan

Un « Prix Charlie de la liberté d’expression » au festival de la BD d’Angoulême

Photo de profil du compte Facebook du FIBD

Photo de profil du Facebook du FIBD

Pour répondre à l’odieuse attaque de Charlie Hebdo qui a tué 12 personnes dont les dessinateurs Tignous, Wolinski, Honoré, Cabu et Charb, les responsables du Festival International de la BD d’Angoulême ont décidé de créer le « Prix Charlie de la liberté d’expression ».

« Nous voulons ouvrir cet événement à tous les dessinateurs, au-delà de la stricte famille de la bande dessinée. L’édition 2015 sera un temps de mémoire, de résistance, de débat sur la liberté d’expression, et de rassemblement », a déclaré Franck Bondoux, délégué général du Festival. « Il n’y a pas de différence entre les caricaturistes et les auteurs de bande dessinée », a-t-il ajouté, « ce sont tous des dessinateurs, comme ceux de Charlie Hebdo pris pour cible. Plusieurs d’entre eux publiaient d’ailleurs aussi des albums ».

Interrogé par Le Monde, Franck Bondoux a précisé : « Ce prix cessera d’être remis le jour où tous les dessinateurs du monde pourront s’exprimer librement, c’est dire qu’il a de l’avenir ».

D’autres initiatives pourraient être prises à l’occasion du festival pour honorer la mémoire des victimes, notamment un concert de dessins, des débats sur la liberté d’expression, une exposition autour des oeuvres des dessinateurs de Charlie… La cérémonie de clôture devrait également rendre un hommage particulier à Charlie Hebdo.

D’ore et déjà, le FIBD a créé une page Facebook ouverte à toutes celles et ceux qui, dans l’univers du 9e art, souhaitent exprimer sous forme graphique ce que leur inspirent les tragiques événements de ces derniers jours. Et les hommages y sont déjà très nombreux.

Eric Guillaud, avec AFP

copie d'écran de la page Facebook du FIBD ouverte au lendemain de l'attentat

copie d’écran de la page Facebook du FIBD ouverte au lendemain de l’attentat

 

06 Jan

14 -18 : sur les chemins de l’enfer avec Corbeyran et Le Roux

14-18 02.inddBrûler ce qui le relie encore à ces années noires, les tranchées, la boue et le sang, la folie et la mort, en un mot, l’enfer. Brûler tout, les poèmes et les dessins que son pote Maurice avait produits sur le front. Brûler pour oublier qu’il n’a peut-être pas été un héros, juste un homme qui partait combattre la trouille au ventre. Pierre en est finalement revenu vivant mais tant d’autres y sont restés. Des millions, des anonymes et des potes…

Corbeyran et Étienne Le Roux poursuivent avec ce tome 2 leur saga 14-18 qui nous accompagnera sur cinq ans et comptera à terme dix albums. Même si dans chacun d’eux, un événement marquant sert de toile de fond, c’est bien le quotidien des soldats que veulent mettre en lumière les auteurs à travers le destin de huit personnages principaux, huit jeunes hommes issus du même petit village et enrôlés dans la même compagnie. « La série 14-18 », explique Corbeyran, « est filmée au ras des tranchées. Elle exprime le point de vue des soldats, les petits, ceux à qui on ne demande pas leur avis ».

Qui dit 14-18 en BD dit Tardi. Et son oeuvre de référence sur la Grande guerre. Pas facile d’aborder le sujet sans que soient faits des comparaisons. Dans une interview réalisée pour le compte du site spécialisé ActuaBD, le scénariste Corbeyran explique comment on peut quand même parler de cette foutue guerre sans s’appeler Tardi : « J’ai une très grande admiration pour l’œuvre de Tardi, depuis toujours. Mais si on se met à réfléchir de cette manière, en tant qu’auteur, on ne fait rien. On reste assis et on lit les bouquins des autres. Car tout a déjà été écrit, dessiné, filmé, narré, peint, sculpté, chanté, etc. Il faut donc s’accaparer le sujet sans complexe, et l’explorer avec spontanéité et franchise ».

Une fiction au coeur de l’histoire.

Eric Guillaud

14-18, Les Chemins de l’enfer (septembre 1914), de Corbeyran et Le Roux. Editions Delcourt. 14,50 €

L’info en +

L’interview de Corbeyran à lire sur ActuaBD