08 Déc

Chroniques de Jérusalem, de Guy Delisle. Editions delcourt. 25 euros.

Faut-il connaître un pays en profondeur pour en parler avec justesse et attiser la curiosité ? Non, bien sûr, tout est dans la façon d’en parler. Guy Delisle, lui, a trouvé sa façon bien à lui. Avec des mots, bien sûr, avec des images aussi, avec ce regard acéré qui est le sien, avec ses airs de candide, de touriste moyen presque, et avec cette petite touche d’humour qui permet d’établir une distance par rapport au contexte parfois lourd, aux événements quelquefois tragiques. Après la Chine (Shenzhen), la Corée du Nord (Pyongyang) et la Birmanie (Chroniques birmanes), Guy Delisle nous invite cette fois à le suivre dans un pays qu’il pensait et qu’on pensait mieux connaître : Israël.

Mais dès son arrivée à l’aéroport, et pendant une année entière, durée de son séjour aux côtés de sa compagne, salariée de Médecins sans frontières, Guy Delisle ira de surprises en surprises. Et nous plus encore ! « Ce qui m’a motivé… », confie l’auteur, « c’est la méconnaissance géographique des Français, à mon retour à Montpellier. C’est à dire que tout le monde connaît l’existence du mur et les motivations du conflit, mais personne ne sait réellement à quoi ressemble le quotidien sur place, et comment la vie humaine est organisée ».

Sur plus de 300 pages, Chroniques de Jérusalem nous entraîne donc dans ce quotidien. On y parle bien sûr du mur, du conflit, de la peur des attentats d’un côté, de la peur des représailles de l’autre, mais aussi et surtout de tout ce qui fait une journée normale d’un israélien normal, des détails, des anecdotes, qui en disent parfois beaucoup plus qu’un long discours.

On découvre ainsi les embouteillages monstres provoqués par le chantier du tramway, les différents services de transports publics selon que vous habitez dans un quartier juif ou arabe, la complexité des calendriers scolaires établis en fonction des religions, le parcours du combattant pour visiter l’Esplanade des mosquées, les villes transformées en désert les jours de fêtes religieuses, Tel Aviv et sa douceur de vivre apparente… Et puis parfois des détails encore plus indicibles comme cette moustache « hitlérienne » portée par un juif et qui laisse Guy Delisle forcément interloqué. Ou comme cet appareil électronique posé un beau jour sur la porte de son immeuble et qui se met à vociférer une sourate à chaque passage.

Avec un style graphique légèrement simplifié par rapport aux albums précédents et en ayant recours pour la première fois dans ses carnets à la couleur, Guy Delisle donne une image de cette société pour le moins complexe, sans la juger, même si, reconnaît-il lui-même, son point de vue peut parfois transparaître de-ci de-là. Entre récit documentaire et carnet de voyage, Chroniques de Jérusalem est une nouvelle démonstration que la bande dessinée peut participer activement à la compréhension du monde. Un album utile et passionnant ! E.G.

Plus d’infos sur le site de Guy Delisle