22 Mai

Bloodshot : ça va saigner !

Chez Bliss, éditeur des séries comics Valiant en France, on aime les gros pavés. J’ai dit les GROS. Mais là, c’est le pompon : cette intégrale des premières aventures de Bloodshot parues initialement aux Etats-Unis entre 2012 et 2014, avoisine quand même les 900 pages ! Et attention, ici on ne fait pas de quartier…

Par contre, attachez vos ceintures, car même ceux qui ont croisé cet albinos à la peau blanche dans Book of Death, The Valiant ou dans Harbinger risquent d’être par moments un peu perdus, vu que les différents univers ne cessent d’entrer en collision et que la temporalité est régulièrement malmenée. En fait, cette intégrale sur les origines du – à priori – premier héros de l’écurie Valiant à avoir droit à une future adaptation cinématographique (Jared Leto et Vin Diesel seraient sur les rangs) a les défauts de ses qualités.

En se voulant exhaustif et en reprenant ainsi l’intégralité des 25 épisodes, le résultat est dense, très dense, limite trop même. Bloodshot est un peu comme une série à la 24h tellement pleine de rebondissements qu’un visionnage d’une traite devient rébarbatif. Surtout qu’ici, personne n’est celui qu’il semble être et les trahisons aussi nombreuses que les déchaînements de violence qui n’épargnent personne et surtout pas le personnage principal.

© Valiant/Bliss

Le point de départ est, a priori, plutôt simpliste : soldat super-entrainé, Ray est un habitué des missions quasi-impossibles qui, pourtant, commence à se poser des questions sur comment préserver sa famille et sortir de cette spirale de violence. Sauf qu’assez rapidement, on découvre que Ray n’existe pas, ou plus. Il est en fait Bloodshot, véritable machine à tuer crée une unité spéciale gouvernementale qui le manipule mentalement pour faire le sale boulot. Son corps est plein de nanites (des robots miniaturisés) capables de le régénérer de façon quasi-instantané, le rendant pratiquement invincible. Or lorsque le voile de sa réalité commence à se déchirer, il décide de s’émanciper mais rencontre sur son chemin des enfants mutants aux pouvoirs surnaturels (les Psiotiques), des agents du gouvernements lancés à ses trousses mais aussi d’autres personnages bien connus de l’univers Valiant comme Faith, Toyo Harada de la fondation Harbinger ou Archer et Armstrong. Et à partir de là, plus personne n’est à l’abri. Personne.

Sorte de croisement entre le Punisher et Terminator assez proche physiquement de Rai (autre héros de chez Valiant), Bloodshot est peut-être le personnage le plus désespéré de son éditeur, le plus violent aussi. Profitant de sa quasi-immortalité, les scénaristes qui se succèdent semblent prendre un malin plaisir à lui faire subir les pires traitements : œil crevé par télékinésie, membres découpés à la tronçonneuse, visage explosé par une balle tirée à bout portant et on en passe ! Pourtant, malgré son regard rouge vide, il y a quelque chose qui tient presque de la tragédie grecque chez lui, un côté désespéré qui lui donne une dimension supplémentaire et qui pousse à le suivre, même si on sait pertinemment que tout cela finira (forcément) mal.

Pas pour les petits enfants !

Olivier Badin

Bloodshot : Intégrale, Valiant/Bliss, 45 euros

© Valiant/Bliss

21 Mai

Sous les pavés : une histoire d’amour au coeur des événements de mai 68 signée Warnauts et Raives

Sous les pavés… l’amour! Pour leur nouvel album commun, Eric Warnauts et Guy Raives ont choisi de poser leurs plumes et leurs crayons dans la France de mai 1968. Entre barricades, assemblées générales et occupations de la Sorbonne, les deux auteurs belges mettent en images une passion amoureuse exacerbée par les événements entre un Américain et une Française…

Combien d’albums ? Trente-huit ? Trente-neuf ? En bientôt 35 ans de collaboration étroite, Eric Warnauts et Guy Raives ont écrit et dessiné à quatre mains une quantité impressionnante d’histoires qui nous auront fait voyager à travers le monde et les époques, depuis le Congo belge jusqu’à la Venise du 18e siècle, en passant par l’Amérique d’Obama ou encore l’Allemagne nazie.

C’est leur signature, leur truc à eux, utiliser un contexte fort pour y inscrire un récit fictionnel. Après les trois diptyques Les Temps nouveaux, Après-Guerre et Les Jours heureux qui nous embarquaient dans la Belgique des années 40 à 60, Sous les pavés dépeint la France ou plus précisément le Paris de mai 68 autour de cinq personnages, cinq amis, Jay Fergusson, Françoise Bonhivers, Gilles Dussart, Didier Saint-Georges et Sarah Tanenbaum, en révolte contre la France de l’après-guerre, son général, son consumérisme, son productivisme, ses pesanteurs sociales, ses freins à l’évolution des moeurs et à l’émancipation des femmes.

Contrairement au livre Le Grand soir de Patrick Rotman et Sébastien Vassant, dont nous vous parlions ici-même, Sous les pavés ne prétend aucunement dresser une fresque chronologique des événements et encore moins poser un regard d’historien. Malgré tout, comme dans tous les récits de Warnauts et Raives, le contexte est minutieusement recréé à partir d’une documentation musclée et de nombreux témoignages.

Anarchiste révolutionnaire, pacifiste, opportuniste, fils de député ou bourgeoise rebelle, notre club des cinq surfe sur les événements avec chacun ses rêves d’une nouvelle société et forcément ses désillusions. Dans le tumulte de ce jolie mois de mai, l’Américain Jay Fergusson et la Française Françoise Bonhivers s’aiment d’un amour fou jusqu’au jour où le groupe d’amis découvre le passé caché de Jay Fergusson.

Bien construite et excellemment mise en images dans un style réaliste élégant, Sous les pavés nous permet de retrouver – ou de découvrir pour les plus jeunes – l’esprit de mai 68 et notamment ce fameux romantisme révolutionnaire dont on parle toujours autant 50 ans après…

Eric Guillaud

Sous les pavés, de Warnauts et Raives. Le Lombard. 16,45€

© Le Lombard / Warnauts & Raives

19 Mai

Irons : Luc Brahy et Tristan Roulot sur le pont pour un nouveau thriller

Jack Irons a un problème avec les ponts. C’est en empruntant l’un d’entre-eux en 1967 qu’il va perdre toute sa famille. Tremblement de terre, attentat ou défaut de conception, on n’en sait trop rien, mais quoiqu’il en soit la voiture familiale se retrouve au fond de la rivière. Il sera le seul à remonter à la surface…

Quand je vous dis que Jack Irons a un problème avec les ponts. Près de 50 ans après ce drame, on le retrouve au mauvais moment au mauvais endroit, en l’occurence sur le pont de la Confédération sur la côte est du Canada, un pont qui relie l’île du Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick en enjambant le détroit de Northumberland. Treize kilomètres de long, trente mètres au-dessus des glaces, et des locaux qui ne décolèrent pas depuis sa construction, notamment les pêcheurs qui ont vu la colonie de homards fuir vers des eaux plus tranquilles.

Alors forcément, quand le pont explose et s’écroule juste devant les roues du taxi que vient de prendre Jack Irons, il y a de quoi se poser des questions. Et il n’y a pas que lui qui s’en pose des questions. Comment un pont qui n’a que quelques années peut s’effondrer comme ça ? La réponse, c’est Jack Irons lui-même qui va la trouver. Est-ce en hommage à sa famille ou un drôle de hasard, l’homme est devenu un spécialiste des ponts, de leur construction et de leur destruction, un ingénieur-conseil !

Un trait réaliste élégant et dynamique, un scénario bien ficelé, un personnage principal au caractère trempé et au passé singulier, une bonne dose d’action, du suspense, une touche de sexe… et hop, voilà une nouvelle série qui devrait plaire au public le plus large, tout au moins aux fins amateurs de thriller.

Eric Guillaud 

Ingénieur-conseil, Irons (Tome 1), de Brahy et Roulot. Lombard. 12,45€

© Le Lombard / Brahy & Roulot

17 Mai

Le coin des mangas : Baby-Sitters, 12 ans, Ranma 1/2, Hikari-Man et Hana Nochi Hare

On commence par Baby-Sitters dont le 15e tome vient tout juste de paraître aux éditions Glénat. On y retrouve bien évidemment les personnages habituels, à commencer par Ryuichi Kashima et Kotaro Kashima, les deux frangins devenus orphelins suite à la disparition de leurs parents dans un accident d’avion et recueillis par la directrice de l’Académie Morinomiya qui a elle-même perdu son fils et sa belle fille dans l’accident. Ryuichi, qui est le plus grand des deux, doit non seulement s’occuper de son petit frère mais aussi des enfants de la crèche de l’Académie, parmi lesquels Takuma et Kazuma Mamizuka. Et ce n’est pas tous les jours facile… (Baby Sitters 15, de Hari Tokeino. Glénat. 6,90€)

Changement radical de style avec le premier volume de Hikari-Man sorti il y a quelques semaines maintenant. Ce manga de Hideo Yamamoto à qui l’on doit précédemment Ichi the killer, adapté au cinéma en 2001 et Homunculus, met ici en scène un jeune nerd (passionné d’informatique asocial) prénommé Hikari. En apparence semblable à ses camarades de classe même s’il passe tout son temps à bricoler des ordinateurs, Hikari découvre un beau jour qu’il est sensible à l’électricité statique au point de faire quelques séjours à l’infirmerie du lycée. Rien de très inquiétant, juste de petites pertes de connaissance, jusqu’au jour où le corps du jeune garçon est traversé par un arc électrique violent. A son réveil, Hikari se rend compte que sa conscience peut circuler à travers l’électricité… (Hikari-Man 1, de Hideo Yamamoto. Delcourt / Tonkam. 7,99€)

Vous avez aimé Hana Yori Dango et son univers ? Ne bougez pas, Yoko Kamio vous en offre la suite avec ce premier volume de Hana Nochi Hare. Retour donc au lycée d’élite Eitoku, un lycée réservé aux plus riches dans lequel un groupe d’élèves, les Correct 5, s’évertue à débusquer et faire expulser les lycéens pauvres simplement pour préserver la réputation de l’établissement. La jeune Oto Edogawa pourrait être la nouvelle victime. Elle fait tout pour cacher les origines modestes de sa famille,  jusqu’au jour où Haruto Kaguragi, leader des Correct 5, découvre que la jeune fille travaille dans une supérette… (Hana Nochi Hare 1, de Yoko Kamio. Glénat. 6,90€)

On reste chez Glénat avec le douzième volet de ce qui devait être au départ une histoire courte,12 Ans de Nao Maita. Au menu, comme toujours, des histoires qui tentent d’apporter des réponses aux questions que peuvent se poser les lectrices à cet âge-là. On y parle bien évidemment de l’amour et plus largement de la vie… (12 Ans, de Nao Maita. Glénat. 6,90€)

On termine avec Ranma 1/2 troisième volet, un manga de Rumiko Takahashi publié chez Glénat. Akané n’a aucune blessure apparente, tout juste a-t-elle ressenti de l’air frais derrière les oreilles et une sensation de légèreté. Rien d’autre. Pourtant, la jeune fille est totalement amnésique depuis son duel avec Shampoo. Elle ne se souvient même pas de Ranma avec qui elle vit depuis pas mal de temps maintenant. La seule solution pour Ranma ? Se procurer un shampooing spécial, le numéro 119, qui ne se vend qu’en Chine. Histoires d’amour, personnages qui se transforment en animaux et surtout arts martiaux, Ranma 1/2 a tout pour plaire aux jeunes ados de sexe masculin. (Ranma 1/2 tome 3, de Rumiko Takahashi. Glénat. 10,75€)

Eric Guillaud

16 Mai

La Route de Tibilissi : le périple de deux gamins dans un pays en guerre signé David Chauvel et Alex Kosakowski

Scénariste prolifique et reconnu au delà de nos frontières, David Chauvel est devenu en 2004 éditeur chez Delcourt où il a lancé plusieurs séries concept telles que 7, Le Casse, La Grande évasion… Il signe cette fois le scénario de La Route de Tibilissi, une histoire originale qui navigue entre les genres…

Tibilissi ? Ce nom me disait quelque chose… Une ville peut-être ? Une capitale ? Oui, c’est ça, à une lettre près, la capitale de la Géorgie, Tbilissi. Côté environnement, inutile d’aller chercher bien loin. Les montagnes, la neige, les forêts de sapins… pourraient également appartenir à la Géorgie.

Voilà pour le décor. Côté histoire, La route de Tibilissi nous raconte la fuite éperdue de deux gamins orphelins, Jake et Oto, accompagnés d’une espèce de peluche blanche et verte sur pattes et d’un robot grossièrement rafistolé. « Allez à Tibilissi!! Votre grand-père vous attend là-bas!! », leur avait dit leur père juste avant de mourir sous les flèches de pillards ou peut-être bien de sanguinaires mercenaires. Le pays est en guerre et leur fuite s’avère pour le moins dangereuse. Parviendront-ils à rejoindre Tibilissi ? Réponse 176 pages plus loin après un périple et un final aussi surprenant qu’inattendu.

David Chauvel aurait mis des années à trouver le dessinateur idéal pour illustrer cette histoire aux ambiances à la fois médiévales et réalistes, futuristes et fantasy. On le comprend tant il s’agissait d’un véritable défi, défi relevé finalement haut le crayon par l’Américain Alex Kosakowski qui s’est fait une réputation dans le jeu vidéo et signe ici sa première bande dessinée. A noter, les très belles couleurs de Lou qui jouent un rôle essentiel dans l’équilibre de ce récit.

Eric Guillaud

La Route de Tibilissi, de Chauvel, Kosakowski et Lou. Editions Delcourt. 22,95€

© Delcourt / Chauvel & Kosakowski

14 Mai

Trash de vie : une bonne tranche d’humour noir à la Jack Domon

Peut-on rire de tout ? Voilà bien une question que le monde se posera jusqu’à sa fin. Avec pour réponse provisoire : oui mais pas avec tout le monde. Quoique ! Jack Domon relève le défi mais prévient les lecteurs potentiels dès le titre. Sa bande dessinée est Trash, totalement Trash…

Si vous êtes vieux, jeunes, xénophobes, violents, pacifiques, dans la politique, les affaires ou les médias, militaires ou super-héros, filles ou garçons, éléphants ou lapins, surtout lapins… et que vous n’avez pas l’humour facile, alors ne lisez pas ce livre, ne l’ouvrez même pas, passez au large et oubliez-le. Ok, mais alors, me direz vous, à qui peut-il s’adresser ? Aux autres, à tous ceux et toutes celles qui rient de tout et même du pire en se disant que le pire appartient à la vie, et que d’en rire peut être finalement salvateur. 

En une page, un dessin ou quelques cases, Jack Damon nous conte à sa manière quelques tranches de vie qui finissent forcément mal à l’image du dessin de couverture.

Une chose est sûre, Jack Damon a de l’humour, au point de m’envoyer son album dédicacé avec ce petit mot : « Éric, non ! Ne fais pas ça, n’ouvre pas ce bouquin, il est l’ouvrage de Satan ». Satan ? Quand on fréquente depuis quelques années le haut lieu de l’enfer qu’est le Hellfest, on ne peut qu’être interpellé. Alors, je l’ai ouvert ce bouquin… et me suis au final bien marré. Et tant pis si je vais en enfer !

Eric Guillaud

Trash de vie, de Jack Domon. Michel Lafon. 16,95€

02 Mai

Tout est à sa place dans ce chaos exponentiel : un récit fait de petits riens essentiels signé Lewis Trondheim

Des dizaines et des dizaines d’albums, beaucoup de fictions, pas mal d’autobiographies, de l’humour, de la science-fiction, du polar…, il n’y a pas un domaine dans lequel le sieur Lewis Trondheim n’excelle. C’est l’un des auteurs les plus novateurs et prolifiques de ces vingt dernières années. Le revoici avec le huitième tome de la série Les Petits riens de Lewis Trondheim

« Un livre avec beaucoup de pas grand-chose ». C’est pas moi qui l’écrit, c’est Lewis Trondheim lui-même en quatrième de couverture. Et c’est exactement ça ! Ce nouvel album autobiographique rassemble des anecdotes, des impressions, des sensations, des réflexions fugaces, des interrogations furtives… tout un tas de choses qui peuvent nous paraître insignifiantes au premier abord et se révéler pourtant essentielles.

Mais qui d’autre que Lewis Trondheim peut dans le même ouvrage s’étonner de la moquette au design destroy d’un hôtel de Las Vegas, s’enthousiasmer devant le beurrier made in Limoges d’un restaurant en France, comparer les shérif planqués derrière les arbuste de quelque désert américain à des Pokémon, s’agacer de la tenue vestimentaire d’une gamine habillée d’un simple sweat à capuches et de collants et se rassurer dans la foulée que d’autres s’en offusquent de la même manière.

Ne cherchez aucun logique, aucun fil rouge dans cet album si ce n’est la vie quotidienne de Trondheim racontée ici par petits morceaux, souvent à l’occasion de voyages à l’étranger. Pour l’auteur, l’autobiographie est « un carnet de notes, pour mettre à plat ses idées, ses sentiments à un instant donné. Pour marquer un moment et s’en souvenir plus tard. Ce sont comme des albums photos mais qu’on met plus de temps à créer ».

Bien sûr, tout l’intérêt de ce genre est dans la manière de raconter et de dessiner. Et de ce côté là, pas de souci, c’est du Trondheim…

Eric Guillaud

Tout est à sa place dans ce choaos exponentiel, de Trondheim. Delcourt. 12,50€

01 Mai

Brico Queen, une nouvelle aventure de Canetor signée Michel Pirus

Brico Queen est plus qu’un livre, c’est un beau livre, de par ses dimensions déjà, 255 sur 348 mm, de par son contenu ensuite. On y retrouve les aventures de Canetor, un personnage imaginé par Pirus et Schlingo au début des années 2000 pour le magazine Ferraille Illustré, un bijou d’humour et de graphisme à déguster tranquillement avec un bon café…

Rangez les tournevis, marteaux et autres perceuses, le bricolage aujourd’hui, c’est Canetor qui s’en charge. Et ça ne va pas rigoler. Enfin si, justement, on va tous se marrer grâce au talent de Michel Pirus que beaucoup d’entre vous connaissent certainement pour ses œuvres antérieures, réalisées avec son complice Mezzo, depuis le diptyque Les Désarmés jusqu’à la série Le Roi des Mouches, en passant par Deux Tueurs, Un Monde étrange ou encore Mickey Mickey.

Au début des années 2000, Pirus s’associe à Schlingo pour créer Canetor. Ses aventures sont prépubliées dans le magazine Ferraille Illustré avant de sortir en album en 2006, un an après le décès de Schlingo, un album d’ailleurs dédié « à l’inaltérable mémoire » de l’auteur.

On pouvait pensait ne jamais revoir le personnage mais c’était finalement mal penser ! Canetor fait son retour avec sa trousse à outils sous la plume et le pinceau du seul Michel Pirus. On y retrouve le même univers détourné de Disney, les mêmes références aux cartoons des années 1940-1950, de nombreux clins d’œil, notamment à Little Nemo in Slumberland de Winsor McCay.

Graphiquement, c’est magnifique, aussi soigné qu’un album de Chis Ware, et c’est d’une drôlerie absolue, on rit – parfois jaune – à toutes les pages de ces quarante tableaux mettant en scène bien évidemment Canetor mais aussi sa sœur Canetorine, sa petite amie Canetorrette, hospitalisée suite à un malencontreux accident, et en guest-star, la Brico queen du quartier, la reine du bricolage, sa maîtresse en quelque sorte, qui surgit dans la vie de la petite communauté au risque de tout chambouler. Passez-moi la clé de douze !

Eric Guillaud

Brico Queen, une aventure de Canetor. Pirus. Glénat. 25€

© Glénat / Pirus

Génération Y : l’auteure belge Mauryn Parent en dresse un portrait plausible

À quoi peut bien ressembler la génération Y ? Doit-elle d’ailleurs ressembler à quelque chose de précis, d’homogène ? À travers une année de la vie de quatre amis, deux jeunes-femmes et deux jeunes-hommes, Mauryn Parent en dresse un portrait loin des caricatures…

Cette histoire-là commence par la fin, du moins par la fin de quelque chose entre deux des personnages de l’album, Jérémy et Lise. L’amour peut-être. Jérémy a pris sa décision. Il part pour l’Australie où il pense trouver plus aisément du travail. Pas la peine de s’embarrasser. « Tu sais ce que je pense des relations à longue distance », lui lance-t-il.

C’est violent. Lise accuse difficilement le coup. Elle a envie de pleurer. Mais ne veut pas pleurer. Ses examens approchent. Elle doit se concentrer et remettre à demain ses questionnements. Tout de même, se demande-t-elle, « comment peut-on parvenir à concilier ses espoirs avec la réalité? ».

Thomas aurait aimé être… quelqu’un d’autre. Son job l’ennui, il s’en fera virer. Sa copine Mathilde, elle-aussi, l’ennui surtout quand elle lui reproche de trop boire. Il ira voir ailleurs. Pourquoi pas du côté de Lise restée seule ? Mais Jérémy revient d’Australie. Pas de job, plus de sous. Il espère retrouver Lise telle qu’il l’a laissée…

L’histoire écrite et dessinée par Mauryn Parent, dont c’est ici le premier album, se déroule à Liège en Belgique mais elle pourrait très bien se dérouler n’importe où tant le propos est universel.

Génération Y raconte le quotidien de ces quatre personnages qui ont entre 20 et 30 ans et découvrent encore les tourments de la vie.

Plus qu’un portrait d’une génération, Mauryn Parent parle ici de ce moment de la vie très spécial que l’on pourrait situer à cheval entre l’adolescence et l’âge adulte avec ses infinis questionnements, ses peurs, ses espoirs, ses rêves et ses désillusions.

Des dialogues allégés, un trait gracieux au crayon, des planches en noir et blanc, relevées de quatre couleurs, une par personnage, pour un propos finalement pas si léger que ça : restons maître de notre vie en toutes circonstances !

Eric Guillaud

Génération Y, de Mauryn Parent. La Boîte à Bulles. 16€

© La Boîte à bulles / Parent

29 Avr

Thanos : une espèce de gros malabar violet aussi méchant que cosmique

Mais qui est vraiment Thanos, le nouveau ‘super-méchant’ de la galaxie Marvel que la dernière adaptation cinématographique sur nos écrans depuis le 25 Avril dernier met en valeur ? Une anthologie tombe à point nommé pour permettre au grand public de (re)découvrir ce vilain bien plus cosmique qu’il n’y paraît…

Par rapport à ses (nombreux) collègues on va dire, Thanos est un petit jeune. Contrairement à Magnéto, Fatalis, au Docteur Octopus et autre Bouffon Vert, ce fils maléfique du roi de la race supérieure peuplant la planète Titan est apparu assez tardivement. En 1968 pour être précis dans une aventure d’Iron Man que l’on retrouve d’ailleurs ici en introduction. Et à la base, c’est un méchant de plus on va dire, un être surpuissant, surméchant et suréquipé dont le but ultime est de tuer tout le monde et d’asservir la galaxie. La base en somme.

© Marvel/Panini

Mais dès sa troisième apparition quatre ans plus tard dans la série ‘Warlock’, et sous l’impulsion de son créateur Jim Starlin, cet espèce de gros malabar violet prend une tournure nettement plus cosmique. En lui donnant les pleins pouvoirs, grâce au gant de l’infini qui est au centre du film, ce féru de science-fiction qu’est Sterlin en fait l’équivalent d’un dieu omnipotent capable s’il le veut de faire disparaître, littéralement, la moitié de la population de la galaxie (cf l’épisode ‘Pierres Qui Roulent’).

Or plutôt que d’user et d’abuser de ce pouvoir, à la manière d’un Galactus il prend de la hauteur. Loin, très loin des basses contingences matérialistes de nous pauvres être humains de chair et de sang et très souvent aux côtés de celle qu’il dit servir, la Mort silhouette encapuchonnée et silencieuse se présentant parfois sous la forme d’un jolie jeune femme. Sa stature est telle que sa présence est même parfois juste suggérée, dixit le très beau mais aussi très désespéré épisode ‘Cendres et Défaites’.

© Marvel/Panini

Autant dire que cette approche quasi-mystique a permis aux nombreux artistes de Marvel qui s’en sont emparés de s’en donner à cœur joie et de planer très haut au-dessus de l’habituel archétypes du gros-méchant-qui-à-la-fin-perd-tout, et en premier lieu Starlin dont par exemple l’histoire ‘L’Effet Infini’ (où il signe à la fois les dessins et le scénario) sortie en 1972 est un petit chef d’œuvre pop et psychédélique, avec son double maléfique du héros Warlock à la coupe afro argentée, son découpage parfois épique et ses couleurs chatoyantes qui rappellent plus l’univers de ‘Metal Hurlant’ que celui des ‘4 Fantastiques’… Même si Starlin n’a jamais caché son admiration pour le maitre Jack Kirby dont la série ‘New Gods’ fait clairement ici figure de modèle.

Alors pour le film, on vous laisse seul juge. Mais pour ce qui est de sa place dans la cosmologie Marvel, Thanos est définitivement à part et cette anthologie de 320 pages mérite vraiment le détour !

Olivier BADIN

 Je suis Thanos, Marvel/Panini, 20 euros