05 Mai

Huit BD qui nous parlent de demain ou d’après-demain histoire de bien préparer le déconfinement…

Jamais on a eu aussi hâte d’être à demain, voire à après-demain, de connaître des jours meilleurs, de pouvoir enfin reprendre une vie normale sans penser à cette saleté de virus. Malheureusement, le futur n’est pas toujours à la hauteur de nos espérances. En voici quelques exemples, des bandes dessinées disponibles en édition numérique ou auprès de vos libraires qui rouvrent le 11 mai…

Hôpitaux saturés, personnel soignant débordé, rassemblements interdits, transports publics suspendus, écoles et universités fermées, crise économique mondiale, mobilisation de l’armée, surmortalité… La Chute de Jared Muralt est censé se dérouler dans un avenir proche mais ça ressemble brougrement à notre quotidien. Avec un petit plus qui permet de maintenir le récit dans la catégorie science-fiction, et pour longtemps j’espère, il n’y a ici plus de continuité du service public, les magasins sont réellement vides et on tire à balles réelles dans les rues, bref, c’est le chaos total. Et dans ce chaos, une petite famille, un père et ses deux enfants, tente de survivre. Un dessin réaliste de belle facture, un scénario hyper-efficace qui met en scène un monde confronté à « un virus dont la dangerosité n’est pas comprise dès le début ». Sorti le 6 mars dernier, prévu en six tomes. Saisissant ! (La Chute tome 1, de Jared Muralt. Futuropolis. 15€)

Toujours dans un futur proche, toujours dans un contexte d’épidémie et de chaos général, Les Dominants de Martial Toledano et Sylvain Runberg chez Glénat nous entraîne dans les pas d’Andrew Kennedy, un survivant à la Grande Souche, nom donné à cette épidémie qui a ravagé l’essentiel de l’humanité – plus d’un milliard de morts – et laissé champ libre à une étrange race extraterrestre pas forcément belliqueuse mais qui provoque nausées, hystéries, migraines… Face à ces intrus, l’humanité s’est divisée en trois catégories : ceux qui ont décidé de s’adapter, ceux qui veulent résister et ceux qui leurs vouent un culte. Andrew Kennedy n’appartient à aucune de ces catégories, son choix à lui est de sauver ceux qu’il aime, notamment sa fille qui a rejoint une bande de résistants violents. La seule bonne nouvelle dans tout ça, c’est l’annulation de la 46e élection présidentielle aux USA qui donnait largement vainqueur Donald Trump. Pas le choix, tous les candidats à l’investiture étant décédés… (Les Dominants tome 1, de Runberg et Toledano. Glénat. 14,95€)

Pas de virus dans Planeta Extra, pas de virus mais une planète Terre à l’agonie. Plus d’air pur, plus d’eau potable, la Tour Eiffel rasée, l’Arc de triomphe squatté… et les ultra-riches qui s’enfuient les uns après les autres vers Luna Europa, planète de luxe située à plusieurs années-lumière de la Terre. Alors biens sûr, ça râle du côté des travailleurs. Les syndicats réclament un libre passage vers ce nouvel éden mais l’accès est verrouillé. Même Kiké, qui officie comme déménageur pour ces fameux ultra-riches, ne dépasse pas la limite du cosmoport (port pour le cosmos). Et il s’en porte plutôt pas mal, jusqu’au jour où il apprend que sa propre fille projette de s’installer sur Luna Europa… De la SF à la sauce politique signée par une tandem argentin qui n’est pas à son coup d’essai. En bonus, un graphisme qui a du caractèrere ! (Planeta Extra, de Diego Agrimbau et Gabriel Ippoliti. Sarbacane. 18€)

Un mur pour protéger les puissants de ce monde, du moins ce qu’il en reste. C’est l’idée à la base de cette histoire parue en janvier dernier chez Glénat et signée par un Français au scénario, Antoine Charreyron, et un Italien au dessin, Mario Alberti. Un Français et un Italien, et c’est intéressant de le noter car Le Mur est né en automne 2011 à l’occasion d’un accrochage politique franco-italien au sujet des migrants, Nicolas Sarkozy proposant la création d’un mur pour protéger l’Europe. Choqué, Antoine Charreyron écrira très vite la première version de cette histoire, d’abord pour le cinéma, et finalement pour la bande dessinée. L’histoire justement ? Celle d’un mur donc, censé protéger les derniers puissants d’un monde en ruine et sec comme un caillou. Même la Méditerranée est un vague souvenir. Dans ce monde-là, les survivants tentent de survivre et bien évidemment de franchir le mur par tous les moyens pour rejoindre ED3N où toutes les ressources nécessaires à la survie de l’homme seraient réunies. Parmi les survivants, Solar et sa soeur, Eva, atteinte d’une grave maladie respiratoire. Sa survie dépend des médicaments. Pour en trouver, une seule solution : franchir ce satané mur. Un road movie à la Mad Max, plein de fureur et de poussière ! (Le Mur tome 1, de Alberti et Charreyron. Glénat. 15,50€)

Colonisation nous embarque dans un futur où l’homme a dû quitter la Terre surpeuplée pour coloniser d’autres planètes. Un exode de masse à bord d’une multitude de vaisseaux spatiaux dont certains se sont perdus dans l’immensité de l’espace et sont sujets à des pillages. Retrouver ces vaisseaux, c’est précisément la mission de Milla Aygon et de son équipe, une mission dangereuse qui les entraîne dans des recoins inhospitaliers de l’univers... Un scénario toujours aussi captivant avec ce quatrième volet, une mise en images sublime, tout en finesse et dynamisme, une très bonne série ! (Colonisation tome 4, de Filippi et Cucca. Glénat.13,90€)

Changement de style avec ce one shot signé Nuno Plati et David Boriau chez Glénat. Cette fois, notre bonne vieille planète n’est pas à l’agonie, elle pourrait même intéresser des aliens venus d’on ne sait où. Tout commence dans l’observatoire de la petite ville de Grizzlown au Canada lorsque le jeune handicapé Josh et son ami scientifique Jorgen Wood captent la réponse à un signal émis depuis 20 ans en direction d’un trou noir. De quoi mettre en émoi toute la petite communauté d’autant que le signal est de plus en plus intense et donc de plus en plus proche de la Terre. Il pourrait venir d’un engin spatial qui aurait parcouru 25 0000 années-lumière en quelques heures et risque maintenant d’entrer en collision avec la Terre. Pour les plus jeunes… (Metanoïde, de Plati et Boriau. Glénat. 16,90€)

Bolchoi Arena, de Boulet et Aseyn nous embarque assez habilement dans l’univers du monde virtuel. Les premières pages du premier volet paru en septembre 2018 sont à cet égard assez bluffantes, déstabilisantes, le lecteur ne sachant plus très bien sur quel niveau d’imaginaire il se trouve. Dans un futur proche, internet n’est plus. Mais pas de panique les geeks, le réseau mondial de réalité virtuelle, le Bolchoi, l’a remplacé offrant des possibilités beaucoup plus infinies. Vous rêviez d’explorer l’espace aux commandes de votre propre vaisseau spatial ? Le Bolchoi vous le permet et sans bouger de votre canapé. Marje, jeune étudiante en astrophysique va y goûter et ne jamais s’en remettre. Une histoire bien ficelée, un trait léger, des couleurs pastel et une belle présentation avec jaquette transparente en rodoïde. Le tome 2 est sorti en janvier de cette année. (Bolchoi Arena, de Boulet et Aseyn. Delcourt. 19,99€)

C’est l’un des best-sellers de la bande dessinée de science-fiction, 20 ans d’existence, 20 albums au compteur, des centaines de milliers d’exemplaires vendus dans plusieurs langues, des séries parallèles… et un vingtième album essentiel qui dévoile enfin les origines de Nävis, l’héroïne de la série, seule humaine à bord du Sillage, un gigantesque convoi multiracial explorant l’espace à la recherche de planètes à coloniser. Un graphisme sublime, des planches d’une beauté plastique exemplaire, une narration sans faille, une héroïne toujours aussi attachante… De la très très très bonne SF made in France. (Sillage tome 20, de Buchet et Morvan. Delcourt. 14,50€

Eric Guillaud

28 Avr

le confinement déconfiné par l’auteur de BD saumurois Fortu

Peut-on rire de tout ? À cette question aussi vieille que l’humanité, Fortu apporte une réponse toute personnelle. Chaque jour, il met en ligne un dessin croquant avec un humour pinçant cette période sombre pour nous tous. À défaut de vaccin, voici déjà un bon remède à la morosité…

En France, on n’a pas de masques mais on a de l’humour! En tout cas, Fortu, auteur de bande dessinée installé du côté de Saumur, en a pour tout le monde. Et il a décidé de nous en faire profiter tous les jours de ce confinement en croquant des scènes de la vie quotidienne – confinée s’entend – qu’il partage sur les réseaux sociaux.

La suite ici

21 Avr

Le jardin de Rose : un souffle de douceur dans un monde confiné signé Hervé Duphot

C’est un jardin extraordinaire, un jardin blotti entre les tours HLM d’une banlieue parisienne, un jardin où l’on fait pousser des légumes et des fleurs sur un terreau d’amitié et de solidarité. C’est Le jardin de Rose, un lieu imaginé par Hervé Duphot pour cette chronique sociale hyper sensible…

L’aventure humaine se joue parfois au coin de la rue, dans un de ces petits jardins familiaux par exemple, autrefois appelés jardins ouvriers, coincés entre deux barres de béton et une autoroute. Un petit lopin de terre où se côtoient fleurs et légumes, chats et jardiniers, un endroit où le temps semble s’être arrêté, où le bonheur est simple comme un pied de tomates qui pousse.

Entre un mari peu investi dans la vie du foyer et un chômage qui s’éternise, Françoise, la cinquantaine passée, y a trouvé de quoi redonner des couleurs et des parfums à son quotidien. Jardiner est devenu son espace de liberté, elle qui a fui très jeune la campagne pour la ville et n’avait jusqu’alors jamais planté une graine de sa vie.

C’est un concours de circonstance qui l’a amené là, un concours de circonstance qui a pour nom Rose, une vieille dame de la cité, de sa cité, pour qui elle fait quelques courses parfois. Rose s’est vue attribuer une de ces parcelles. Des années après sa demande. Immobilisée par une mauvaise chute, elle a chargé Françoise de s’en occuper provisoirement. De quoi attraper le virus du jardinage pour cette dernière !

Mais au-delà du jardinage, Françoise découvre un monde fait d’amitié et de solidarité rompant avec son quotidien de quasi-confinée dans son appartement. Entre eux, les jardiniers parlent de leur passion bien sûr mais aussi de la vie, de leur vie, du temps qui passe, de leurs amours, de leurs emmerdes…

Le jardin de Rose est un album plein de tendresse et d’humanité aux planches d’une belle douceur graphique, avec des couleurs directes réalisées à l’aquarelle. Chaudement recommandé !

Eric Guillaud

Le jardin de Rose, d’Hervé Duphot. Delcourt. 17,50€ (disponible en édition numérique)

© Delcourt / Duphot

19 Avr

Les Mangeurs d’hommes de Zamboula, une histoire de Conan le Cimmérien signée Gess

Retour aux sources de l’héroic fantasy avec cette bande dessinée adaptée de l’oeuvre de Robert E. Howard et signée Stephane Girard, alias Gess, dessinateur notamment des huit premiers volets de Carmen Mc Callum ou de La Brigade chimérique

S’il a eu une vie pour le moins courte, 30 ans, Robert E. Howard a eu le temps de marquer la littérature mondiale en mettant en place les bases de l’heroic fantasy à travers les aventures de Kull le Conquérant puis de Conan le Cimmérien, également connu sous le nom de Conan le Barbare.

Depuis 2018, les éditions Glénat proposent l’adaptation en bande dessinée de ces dernières, vingt et une histoires au total. Les Mangeurs d’hommes de Zamboula est le neuvième titre.

Après Jean-David Morvan, Luc Brunshwig, Olivier Vatine ou encore Sylvain Runberg, c’est au tour de Gess de s’y coller. Le dessinateur des premiers récits de Carmen Mc Callum, mais aussi de La Brigade chimérique, des Contes de la Pieuvre ou de L’oeil de la nuit, amateur devant l’éternel des univers fantastiques, signe ici une magnifique adaptation de l’une des nouvelles les plus caricaturales de la série, « calibrée pour plaire à son éditeur », nous explique Patrice Louinet en  postface, après que l’auteur se soit vu refuser une nouvelle par la revue Weird Tales et qu’une précédente, Au-delà de la rivière noire, parut « sans tambour ni trompette, et surtout sans les honneurs de la couverture ».

Et tout ça pour une raison simple : ces deux récits plus expérimentaux que les autres, très sombres, ne mettaient pas en scène de jeunes femmes nues.

Avec Les Mangeurs d’hommes de Zamboula, Robert E. Howard se rattrape donc, mettant en scène sur quasiment toute la longueur du récit une jeune femmes nue que Conan sauve dès ale départ d’une fâcheuse posture. Elle le suivra dans toute cette aventure qui nous emmènera dans la mythique cité marchande de Zamboula et notamment dans la demeure d’Aram Baksh où Conan compte bien faire étape malgré les rumeurs persistantes de disparitions mystérieuses concernant tous les étrangers y séjournant.

Une belle adaptation avec la touche graphique reconnaissable entre toutes de Gess !

Eric Guillaud

Les Mangeurs d’hommes de Zamboula, Conan le Cimmérien, de Gess. Glénat. 14,95€ (disponible en édition numérique)

13 Avr

Piscine Molitor, J’irai cracher sur vos tombes, Les Morts ont tous la même peau : trois albums pour célébrer les 100 ans de la naissance de Boris Vian

Boris Vian est né le 10 mars 1920. Avec cette histoire de coronavirus, on l’aurait presque oublié. Mais c’était sans compter sur la vigilance des maisons d’édition qui ont profité de cette anniversaire pour publier juste avant le confinement général trois livres, une biographie aux éditions Dupuis et deux adaptations de romans aux éditions Glénat…

Écrivain, poète, parolier, chanteur, critique musical, musicien de jazz, directeur artistique… Boris Vian a croqué la vie par tous les bons bouts et marqué d’une empreinte indélébile la culture française avant de mourir d’un accident cardiaque pendant la projection de l’adaptation cinématographique de son livre J’irai cracher sur vos tombes dans un cinéma de Paris. Il n’avait que 39 ans.

À l’occasion du centenaire de la naissance de Boris Vian, Glénat a souhaité nous offrir l’adaptation en BD des oeuvres de Vernon Sullivan alias Boris Vian, quatre romans qui firent scandale à l’époque, à commencer justement par J’irai cracher sur vos tombes, roman noir sulfureux se déroulant dans l’Amérique ségrégationniste. Les Morts ont tous la même peau est sorti dans le même temps, suivront Elles se rendent pas compte ainsi que Et on tuera tous les affreux. Aux commandes de l’adaptation, une belle équipe de dessinateurs réunis autour du scénariste Jean-David Morvan.

Les éditions Dupuis ont de leur côté opté pour la réédition en tirage limité à 2000 exemplaires d’une biographie de Boris Vian signée Hervé Bourhis au scénario et Christian Cailleaux au dessin originellement publiée en 2009. Piscine Molitor, c’est son nom, nous plonge de très belle manière dans la vie du personnage, depuis sa plus tendre jeunesse, déjà marquée par des problèmes cardiaques, jusqu’à sa mort prématurée.

Pourquoi Piscine Molitor ? Parce que Boris Vian se rendait régulièrement dans ce lieu emblématique du Paris des années 50, pour nager en apnée et combattre ses faiblesses cardiaques, une façon pour les auteurs de mettre l’homme à nu. L’album y commence et s’y achève. Entre les deux, une succession de flash-back qui nous emmène sur les traces de l’artiste dans le monde de l’après-guerre, un monde où se côtoient Jacques Prévert, Raymond Queneau, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir ou encore Juliette Gréco, un monde où l’on tentait d’imaginer un avenir qui swingue. Un très bel album au trait anguleux, épais et élégant, au scénario subtil.

Eric Guillaud

Piscine Molitor, de Cailleaux et Bourhis. Dupuis; 19,90€ / J’irai cracher sur vos tombes, de Morvan, Macutay, Ortiz et Scietronc. Glénat. 19,50€ / Les Morts ont tous la même peau, de Morvan, Erramouspe et Vargas. Glénat. 19,50€

Tous disponibles en édition numérique

11 Avr

Le prochain Richard Corben explose déjà le compteur avant même sa sortie

Un tout nouveau Richard Corben est prévu pour l’automne prochain mais vous pouvez d’ores et déjà le précommander, soutenant au passage les éditeurs indépendants en cette période de pandémie.

© Delirium – Corben

On a déjà eu plusieurs fois l’occasion de vous dire tout le bien que l’on pense de la campagne de réhabilitation du dessinateur Richard Corben menée par la petite-mais-costaud boîte indépendante Delirium. Et ce, bien avant que ce grand artiste au style à la fois gothique et grotesque, passé maître dans l’art du macabre, ne soit récompensé par le festival de la BD d’Angoulême.

Aujourd’hui, après plusieurs rééditions savoureuses (dont Grave et Le Monde Mutant), Delirium propose pour la première fois un récit contemporain de ce grand Monsieur du neuvième art, en cours de parution aux États-Unis par épisode dans le magazine culte, Heavy Metal. Récit dont on ne sait que peu pour l’instant mais qui semble déjà porter toutes les marques de son style si particulier : un univers post-apocalyptique peuplé de sorciers et de cyclopes, une quête initiatique, des personnages (forcément) étranges et décalés…

Mis à mal comme tout le monde par la crise sanitaire actuelle (on parle là d’une petite boîte indépendante avant tout gérée par des passionnés) Delirium a décidé de passer par le financement participatif pour la première édition de Murky World. Et les premiers chiffres sont éloquents : en seulement 24h, près de 200 fans ont déjà contribué et l’objectif initial de 8,000€ a déjà largement plus que doublé !

Histoire de rester fidèle à ses idéaux, Delirium a donc d’ores et déjà prévu une meilleure rémunération des traducteurs, imprimeurs, coloristes et en premier lieu de l’artiste lui-même ainsi que des éditions finales plus luxueuses si la cagnotte continue de grimper comme ça. Et vu qu’il vous reste 49 jours…

Olivier Badin

Pour participer au financement, c’est ici

10 Avr

La petite grande histoire de la bombe H

D’après un sondage récent, une personne sur cinq croit que le Coronavirus est d’origine militaire. On vous laisse méditer là-dessus! Parc contre, si il y a une arme de destruction massive dont on connaît parfaitement l’origine, c’est bien la bombe atomique. Résultat de plusieurs années de travail sur le sujet, le roman graphique La bombe est une véritable somme sur la cascade d’événements qui a mené au tragique bombardement d’Hiroshima le 6 août 1945…

Au mois d’août prochain, cela fera donc soixante-quinze ans que la première bombe atomique, a réduit en cendres noires le centre d’Hiroshima et tué sur le coup 70 000 personnes. Un décompte macabre qui ne s‘arrête pas là vu que dans les semaines qui suivirent, autant mourront aussi, victimes des radiations. Un acte marquant l’entrée de l’humanité dans l’ère atomique.

La Bombe retrace les douze années qui ont précédées l’explosion et raconte comment un élément a priori anodin, l’uranium, utilisé jusqu’alors uniquement pour la radiographie médicale est devenu un enjeu du conflit mondial à venir.

L’originalité de ce gros pavé de près de 500 pages est de passer par le prisme de l’histoire chorale, mais avec comme personnage principal (entre guillemets) l’uranium lui-même. Soit le seul point commun entre toutes ces personnes vivant sur des continents différents à parfois des époques différentes, des plus importantes comme Robert Oppenheimer – le physicien américain qui a mené jusqu’au bout ce qui fut appelé le projet Manhattan – aux plus annexes en quelque sorte, comme ce modeste habitant d’Hiroshima littéralement soufflé par la déflagration et dont n’a subsisté que l’ombre, gravée sur le mur derrière lui par les radiations.  

© Glénat / Denis Rodier, Laurent-Frédéric Bollée et Alcante

Ce qui frappe ici, c’est le souci d’exhaustivité. Les trois auteurs (deux scénaristes et un dessinateur) ont beaucoup creusé leur sujet, histoire d’en dévoiler toutes les ramifications, aussi bien scientifiques que politiques ou militaires.

On découvre par exemple qu’au tout début de cette course contre la montre, tous les pays ou presque avaient les mêmes cartes en main. Et que tout s’est joué sur la fuite d’un scientifique d’origine juive de l’Allemagne nazie pour les Etats-Unis. Où, avant même d’en entamer l’étude et la construction, tous se sont battus pour mettre la main sur les différents éléments nécessaires à son élaboration, comme la production d’eau lourde au Nord d’une Norvège envahie par les Nazis ou les mines d’uranium de la région du Katanga, au Congo Belge. On croise aussi, bien sûr, Einstein, Staline, Truman et tous les grands et petits acteurs de la construction de la première vraie arme de destruction massive.

© Glénat / Denis Rodier, Laurent-Frédéric Bollée et Alcante

Le choix du roman graphique plutôt que la BD traditionnelle disons est assez logique, tant la documentation très dense et les très nombreux dialogues nécessitaient absolument ce médium. Ce qui ne veut pas dire que le dessinateur Québécois se retrouve corseté pour autant. Serti par un noir et blanc très clair et classieux, Denis Rodier contrebalance la densité parfois un peu excessive des textes par des pleines pages épiques, et un sens du cadre très cinématographique.

Alors oui, le ton est très professoral par moment, trop engoncé par son souci pédagogique. La Bombe n’est pas un livre que l’on peut lire d’une traite. C’est plus une sorte de saga assez fascinante car sous la somme d’informations surnage très souvent le doute de ceux qui ont donné naissance à ce monstre. Comme le rappelle d’ailleurs la fameuse citation d’Oppenheimer, suite à un premier essai réussi dans le désert du Nouveau-Mexique : « je suis devenu la mort, le destructeur de mondes ».

Olivier BADIN

La Bombe de Denis Rodier, Laurent-Frédéric Bollée et Alcante. Glénat. 39€ (disponible en édition numérique)

05 Avr

Les Oiseaux ne se retournent pas : le parcours d’une enfant sur la route de l’exil par Nadia Nakhlé

Confinés mais pas résignés, nous allons continuer à parler BD ici-même avec des bouquins d’ores et déjà disponibles au format numérique et à retrouver en format physique dès que cet épisode de coronavirus au très mauvais scénario nous aura définitivement quitté…

Si vous cherchez du léger, histoire de vous évader un peu du quotidien pesant que nous connaissons tous actuellement, ce n’est peut être pas l’album idéal, je le conçois, mais il pourrait tout de même vous permettre de relativiser un tant soit peu notre situation de confinés.

Les Oiseaux ne se retournent pas est un récit fort, poétique et poignant. Sur plus de 200 pages, l’auteure Nadia Nakhlé raconte le parcours d’une enfant sur la route de l’exil. Amel, qui signifie espoir en arabe, a 12 ans. Elle est orpheline, jusque-là élevée par ses grands parents. Mais la guerre n’en finit pas de ravager son pays. Pour la protéger, lui offrir un avenir, ses grands parents décident de la confier à la famille Hudhad qui cherche à rejoindre la France.

Avec ses souvenirs pour seul bagage, Amel entame un long et périlleux périple en suivant les conseils de sa grand-mère : avancer quoi qu’il arrive, ne pas montrer ses peurs, éviter les passeurs et les militaires, ne donner sa confiance à personne, ne pas parler de sa maison, ni de religion, ne jamais révéler son identité.

Et surtout ne jamais se retourner. Comme les oiseaux ! Dans ce périple, Amel perd de vue la famille Hudhad mais rencontre Bacem, un militaire déserteur et joueur de oud. Ensemble, ils vont partager leurs rêves d’une vie meilleure et se soutenir.

Que se passe-t-il dans la tête d’un enfant qui fuit la guerre ? Le périple est aussi intérieur. Avec un trait sombre, des planches à l’esthétisme très travaillé, Nadia Nakhlé nous glisse dans la peau de cette gamine nous rappelant au passage qu’un quart des personnes exilées en Europe sont des mineurs isolés.

« Ce projet est né d’une révolte et d’un désir, celui de porter l’espoir des enfants de l’exil, de dénoncer la situation actuelle tout en donnant son entière place à la poésie. »

Publié dans la collection Mirages des éditions Delcourt, ce bijou esthétique et poétique s’inscrit dans un projet transversal. Les Oiseaux ne se retournent pas est aussi un spectacle, entre roman graphique et concert performé, associant projections animées, musique et création sonore immersive, un spectacle créé et présenté en janvier dernier à Nantes.

Eric Guillaud

Les Oiseaux ne se retournent pas, de Nadia Nakhlé. Delcourt. 25,50€ (disponible en édition numérique)

30 Mar

Besoin d’air ? Du combat naval au combat juridique, l’histoire du Cygne noir racontée par Paco Roca et Guillermo Corral

Confinés mais pas résignés, nous allons continuer à parler BD ici-même avec des bouquins d’ores et déjà disponibles au format numérique et à retrouver en format physique dès que cet épisode de coronavirus au très mauvais scénario nous aura définitivement quitté…

Drôle d’histoire que celle-ci, Le Trésor du Cygne noir est une fiction basée sur des faits bien réels dont l’écrivain et diplomate Guillermo Corral a été le témoin. Une histoire qui commence dans les eaux du détroit de Gibraltar, par quelques centaines de mètres de profondeur.

La société de chasseurs de trésors Ithaca vient d’y retrouver l’épave du Cygne noir, un galion naufragé au début du XIXe siècle et d’exhumer 500 000 pièces d’or et d’argent de ses cales.

Ce véritable trésor, la société Ithaka s’empresse de le ramener aux États-Unis. Sauf que le galion était espagnol. S’engage alors un véritable bras de fer entre les deux pays, détaillé avec beaucoup de précision et de rebondissements dans les 200 pages de ce livre magnifiquement mis en images par l’Espagnol Paco Roca dont on a déjà pu apprécier le talent à travers les albums Rides, Le Che une icône révolutionnaire, La Nueve ou encore La Maison. Son trait doux et sobre se marie parfaitement avec cette affaire incroyable connue sous le nom du navire Nuestra Señora de las Mercedes. 

Eric Guillaud

Le Trésor du Cygne noir, de Roca et Corral. Delcourt. 25,50€ (disponible en édition numérique)

© Delcourt / Roca & Corral

29 Mar

Besoin d’air ? Le nouveau Doggybags découpe à la hache l’Amérique réac

Confinés mais pas résignés, nous allons continuer à parler BD ici-même avec des bouquins d’ores et déjà disponibles au format numérique et à retrouver en format physique dès que cet épisode de coronavirus au très mauvais scénario nous aura définitivement quitté…

La publication phare du label 619 (créateur de Mutafukaz) continue avec son quinzième tome de proposer ses collections d’histoires qui font peur, nourries au cinéma bis. Sauf que cette fois-ci, elles s’attaquent frontalement à l’American way of life.

Il y a six mois, tels les grands méchants de films d’horreur que ses auteurs admirent tant, Doggybags était revenu d’entre les morts. Modelé sur ces pulps américain d’après-guerre que les rejetons de l’Oncle Sam pouvaient alors acheter pour une bouchée de pain, chacun de leur numéro réunit plusieurs histoires autour, plus ou moins, de la même thématique, mais réalisées par différentes équipes.

Le directeur de la collection et patron historique du Label 619 RUN n’a jamais caché son amour de la culture US, éternelle source d’inspiration. Mais dans l’édito de ce quinzième numéro où il a scénarisé deux des trois histoires, il avoue aussi combien l’élection surprise de Donald Trump lui a rappelé qu’il y avait aussi une autre Amérique : raciste, pudibonde, réactionnaire, obsédée par les armes à feu, etc. Ce nouveau numéro est donc plus ‘politique’ en quelque sorte, même si au final, le décompte des cadavres et des têtes tranchées est du même niveau que d’habitude.

Peut-être que les amateurs d’horreur pure trouveront cette fois-ci l’exercice un peu trop ‘réaliste’ et pas assez divertissant. Mais avec une histoire sur les fake news visant ouvertement Fox News et sa fabrique à fantasmes plus deux autres sur ce foutu virus se transmettant de génération en génération nommé ‘racisme’, ce n’est pour rien que le programme soit titré Mad In America. Surtout qu’entre le noir et blanc très stylisé et la lycanthropie de Manhunt qui ouvre le bal, le plus cérébral et bavard Conspiracism et l’ambiance de bayou du dernier volet Heritage, à chaque fois les histoires se finissent mal. Et toutes ces fausses pubs ou ces petits articles sur, par exemple, les pires fusillades de masse de ces dernières années ou le Ku Klux Klan que l’on retrouve entre chaque histoire prennent plus que jamais tous leurs sens.

Que disait déjà la chanson star du film parodique des créateurs de South Park, Team America ? Ah oui…. « America, fuck yeah ! »

Olivier Badin

Doggybags 15, saison 2, Ankama/Label 619. 13,90