30 Juin

Bloodshot rate son entrée au cinéma mais pas sa nouvelle BD

Le sort s’acharne sur l’écurie Valiant. Des années que le petit poucet de l’industrie comics US attendait SON adaptation cinématographique pour toucher le grand public et Bloodshot devait enfin ouvrir le bal. Sauf qu’un certain COVID 19 est passé par là et a tué l’idée dans l’œuf… Seule compensation, ce raté a été l’occasion de relancer une nouvelle série BD de ce super-soldat mi-homme mi-machine, dont le premier volume en français vient de paraître.

Des années de développement, plusieurs stars se bousculant pour reprendre le rôle-titre jusqu’à ce que Vin Diesel (Fast & Furious) emporte la mise, un réalisateur venu du monde des jeux vidéos… Bref, Bloodshot – Le Film aurait dû ouvrir une nouvelle ère pour Valiant. Sauf que le film est sorti… Â quelques jours seulement du confinement qui a mis le monde entier à l’arrêt. Moralité : il est resté mort-né et après seulement quelques jours d’exploitation en salles et quelques rares critiques pas très emballées, il est aujourd’hui sorti sans fanfare en VOD, condamné à rapidement disparaître de l’horizon.

Un tour du sort plutôt cruel, surtout lorsqu’on attaque la lecture de la nouvelle série BD du même nom qui devait accompagner le film. Ni vraiment reboot ni stricte continuité de la série précédente (Bloodshot Salvation), cette nouvelle aventure peut se lire de façon indépendante et permet surtout de remettre à jour deux ou trois détails essentiels. Notamment en mettant à sa tête un nouveau duo artistique, le scénariste Tim Seeley et surtout le dessinateur Brett Booth.

Alors oui, ce vrai-faux nouveau Bloodshot est, à l’image du film, beaucoup plus porté sur l’action et moins sur la psychologie. Quitte à tomber un chouia dans l’outrance… Il faut dire que ce personnage de super soldat virtuellement immortel dont le corps est sans cesse régénéré par des nanites, des sortes de microscopiques robots aux capacités illimitées permet tout. Quitte à faire subir à ce héros traqué par à peu près tout le monde les pires souffrances : en une petite centaine de pages, il est tour-à-tour criblé de balles, brûlé au dernier degré, découpé par une palle d’hélicoptère ou encore éparpillé façon puzzle par un bazooka et on en passe. Et à chaque fois, il se régénère, avec toujours (autre nouveauté ici) une petite blague caustique en bandoulière.

© Valiant – Bliss / Seeley, Booth, Corona, Dalhouse & Giorello

Or justement, avec son trait très dynamique et très années 90 qui rappelle parfois celui de Todd McFarlane (le créateur de Spawn) ainsi que son sens de la dynamique, Booth donne un sacré coup de fouet à ce personnage amateur de gros flingues qui, par le passé, n’avait pas toujours hélas été servi par un graphisme assez punchy. Quant à Seeley, en lançant à ses trousses une sorte d’agence gouvernementale secrète agissant pour ses propres intérêts, il reste fidèle à l’état d’esprit techno-thriller d’origine mais réussit à imprimer sa patte, moins mystique on va dire et plus portée sur l’action pure.

En bonus non négligeable, on retrouve dans ce premier tome en préambule une sorte de prologue sorti à l’occasion du ‘Free Comic Book Day’ l’année dernière aux Etats-Unis cruellement court (12 pages) mais servi par les dessins réalistes et classieux de Tomas Giorello, l’orfèvre argentin qui a complètement réinventé le Conan de chez Dark Horse.   

Moins cérébral donc mais toujours aussi paranoïaque et porté par des créateurs dont le style sied très bien à cette nouvelle donne, le héros le plus consensuel de l’écurie Valiant (ou encore celui au potentiel commercial le plus large on va dire) réussit ici à se réinventer dans la continuité on va dire. Film à succès ou pas…

Olivier Badin

Bloodshot – Tome 1 de Tim Seeley, Brett Booth, Adelso Corona, Andrew Dalhouse et Tomas Giorello. Valiant/Bliss. 15€

© Valiant – Bliss / Seeley, Booth, Corona, Dalhouse & Giorello

23 Juin

De Gaulle, La Cagoule, Seules à Berlin, Le banquier du reich, Algérie une guerre française… cinq BD qui nous parlent du XXe siècle

Certains nous prédisent la fin de l’histoire depuis des lustres. Qu’on se rassure, du côté du neuvième art, l’histoire avec un grand H est et sera encore longtemps la matière première des auteurs, une source d’inspiration inépuisable et un voyage sans fin pour les lecteurs. En mode biographie, documentaire ou fiction, ce genre littéraire se porte à merveille. La preuve avec cette sélection de livres sortis ces derniers mois…

On commence avec la très belle série De Gaulle dont le deuxième volet vient de sortir aux éditions Glénat. Quatre petits mois d’attente seulement pour retrouver ce grand personnage de l’histoire de France avec à la plume et aux pinceaux Mathieu Gabella (scénario), Frédérique Beau-Dufour (historienne), Christophe Regnault (Story-board) et Michaël Malatini (dessin). Le premier volet retraçait la période allant de la jeunesse de De Gaulle jusqu’à son départ pour Londres. On le retrouve ici au micro de la BBC le 18 juin 1940 lançant son célèbre appel à continuer le combat contre l’ennemi allemand. Ce deuxième volet s’achève avec la libération de Paris. Un dossier d’une petite dizaine de pages accompagne le récit et finit judicieusement de nous plonger dans cette époque sombre de l’histoire de France. Une très belle biographie prévue en trois volets, co-éditée par Glénat et Fayard dans la collection Ils ont fait l’histoire (De Gaulle tome 2, de Gabella, Renault, Malatini et Neau-Dufour. Glénat / Fayard. 14,50€).

Huit mois, trois tomes, une affaire rondement menée par Damour au dessin, Vincent Brugeas et Emmanuel Herzet au scénario. La Cagoule, comme son nom l’indique nous entraîne dans la France des années 30, celle du Front populaire, et bien sûr celle de La Cagoule, organisation secrète anti-républicaine, anti-communiste et anti-sémite fondée en 1936 par les anciens membres d’Action Française. Le récit, mélange de fiction et de réalité, se présente comme un polar autour de personnages ayant réellement existé, notamment le policier Pierre Mondanel ou les politiciens Marx Dormoy et Roger Salengro (La Cagoule, un fascisme à la française, de Brugeas et Herzet. 3 tomes. 14,95€ chaque).

Berlin, avril 1945. La ville n’est plus qu’un immense champ de ruine. Les derniers habitants sont prostrés dans les caves, il n’y a plus d’eau potable, plus d’électricité, plus de téléphone, plus de transports et plus de pain. Les enfants hurlent de faim, les adultes tremblent de peur. Et au milieu de tout ça, deux femmes, l’Allemande Ingrid et la Russe Evgeniya. La première a assisté impuissante à la chute de Berlin, la deuxième est arrivée avec l’armée soviétique, avec la mission de reconnaître les restes d’Hitler. Une rencontre improbable qui donnera naissance à une amitié sincère dépassant les clivages nés de la guerre. Un récit fort et poignant qui aborde une thématique inhabituelle en BD et ailleurs à travers ces deux femmes, le tout avec une mise en images de caractère. Magistral ! (Seules à Berlin, de Nicolas Juncker. Casterman. 25€)

On reste en Allemagne avec Le banquier du Reich, un récit de Pierre Boisserie et Philippe Guillaume au scénario, de Cyrille Ternon au dessin, qui retrace la vie d’Hjalmar Schacht. Considéré comme l’un des plus grands économistes de tous les temps, cet homme est connu pour avoir mis un terme à l’hyperinflation allemande de 1923, puis sorti l’Allemagne de la grande crise des années 1930 et surtout pesé sur le succès du régime nazi en devenant son ministre de l’économie. Personnage ambigüe qui fut arrêté et déporté après l’attentat manqué de juillet 1944 contre Hitler, Hjalmar Schacht fut acquitté, à tort pour beaucoup, lors de sa comparution devant le tribunal de Nuremberg. Une biographie solidement documentée prévue en deux tomes ! (Le banquier du Reich, de Boisserie, Guillaume et Ternon. Glénat. 14,50€)

D’une guerre à l’autre, la série d’Alfio Buscaglia et Philippe Richelle, dont le deuxième volet – sur les cinq prévus – est sorti en mars nous embarque dans l’Algérie des années 50 pour une fiction ancrée dans ce qu’on appelait à l’époque « les événements » le tout à travers les parcours de quatre personnages fictifs qui sont unis par les liens de l’enfance. Des histoires d’amour et de haine, d’amitié et de trahison sur fond d’opérations militaires, d’actes terroristes, d’exécutions sommaires et de tortures. Réaliste, documenté, couvrant toute la période depuis les prémices du conflit jusqu’à son épilogue, Algérie, une guerre française permet d’aborder cette période sombre de l’histoire de France tout en se divertissant. Une belle réussite ! (Algérie, une guerre française, Alfio Buscaglia et Philippe Richelle. Glénat. 14,50€)

Eric Guillaud 

17 Juin

Les naufragés de la Méduse : la double histoire d’un naufrage et d’un tableau racontée par Jean-Sébastien Bordas et Jean-Christophe Deveney

Pas de naufrage en vue pour l’album de Jean-Sébastien Bordas et Jean-Christophe Deveney, retardé pour faute de pandémie, le voici à  trôner magistralement dans les vitrines de toutes les bonnes librairies déconfinées. Et vous n’allez pas être déçus…

Pour réussir un tableau, faut-il tout connaitre de son sujet, comme le laisse supposer un des personnages de ce récit ? Peut-être. En tout cas, Théodore Géricault le concevait certainement ainsi. Pour Le radeau de la Méduse, le peintre a amassé une documentation conséquente sur le naufrage de la frégate, cherchant le moindre détail dans les archives disponibles ou à travers le témoignage des survivants. Au risque parfois de s’y perdre.

Réalisé entre 1818 et 1819, soit deux petites années seulement après le naufrage, Le radeau de la Méduse est une oeuvre majeure de la peinture française, une oeuvre imposante, hors norme, de par ses dimensions, près de 5 mètres sur 7, de par le retentissement qu’elle eut à l’époque dans la société, et finalement de par son influence sur l’évolution de la peinture.

Le Musée du Louvre qui a très vite accueilli le tableau résume parfaitement les déchirements nés autour de l’oeuvre. Quand certains y voyaient « un amas de cadavres » abject loin de ce que préconisait le classicisme, d’autres y décèlaient un manifeste libéral, une critique de l’ultra-royalisme, un tableau moderne, une oeuvre d’actualité.

De fait, Gérivault cherchait-il à rendre compte de l’horreur ou de l’héroïsme, voulait-il montrer les hommes de la Méduse comme des miraculés, des assassins, des monstres ou simplement comme des êtres humains plongés dans un contexte qui ne l’était pas ?

Alternant l’histoire de cette création picturale et celle de la tragédie maritime, passant de la solitude de l’artiste à celle des naufragés, Jean-Sébastien Bordas et Jean-Christophe Deveney nous offrent un récit au scénario intense et documenté avec une belle fluidité narrative, un dessin tout en finesse et une mise en couleurs d’une très grande légèreté. De quoi se laisser embarquer dans l’aventure… avec une bouée tout de même !

Eric Guillaud

Les naufragés de la Méduse, de Deveney et Bordas. Casterman. 26€

15 Juin

Jeannot, une bande dessinée de Carole Maurel et Loïc Clément sur le deuil d’un enfant

Perdre un enfant n’est pas dans l’ordre naturel des choses. C’est un drame sans nom pour les parents. Avec Jeannot, album paru aux éditions Delcourt, Carole Maurel et Loïc Clément abordent ce sujet délicat avec infiniment de finesse aussi bien dans le texte que dans le trait…

Parler de la mort n’est pas chose facile, parler de la mort d’un enfant encore moins, et en parler à des enfants peut relever du défi. Carole Maurel et Loïc Clément l’ont relevé avec succès. Jeannot est un bijou de sensibilité, d’humanité, de tendresse et de poésie, un ouvrage qui s’adresse à la jeunesse mais pas seulement nous explique la dessinatrice Carole Maurel.

« Il y a une certaine habilité côté scénario qui fait que l’album s’adresse aussi aux adultes même s’il est clairement ciblé enfant. Il y a deux portes d’accès possibles, deux niveaux de lecture qui sont intéressants. Par exemple, quand Jeannot communique avec les plantes, nous, adultes, pourrions le penser atteint de quelques troubles cognitifs. Les enfants, eux, y verront un pouvoir surnaturel, un super-pouvoir, même s’il s’avère être une malédiction pour Jeannot ».

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11 Juin

Hope ou le roman noir allié aux forces occultes

Les ripoux, les starlettes, les vieux pervers cachés à la tête des studios, l’industrie du rêve qui vend du cauchemar, une cité des anges pourrie jusqu’à la moelle, le tout dans un noir et blanc poisseux, sublimé par les romans de Dashiel Hammett ou de Raymond Chandler, voici le terrain de jeu du ‘roman noir’ mais aussi de Hope de l’écurie 2000 AD publié aux Éditions Delcourt. Avec une (petite) pointe de magie noire en plus.

Voici donc une plongée dans le Los Angeles des années 40 dans laquelle on voit se débattre la sempiternelle figure du détective privé à la gueule cassée nommé Mallory Hope qui boit trop et ne dort pas assez. Et comme s’il n’avait pas déjà assez un sale gueule, le voilà qu’il commence cette aventure par un tabassage en règle. Une sale posture dont il réussit à s’échapper grâce à une pincée de magie noire…

Tiens, voilà justement ce qui était censé être le ‘plus’ de cette histoire, ce mélange a priori inédit entre uchronie (le tout se passe dans un Los Angeles de 1940 où la Deuxième Guerre Mondiale serait déjà terminée), polar et occulte. Un occulte aussi poisseux que malsain, bouffant ceux qui l’utilisent et qui porte le sceau du magazine anglais culte 2000 AD (Judge Dredd) dans lequel le tout a d’abord été publié il y a trois ans.

Or bizarrement, cet élément magique devient assez rapidement anecdotique, à part lorsque le personnage principal évoque avec morgue sa relation tordue avec l’espèce d’ange (ou démon ?) gardien que l’on voit sous la forme d’une nonne portant un éternel masque à gaz et qui ne le lâche pas d’une semelle. D’où vient-elle ? Quel est le pacte qu’il a conclu avec elle ? Qu’est-ce qui est vraiment arrivé à la femme et au fils de Hope qui ont tous les deux disparu sans laisser de traces ? Ces questions-là, les deux auteurs n’ont eu ni l’envie ni la place d’y répondre, se focalisant plutôt sur l’enquête visant à retrouver un enfant star porté, lui aussi, disparu et qui l’amènera, forcément, à entrevoir la (sale) poussière que l’on cache sous le tapis.

Alors lorsqu’il assume son goût pour les clichés du roman noir (femme fatale incluse), Hope est cynique et sans concession comme il faut, jusque dans ces cadrages nerveux et contrastés qui rappelleront aux plus érudits certains vieux classiques du cinéma de l’époque mais aussi le jeu vidéo Max Payne. Mais pour découvrir le ‘Philip Marlowe rencontrant l’exorciste’ tant attendu, il faudra par contre repasser. Ou on est alors prié d’attendre le second volume, prévu en VO pour Janvier prochain, surtout vu la relative brièveté (80 pages) de ce premier jet.

Olivier Badin

Hope de Guy Adams & Jimmy Broxton, Delcourt, 12,50 euros

© Delcourt / Guy Adams & Jimmy Broxton

10 Juin

Hors-Saison: une autobiographie de James Sturm sur fond de campagne présidentielle américaine

Alors que l’élection présidentielle américaine se rapproche à grand pas, James Sturm nous fait revivre la précédente campagne électorale à travers une autobiographie absolument passionnante…

Trump ou Biden ? On connaîtra le nom du prochain président des États-Unis en novembre ce cette année après une campagne qui promet d’être violente, aussi violente que la précédente. Souvenez-vous de Trump en 2016 promettant d’envoyer Hillary Clinton en prison pour une sombre histoire de messagerie privée qu’elle aurait utilisée pendant qu’elle était secrétaire d’état.

C’est justement sur cet épisode houleux que s’ouvre le récit de James Sturm. Impossible d’aller sur internet, d’allumer la radio ou la télévision sans en entendre parler. Mark, le personnage central de ce récit, ne le supporte plus comme il ne supporte plus cette campagne présidentielle. Au point de déprimer !

Mais il a bien d’autres raisons de déprimer. Mark vient de se séparer. Il y a encore quelques semaines, sa compagne Lise et lui-même soutenaient la candidature de Bernie Sanders. Mais depuis, Lise l’a quitté. Le voilà seul, face à ses deux enfants à gérer, face aussi à des problèmes d’argent, des problèmes de boulot et pour finir la dégradation brutale de la santé de sa mère. Cancer. De quoi péter un câble ! Et il le pète ce câble en saccageant un chantier sur lequel il travaillait et ne parvenait à se faire payer. Qui a dit que les emmerdes, ça vole toujours en escadrille ? Et pendant ce temps-là, la campagne présidentielle se poursuit…

Superbe récit anthropomorphique au format à l’italienne, deux cases par page, un peu plus de 200 pages et au bout du compte un récit vraiment touchant sur ces Américains moyens qui se démerdent comme ils peuvent face à une vie qui n’a rien de ce qu’on peut attendre du rêve américain.

Eric Guillaud

Hors-saison, de James Sturm. Delcourt. 24,95€

© Delcourt / Sturm

04 Juin

Vélo ou voiture il faut choisir. Tronchet sort son Petit traité de vélosophie

Un traité de vélosophie. Vous y pensiez ? Tronchet l’a fait. Grand amateur depuis toujours de la petite reine, l’auteur de Raymond Calbuth, des Damnés de la Terre associés ou encore de La Bite à urbain nous explique pourquoi et comment le vélo est l’avenir de l’homme… et de la femme.

L’avenir… et le présent ! Car c’est aujourd’hui qu’il faut changer nos habitudes. La période de confinement que nous venons de traverser y aura peut-être contribué. Beaucoup d’urbains se sont mis au vélo avec le déconfinement venu au point de faire exploser les chiffres de trafic vélo dans les grandes villes. En France, son usage aurait augmenté de 87% par rapport à la période d’avant confinement. C’est énorme ! Alors, autant dire que ce petit traité de vélosophie tombe à pic !

« Le vélo, c’est dans la tête! » écrit en préface l’écrivain et journaliste Eric Fottorino. C’est aussi dans les molets, vous expliquera Tronchet. Car oui, il faut pédaler, parfois sous la pluie, parfois sous les injures des automobilistes bloqués dans les bouchons mais toujours sous les applaudissements de la nature.

En une cinquantaine de planches, autant d’histoires, souvent drôles, toujours bien vues, Tronchet nous parle de son quotidien en mode cycliste, histoire de nous inviter à réinventer la ville…

Eric Guillaud

Petit traité de vélosophie, de Tronchet. Delcourt. 12,50€

© Delcourt / Tronchet

03 Juin

Sélection officielle Angoulême 2021. Le Dernier Atlas : une saga uchronique titanesque

Titanesque. C’est précisément le mot qui vient à l’esprit au regard de ce deuxième volet du Dernier Atlas. Titanesque par le robot trônant fièrement en couverture, titanesque par un scénario exigeant, ouvert sur notre monde et son passé…

Souvenez-vous, nous les avions rencontrés à l’occasion de la sortie du premier volet en mars 2019, les quatre Nantais Gwen de Bonneval, Hervé Tanquerelle, Fabien Vehlmann et Fred Blanchard, accompagnés de leur coloriste Laurence Croix, viennent tout juste de boucler le deuxième épisode de la saga uchronique intitulée Le Dernier Atlas

Quand on dit tout juste, ce n’est pas tout à fait vrai. L’album a connu un retard à l’allumage dû au coronavirus et au confinement. Deux mois de report mais au final un atterissage en douceur sur les étagères de toutes les bonnes librairies de France et d’ailleurs.

Et vous ne pourrez pas le louper. Avec sa couverture jaune du plus bel effet et ce robot géant en premier plan, le dernier Atlas au monde avec tous ses boulons, l’album se remarque de loin. 

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15 Mai

Olive, Les Soeurs Grémillet, Walter Appleduck, Frnck, Kidz, Ratafia delirium…10 BD jeunesse pour rattraper le temps perdu

Bon allez, ce n’est pas parce que c’est l’heure du déconfinement qu’il faut oublier les gestes barrières. On se lave donc bien les mains avant de lire cette chronique, une petite séance de rattrapage pour tou(te)s les ex-jeunes-confiné(e)s de France et d’ailleurs qui auraient besoin d’un peu de lecture…

On commence avec une nouvelle série publiée aux éditions Dupuis. Olive est son nom, c’est aussi le nom de son héroïne, une jeune fille de 17 ans profondément introvertie. À longueur de journée, Olive trouve refuge dans un monde parallèle qu’elle s’est construit, un monde plein de douceurs et de couleurs, jusqu’au jour où un spationaute blessé et malade y débarque sans prévenir. Un spationaute tout ce qu’il y a de plus réel dans son monde imaginaire ? Comment est-ce possible ? D’abord sidérée, Olive va devoir sortir de sa zone de confort pour le sauver. Une graphisme plein de charme, une histoire sensible, très bel album. (Olive tome 1, de Cazot et Mazel. Dupuis. 12,50€)

Il y a du Fantômas dans l’air, mais derrière ce visage masqué se cache un as du secret, plutôt qu’un maître du crime. Oui, le baron Mystère est comme son nom l’indique un très mystérieux personnage qui aime conserver ses secrets et les secrets des autres, consignés dans des registres. Récemment entré à son service, le majordome Boule de gomme découvre l’étrangeté du bonhomme et se retrouve à ses cotés lorsqu’il s’agit de mener une enquête après le vol d’une page d’un de ces fameux registres. Un récit mystérieusement drôle ou l’inverse, dans un décor gothique à souhait, accompagné de compléments en réalité augmentée !  (Une Aventure de Mystère et Boule de Gomme, de Le Gouëfflec et Malma. Delcourt. 16,50€)

Toujours aussi girly, Les Enigmes de Léa nous offrent depuis trois tomes maintenant des histoires très colorées et très mode, avec une jeune héroïne pétillante mais surtout perspicace. Il n’y en pas deux comme elle pour résoudre des énigmes. Et ça tombe plutôt bien, cet album en est truffé, une par page. Pas de souci pour Léa. Et pour vous ? Parviendrez-vous à les résoudre ? Pour les moins doués, les solutions sont notées en bas de page. (Les énigmes de Léa Tome 3, de Peignen et Nouveau. Bamboo Editions. 10,95€)

« Un monde sans art, c’est comme un tire-bouchon sans semoule ». Ne cherchez pas, vous ne pourrez pas trouver réplique plus débile. Elle est l’oeuvre de Billy que certains présentent comme « l’archétype du type rustre, macho, grossier et alcoolique aux idées dangereusement fascisantes ». Rien de moins ! Et ce grand crétin des alpages, adjoint au shérif dans un bled paumé du coté de l’Ouest sauvage, débarque un beau jour dans la grand ville du coin, invité par Walter Appleduck pour découvrir ce qui fait un monde civilisé. Alors bien sûr, ça dérape, ça déraille, ça flingue à tout va mais c’est bigrement drôle. Normal, ce western est signé côté scénario par Fabcaro, l’auteur de Zaï Zaï Zaï Zaï, et côté dessin par Fabrice Erre. (Walter Appleduck, tome 2., de Fabcaro et Erré. Dupuis. 12,50€)

On reste dans le western parodique avec le deuxième volet de Six-coups paru chez Dupuis début mars. Avec toujours le jeune Eliot en anti-héros parfait. Souvenez-vous, dans le premier volet, son père, shérif de son état, lui avait offert un flingue pour ses dix ans, oui un fabuleux Smoothie-Wesson. Sauf que notre gamin, les flingues, ç’est pas vraiment son truc, ça le dépasse un peu, ça lui fout même la trouille… Alors, se retrouver adjoint au shérif, vous imaginez. C’est pourtant ce qui lui arrive dans ce deuxième épisode, nommé d’office par son père. La blague ! (Six-coups, tome 2, de Thibault-Jouvray et Jouvray. Dupuis. 10,95€)

Changement de style avec le deuxième volet de Kidz du tandem Ducoudrey – Joret. Pas de shérif ici mais des gamins livrés à eux-mêmes dans un monde post-apocalyptique après qu’une épidémie, oui oui, ait transformé le population en zombies, des zombies qui finissent par mourir de faim après avoir dévoré la quasi totalité de l’humanité. Mais il en reste encore quelques exemplaires ici et là comme il reste quelques humains, notamment cette bande de gossesdont on suit ici les aventures, une bande de gosses qui chassent les derniers zombies entre deux jeux vidéo. (Kidz, tome 2, de Ducoudray et Joret. Glénat. 14,95€)

Et de six ! Six albums en un peu plus de trois ans. Celui-ci est sorti en janvier dernier. On y retrouve bien évidemment notre ado de 13 ans, Frnck, Franck si vous préférez, téléporté et bloqué à des milliers d’années de chez lui, du côté de la préhistoire. Bloqué ? Peut-être plus pour longtemps car notre geek a réussi à renvoyer son smartphone avec un message, et non le contraire, dans les années 70, 1970. Un objet venu du futur et du passé en même temps. De quoi faire perdre la boule à ceux qui le découvrent au détour d’une séance de spéléologie. En attendant d’être sauvé, Frnck a tout le loisir d’apprendre les voyelles aux hommes préhistoriques et de se familiariser avec les dinosaures. Drôle ! (Frnck tome 6, de Cossu et Bocquet, Dupuis, 10,95€)

Vous avez aimé la série Ratafia ? Alors, vous aimerez Ratafia Delirium, lancée par le même tandem, Pothier au scénario et Salsedo au dessin. Le même tandem pour un humour encore plus dévastateur qui nous embarque aux confins de l’univers. Finis les océans, nos héros devienent des pirates de l’espace. Et ça va faire mal ! (Ratafia Delirium tome 1, de Pothier et Salsedo. Vents d’Ouest. 11,50€)

Le premier épisode nous a permis de faire la connaissance de Lya Berton, jeune héroïne embauchée pour un stage dans un cabinet d’avocats. On comprenait au fil des pages que Lya, handicapée à la suite d’un accident de la circulation, n’était pas une stagiaire ordinaire et n’avait pas choisi son lieu de stage par hasard. Le cabinet a en effet défendu le chauffard qui l’a écrasée. Lya n’avait alors qu’un objectif : dénicher le dossier 2015/78 DV, le sien, enfin surtout celui de l’homme qui l’a laissée pour morte au bord de la route. Ses propres parents lui ont caché son nom. Elle était bien décidée à le faire payer. On la retrouve aujourd’hui avec le fameux dossier entre les mains. Que contient-il ? Réponse dans ce deuxième volet… (Dans les yeux de Lya, tome 2, de Carbone et Cunha. Dupuis. 12,50€)

Il devait sortir le 27 mars, il sortira finalement le 12 juin, Les Soeurs Grémillet est une nouvelle série des éditions Dupuis réunissant Di Gregorio au scénario, Barbucci au dessin, deux Italiens pour un récit en tout point merveilleux, une chronique familiale autour de quatre personnages féminins, trois soeurs aux caractères très différents mais unies paru un petit même grain de folie et une mère qui cache un lourd – trop lourd – secret… (Les Soeurs Grémillet, de Di Gregorio et Barbucci. Dupuis. 13,95€)

Eric Guillaud

09 Mai

The Spider King ou quand les vikings se castagnent avec les extra-terrestres

Des vikings, des couleurs ultra-flashy, une ambiance digne d’un jeu vidéo par moments et, bien sûr, des extra-terrestres armés jusqu’aux dents qui veulent écrabouiller tout le monde. Où est le problème ?

Sorti sous l’étiquette ‘Grindhouse stories’ dont le goût pour la culture bis et les films dits ‘de genre’ est désormais bien reconnu et avec en couverture cette accroche qui résume plutôt bien ce qui nous attend (‘quand les aliens déclenchent le Ragnarök !’), The Spider King réussit plutôt bien le grand écart tout en éclaboussant les murs. Mais sans non plus jamais tomber dans le grand n’importe quoi.

Le tout débute pourtant comme une simple histoire de vengeance entre guillemets entre deux clans vikings se disputant le pouvoir et même sans soucoupe volante ni gros laser à neutrons, le style graphique très coloré s’affirme déjà. Sauf qu’à la page 21 débarque E.T. et il n’est pas content. Du tout.

La lutte fratricide se transforme alors en lutte intergalactique. Et plus on découvre la nature de ce que le roi Hroldf doit affronter et plus le récit prend de l’ampleur à tous les niveaux. Surtout lorsque le héros et sa bande tombe sur un arsenal venu de l’autre bout de la galaxie…

© Glénat / Josh Vann, Simone D’Armini et Adrian Bloch

Avec ses couleurs qui claquent, ses rondeurs de partout, ses têtes réduites en bouillie, ses bras tranchés à tout va et ses monstres démesurés, ce n’est pas par hasard que The Serpent King donne l’impression d’être l’adaptation BD ultra-speedée d’un jeu vidéo sanglant, vu que le dessinateur Simone d’Armini a fait ses armes dans ce milieu.

Tout est excessif chez lui, du nombre de trépassés à la taille des flingues atomiques avec lesquels le héros dézingue à tout va, jusqu’a la mise en page qui, parfois, permet à une seule case de s’étaler sur toute une page. D’accord, la psychologie des personnages passe un peu à la trappe mais ce n’est clairement pas le propos ici.

Non, ça pétarade, ça va vite et ça éclabousse tout en se permettant quelques traits d’humour noir. Bref, cela assume aussi bien ses références (essentiellement cinématographiques) que son genre (le pulp mâtiné de science-fiction) et surtout, cela décrasse bien la pupille en cette période de confinement !

Olivier Badin

The Spider King de Josh Vann, Simone D’Armini et Adrian Bloch. Glénat. 19,95€ (disponible en numérique)

© Glénat / Josh Vann, Simone D’Armini et Adrian Bloch