D’après un sondage récent, une personne sur cinq croit que le Coronavirus est d’origine militaire. On vous laisse méditer là-dessus! Parc contre, si il y a une arme de destruction massive dont on connaît parfaitement l’origine, c’est bien la bombe atomique. Résultat de plusieurs années de travail sur le sujet, le roman graphique La bombe est une véritable somme sur la cascade d’événements qui a mené au tragique bombardement d’Hiroshima le 6 août 1945…
Au mois d’août prochain, cela fera donc soixante-quinze ans que la première bombe atomique, a réduit en cendres noires le centre d’Hiroshima et tué sur le coup 70 000 personnes. Un décompte macabre qui ne s‘arrête pas là vu que dans les semaines qui suivirent, autant mourront aussi, victimes des radiations. Un acte marquant l’entrée de l’humanité dans l’ère atomique.
La Bombe retrace les douze années qui ont précédées l’explosion et raconte comment un élément a priori anodin, l’uranium, utilisé jusqu’alors uniquement pour la radiographie médicale est devenu un enjeu du conflit mondial à venir.
L’originalité de ce gros pavé de près de 500 pages est de passer par le prisme de l’histoire chorale, mais avec comme personnage principal (entre guillemets) l’uranium lui-même. Soit le seul point commun entre toutes ces personnes vivant sur des continents différents à parfois des époques différentes, des plus importantes comme Robert Oppenheimer – le physicien américain qui a mené jusqu’au bout ce qui fut appelé le projet Manhattan – aux plus annexes en quelque sorte, comme ce modeste habitant d’Hiroshima littéralement soufflé par la déflagration et dont n’a subsisté que l’ombre, gravée sur le mur derrière lui par les radiations.
Ce qui frappe ici, c’est le souci d’exhaustivité. Les trois auteurs (deux scénaristes et un dessinateur) ont beaucoup creusé leur sujet, histoire d’en dévoiler toutes les ramifications, aussi bien scientifiques que politiques ou militaires.
On découvre par exemple qu’au tout début de cette course contre la montre, tous les pays ou presque avaient les mêmes cartes en main. Et que tout s’est joué sur la fuite d’un scientifique d’origine juive de l’Allemagne nazie pour les Etats-Unis. Où, avant même d’en entamer l’étude et la construction, tous se sont battus pour mettre la main sur les différents éléments nécessaires à son élaboration, comme la production d’eau lourde au Nord d’une Norvège envahie par les Nazis ou les mines d’uranium de la région du Katanga, au Congo Belge. On croise aussi, bien sûr, Einstein, Staline, Truman et tous les grands et petits acteurs de la construction de la première vraie arme de destruction massive.
Le choix du roman graphique plutôt que la BD traditionnelle disons est assez logique, tant la documentation très dense et les très nombreux dialogues nécessitaient absolument ce médium. Ce qui ne veut pas dire que le dessinateur Québécois se retrouve corseté pour autant. Serti par un noir et blanc très clair et classieux, Denis Rodier contrebalance la densité parfois un peu excessive des textes par des pleines pages épiques, et un sens du cadre très cinématographique.
Alors oui, le ton est très professoral par moment, trop engoncé par son souci pédagogique. La Bombe n’est pas un livre que l’on peut lire d’une traite. C’est plus une sorte de saga assez fascinante car sous la somme d’informations surnage très souvent le doute de ceux qui ont donné naissance à ce monstre. Comme le rappelle d’ailleurs la fameuse citation d’Oppenheimer, suite à un premier essai réussi dans le désert du Nouveau-Mexique : « je suis devenu la mort, le destructeur de mondes ».
Olivier BADIN
La Bombe de Denis Rodier, Laurent-Frédéric Bollée et Alcante. Glénat. 39€ (disponible en édition numérique)