28 Sep

L’heroic fantasy de Michael Moorcock : retour de flamme !

Alors que les nouvelles séries tirées des univers du Seigneur Des Anneaux et Games Of Thrones font un carton en cette rentrée, l’auteur culte britannique Michael Moorcock voit deux de ses sagas revenir sur le devant de la scène en BD, dont une scénarisée par l’une des stars de l’écurie MARVEL, Roy Thomas.

Beaucoup l’ont connu dans les années 80 via des adaptations en jeux de rôles : Michael Moorcock est un auteur culte, à l’œuvre garguantesque entamée à la fin des années 50. Ses écrits les plus connus sont plusieurs sagas ayant en commun d’être centrées autour de ce qu’il a appelé la figure du champion éternel, sorte d’anti-héros écartelé entre les dieux de l’ordre et du chaos au pourtant destin grandiose sur lequel il n’a aucune prise. Anti-héros dont il raconte l’histoire (tragique) de quatre de ses avatars, dont le plus connu est Elric.

Elric est le 428e empereur de Melniboné, race d’êtres supérieurs aussi raffinés que cruels qui ont pendant dix mille ans dominé une Terre alternative avant d’entrer en décadence. Avec sa peau blanche comme l’ébène, ses yeux froids, sa stature longiligne et sa constitution fragile qui l’oblige à recourir quotidiennement à des drogues pour rester en vie, c’est un personnage complexe, à la fois amoureux de sa cousine et grand lettré mais également personnage attaché à son héritage culturel et royal. Mais son ambitieux cousin, Yyrkoon, attend tapi dans l’ombre l’occasion de le détrôner…

© Delirium / Roy Thomas, P. Craig Russell & Michael T. Gilbert

Ce n’est pas la première fois que nous parlons de ce personnage ambivalent ici, même si on attend toujours une réédition officielle en français de sa toute première adaptation en BD signée Philippe Druillet. Il y a cinq ans, une bande de jeunes loups avaient réussi l’exploit pour le compte de l’éditeur GLENAT de complétement le réinventer à l’occasion d’une nouvelle adaptation réussie en le rhabillant d’habits noirs et gothiques, mais tout en restant fidèle à l’œuvre d’origine.         

En décembre dernier, DELCOURT rééditait La Cité Qui Rêve, adaptation qui, elle, datait de 1983, signée par le scénariste Roy Thomas (Thor, X-Men, Avengers etc.) et le dessinateur P. Craig Russell. Sauf que chronologiquement, cette histoire est en fait la troisième d’une saga qui en compte dix. Or aujourd’hui, DELIRIUM réédite l’adaptation de la toute première, Elric De Menilboné, réalisée par la même équipe mais un an après l’adaptation de La Cité Qui Rêve (c’est bon, vous suivez toujours ?) et qui remonte donc au tout début de l’histoire.

© Delirium / Roy Thomas, P. Craig Russell & Michael T. Gilbert

Le constat est toujours le même – par rapport aux choix visuels très cyberpunks de la dernière version en date, celle-ci est plus colorée, plus mélancolique mais aussi plus psychédélique mais aussi moins guerrière. Mais grâce à la mise en page plus soignée de DELIRIUM et un travail plus subtil sur la reproduction, le rendu est ici encore plus flamboyant, surtout lorsqu’étalé en pleine page. On se répète peut-être mais ici, Elric ressemble plus que jamais à un héros wagnérien, superbement tragique.

Or comment éviter la comparaison lorsqu’au même moment, une nouvelle adaptation de la saga d’un autre champion éternel de Michael Moorcock, nommé Hawkmoon, fait surface chez GLENAT, avec aux commandes le scénariste de la saga horror gothic Lord Gravestone et, notamment, le dessinateur de la série Nottinghamsur Robin des Bois ?

© Glénat / Jérôme Le Gris, Didier Poli & Benoit Dellac

Le parallèle est intéressant car si l’on tient là deux adaptations de deux œuvres du même auteur aux thématiques assez proches, le résultat est malgré tout assez différent. Autant Roy Thomas a abouti il y a quarante ans à quelque chose à la fois beau et tragique, autant ici la (jeune) équipe française s’est concentrée sur l’aspect, disons, géopolitique, plus prédominant dans la saga d’Hawkmoon.

L’action se déroule dans un monde calqué sur le nôtre mais où la technologie se mélange à la sorcellerie, aboutissant à une sorte d’univers steampunk moyenâgeux. Le héros, le duc de Köln Dorian Hawkmoon, est l’un des derniers remparts face à l’avancée irrésistible des cruels granbretons (en référence à l’Angleterre, terre d’origine de Moorcock) qui, petit-à-petit, grignotent le vieux continent. Capturé puis torturé, Hawkmoon devient malgré lui un agent infiltré de ses ennemis jurés, se retrouvant obligé d’infiltrer le royaume isolé de Kamarg, ultime poche de résistance que les granbretons veulent à tout prix écraser.

Prévu sur quatre tomes, Hawkmoon est avant tout une histoire de vengeance. Mais c’est aussi un jeu d’échec, où chacun avance ses pions plus ou moins masqués pour assouvir ses envies. Pour le duc de Köln, c’est venger la mort de son père, pour ses rivaux les granbretons, c’est assouvir complètement le monde pour mieux l’assécher. Pour y parvenir, il faut donc mentir, s’allier (momentanément) avec des gens peu recommandables et manœuvrer plutôt que sortir son épée.

Contrairement à Elric, l’élément magique tient plus de la science-fiction qu’autre chose et surtout, ici ce sont les hommes qui sont à la manœuvre, et non des dieux capricieux. D’où une série, écrite à la base en 1967, plus portée sur les intrigues de palais que sur les combats, peut-être moins flamboyante que son (lointain) cousin albinos mais assez moderne et dont l’un des nombreux descendants pourrait, justement, être Games Of Thrones.

Deux histoires, deux princes, deux êtres à la destinée tragique mais un seul auteur trop longtemps snobé en France et enfin en voie de réhabilitation.

Olivier Badin

Elric de Menilboné de Roy Thomas, P. Craig Russell & Michael T. Gilbert. Delirium. 27€     

Hawkmoon – Le Joyau Noir de Jérôme Le Gris, Didier Poli & Benoit Dellac. Glénat. 14,95€