26 Fév

Balade balade, de Kokor. Editions Vents d’Ouest. 12 reuros.

Pas facile de vendre une planète ! Alors, quand un acheteur potentiel se présente, ses moindres volontés sont des ordres. Même s’il désire faire le tour du propriétaire à cheval, plutôt qu’en hélicoptère, pour pouvoir admirer au plus près les 46000 hectares de terre encore industrialisable, les 8000 hectares de grands cru ou encore les 18000 hectares de forêt. Une belle balade et une belle affaire. Une très belle affaire même, selon le négociateur. Mais bien sûr, tout ceci n’est que pure fiction, un feuilleton radiophonique diffusé sur Radio-Variétés et écouté par des milliers d’auditeurs…

C’est drôle, c’est loufoque, c’est poétique… C’est du Kokor, du grand Kokor même que nous proposent de retrouver les éditions Vents d’Ouest avec cette réédition de Balade Balade dans un format « roman graphique » plutôt agréable et pratique.  Les planches sont réduites mais l’aventure, elle, est toujours aussi grande ! E.G.

Pip et Norton, de Dave Cooper et Gavin Mclnnes. Edtions Delcourt. 13,95 euros.

Pour imaginer les aventures de Pip et Norton, il faut s’appeler Dave Cooper et Gavin Mclnnes ! Respectivement dessinateur et scénariste, les deux hommes nous entraînent ici dans une suite d’aventures totalement déjantées avec pour héros, ou plus exactement pour anti-héros, un duo composé d’une espèce d’abeille non répertoriée par les scientifiques et d’un homme-tronc en lévitation permanente. Ils sont laids, ils sont nuls, ils sont bêtes et totalement obsédés par l’argent et le sexe. Et attention, ils débarquent à Paris où ils vont croiser quelques vieilles connaissances comme Moébius, Robert Crumb et… le couple Sarkozy-Bruni. Inévitable ! Pour les amoureux du style cartoon à la sauce punk ! E.G.

Destins (tomes 1 à 3), de Giroud, Durand, Greiner, Collignon, Christin, Lécossois, Brahy. Editions Glénat. 13 euros le volume.

  

   

   

   

   

   

   

Attention, série fleuve en vue ! Après l’ésotérique Décalogue, dix volumes parus chez Glénat entre 2001 et 2003, le scénariste Frank Giroud se lance dans une nouvelle aventure qui devrait tenir les lecteurs en haleine pendant près de deux ans et quatorze albums. Et toujours avec ce concept singulier qui tient à faire intervenir des auteurs différents sur chaque album. 13 scénaristes et 13 dessinateurs sont ainsi prévus, chacun intervenant avec son propre style narratif ou graphique, chacun avec sa propre atmosphère, Frank Giroud surpervisant l’ensemble. Destins, c’est le nom de cette série, se propose d’explorer les différents destins possibles d’une jeune femme, en l’occurrence Ellen Baker, en fonction de ses choix. Ainsi, au fil des 14 albums, ce sont 5 destins parallèles que nous suivrons. Avec en filigrane la question suivante : quelle influence nos choix ont-ils sur notre destin ? Tout commence à Houston. Ellen et son ami Greg braquent une banque mais l’affaire tourne mal. Greg est tué, Ellen doit fuir et se faire oublier. Elle part pour l’Angleterre où elle se réfugie dans l’humanitaire. Jusqu’au jour où son passé la rattrape. Ellen doit alors faire un premier choix très difficile… Action et suspense sont au rendez-vous de ces trois premiers albums qui augurent d’une très grande série. E.G.

Dans le détail :

Le Hold up, Destins (tome 1), de Giroud et Durand.

Le fils, Destins (tome 2), de Giroud, Greiner et Collignon.

Le Piège africain, Destins (tome 3), de Giroud, Christin, Lécossois, Brahy.

Pandas dans la brume, Dans les forêts de bambous (tome 1), de Tignous. Editions Drugstore. 13,90 euros.

Selon le WWF, les pandas ne seraient plus que 1600 dans le monde ! Mais il y aurait pire, selon le W.W.Disney, il n’y aurait plus que 101 dalmatiens. C’est du Tignous ! Informer, indigner, révolter, réveiller les consciences, l’air de rien, avec le sourire et beaucoup d’humour. Dessinateur de presse pour divers magazines (Fluide Glacial, L’Express…) et auteur de plusieurs ouvrages ( Tas de pauvres, Tas de riches, Pourquoi faire simple, On s’énerve pour rien…), Tignous manie l’humour corrosif comme d’autres manient la gravité nécessaire pour mener à bien certaines grandes causes. D’un côté l’humoriste, de l’autre le WWF, organisation scientifique traitant de sujets environnementaux aussi sérieux que le changement climatique ou le déclin de la biodiversité, et qui s’associe à ce projet de bande dessinée, l’humour pouvant être parfois, selon Serge Orru, Directeur général de WWW France, « …un bien meilleur porte-parole ».  Bref, dans cet album, Tignous croque les pandas sous tous les angles et, à travers eux, le monde des hommes, un monde où la cupidité est reine… En attendant de rendre les hommes meilleurs, Tignous a peut-être trouvé la solution pour sauver les pandas : promettre aux financiers qu’ils peuvent travailler pour moins cher qu’un Chinois ! E.G.

L’Hypnotiseur, de Saenz Valiente et De Santis. Editions Casterman. 15 euros.

Monsieur Salinero, gérant du Las Violetas, petit hôtel de Buenos Aires, a vu toutes sortes d’individus franchir le pas de sa porte : des hommes mariés en quête de refuge, des représentants de commerce fatigués, même des candidats au suicide… Mais un hypnotiseur, jamais, qui plus-est un hypnotiseur insomniaque qui empêche les autres clients de dormir. Un comble ! Tous les soirs, Monsieur Arenas, l’homme en question, donne un spectacle d’hypnose dans une salle de la ville. Et même s’il ne fait pas de séances privées, sa réputation finit par attirer quelques clients jusqu’à l’hôtel, des clients à la recherche de vérité sur leur passé, sur un trésor enfoui ou un moment égaré. Au fil des jours, et des clients, se noue entre l’hypnotiseur et le gérant de l’hôtel une relation singulière…

Juan Saenz Valiente et Pablo de Santis, tous deux argentins, nous offrent ici un récit surprenant autour d’un héros qui ne l’est pas moins, hypnotiseur fatigué, insomniaque et taciturne, un héros au physique qui nous laisse supposer tout le poids d’une immense douleur enfouie. Les histoires, les décors, les textes, les couleurs…  tout est ici affaire d’atmosphère. Même les personnages qui apparaissent et disparaissent au fil des pages en nous laissant à chaque fois un peur de leur âme, ont des gueules d’atmosphère… Un univers très marqué et très personnel à découvrir au plus vite  ! E.G.

New York, Bruxelles, Rome ou Venise : une nouvelle collection de city guides chez Casterman…

New York, Bruxelles, Rome et Venise… Les éditions Casterman viennent de publier simultanément quatre city guides nouvelle génération associant un grand nom du livre de voyage et un grand nom de la bande dessinée. Et le résultat est plutôt réussi, chaque ouvrage mariant intelligemment textes et illustrations, informations pratiques et invitations à l’imaginaire. Aux pinceaux, on retrouve ainsi Miles Hyman pour le guide de New York, François Schuitten pour celui concernant Bruxelles, le duo Jacques Martin – Gilles Chaillet pour Rome et, bien évidemment, Hugo Pratt pour Venise. Dans le détail, chaque guide comporte en ouverture un plan général mais aussi des repères historiques ou quelques mots de vocabulaire pour se débrouiller en toutes circonstances et, bien entendu, plusieurs propositions d’itinéraires offrant sur chacune de ces villes un regard historique, architectural, culturel, artistique ou gastronomique, parfois surprenant, toujours instructif, avec des lieux secrets pour sortir des sentiers battus, des anecdotes, des éclairages indédits… Ces guides lancés par Lonely Planet et Casterman s’inscrivent dans le cadre du développement d’un nouveau tourisme, basé sur les courts séjours. Deux autres titres sont d’ores et déjà annoncés pour septembre : Florence et Marrakech. Une belle idée ! E.G.

Dans le détail :

New York Itinéraires, de Miles Hyman et Vincent Réa.

Bruxelles Itinéraires, de François Schuiten et Christine Coste.

Rome Itinéraires avec Alix, de Thérèse de Chérisey, Jacques Martin, Gilles Chaillet et Enrico Sallustio.

Venise Itinéraires avec Corto Maltese, de Hugo Pratt, Guido Fuga et Lele Vianello.

Bandonéon, de Gonzalez. Editions Dupuis. 24 euros.

Un ovni ! Ou un miracle ! Comme vous voulez. Son nom : Bandonéon, comme l’instrument. Arrivé sans prévenir, sorti sans faire de bruit. Et pourtant ! Bandonéon a tout du chef d’oeuvre, de ces livres qu’on ouvre, qu’on dévore d’un bout à l’autre et qu’on finit par refermer uniquement sous la menace ou sous la contrainte du quotidien. Faut bien aller bosser ! Mais les images sont là, pour longtemps gravées dans la mémoire. Et le récit aussi. Un récit à double entrée avec d’abord la destinée du jeune Horacio, un prodige du piano, fasciné par les musiciens de tango, par ses amis Vicente, Luis, Gordo et les autres, un prodige donc qui fera tout pour devenir quelqu’un. Même s’il doit y laisser son âme. Puis, il y a ensuite la destinée de Jorge Gonzalez lui-même, l’auteur, qui raconte dans ces pages son propre retour en Argentine, le temps d’une visite à ses amis et à sa famille. Jorge Gonzalez vit en Espagne.

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Découvrez ici l’interview de l’auteur

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Présenté par l’éditeur comme un mélange de récit d’initiation, de fable politique et de journal intime, Bandonéon est en tout cas un ouvrage particulièrement riche qui parle bien évidemment de l’Argentine, de son histoire, des hommes, de la politique, de la culture, de la libertré, de l’amour, de l’immigration… le tout sur un air de tango. Publié dans un format « roman graphique » chez Dupuis, Bandonéon est une oeuvre réellement surprenante, surprenante dans le fond, mais aussi dans la forme avec une narration qui peut être tantôt classique, tantôt avant-gardiste, et un graphisme multiforme qui peut aller du croquis, jeté sur la page dans l’urgence, à quelque chose de plus abouti. Bref, Bandonéon est une oeuvre à part et une des plus marquantes de ce premier trimestre 2010 ! E.G.

15 Fév

Rencontre avec Aurélien Ducoudray et Eddy Vaccaro, auteurs du magnifique album Championzé paru aux éditions Futuropolis.

Eddy Vaccaro et Aurélien Ducoudray viennent de réaliser Championzé, la biographie du boxeur Amadou M’Barick Fall, dit Battling Siki, premier Français champion du monde… noir. Magnifique dans la forme, étonnant et instructif dans le fond, nous avons souhaité poser cinq questions aux auteurs, histoire d’en savoir un peu plus sur eux et sur leur album…

Comment vous est venue l’idée de réaliser cette biographie de M’Barick Fall ?

Aurélien Ducoudray. En fait, je suis tombé sur la vie de Siki complètement par hasard. C’est en feuilletant une épaisse encyclopédie de la boxe à la recherche d’infos sur le celèbre champion noir americain Jack Johnson ( accusé lui aussi de tricherie dans son combat contre le sympathique fermier blanc Jeffries !!) que je suis tombé sur une note de bas de page renvoyant à une note de trois lignes, à la fin de l’encyclopédie, au chapitre des combats truqués ! Cette note disait en tout et pour tout : cas identique en France pour le match entre le franco-sénégalais Battling Siki et l’idole Georges Carpentier… Après cette réponse en forme d’énigme, il ne restait plus qu’a suivre la piste !!

Eddy Vaccaro. Luc Brunschwig (Directeur de collection de Futuropolis à l’époque) m’a proposé le scénario d’Aurélien et j’avais une amie qui venait d’apprendre qu’elle était la descendante de Battling Siki (rousse à la peau blanche je précise). Un signe du destin, je n’ai pas pu dire non haha !

Etes-vous avant tout des passionnés de boxe, des amoureux du continent africain ou des fans du genre biographique ?

A.D. Passionné de boxe oui, mais pas érudit !! Je connais les grandes histoires, Ali, Cerdan, Jack Johnson et tous les autres grands champions, mais juste en amateur ! Par contre, du continant africain, complètement amoureux !! Mon premier métier ( photographe de presse) m’a amené a parcourir quelques pays africains ( Sénégal, Mali, Burkina, Togo, Bénin…) pour réaliser de nombreux reportages ( les albinos au Sénégal, la mendicité dans les ecoles coraniques, le Dieu football, le systeme scolaire…) et l’occasion d’accompagner la vie de Siki a été comme un vrai voyage de retour ! J’ai pu y glisser tout ce que j’aime de l’afrique ! C’est a dire tout ! L’Afrique , c’est simple, elle est tellement généreuse qu’on est obligé de tout prendre !! Avec Championzé, c’était un peu aussi une façon de lui redonner quelquechose, un fils perdu, peut être…

E.V. Je ne suis pas du tout passionné de boxe, en revanche j’ai toujours aimé le sport, le pratiquer aussi, pour le plaisir et le dépassement de soi. Mais avec Battling Siki, c’est plus l’histoire d’un homme qui m’intéresse, le contexte social, l’immersion dans son monde, ses joies, ses peines, ses doutes, ses forces… Donc oui, j’aime bien les biographies ou le décorticage de la vie d’un personnage ou d’une époque. J’adore par exemple les émissions radio comme 2000 ans d’histoire ou Rendez-vous avec X sur France Inter. Et j’ai dévoré en une seule fois le livre de Jean-Marie Bretagne sur Battling Siki ! Pour l’Afrique, c’est différent, j’ai depuis plusieurs années l’envie d’y aller et je me suis découvert la passion de la dessiner ! D’ailleurs, on a un projet de BD sur l’Afrique avec Aurélien.

Et pour vous Aurélien, la priorité était de dresser le portrait d’un grand champion de boxe ou de brosser le tableau d’une société, d’une époque, d’une mentalité ?

Aurélien Ducoudray. En fait, le portrait de l’époque s’est imposé de lui même, la seule certitude que l’on avait sur Siki est qu’il était noir et sénégalais !! Toutes les autres informations sont doublées, voire triplées par des informations contraires !! Au final, on se retrouvait devant une histoire en forme de baobab : le tronc, c’était Siki, et les centaines de branches, c’était le ressentiment des témoins de l’époque ! On a décidé de ne rien couper !! Je pense que l’histoire de Siki est indissociable de son époque, celle d’un racisme larvé, quotidien, quasi normal et totalement accepté… souvent employé dans les articles de presse sous la forme de l’humour… un humour qui pourrait être drôle s’il n’était pas nauséabond, de la tête de nègre a la salle noire de monde, aux policiers bêtes noires de Siki !! En même temps, on a choisi de ne pas taper avec une massue sur les gens de l’époque,en les dépeignant comme d’horribles racistes caricaturaux. Leurs propos sont utilisés dans le contexte de l’époque. Ils correspondent a un moment de l’histoire, a une mentalité donnée, qui j’espère n’existe plus… J’espère… Pourtant, je pense qu’il existe encore des milliers de Siki de nos jours,  plus dans le domaine de la boxe mais dans celui du travail : quand on voit par exemple la difficulté pour obtenir un entretien d’embauche quand on a une couleur de peau un peu trop foncée, ou une adresse un peu trop HLM…

Le graphisme est très particulier, oscillant entre le réalisme généralement utilisé dans les biographies et l’humoristique un peu « à l’ancienne ». C’est un choix délibéré et assumé ou il s’agit tout simplement du style graphique d’Eddy. Quelle technique avez-vous d’ailleurs utilisé ?

E.V. J’ai travaillé avec des crayons plus ou moins gras, un peu d’encre et beaucoup de correcteur blanc que j’utilise comme de la peinture blanche (c’est pratique et il n’y a pas à tremper le pinceau). C’est une technique rapide qui permet de retranscrire une variété très large d’ambiances ou des sensations avec le maximum de rapidité.  Pour les « Gueules » des personnages ou certaines illustrations, c’est effectivement mon style naturel auquel j’ai ajouté l’influence des journaux d’époque, Le Miroir devenu Le Miroir des sports après la 1ère guerre mondiale, La Baïonnette, le journal des tranchées, et un journal sur la boxe des années 20. J’y ai découvert des illustrateurs (notamment Gus Bofa) qui ressemblent pas mal à ce qui peut se faire dans la BD actuelle et même qui en sont des influences assumées.

A.D. Le  côté cartoon est complètement voulu car je trouve qu’il sert les personnages, les expressions sont tout de suite reconnaissables et je trouve que c’est un joli pied de nez que de se servir des icônes graphiques de l’époque pour justement en dénoncer le coté banania !!

Quelles sont vos influences, vos envies ?

A.D. Mes influences ? Toutes les bonnes histoires racontées par n’importe qui sous n’importe quelle forme !! Film romans, BD, articles de journaux, tout ! Et sans prétention, Godard a coté de Godzilla, d’obscurs cineastes russes au dernier film d’horreur anglais !! Tout est bon a prendre ! Après, côté envies, nous allons nous atteler a deux nouvelles biographies de boxeurs chez Futuropolis ! Celle de Young Perez, un Juif tunisien français champion du monde de boxe dans les années 30 qui fut déporté a Auschwitz, et celle de Primo Carnera, ancien lutteur de foire devenu symbole du fascisme italien sous Mussolini et devenu champion du monde de boxe en ayant  truqué tous ses combats !! Et pour ceux qui ont apprécié Championzé, jetez vous sur le livre de Jean-Marie Bretagne, Battling Siki, qu’on remercie au passage pour ces nombreuses informations !

E.V. Je lis peu mais j’aime beaucoup le roman graphique en noir et blanc ou couleur. Je n’aime pas trop la BD avec beaucoup d’effets graphiques. je trouve que certaines histoires manquent vraiment de fond, voilà, j’ai besoin de fond, de sens, pas de « délire de djeuns! ». Là je vais me faire traîter de vieux réac haha ! J’apprécie vraiment une certaine « école italienne » avec des auteurs qui développent leur travail de manière très personnelle, avec un grande maîtrise et un belle élégance poétique ( Gipi, Manuele Fior, Mattoti, Gabriella Giandelli…). Et puis des peintres aussi, Gauguin, Turner, Alechinsky, Matisse… Mon envie principale est de raconter des histoires avec du fond et de développer petit à petit un style personnel qui évoluera avec mes expériences, ma vie. Pour l’instant j’ai encore l’impression d’appartenir à une école que certains appellent « la nouvelle BD française » et ou la « BD indé » mais qui n’est plus si nouvelle, ni indépendante.

Propos recueillis par Eric Guillaud le 11 février 2010.

Retrouvez la chronique de l’album ici

28 Jan

Le Télescope, de Van Hamme et Teng. Editions Casterman. 15 euros.

  

Julien Villars, Marcello Garini, Charles Ferignac, René Jouvert et Louis Seigner. Ils sont cinq, cinq copains à partager un identique désabusement face à la vie et au travail. Ils ont tous la soixantaine et sont tous plus ou moins fauchés. Face à eux, Josefine, avec un f. 25 ans, des études chez les Soeurs quelque part en Belgique, des amants qui l’entretiennent et un certain penchant pour le luxe. Deux mondes en somme bien éloignés ? Deux mondes qui vont pourtant se rencontrer. Et plus ! Car Josefine va proposer aux cinq lascars de l’entretenir et, en retour, elle leur offrira tout son amour. Restaurants, champagne, bijoux… C’est tous les jours la fête et, très vite, les cinq se retrouvent sur la paille. Mais Josefine a un plan, un plan en forme de sombre machination, qui va leur permettre de se refaire une santé et de continuer à subvenir aux besoins de leur protégée…

Aucun doute, Jean Van Hamme est un conteur hors pair ! Alors que vient de sortir le premier volet de l’épopée historique Rani au Lombard, réalisé avec Alcante et Valles, le scénariste le plus couru de la planète BD (Largo Winch, Thorgal, XIII, Les Maîtres de l’orge…) retrouve l’époque contemporaine pour un récit qui parle d’amitié, de sexe, d’amour, d’argent… de la vie en somme ! Un récit résolument immoral, comme le déclare l’auteur lui-même, mis en images de façon très réaliste par Paul Teng dont avait déjà pu apprécier le coup de crayon sur la série Shane au Lombard. E.G.

  

Che, de Hector Oesterheld, Alberto Breccia et Enrique Breccia. Editions Delcourt. 12,90 euros.

   

La parution de cet album est un événement ! N’ayons pas peur des mots, il s’agit même d’un événement historique. Publié en septembre 2009, au même moment que la sortie en DVD du dyptique de Steven Soderbergh, avec Benicio del Toro dans le rôle du révolutionnaire, Che a eu un destin peu ordinaire, le destin d’un livre qui dérange. C’est en Argentine et en 1968 que paraît pour la première fois cette biographie dessinée de Che Guevara. En quelques semaines, ce sont quelque 60000 exemplaires qui auraient été écoulés. Mais lorsque la junte militaire prend le pouvoir en 1973, le livre est tout simplement interdit et plus tard le scénariste Hector Oesterheld assassiné, les planches originales détruites.  Le livre réapparaît dans les années 80 en Espagne dans une édition de luxe que n’aurait pas approuvé Breccia, puis en album souple chez le petit éditeur français Fréon. une édition bien évidemment très confidentielle ! Il faudra finalement attendre plus de quarante ans pour que paraisse l’album dans une édition française grand public. Et c’est chez Delcourt ! Exceptionnel par son histoire, le livre l’est aussi par son graphisme, tour à tour réaliste et quasi-suréaliste, et par sa narration, basée sur une série de flash-backs à partir du moment où Guevara se trouve dans la jungle bolivienne, à quelques jours de sa mort. Une pièce du patrimoine littéraire mondial ! E.G.