28 Jan

On me l’a enlevée, de Springer et Lambour. Editions Vents d’ouest. 13 euros.

C’est une histoire presque banale. Tristement banale. Et tragique ! Tout commence au milieu d’une fête foraine. La foule, les enfants qui rient et courent entre les manèges, les vendeurs de barbes à papa… et puis, soudain, des cris. Ceux d’une femme qui vient de s’apercevoir que le landau qu’elle pousse est vide. Désespérément vide ! Sa fille, Lola, âgée de 6 mois, a disparu ! Enlevée, forcément. Aussitôt, l’alerte est donnée et des messages tournent en boucle sur les chaînes de télévision. Au bistrot du coin comme au jardin d’enfants, c’est l’abattement. Et chacun de se demander qui a bien pu faire le coup. Peut-être ce type là-bas que personne ne connaît et qui a l’air un peu louche. Ou, pourquoi pas, l’ex petit ami de Mélanie, la maman éplorée…

Après La Rebouteuse, Séverine Lambour et Benoît Springer poursuivent dans la  chronique provinciale avec ce nouveau récit qui met en scène une fois encore la France profonde, confrontée ici à un acte terrible, le rapt d’une enfant. Avec un angle particulier. On me l’a enlevée ne s’intéresse pas à l’enquête policière lancée pour retrouver la petite mais plutôt aux réactions des villageois et à l’histoire de l’un d’entre eux, une histoire racontée dans une série de flash-backs et qui va avoir une grande importance dans l’épilogue. Tout en douceur narrative, en subtilité graphique et en justesse de ton, Séverine Lambour et Benoît Springer signent ici un bel album et un voyage au coeur de la psychologie humaine ! E.G.

Championzé, de Vaccaro et Ducoudray. Editions Futuropolis. 20 euros.

Saint-Louis du Sénégal, à l’aube du XXè siècle. Amadou M’Barick Fall est un gamin pour le moins vif et rusé. Au point de se faire remarquer et embaucher par deux jeunes artistes hollandaises de passage dans le pays. Avec elles, Amadou M’Barick Fall rejoint la France et découvre le monde du théâtre. Habillé comme un bourgeois européen, il monte sur scène pour réciter des poèmes et, bien souvent, se faire huer et traiter de singe par des spectateurs survoltés. Mais ce n’est pas sur les planches qu’il va se faire un nom. C’est sur les rings. Car, au hasard des rencontres, M’Barick Fall devient boxeur. Et pas de ces boxeurs d’opérette. Non, M’Barick Fall, que l’on va surnommer Battling Siki, sera le premier Français champion du monde de boxe… noir ! C’est en 1922 qu’il conquiert ce titre en battant un autre Français, blanc celui-là, Georges Carpentier. Mais la gloire aura vite un goût amer. La société bien pensante ne peut admettre qu’un noir soit champion du monde et représente à ce titre la France. Il sera accusé de tricherie, perdra son titre avant de le récupérer, partira pour les Etats-Unis où on lui refusera un combat avec le champion américain blanc et moura sur les pavés new-yorkais de cinq balles dans la peau ! Bien sûr, ceux qui s’intéressent un minimum à la boxe connaissent Battling Siki, peut-être moins son histoire et le contexte dans lequel il a évolué. Et c’est là tout l’intérêt de Championzé. Car au-delà d’un portrait sur l’homme, Aurélien Ducoudray et Eddy Vaccaro nous brossent dans ces pages le tableau d’une époque que l’on espère révolue. Celle du colonialisme et du racisme sans retenue. M’Barick Fall aura beau s’être illustré pendant la Grande guerre, jamais il ne sera considéré comme un Français. Publiée chez Futuropolis, Championzé est une biographie réellement passionnante qui, comme L’Enragé, le fameux diptyque de Baru publié aux éditions Dupuis en 2004, parle du milieu de la boxe en s’adressant à un public large et pas seulement aux initiés… C’est beau, c’est fort, c’est poignant et on en redemande. Ca tombe plutôt bien puisque les deux compères ont en projet deux autres biographies de boxeurs et une adaptation du Club du suicide de Stevenson… A suivre donc ! E.G.

Retrouvez ici l’interview des auteurs !

29 Déc

Le privé d’Hollywood, de Berthet, Rivière et Bocquet. Editions Dupuis. 19 euros.

  

Les éditions Dupuis nous proposent une sympathique petite virée dans la plus célèbre capitale du cinéma au monde, Hollywood, avec une magnifique intégrale en noir et blanc reprenant les trois aventures du privé au flegme légendaire, le dénommé Hyppolyte Finn. Publiées dans le journal Spirou dès 1983, ces trois uniques histoires seront publiées en albums de 1985 à 1990 avec, dans l’ordre d’apparition, Le privé d’Hollywood, Amerika et Retour de flammes.  Trois petits tours et puis s’en vont ! Trois petits tours et puis reviennent. Car, il faut bien l’avouer, si les aventures du privé n’avaient peut-être pas rencontré leur public il y a vingt-cinq ans, un rapide petit coup d’oeil sur les planches suffit pour en percevoir aujourd’hui toute la finesse du graphisme et des ambiances, toute l’intelligence des scénarii qui mettent en scène un Los Angeles à deux faces : d’un côté, les villas de luxe, les stars, les sudios de cinéma, et d’un autre, la violence, les meurtres, les trahisons, les vengeances, les rivalités et autres sombres intrigues. Ce récit noir et élégant, complété par trois nouvelles et une préface signée Phillippe Vandooren, est un cadeau idéal pour tous les amoureux du polar américain ! E.G.

Houppeland, de Tronchet. Editions Dupuis. 17 euros.

  

Que serait Noël sans sa fameuse dinde aux marrons, sans ses petits présents échangés sous une pluie de remerciements, sans ses éclats de rire, parfois forcés, sans ses chansons, ses chapeaux pointus, ses cotillons et autres buches glacées  ? Rien ! En tout cas, ce ne serait pas Noël, et surtout pas ce Noël qu’on aime célèbrer à Houppeland. Et à Houppeland, justement, le Noël, on le célèbre tous les jours… Tous les jours, sans exception. Et ceux qui refusent de se plier à la tradition sont pris en charge par la brigade des Joyeux Drilles, une bande de gars qui ne plaisante franchement pas lorsqu’il s’agit de maintenir l’ordre festif…

Publié initialement en 1997, couronné par le Grand Prix de l’humour noir en 1998, Houppeland est un récit grinçant, très grinçant, qui, comme la plupart des oeuvres de Tronchet, caricature notre monde contemporain en appuyant là où ça fait mal. L’auteur des aventures intimes et délirantes de Raymond Calbuth et de Jean-Claude Tergal, des albums humoristiques La Bite à Urbain ou Sacré Jésus, signait ici son premier long récit avec un ton qui n’était plus ouvertement et uniquement comique. D’autres longs récits suivront, plus graves, plus poétiques, tels que Le Quartier évanoui ou là-bas. Cette nouvelle édition intégrale de Houppeland comprend en outre un cahier supplémentaire de 16 pages avec de nombreuses illustrations inédites et une interview de l’auteur. Parfait pour mettre au pied du sapin ! E.G.

Pain d’alouette, de Lax. Editions Futuropolis. 16 euros.

Un matin d’avril 1919, quelque part dans le Nord-Pas-de-Calais. Le paysage présente encore les stigmates de la Grande guerre toute proche mais, déjà, la vie et la passion  tentent de reprendre le dessus sur la mort et la haine. A peine sortis des tranchées, quelques vaillants gamins ont en effet enfourché leurs vélos pour participer à l’une des courses cyclistes les plus mythiques du pays : le Paris-Roubaix ou l’Enfer du nord comme on la surnomme si justement. Quentin Ternois ne pouvait louper ça, lui, l’ancien du milieu. Même si aujourd’hui, il tente de survivre avec ce qui lui reste de poumon. Gazé, comme tant d’autres ! Il va se contenter de regarder les gars passer et de rêver au bon vieux temps avec son neuveu, un passionné de vélo lui aussi, malheureusement condamné à travailler dans les mines. Comme papa ! Pendant ce temps là, dans un orphelinat du Sud-ouest de la France, une fillette subit la violence du directeur. Elle s’appelle Reine Fario. C’est la fille d’Amédée Fario, un autre coureur cycliste tué sur le front… En apprenant son existence, un ami de ce dernier, Camille Peyroulet, va tout tenter pour la récupérer, l’adopter…

Lax est de retour ! Et le plaisir est toujours là. Immense. Entre deux aventures du Choucas (éd. Dupuis), il livre ici une suite à L’Aigle sans orteils (éd. Dupuis), un récit publié en 2005 et couvert de récompenses. « On y retrouve certains protagonistes, tout particulièrement Camille Peyroulet, le meilleur ami d’Amédée Fario… », précise l’auteur, « Le récit commence en avril 1919, au moment où fut organisé dans une région picarde dévastée par le conflit, le premier Paris-Roubaix d’après-guerre. La France avait alors un besoin pressant de retrouver une dignité, et cette course célèbre, véritable monument du patrimoine national , en resurgissant des ruines, était une formidable occasion de redresser la tête ». Pain d’alouette est un véritable hommage au monde du cyclisme mais aussi au monde ouvrier. « Si le contexte de mes livres est celui de la classe ouvrière, quelles que soient les époques, c’est que je viens de là. C’est le milieu social dans lequel j’ai grandi, qui a influencé mon éducation ». Et le lien entre le monde ouvrier et le cyclisme est évident pour l’auteur. « Le vélo fut et est encore un grand sport populaire, parce qu’il porte des valeurs que la classe laborieuse, le monde du travail, le prolétariat, les gens de peu (pour reprendre les mots du philosophe Pierre Sansot) connaissent, repsectent et cultivent […] Pour moi le parallèle est évident, et une course aussi inhumaine que Paris-Roubaix ne pouvait s’imposer que sur ce terreau de l’effort et de la souffrance, participant à façonner une aristocratie du monde ouvrier et du milieu sportif ». Pour ce magnifique récit, Lax à souhaité un graphisme rugueux qui colle à l’atmosphère d’après-guerre et à cet « Enfer du nord » qui peut tout autant décrire le Paris-Roubaix que le quotidien des mineurs. Lax a d’ailleurs, pour l’occasion, adapté son dessin. « En posant mes couleurs (encres et aquarelle) sur un trait volontairement tracé avec une encre soluble et elle-même colorée en fonction de la tonalité dominante, j’obtiens des mélanges plus ou moins hasardeux et plus ou moins sales, que je surcharge souvent avec du graphite, des pastels ou des épaisseurs de gouache. J’ai de la matière, surtout pour les scènes d’extérieur, et du coup rien n’apparaît propre et tranquille ». Et le résultat est tout simplement sublime ! E.G.

Bâtarde, Rani (tome 1), de Van Hamme, Alcante et Vallès. Editions Le Lombard. 13,50 euros.

   

Juin 1743, quelque part dans le Massif Central, loin des batailles qui ensanglantent l’Europe pour la succession d’Autriche. Philippe de Valcourt vient d’apprendre que son père, le marquis Charles de Valcourt, souhaitait léguer son château et ses dépendances à sa demi-soeur Jolanne, cette « petite bâtarde » comme il l’appelle, fille d’une « vulgaire gouvernante« . Mais ses gérémiades, ses insultes, n’y changeront rien. Le marquis a pris sa décision et le testament est déjà chez le notaire. Seule et unique solution pour Philippe de Valcourt : tuer son père, corrompre le notaire et tromper sa demi-soeur. Si la première étape est rudement et froidement menée, pour le reste, ce noble sans morale ni scrupules va devoir mettre les bouchées doubles question manigances …

Scénariste éclectique et prolifique, considéré comme l’un des plus grands maîtres du Neuvième art, auteur notamment des séries cultes que sont Thorgal, XIII, Largo Winch ou encore Les Maîtres de l’Orge, Jean Van Hamme a créé Rani pour la télévision avant de demander à un autre scénariste, le Belge Didier Alcante, d’en faire l’adaptation en BD. Le premier album est paru avant même la diffusion du premier épisode (prévue pour fin 2010, début 2011) et pose les fondations d’une aventure avec un grand A, exotique avec un grand E. Car après les intrigues liées à la mort et à l’héritage de Charles de Valcourt,  Jolanne va nous entraîner jusqu’aux Indes, à l’époque où les Français ont failli les conquérir. Et là-bas, Jolanne va devenir Rani. C’est la première fois en trente ans de carrière que Jean Van Hamme imagine pour héros une héroïne. « Lorsque j’ai débuté… », explique-t-il, « la femme n’existait pas du tout dans la bande dessinée, si ce n’est dans de rôles décoratifs et anecdotiques […] J’ai toujours eu un faible pour les femmes libérées ! ». Et Jolanne est une femme aussi libre et insoumise que belle et aventurière. Côté graphisme, c’est Francis Vallès qui s’en charge, un dessinateur qui a déjà travaillé avec Jean Van Hamme (Les Maîtres de l’Orge) et qui offre ici des planches d’un réalisme élégant, de plus en plus proche de la ligne claire. Le début d’une gande saga à la Van Hamme ! E.G.

L’info en +

Jusqu’au 9 janvier 2010, la médiathèque Jean Falala de Reims présente la première rétrospective dédiée à Jean Van Hamme avec près de 200 originaux exposés, planches, croquis, manuscrits, story-boards, films…

Pour toutes informations : jfalala@bm-reims.fr

Grandeur et humiliation, Ida (tome 1), de Chloé Cruchaudet. Editions Delcourt. 13,95 euros.

couv_idaCanton de Bâle, Suisse, 1887. Il n’y a que dans son lit et sous son énorme édredon à carreaux rouges et blancs que Mademoiselle Ida Von Erkentrud se sent bien. Et encore. Il lui faut sa dose régulière d’opium pour la soulager. Mais pour la soulager de quoi au juste ? Personne, pas même son médecin, ne le sait. Ida est surtout hypocondriaque. Ca, c’est une certitude ! Aussi lui recommande-t-on un séjour au bord de la mer. Elle qui n’a voyagé qu’une seule fois dans sa vie, à l’occasion de l’Exposition universelle de Paris, se retrouve subitement par monts et par  vaux, direction le sud de la France. Partie dans son élan, elle s’offre même une petite escapade à Valence avant de finalement embarquer pour Tanger. Et miracle, Ida n’a plus aucun des symptômes du mal qui la tétanisait dans sa Suisse natale. Elle redécouvre même son corps et prend goût aux voyages. Avec une amie, rencontrée en chemin, qui devient sa secrétaire, elle va silloner l’Afrique et vivre de belles aventures…

Remarquée par le public et les professionnels avec son album Groenland Manhattan (Prix Goscinny 2008, éd Decourt), histoire vraie d’un jeune esquimau ramené à New York par l’explorateur Robert Peary, la sémillante Chloé Cruchaudet revient avec une pure fiction cette fois même si le contexte est lui bien réel. « J’ai essayé de coller le plus possible à la vérité du contexte historique… », précise-t-elle, « je me suis beaucoup documentée sur l’Afrique de la fin du XIXè siècle, également sur l’Exposition universelle de Paris de 1867 qui a une grande importance dans le récit. Je voulais être libre de faire évoluer les héroïnes à ma guise pour raconter ce que je voulais ». Et ce que souhaite raconter Chloé ici, à travers Ida, c’est la vie d’une vieille fille hypocondriaque qui se retrouve sur les routes un peu marlgré elle et qui prend goût au voyage, à la découverte, à l’inconnu, à l’exotisme… « On a appelé le XIXe siècle le siècle ambulatoire ; le tourisme commençait à être à la mode, et certains faisaient preuve d’une audace folle en voyageant dans des zones inexplorées. On trouve dans ces voyageurs une poignée de femmes dont les vies m’ont passionnée… ». Loin des récits d’aventures habituels, Grandeur et humiliation, premier volet de Ida, est un récit rafraîchissant, plein de poésie et de drôlerie,  et emmené par un graphisme des plus élégants et par des ambiances doucâtres absolument divines. Bravo ! E.G.

Au pied du sapin… Quelques bandes dessinées pour toute la famille…

  

La torture des cadeaux de denrière minute… Tout le monde connait ! Compatissants que nous sommes, voici donc une petite sélection d’albums pour toute la famille, à glisser discrètement sous le sapin…

   Bon, pour commencer, la troisième saison de Paddock Les Coulisses de la F1 s’adresse, il est vrai, prioritairement à un lectorat… comment dire… plutôt passionné de F1 et donc masculin. Mais les gags en une page du scénariste Pat Perna et du dessinateur Juan restent malgré tout largement « grand public » et assez fins même si on y voit beaucoup de tôles froissées et de filles défroissées. Retour sur le paddock donc avec l’écurie Broken Arms et ses nouvelles couleurs, rose comme le papier hygiénique Cali-Net du nouveau sponsor. Fort heureusement, le champion Michaël Choumaker a rejoint l’écurie et risque bien de faire passer les bolides au rouge vif… Drôle et léger ! 

Si vous êtes plutôt du genre  »histoire de princesse et de pays merveilleux », alors, un conseil, oubliez ce livre ! D’ailleurs, l’héroïne nous prévient d’entrée dans une préface à multiples facettes. Façon intellectuel, ça donne : « On pourrait dire qu’il s’agit d’un opus introspectif. C’est le cas, n’est-ce pas, mais même si l’introspection reste le centre de mes préoccupations, j’ai toutefois ciblé mes recherches sur les objets affectifs de mon entourage.. qui ne sont pas moi (n’est-ce pas), mais qui, paradoxalement, me définissent ». Pour faire simple, l’auteure Hélène Bruller a décidé de ne plus parler d’elle comme dans Hélène Bruller est une vraie salope ou Je veux le prince charmant, mais de ses amis. Façon pédante, ça donne: « J’ai beaucoup parlé de moi dans mes précédents albums… Il est temps que je parle des autres… de mes amis… mes amis à moi… ». Et la voilà donc partie à brosser le portrait de son entourage, à sa façon, au vitriol. Et tout le monde en prend pour son grade : les voisins, les collègues de bureau, la famille… et nous tous ! Ca dynamite, ça disperse, ça ventile, ça éparpille façon puzzle…

Au scénario : un Lillois. Au dessin : un Rouennais. Résultat : Eclipse, un triptyque de science fiction qui vient de s’achever avec la sortie en octobre dernier du troisième volet intitulé Schwarz. Avec un style graphique beaucoup plus réaliste, sobre et élaboré que celui employé dans Mâchefer (éd. Vents D’Ouest), Sébastien Vastra offre une belle et dynamique mise en images du scénario d’Ozanam. L’histoire se déroule au XXIVe siècle et raconte les aventures et mésaventures intergallactiques de la jeune Mika lancée à la recherche de son père étrangement disparu. Les amateurs de science fiction tendance Verhoeven (Total Recall, Robocop, Hollow man…) se régaleront ! 

Dans le détail :

Paddock, Les Coulisses de la F1, de Pat Perna et Juan. Editions Vents d’ouest. 9,40 euros.

Love, de Hélène Bruller. Editions Drugstore. 13,90 euros.

Schwarz, Eclipse (tome 3), de Ozanam et Vastra. Editions Vents d’ouest. 13 euros.

Souvenirs de l’éternel présent, Les Cités obscures, de François Schuiten et Benoît Peeters. Editions Casterman. 18 euros.

  

Bienvenue à Taxandria. Ici vit Aimé, un enfant. Le dernier ! Il a une dizaine d’années, le crâne rasé et le monde qui l’entourre n’est plus qu’un amas de pierres et de ferrailles. Plus un oiseau, plus une fleur, pas d’eau, pas de vent, uniquement des ruines et des carcasses de machines inventées autrefois par les hommes. Quelques survivants aussi, contraints de subir l’éternité. Car Taxandria est  aujourd’hui, demain aussi, le pays de l’éternel présent. Le temps s’y est figé. Et Aimé a donc tout le loisir de se poser des questions sur ce monde pour le moins étrange. Et il s’en pose beaucoup ! Jusqu’au jour où il trouve enfin des débuts de réponses dans un grand  livre rouge qui conte l’histoire du grand cataclysme. Un livre absolument interdit ! Et ce que le jeune Aimé y découvre est stupéfiant. Au commencement de tous ces malheurs : les hommes de Taxandria bien sûr qui ont agi par orgueil et vanité. Ils ont voulu partout un monde à l’image de Taxandria. Il fallait dupliquer, dupliquer les mondes, dupliquer les hommes et pourquoi pas dupliquer le soleil. C’est justement ce qu’ils ont fait, déclenchant un processus irrémédiable : fonte des neiges, incendies, raz de marée, tremblement de terre… et l’éternité pour pleurer !

S’il s’inscrit parfaitement dans la série des Cités obscures, ce récit n’était pas destiné à l’origine à devenir un livre mais un film du cinéaste belge Raoul Servais, intitulé Taxandria. C’est ce que nous confient les auteurs, François Schuiten et Benoît Peeters, en fin d’album. Une bien longue histoire qui commença au début des années 70 avec les premiers éléments conçus par Raoul Servais lui-même. S’en suivit une multitude de péripéties, d’aventures et de mésaventures et, à l’arrivée, un film présenté en 1994 au festival de Gand que tout le monde a aujourd’hui oublié. Dès 1987, François Schuiten fut contacté pour concevoir graphiquement le monde de Taxandria. Il réalisa pour celà d’innombrables dessins qui ne trouvèrent jamais leur place dans le film.  « Depuis lors… », explique Benoît Peeters, « ce matériau était en attente. Nous ne savions trop comment l’aborder. Sans doute fallait-il d’abord que nous fassions le deuil de Taxandria pour regarder ces images avec un oeil neuf. Bien plus que du film achevé, c’est des premières versions du scénario, élaborées par le seul Raoul Servais, que s’est nourri Souvenirs de l’éternel présent… ». Dans la lignée graphique des albums précédents, Souvenirs de l’éternel présent permet aux auteurs d’aborder des thèmes qui leur sont chers comme l’ordre établi, la décadences de la société industrielle, l’environnement… Un très beau récit fantastique et un univers vraiment personnel ! E.G.

L’Homme bonsaï, de Fred Bernard. Editions Delcourt. 14,95 euros.

  

Petite séance de rattrapage ! L’Homme bonsaï a été publié en août dernier aux éditions Delcourt. C’est vrai que l’affaire remonte maintenant à quatre mois et que quatre mois dans le monde de l’édition, c’est long et largement suffisant pour voir disparaître, parfois mis au rebut, des dizaines de titres. Mais L’Homme bonsaï a ce petit quelque chose en plus qui fait de lui un album au long cours, un album qui peut rester des mois sur les étagères de vos librairies préférées, des mois aussi sur votre table de chevet, avant que vous ne vous décidiez finalement à l’ouvrir… et tomber sous le charme. C’est l’effet du petit quelque chose en plus, un savant mélange d’aventure, d’exotisme et de poésie qui se mérite, se doit d’être dégusté et non englouti dans une frénésie consommatoire ! L’histoire est celle d’un homme, Amédée, devenu matelot par la force des choses et qui d’aventures en mésaventures se retrouve seul sur une île perdue de la mer de Chine avec un arbre qui lui pousse sur la tête. Récupéré par des pirates chinois, Amédée devient un butin particulièrement précieux dont on prend grand soin. Chaque jour, un vieux Chinois l’éffeuille, l’ébourgeonne, l’ébranche, l’élague… et peu à peu, Amédée devient l’Homme bonsaï, une véritable force de la nature qui va dès lors régner sur les océans et prendre une revanche sur le destin… « Cest un cauchemar au départ, ce n’est pas très gai… », explique Fred Bernard, « Un mauvais rêve que j’ai vraiment fait, dans lequel un arbre me poussait sur la tête. Je perdais mes cheveux, mes cils, mes sourcils, tous mes poils et je maigrissais à vue d’oeil, et cet arbre qui poussait, poussait, allait me tuer ! A ce moment là, j’avais un ami qui était malade et qui faisait une chimio… Il n’avait pas d’arbre sur la tête, mais il avait tous ces symptômes-là… ». Publié initialement sous la forme d’un livre jeunesse, avec François Roca au dessin, L’Homme bonsaï rencontre ici un lectorat plus adulte même s’il reste d’une grande accessiblité. Au récit jeunesse qui mélangeait déjà piraterie et mystères de l’Orient, fantastique et destinée tragique, le récit en bande dessinée s’enrichit d’une magnifique histoire d’amour entre le fameux Amédée et la femme d’un puissant marchand chinois, la belle et ténébreuse Changaï Li, histoire qui est d’ailleurs à l’origine de cette reprise en bande dessinée, explique l’auteur : « La première motivation était de réinsérer une histoire d’amour que j’avais pensée dès le départ et que je n’ai pas mis dans L’Homme bonsaï illustré par François parce qu’elle n’avait pas du tout sa place en jeunesse ». Un album magnifique, surprenant, envoûtant, à découvrir au plus vite ! E.G.