11 Jan

Docteur Poche (intégrale 2), de Wasterlain. Editions Dupuis. 24 euros.

Un mélange d’aventure humoristique classique, de poésie, de fantaisie, de fantastique et de générosité : voilà comment la maison d’édition Dupuis présentait le travail de Marc Wasterlain lors de la sortie du premier volume de l’intégrale Docteur Poche. Et ce second tome, tout juste paru, en apporte une confirmation lumineuse en proposant aux lecteurs le fameux diptyque composé de La Planète des chats et du Géant qui posait des questions. L’auteur qui se sentait à l’étroit dans les formats habituels imposés par l’école belge trouva ici matière à libérer totalement son imagination et nous offrir un récit parodique en plein Moyen âge avec pour décor une planète ou les animaux se battent pour le pouvoir. Des animaux très humains en somme ! C’est dans les années 70 que Docteur Poche, personnage fétiche de Wasterlain, apparaît pour la première fois dans les pages du journal Spirou. Signe particulier : son nez. Pas rond, plutôt fin et long. Un nez qui fera dire à Jijé : « … un nez comme cela, c’est un trait esthétique qui ne correspond à rien ».  Pourtant, avec ce nez, son style graphique et sa façon de raconter, Wasterlain va s’imposer et influencer nombre d’auteurs comme Yslaire. En bonus, un dossier retrace la vie et l’œuvre de l’auteur dans le contexte de la fin des années 70 et du début des années 80 avec dessins, esquisses, croquis, photos… E.G.

06 Jan

Pénélope, Les Champs d’azur (tome 2), de Giroud et Brahy. Editions Glénat. 13,50 euros.

Son nom : Théodore Fayard. Sa passion : les aéroplanes. Déjà, pendant son service militaire, l’homme fabriquait de ses mains des modèles réduits volants qui faisaient l’admiration de ses compagnons. C’est donc presque naturellement qu’il intègre l’entreprise Joliot dont la spécialité est de fabriquer des automobiles mais aussi des « plus lourds que l’air », comme on les appelle à l’époque. Mais après quelques années d’aventures aériennes plus ou moins heureuses, les Joliot se retrouvent au bord de la faillite. Théodore, rendu responsable de cette situation et, plus grave encore, de la mort du fils Joliot, est chassé. Il achète son propre avion, parcourt les meetings et finit par être engagé dans un cirque aérien aux Etats-Unis où il va faire une rencontre déterminante pour la suite de sa carrière. Nous sommes en 1911, il y a tout juste un siècle…

Décollage immédiat pour cette nouvelle série présentée par l’éditeur comme une grande saga historique qui devrait entraîner le lecteur de 1909 à 1970, au gré des découvertes aéronautiques. Réalisée par le scénariste Frank Giroud (Louis la Guigne, Les oubliés d’Annam, Azrayen, Quintett, Secrets…) et le dessinateur Luc Brahy, dont le grand-père fut pilote de chasse en 14-18, la série Les Champs d’azur allie un scénario bien pensé et un graphisme réaliste très agréable ! E.G.

04 Jan

L’héritage du Kaiser, Le Casse (tome 6), de Herik Hanna et Trevor Hairsine. Editions Delcourt. 13,95 euros.

Dernier opus de la série Le Casse, initiée par le scénariste David Chauvel, L’Héritage du Kaiser nous entraîne dans l’Allemagne des années 30 pour une poursuite infernale aux côtés du Major, un agent secret dont on ne sait plus très bien où se situe son camp. Après avoir rempli avec succès une mission en Angleterre, l’homme effectue en effet un retour fracassant sur la terre nazie en tuant plusieurs membres de la Gestapo et plusieurs SS. De quoi laisser circonspects ses supérieurs. Mais comme le déclare l’un d’eux, « si cet homme a choisi un autre camp… Ce ne peut être que le sien », autrement dit, il y a forcément une explication à ses agissements. Oui… Mais laquelle ?

Hyper dynamique, le scénario d’Herik Hanna dont c’est le premier album est merveilleusement mis en images par l’Anglais Trevor Hairsine qui a précédemment réalisé Ultimate Nightmare, en collaboration avec Warren Ellis. Un contexte fort, un récit haletant, un graphisme de caractère… ce sixième album clôt la série avec panache ! E.G.

02 Jan

Margot la folle, de Muriel Blondeau. Editions Glénat. 14,99 euros.

C’est dans la magnifique collection Carrément bd qui compte déjà plusieurs belles pièces comme Le Dérisoire, L’Epouvantail pointeur ou Dracula, que l’album Margot la folle est paru. Aux pinceaux comme à la plume, on retrouve avec intérêt la Belge Muriel Blondeau, qui s’était fait remarquer en 2006 en illustrant Monstrueuse parade, un récit de Foerster sorti aux éditions Casterman. Entre les deux, un point commun, le fantastique, et dans ce nouvel opus une bonne dose de folie douce et d’énergie pour un récit qui nous entraîne dans un village médiéval où les rares survivants de la peste trouvent encore le moyen de s’entretuer. S’en suit une course effrénée dans le monde des morts… Pour les amateurs d’univers un peu dingues ! E.G.

25 Déc

Vies tranchées, Les soldats fous de la Grande guerre, collectif. Editions Delcourt. 19,90 euros.

Combien furent-ils ? Des centaines ? Des milliers ? Beaucoup ! Trop ! La Grande guerre, comme toutes les guerres qui l’ont précédé ou suivi, a rendu fou quantité de soldats. Internés à l’hôpital de Ville-Evrard à Neuilly-sur-Marne alors réquisitionné par l’armée, ces hommes furent soignés avec un unique objectif : les renvoyer au plus tôt sur le front. Une poignée de dessinateurs, parmi lesquels Benoît Blary, Laurent Bourlaud, Florent Humbert, José Luis Munuera ou encore Guillaume Trouillard, deux scénaristes, Yann le Gal et Jean David Morvan, et un spécialiste en psychiatrie qui a notamment travaillé sur les aliénistes de la Grande guerre et consacré la fin de sa carrière à l’étude des archives de l’hôpital de Ville-Evrard, Hubert Bieser, ont rassemblé et mis en images dans cet album le parcours d’une quinzaine d’hommes tombés fous au champ d’honneur. Si chacun de ces témoignages diffère dans la forme, tous ont en point commun un réalisme brutal et en fil rouge l’histoire d’Emile P., 37 ans, originaire de Lannilis en Bretagne, un soldat comme les autres qui accompagnera le lecteur tout au long du récit. Un album poignant, une approche originale et un très bel hommage à tous ces oubliés de l’histoire ! E.G.

Jeronimus (tome 3), de Dabitch et Pendanx. Editions Futuropolis. 17 euros.

9782754803113FSDeux ans après le premier, voici le troisième et dernier volet de Jeronimus, magnifique et terrifiante fresque maritime emmenée par l’excellent Christophe Dabitch au scénario et le virtuose Jean-Denis Pendanx au dessin, aux peintures devrait-on dire tant son travail en est proche, chaque planche nous offrant une preuve éclatante d’un talent hors du commun. Direction les océans donc pour ce dernier chapitre et plus précisément une île au large de l’Australie. C’est là qu’en juillet 1629 s’est échoué le Batavia, navire amiral de la Compagnie des Indes hollandaises. A son bord, 341 passagers, dont 38 femmes et enfants, et un certain Jeronimus Cornelisz. Il est d’usage de dire que c’est dans les situations extrêmes que se révèle la véritable personnalité des hommes. De fait, Jeronimus Cornelisz, homme plutôt peu courageux, va s’ériger ici en personnage sanguinaire, chef d’orchestre d’un odieux massacre… Ce drame bien réel, resté célèbre semble-t-il en Hollande et en Australie, est ici retracé avec une incroyable force. Un récit captivant !

Eric Guillaud

22 Déc

Une anthologie, de Jirô Taniguchi. Editions Casterman. 30 euros.

Une douceur ! C’est peut-être le terme qui caractérise le mieux chaque nouvelle publication de Jirô Taniguchi. Et c’est plus vrai encore avec cette très belle anthologie publiée chez Casterman, anthologie qui reprend les histoires des albums Terre de rêves et L’homme de la Toundra, ainsi que deux récits inédits en français : La Lune finissante et Une Lignée centenaire. 500 pages de bonheur pour le lecteur, une plongée dans un univers de délicatesse, de légèreté, d’amour pour la nature, l’animal et l’homme. Un peu comme si le monde s’était subitement arrêté sur la case des jours heureux. Vous me direz qu’il ne s’agit là que d’une réédition et vous aurez raison. Terre de rêves a effectivement été publié précédemment dans la collection Ecritures (2005) et L’Homme de la Toundra, dans la collection Sakka (2006) mais avec le sens de lecture original, c’est à dire à l’envers du nôtre, donc moins adapté au grand public. Et c’est bien le grand public qui est visé avec ce recueil de luxe, du moins celui qui aime Taniguchi sans connaître forcément les mangas. Celui qu’on présente comme le plus européen des auteurs japonais est en fait un auteur universel aux thèmes universels. L’adaptation au cinéma de son album Quartier lointain, sorti début novembre en salles, en est la meilleure preuve. Bref, si vous aviez besoin d’une idée cadeau de dernière minute, ne cherchez plus, vous l’avez trouvé… Et aucun doute, il sera fortement apprécié ! E.G.

17 Déc

Un héros sans coeur, Showman killer (tome 1), de Jodorowsky et Fructus. Editions Delcourt. 13,95 euros.

Créé de toutes pièces par un généticien fou du nom de Courcolain, Showman killer n’a reçu durant sa jeunesse aucun réconfort de qui que ce soit, histoire de bien le préparer à sa carrière de super-assassin. Il n’a eu ni père, ni mère, ni copains, ni jouets, a été simplement éduqué « …à martyriser les animaux, les enfants, les malades, les vieux, les avortons galactiques sans la moindre pitié ! ».  Et pour éviter que ses sentiments prennent le dessus, Courcolain a pris le soin d’enlever les conduits émotionnels de son système nerveux. Implacable ! Showman killer n’a de fait aucun sentiment. Il tue d’ailleurs son propre créateur dès que l’occasion lui est donnée, et refuse de se mettre au service de l’Omnimonarque. Véritablement sans coeur, Showman killer est un mercenaire uniquement intéressé par l’or. Jusqu’ au jour où son chemin croise celui d’Ibis…

Réalisateur, mime, romancier, essayiste, poète et scénariste de bande dessinée, Alejandro Jodorowsky a plus d’une flèche à son arc et une carrière bien remplie. Il a collaboré avec les plus grands du Neuvième art, Moebius (L’Incal), Juan Gimenez (La Caste des Méta-Barons), Manara (Les Borgia), Arno (Alef Thau) ou encore François Boucq (Bouncer), et parvient toujours à nous surprendre , à plus de 80 ans, avec des histoires d’une très grande richesse. « Ce qui est intéressant avec lui… », confie le dessinateur de Showman killer, Nicolas Fructus, « c’est qu’il ne fait pas de découpage. Il fonctionne plutôt comme au théâtre, acte par acte, en privilégiant une mise en scène et une ambiance... ». De fait, ce premier volet de Showman killer nous plonge dans un univers extrême, régi par la violence et l’or, un univers offrant une sombre vision du futur, de notre futur ! E.G.

  

L’info en +

Talentueux et prolifique, Alejandro Jodorowsky est l’auteur d’un autre album récemment paru, le premier volet d’une nouvelle série intitulée Ogregod (Ed. Delcourt, 13,95 euros). Réalisée avec Zoran Janjetov, avec qui il avait déjà collaboré sur les Technopères, cette série est l’adaptation très libre de 2 ans de vacances de Jules Verne. Direction une planète inconnue où vient de s’échouer le Sloughi, un vaisseau spatial qui devait emmener en voyage huit héritiers de grandes familles de la planète militaire Okkar…

 

Jojo, Yoko Tsuno, L’Appel de la forêt, Le Narval… Quelques idées cadeaux de dernière minute…

Plus qu’une semaine et c’est Noël ! Voici pour tous ceux qui n’auraient pas encore bouclé leurs achats quelques idées de dernière minute, une sélection d’albums pour toute la famille…

Et commençons par le dernier volet de Jojo paru en octobre dernier. C’est le 18e de la série et il s’intitule Mamy Blues. Jojo est un petit garçon adorable qui vit avec sa mamie. Mais justement, sa mamie ne va pas très fort. Malaise, Check-up, traitement, repos… Jojo s’inquiète ! Mais pas pour longtemps. Jojo et sa Mamie ont gagné une croisière en Méditerranée. Et les voilà partis pour quelques jours de bonheur à bord du Dolce Vita… Depuis 23 ans et leur première parution en album, les aventures de Jojo nous ouvrent en grand le monde de l’enfance avec ses petits malheurs et ses  grandes joies. Une série pleine de tendresse, d’amour, d’amitié, de fraîcheur et d’humour…

Si je vous dis qu’elle est électronicienne, japonaise, qu’elle est apparue dans les pages du journal Spirou en 1970 et qu’elle vient de vivre sa vingt-cinquième aventure… vous pensez immédiatement à la belle Yoko Tsuno et vous avez raison. L’héroïne de Roger Leloup est en effet de retour dans La servante de Lucifer pour un récit qui commence en Ecosse dans un château anciennement hanté où a été découvert un automate qui serait, selon d’anciens manuscrits, la servante le Lucifer. Un nouveau mystère à éclaircir qui va entraîner notre Yoko sous terre pour une rencontre avec le diable… Un grand classique avec, toujours, ce graphisme d’une très grande lisibilité…

En route pour le Grand Nord américain maintenant avec l’adaptation en bande dessinée d’un des plus célèbres romans de Jack London, paru en 1903 : L’Appel de la forêt. C’est Fred Simon, dessinateur précédemment de L’Ile au trésor, de Rails ou encore du polar Le Poisson-clown, qui signe ici à la fois le scénario, le dessin et les couleurs. L’histoire nous entraîne dans les pas d’un chien, un croisé terre-neuve et colley dénommé Buck, un chien de compagnie qui menait une vie paisible dans une grande demeure en Californie avant d’être enlevé et vendu comme chien de traineau pour des chercheurs d’or quelque part en Alaska. Au contact de cette nature sauvage et de la méchanceté des hommes, Buck revient à ses instincts naturels… En 48 pages, Fred Simon offre une belle adaptation du roman de Jack London, grâce notamment à un graphisme délicat et des couleurs légères qui restituent parfaitement les grandes étendues neigeuses de ce coin de la planète… Une grande aventure animalière pour tous et toutes.

Un peu d’action pour finir avec le deuxième volet du Narval qui nous entraîne en eaux plus ou moins troubles pour des histoires à couper le souffle. Aux manettes, le scénariste Olivier Supiot et le dessinateur Boris Beuzelin. Au bout du crayon, un sacré personnage, Bob Narval, plongeur de son état, prêt à parcourir la planète pour remplir ses missions. On peut ainsi le suivre dans un désert où il découvre une ancienne planque nazie et quelques trésors picturaux signés Kandinsky, Picasso…, à Cuba pour des vacances un peu spéciales ou encore à Paris, pour une petite promenade quelque peu mouvementée dans les égouts de la ville. Cinq histoires d’une dizaine de pages constituent cet album surprenant. A noter le très sobre et très efficace graphisme de Boris Beuzelin ainsi que l’excellent travail effectué sur l’ensemble des planches par la coloriste Céline Bessonneau… On aime ! E.G.

  

Dans le détail :

Mamy blues, Jojo (tome 18), de Geerts et Salma. Editions Dupuis. 9,95 euros.

La servante de Ludifer, Yoko Tsuno (tome 25), de Roger Leloup. Editions Dupuis. 9,95 euros.

L’Appel de la forêt, de Jack London, par Fred Simon. Editions Delcourt. 10,50 euros.

Terrain vague, Le Narval (tome 2), de Olivier Supiot et Boris Beuzelin. Editions Treize Etrange. 9,90 euros.

15 Déc

Salammbô Les Nus et Salammbô L’intégrale, de Flaubert et Druillet. Editions Drugstore. 30 et 35 euros.

Philippe Druillet est de retour ! L’homme qui a révolutionné la bande dessinée dans les années 70, la faisant entrer dans l’âge adulte en la rapprochant de la dite grande littérature, connaît en effet une double actualité aux éditions Drugstore avec la sortie simultanée de Salammbô en intégrale et du livre Salammbô Les nus. Un univers flamboyant, baroque, un graphisme minutieux, géométrique, une narration révolutionnaire, des cadres explosés, des planches aux ambiances inimitables, des couleurs fortes, un trait de génie… cette adaptation du roman de Gustave Flaubert, transposant les guerres puniques dans le Monde de l’Etoile, ne pouvait passer inaperçu à l’époque. Elle a de fait remporté un immense succès auprès du public, des professionnels aussi, et marqué, influencé même, nombre d’auteurs et de futurs auteurs… Cette nouvelle édition sous jaquette réunit sur près de 200 pages les trois volets de l’adaptation : Salammbô, Carthage et Mâtho.  La qualité de l’intégrale est exemplaire, comme l’est la qualité de l’ouvrage Salammbô Les nus qui réunit 42 portraits de la femme-déesse Salammbô réalisés sur toile à la fin de la première décennie du XXIè siècle, soit 30 ans après les premières planches de Salammbô. « Des portraits de femmes, inaccessibles comme jamais… », écrit Michel-Edouard Leclerc en préface, « objets de ses fantasmes, miroirs de ses blessures ». Par ces portraits, Philippe Druillet nous rappelle avant tout qu’il n’est pas uniquement l’auteur de bande dessinée que tout le monde connait mais un artiste complet, ouvert, immensément talentueux dans des domaines aussi divers que la photographie, la sculpture, l’opéra-rock, l’architecture et, donc, la peinture… Sur ces portraits, on retrouve toute la flamboyance de l’adaptation en bande dessinée, agrémentée d’une touche de sensualité et d’érotisme. Deux albums incontournables pour tous les amoureux de Druillet et plus généralement du Neuvième art. Une belle idée de cadeau pour Noël ! E.G.