18 Nov

Feux et Murmure, de Lorenzo Mattotti. Editions Casterman. 30 euros.

Docteur Jekyll & Mister Hyde, Caboto, Carnaval, L’Homme à la fenêtre, Stigmates… Lorenzo Mattotti fait partie du cercle très fermé des plus grands auteurs de bande dessinée de ce siècle. Il est responsable de nombreux albums de bande dessinée mais aussi de livres pour enfants et de recueils d’illustrations, une œuvre particulièrement riche, éclectique, foisonnante et innovante tant sur le plan graphique que narratif, une œuvre poétique aussi couronnée par de nombreux prix et traduite dans le monde entier ou presque. Dans cet ouvrage, publié chez Casterman, les lecteurs auront plaisir à découvrir ou redécouvrir deux récits, et non des moindres puisqu’il s’agit de Feux, considéré par la critique comme l’un des chefs d’œuvre du Neuvième art, et de Murmure. Ces récits, respectivement écrits en 1985 et 1989, ont pour point commun la couleur, utilisée comme élément narratif, une aventure insulaire et la rencontre avec des êtres étranges, invisibles et flamboyants pour le premier, joyeux et colorés pour le second. Un très bel album présenté sous jaquette, indispensable pour les inconditionnels, recommandé pour les autres ! E.G.

17 Nov

Le Mec du milieu, de Sophie Awaad. Editions Delcourt. 13,95 euros.

La séduction n’est pas une évidence, même pour une fille ! La preuve avec cet album paru dans la collection Shampooing des éditions Delcourt. Sophie Awaad, jeune femme de même pas trente ans y relate sa vie amoureuse. Ou plus exactement sa non-vie amoureuse car, pour elle, conquérir un garçon a longtemps été mission impossible. Et avant que ça le soit, c’était pire encore puisqu’elle refusait tout simplement l’idée d’être une fille. « Ca pleure tout le temps, ça joue à des trucs nuls, ça sait pas se défendre, ça met des robes et ça regarde Princesse Sarah », se disait-elle. A l’époque de la primaire, Sophie s’habillait, parlait et jouait comme un garçon. Avec le temps, son regard évolua quelque peu sur les filles et sur elle-même. Mais côté garçon… Rien. Nada. Même sur internet… Le néant total ! Et c’est ce néant qu’elle nous livre ici avec beaucoup d’humour bien sûr et une pointe de souffrance que ne manqueront pas de ressentir certaines lectrices au souvenir de quelques râteaux et amours cachés. Pour les hommes, Le Mec du milieu reste un album drôle et forcément instructif sur le fonctionnement de la gent féminine… Une auteure à découvrir ! E.G.

16 Nov

Bouncer (intégrale), de Boucq et Jodorowski. Editions Humanoïdes Associés. 69,90 euros.

Bien évidemment, 69,90 euros, autant dire 70 euros, représente une somme conséquente. Mais ce qui nous est proposé ici représente également une somme de travail pour ceux qui l’ont réalisé, une somme de plaisir pour ceux et celles qui vont le découvrir ou redécouvrir. Les éditions Humanoïdes Associés nous invitent donc à retrouver le Bouncer dans une somptueuse intégrale de 408 pages sous coffret réunissant les trois cycles et les sept volumes de la série. Et de se replonger sans attendre, avec une frénésie compréhensible, dans ce western qui, à l’époque, avait marqué les lecteurs par sa singularité tant graphique que scénaristique, annonçant l’émergence d’un nouveau western. Jerry Spring, Blueberry ou encore Comanche avaient enfin trouvé leur fils spirituel ! Mais qui est donc ce fameux Bouncer si ce n’est un personnage imaginé en 2001 par le dessinateur François Boucq et le scénariste d’origine chilienne Alexandro Jodorowski ? Pour ceux qui n’auraient peut-être jamais croisé son chemin, le Bouncer est un drôle de cow-boy, tour à tour bourreau insensible, justicier au grand cœur, petit truand, patron de saloon, un homme capable du pire comme du meilleur, capable d’être un tueur froid et solitaire comme un véritable héros soucieux de justice. Des scènes et des décors à couper le souffle, des personnages à fort caractère, un graphisme expressif, des dialogues sans concession, une action intense et violente comme le monde dans lequel se déroule ce récit… Bouncer est un petit chef d’œuvre, du western en particulier, du Neuvième art en général. 408 pages à dévorer d’un trait ! E.G.

10 Nov

Local, de Brian Wood et Ryan Kelly. Editions Delcourt. 27,50 euros.

Le point de départ de cette histoire est une séparation. Megan ne supporte plus son petit copain junkie qui l’envoie dans toutes les pharmacies de la région pour tenter d’arracher un peu de diamorphine, médicament contenant comme son nom l’indique de la morphine. Elle décide donc de le quitter et de partir loin. Très loin ! Direction Minneapolis, dans le Minnesota. Une première étape, simplement, car Megan va ainsi traverser l’Amérique du Nord de part en part. Richmond, en Virginie, Missoula dans le Montana, Brooklyn dans l’état de New York ou encore Norman dans l’Oklahoma, son périple comptera en tout douze étapes, autant d’aventures, de rencontres, de petits bonheurs, de déceptions aussi. Et au bout du chemin, une existence qui prend corps, une vie nouvelle qui s’offre à elle…

Réalisé par le scénariste Brian Wood (DMZ, Demo, Northlanders…) et le dessinateur Ryan Kelly (DMZ, The Vinyl underground, American virgin…), Local est ce qu’on appelle un road-trip, une aventure intérieure en même temps qu’une aventure au grand air. Une histoire captivante, une narration limpide, un graphisme efficace et une héroïne attachante, Local réunit tous les ingrédients nécessaires pour passer un bon moment ! E.G.

09 Nov

Tous des idiots sauf moi et autres considérations du même ordre, de Peter Bagge. Editions Delcourt. 17,50 euros.

Si vous aimez les bandes dessinées prolixes et acides, alors vous aimerez Tous des idiots sauf moi et autres considérations du même ordre. Le titre à lui seul annonce la couleur. La guerre, le sexe, l’art, le business, la politique, les Etats-Unis… Peter Bagge aborde tous les sujets avec la même verve, dressant un portrait au vitriol de son pays. Issu de la bande dessinée underground, Peter Bagge est publié dès 1981 dans la revue  Weirdo, dirigée par Robert Crumb. L’influence de ce dernier sur le travail de Peter Bagge est d’ailleurs incontestable. Puis il devient dans les années 90 le dessinateur de la jeunesse grunge de Seattle avant de se lancer dans le journalisme en BD, publiant ses billets dans le magazine Reason. Présenté comme un libéral, un anarchiste de droite, Peter Bagge est en tout cas un fin observateur de notre société. Les billets réunis dans cet album le prouvent !  E.G.

31 Oct

La propagande dans la BD, de Fredrik Strömberg. Editions Eyrolles. 29 euros.

La bande dessinée est un art ! Et comme tous les arts, celui-ci peut servir à autre chose qu’au simple divertissement. Ce livre, paru aux éditions Eyrolles, le prouve ! En 176 pages, il fait le tour – non exhaustif s’entend – des tentatives parfois réussies de conditionnement psychologique de nos chères petites têtes blondes et aussi parfois de certaines têtes poivre et sel. Un siècle de manipulation en images, annonce l’auteur suédois Fredrik Strömberg, un siècle et un territoire grand comme notre planète. De l’Amérique d’Obama à l’Irak de Saddam Hussein, de l’Allemagne hitlérienne à la Chine de Mao, tous les pays ont un jour ou l’autre eu recours à la bande dessinée pour glorifier ou damner des chefs d’état, des nations, des peuples, pour construire ou combattre des idéologies politiques, économiques, religieuses. Très dense, peut-être trop, La Propagande dans la BD réunit des exemples de bandes dessinées très explicites et étonnants sur des sujets aussi divers que la guerre froide, la révolution cubaine, la guerre en Irak, l’avortement, la religion, l’énergie nucléaire, l’impérialisme… Tintin est bien entendu présent dans le chapitre des stéréotypes raciaux avec la représentation caricaturée des Asiatiques dans Le Lotus bleu, des Noirs dans Tintin au Congo. E.G.

Le meilleur des Pieds Nickelés, de René Pellos. Editions Vents d’Ouest. 30 euros.

Enorme ! 12 histoires et plus de 550 pages rien que pour ce huitième volume du Meilleur des Pieds Nickelés. Il faut dire que ces personnages, créés en 1908 par Louis Forton et repris depuis 1948 par René Pellos, ont connu une longévité étonnante, nombre de papas dessinateurs et scénaristes, nombre de supports de diffusion, nombre de jeunes lecteurs aussi, heureux de retrouver à chaque fois ce trio infernal de petits arnaqueurs du dimanche et ce ton anarcho-rigolo-provocateur et anti-bourgeois. Adapté en dessin animé, en film de cinéma, en feuilleton radio, en opérette… Les aventures des Pieds Nickelés font tout simplement partie de notre patrimoine. Attention, Ribouldingue, Filochard et Croquignol sont de retour et ça risque bien de secouer fort ! E.G.

L’info en +

Le neuvième volume de cette somptueuse série paraîtra le 2 février prochain.

30 Oct

Entre les ombres, de Arnaud Boutle. Editions Glénat. 14 euros.

Des buildings éventrés et envahis par une végétation luxuriante, des rues désertes, des automobiles abandonnées, partout la même désolation, partout le même silence… Aucun doute, notre monde a vécu ! Plus une âme qui vive… enfin presque car au bord d’un étang, un homme pêche. Plus tard, il traversera la ville à la recherche de quelques produits de première nécessité, de quelques batteries aussi qu’il récupérera dans les voitures et lui permettront de s’éclairer encore un peu. Seul, affreusement seul, l’homme replonge dans son passé et fait ressurgir des souvenirs et des fantômes. Un voyage entre les ombres commence…

Auteur précédemment d’une adaptation en trois volets de Pinocchio chez Paquet, Arnaud Boutle signe ici un récit d’anticipation mettant en scène un monde post-apocalyptique. Jusqu’ici, rien de très original me direz-vous, sauf qu’Arnaud Boutle imagine pour son personnage, le dernier des humains, une survie sans réelle menace si ce n’est le poids du passé, des souvenirs et de la solitude… E.G.

28 Oct

Garance, de Séverine Gauthier, Thomas Labourot et Christian Lerolle. Editions Delcourt jeunesse. 9,40 euros.

Garance marche sur l’eau ! Et si vous ne le croyez pas, vérifiez-le par vous-même dans les pages de cet album. Elle semblerait tenir ce don de son père, un géant qui vit au beau milieu de la mer et bat des pieds pour créer des vagues. C’est son métier ! Et ce don est un secret que Garance ne résiste pas à dévoiler à Léopold. Léopold, c’est son meilleur ami. Son amoureux. Et tous les deux viennent de se retrouver pour les vacances. Alors, après des mois de séparation… les deux toutereaux sont bien décidés à profiter du moment et à prendre la mer pour une petite visite au père de Garance…

Après le très remarqué et primé Mon arbre (éd. Delcourt), la scénariste Séverine Gauthier et le dessinateur Thomas Labourot nous offrent ici un récit d’une très grande finesse, tant au niveau du scénario que du graphisme. C’est beau, c’est frais, c’est tendre, c’est intelligent, c’est léger. Enfin, pas aussi léger que cela peut paraître puisque Garance aborde le thème de l’absence, de la disparition d’un être cher… A noter le travail remarquable effectué par le coloriste, Christian Lerolle, pour donner au récit cette tonalité douce, chaude, nostalgique ! Brillant ! E.G.

25 Oct

Largo Winch 20e anniversaire (diptyque 7/8), de Francq et Van Hamme. Editions Dupuis. 22 euros.

Le Prix de l’argent. Tel est le titre de l’un des albums réédités dans ce nouveau diptyque de la collection Gold. Initialement publié en 2004, Le Prix de l’argent commence par le suicide sur un plateau de télévision d’un employé du groupe W. Et cet employé est un des dirigeants de Speed One, société que le groupe W a justement décidé de délocaliser en Tchéquie. Pour l’anarcho-philanthropo-milliardaire Largo Winch, ce drame s’annonce comme une véritable épreuve. Pour la première fois, il se retrouve confronté à ses contradictions et aux effets terribles de la mondialisation. Certains voient aussi derrière ce titre l’immense succès de la série avec des tirages qui explosent alors pour atteindre 400 000 exemplaires à partir du tome 14 ! De quoi faire rêver plus d’un auteur de BD, plus d’un écrivain aussi… Ce septième volume est l’avant dernier de la collection. Outre Le Prix de l’argent, il réunit le récit La Loi du dollar et un dossier graphique avec commentaires des auteurs et illustrations inédites. Une série… et une collection en or ! E.G.