10 Nov

Local, de Brian Wood et Ryan Kelly. Editions Delcourt. 27,50 euros.

Le point de départ de cette histoire est une séparation. Megan ne supporte plus son petit copain junkie qui l’envoie dans toutes les pharmacies de la région pour tenter d’arracher un peu de diamorphine, médicament contenant comme son nom l’indique de la morphine. Elle décide donc de le quitter et de partir loin. Très loin ! Direction Minneapolis, dans le Minnesota. Une première étape, simplement, car Megan va ainsi traverser l’Amérique du Nord de part en part. Richmond, en Virginie, Missoula dans le Montana, Brooklyn dans l’état de New York ou encore Norman dans l’Oklahoma, son périple comptera en tout douze étapes, autant d’aventures, de rencontres, de petits bonheurs, de déceptions aussi. Et au bout du chemin, une existence qui prend corps, une vie nouvelle qui s’offre à elle…

Réalisé par le scénariste Brian Wood (DMZ, Demo, Northlanders…) et le dessinateur Ryan Kelly (DMZ, The Vinyl underground, American virgin…), Local est ce qu’on appelle un road-trip, une aventure intérieure en même temps qu’une aventure au grand air. Une histoire captivante, une narration limpide, un graphisme efficace et une héroïne attachante, Local réunit tous les ingrédients nécessaires pour passer un bon moment ! E.G.

09 Nov

Tous des idiots sauf moi et autres considérations du même ordre, de Peter Bagge. Editions Delcourt. 17,50 euros.

Si vous aimez les bandes dessinées prolixes et acides, alors vous aimerez Tous des idiots sauf moi et autres considérations du même ordre. Le titre à lui seul annonce la couleur. La guerre, le sexe, l’art, le business, la politique, les Etats-Unis… Peter Bagge aborde tous les sujets avec la même verve, dressant un portrait au vitriol de son pays. Issu de la bande dessinée underground, Peter Bagge est publié dès 1981 dans la revue  Weirdo, dirigée par Robert Crumb. L’influence de ce dernier sur le travail de Peter Bagge est d’ailleurs incontestable. Puis il devient dans les années 90 le dessinateur de la jeunesse grunge de Seattle avant de se lancer dans le journalisme en BD, publiant ses billets dans le magazine Reason. Présenté comme un libéral, un anarchiste de droite, Peter Bagge est en tout cas un fin observateur de notre société. Les billets réunis dans cet album le prouvent !  E.G.

31 Oct

La propagande dans la BD, de Fredrik Strömberg. Editions Eyrolles. 29 euros.

La bande dessinée est un art ! Et comme tous les arts, celui-ci peut servir à autre chose qu’au simple divertissement. Ce livre, paru aux éditions Eyrolles, le prouve ! En 176 pages, il fait le tour – non exhaustif s’entend – des tentatives parfois réussies de conditionnement psychologique de nos chères petites têtes blondes et aussi parfois de certaines têtes poivre et sel. Un siècle de manipulation en images, annonce l’auteur suédois Fredrik Strömberg, un siècle et un territoire grand comme notre planète. De l’Amérique d’Obama à l’Irak de Saddam Hussein, de l’Allemagne hitlérienne à la Chine de Mao, tous les pays ont un jour ou l’autre eu recours à la bande dessinée pour glorifier ou damner des chefs d’état, des nations, des peuples, pour construire ou combattre des idéologies politiques, économiques, religieuses. Très dense, peut-être trop, La Propagande dans la BD réunit des exemples de bandes dessinées très explicites et étonnants sur des sujets aussi divers que la guerre froide, la révolution cubaine, la guerre en Irak, l’avortement, la religion, l’énergie nucléaire, l’impérialisme… Tintin est bien entendu présent dans le chapitre des stéréotypes raciaux avec la représentation caricaturée des Asiatiques dans Le Lotus bleu, des Noirs dans Tintin au Congo. E.G.

Le meilleur des Pieds Nickelés, de René Pellos. Editions Vents d’Ouest. 30 euros.

Enorme ! 12 histoires et plus de 550 pages rien que pour ce huitième volume du Meilleur des Pieds Nickelés. Il faut dire que ces personnages, créés en 1908 par Louis Forton et repris depuis 1948 par René Pellos, ont connu une longévité étonnante, nombre de papas dessinateurs et scénaristes, nombre de supports de diffusion, nombre de jeunes lecteurs aussi, heureux de retrouver à chaque fois ce trio infernal de petits arnaqueurs du dimanche et ce ton anarcho-rigolo-provocateur et anti-bourgeois. Adapté en dessin animé, en film de cinéma, en feuilleton radio, en opérette… Les aventures des Pieds Nickelés font tout simplement partie de notre patrimoine. Attention, Ribouldingue, Filochard et Croquignol sont de retour et ça risque bien de secouer fort ! E.G.

L’info en +

Le neuvième volume de cette somptueuse série paraîtra le 2 février prochain.

30 Oct

Entre les ombres, de Arnaud Boutle. Editions Glénat. 14 euros.

Des buildings éventrés et envahis par une végétation luxuriante, des rues désertes, des automobiles abandonnées, partout la même désolation, partout le même silence… Aucun doute, notre monde a vécu ! Plus une âme qui vive… enfin presque car au bord d’un étang, un homme pêche. Plus tard, il traversera la ville à la recherche de quelques produits de première nécessité, de quelques batteries aussi qu’il récupérera dans les voitures et lui permettront de s’éclairer encore un peu. Seul, affreusement seul, l’homme replonge dans son passé et fait ressurgir des souvenirs et des fantômes. Un voyage entre les ombres commence…

Auteur précédemment d’une adaptation en trois volets de Pinocchio chez Paquet, Arnaud Boutle signe ici un récit d’anticipation mettant en scène un monde post-apocalyptique. Jusqu’ici, rien de très original me direz-vous, sauf qu’Arnaud Boutle imagine pour son personnage, le dernier des humains, une survie sans réelle menace si ce n’est le poids du passé, des souvenirs et de la solitude… E.G.

28 Oct

Garance, de Séverine Gauthier, Thomas Labourot et Christian Lerolle. Editions Delcourt jeunesse. 9,40 euros.

Garance marche sur l’eau ! Et si vous ne le croyez pas, vérifiez-le par vous-même dans les pages de cet album. Elle semblerait tenir ce don de son père, un géant qui vit au beau milieu de la mer et bat des pieds pour créer des vagues. C’est son métier ! Et ce don est un secret que Garance ne résiste pas à dévoiler à Léopold. Léopold, c’est son meilleur ami. Son amoureux. Et tous les deux viennent de se retrouver pour les vacances. Alors, après des mois de séparation… les deux toutereaux sont bien décidés à profiter du moment et à prendre la mer pour une petite visite au père de Garance…

Après le très remarqué et primé Mon arbre (éd. Delcourt), la scénariste Séverine Gauthier et le dessinateur Thomas Labourot nous offrent ici un récit d’une très grande finesse, tant au niveau du scénario que du graphisme. C’est beau, c’est frais, c’est tendre, c’est intelligent, c’est léger. Enfin, pas aussi léger que cela peut paraître puisque Garance aborde le thème de l’absence, de la disparition d’un être cher… A noter le travail remarquable effectué par le coloriste, Christian Lerolle, pour donner au récit cette tonalité douce, chaude, nostalgique ! Brillant ! E.G.

25 Oct

Largo Winch 20e anniversaire (diptyque 7/8), de Francq et Van Hamme. Editions Dupuis. 22 euros.

Le Prix de l’argent. Tel est le titre de l’un des albums réédités dans ce nouveau diptyque de la collection Gold. Initialement publié en 2004, Le Prix de l’argent commence par le suicide sur un plateau de télévision d’un employé du groupe W. Et cet employé est un des dirigeants de Speed One, société que le groupe W a justement décidé de délocaliser en Tchéquie. Pour l’anarcho-philanthropo-milliardaire Largo Winch, ce drame s’annonce comme une véritable épreuve. Pour la première fois, il se retrouve confronté à ses contradictions et aux effets terribles de la mondialisation. Certains voient aussi derrière ce titre l’immense succès de la série avec des tirages qui explosent alors pour atteindre 400 000 exemplaires à partir du tome 14 ! De quoi faire rêver plus d’un auteur de BD, plus d’un écrivain aussi… Ce septième volume est l’avant dernier de la collection. Outre Le Prix de l’argent, il réunit le récit La Loi du dollar et un dossier graphique avec commentaires des auteurs et illustrations inédites. Une série… et une collection en or ! E.G.

Jean-Loup, de Benoît Frébourg. Editions Delcourt. 13,95 euros.

Qui a dit qu’il pleuvait toujours en Normandie ? C’est faux, il peut aussi neiger… y compris en plein été ! Et si vous ne me croyez pas, lisez donc ce petit livre étonnant paru aux éditions Delcourt. Jean-Loup est son titre, c’est aussi le nom du personnage. Ca simplifie les choses ! Jean-Loup, donc, est un petit garçon qui pensait bien passer les grandes vacances avec ses parents quelque part en Provence ou en Bretagne. Mais malheureusement, ses parents, justement, en ont décidé tout autrement. Cette année, il ira chez ses grands parents… en Normandie. Désenchantement total ! Mais Jean-Loup qui s’attendait à trouver une grand-mère qui « répète toute la journée qu’elle a mal partout et serait bien mieux au cimetière » va aller de surprise en surprise. A son arrivée, il neige, oui il neige dans la maison. De quoi faire de la luge dans l’escalier et glisser tranquillement vers une drôle d’aventure… 

Originaire de Seine-Maritime, Benoît Frébourg a débuté dans la BD en participant à plusieurs albums collectifs aux éditions Petit à Petit (Les chansons de Higelin en BD, Les chansons de Brel en BD…). Avec Jean-Loup, il intègre l’écurie Delcourt et offre aux lecteurs, jeunes et moins jeunes, un récit étrange, aux accents poétique, au graphisme accidenté, aux couleurs froides, aux ambiances inquiétantes, peut-être un peu trop pour les enfants. Et pourtant, ça marche ! Au fil des pages, on se prend à rentrer pleinement dans l’histoire, à s’imprégner de l’atmosphère, à savourer la folie douce générale et les clins d’œil aux contes populaires. E.G.

24 Oct

Attila, Tif et Tondu, Gil Jourdan… Les intégrales sont de sortie chez Dupuis…

Et pour commencer, le huitième volume – déjà – de l’Intégrale Tif et Tondu avec au sommaire trois aventures initialement parues dans la seconde moitié des années 70 : Aventure birmane, Le Gouffre interdit et Les Passe-montagnes. Maurice Tillieux, le scénariste, qui pouvait mener jusqu’à sept séries de front au début des années 70 s’essouffle. Fatigue, manque d’imagination, il doit s’adjoindre alors le renfort d’un petit jeune qui fera carrière. Son nom : Stephen Desberg. Ils réalisent ensemble Le Gouffre interdit puis commencent Les Passe-montagnes que Stephen Desberg devra malheureusement achever seul.  Le 2 février 1978, Maurice Tillieux décède dans un accident de voiture. Au total, l’intégrale va survoler 60 années de création, précisément de 1938 à 1997, et rééditer 45 aventures du tandem de choc Tif et Tondu. Indémodable !

  

Yakari, Buddy Longway , vous connaissez forcément ! Mais avant d’animer ces deux séries à succès, Derib a multiplié les expériences, notamment pour le journal Spirou. Parmi celles-ci, Attila ou les aventures d’un chien non seulement doté de la parole mais qui plus-est agent secret au pays du chocolat, la Suisse… Derib, accompagné des scénaristes Rosy et Kornblum, a créé ce personnage en 1967. Ses quatre aventures ont paru dans le Journal de Spirou entre 1967 et 1973. Cette intégrale réunit l’ensemble de ces récits, tombés il faut bien l’avouer dans l’oubli, et un dossier d’une vingtaine de pages revenant sur le contexte de création avec nombre de documents à l’appui, planches, recherches graphiques, photos… Une curiosité !

  

Et voici le quatrième et dernier volume de l’intégrale Gil Jourdan. Un volume marqué par l’arrivée de Gos au dessin, précisément sur le récit Carats en vrac et par le décès de Maurice Tillieux en février 1978 signant la fin des aventures de notre détective de choc. Gos doit achever seul et tant bien que mal l’histoire intitulée Entre deux eaux. Cet ultime volume réunit donc quatre grandes aventures, Carats en vrac, Gil Jourdan et les fantômes, Sur la piste d’un 33 tours, Entre deux eaux ainsi que plusieurs histoires courtes, quelques nouvelles illustrées et un dossier réunissant des recherches graphiques de Gos, des photos, des croquis, des couvertures du journal Spirou et des extraits d’interviews des auteurs. Action, humour et mystère, tels étaient les ingrédients de cette série qui fait aujourd’hui pleinement partie des grands classiques du Neuvième art ! E.G.

  

Dans le détail :

Enquêtes mystérieuses, Tif et Tondu (intégrale 8), de Will, Desberg et Tillieux. Editions Dupuis. 19 euros.

Attila L’intégrale, de Derib, Rosy et Kornblum. Editions Dupuis. 24 euros.

Gil Jourdan L’intégrale (volume 4), de Gos et Tillieux. Editions Dupuis. 24 euros.

15 Oct

Le Jour du marché, de James Sturm. Editions Delcourt. 17,50 euros.

C’est jour de marché ! Et pour Mendleman, tisserand de son état, celà signifie quelques heures de marche avant d’arriver à la ville et de pouvoir proposer ses tapis au grossiste Finkler. Mais qu’importe, Mendleman aime l’ambiance du marché, l’abondance rassurante des produits, les enfants qui s’amusent, les négociations, les ragots, les diseurs de bonne aventure, les rencontres aussi. A peine arrivé, il tombe d’ailleurs sur quelques vieilles connaissances, le Rabbin Soyer en tête, suivi du menuisier Martin Rudikoff et de Yaakov Leff, qui fabrique des petits rouleaux de parchemin contenant des extraits de la Torah. D’ordinaire, Mendleman serait reparti du marché le coeur léger et les poches pleines. Mais cette fois-ci, ce serait plutôt le contraire ! Finkler a vendu son magasin à son beau-fils. Et ce beau-fils ne veut plus de tapis, même s’ils sont de qualité comme ceux de Mendleman. Les temps ont changé, la réalité du marché aussi. Que faire ? Notre tisserand va devoir trouver une solution pour nourrir sa famille…

Attention talent ! Après Black Star, La Véritable histoire de Satchel Paige, également paru aux éditions Delcourt, James sturm quitte l’univers du sport américain pour se plonger, nous plonger, dans celui d’une communauté juive en Europe de l’Est au début du XXe siècle. Le Jour du marché est un conte moral qui évoque les mutations du monde économique et les difficultés pour les populations. A la fois scénariste et dessinateur sur ce nouvel opus, James Sturm prouve qu’il est un auteur scandaleusement complet et talentueux. Le graphisme est épuré, méticuleux, la narration exigeante, les personnages attachants, les atmosphères délicates. Sans conteste, l’un des plus beaux albums de l’année ! E.G.

L’info en +

En 2011, les éditions Delcourt et la collection Outsider rééditeront la trilogie de James Sturm sur les Etats Unis. Son titre : America