26 Fév

Tous à vos crayons. Prêts ? Un, deux, trois… dessinez !

Apprendre le dessin, c’est bien. Apprendre le dessin en s’aidant d’un livre, c’est mieux ! Casterman, Gallimard jeunesse, Flammarion, Seuil… tous les éditeurs jeunesse publient régulièrement des ouvrages qui permettent à nos artistes en herbe de se faire la main et de se familiariser avec l’art graphique. En voici quelques-uns fraîchement sortis…

Au Père Castor pour commencer viennent de sortir deux nouveaux ouvrages dans la collection A Toi de dessiner. Le premier s’adresse plus particulièrement aux filles, le second s’intéresse aux manga, les deux offrent plus de 100 dessins à compléter sur un papier épais de bonne qualité et de bon format. L’objectif visé par la collection est clairement de développer la créativité et l’imagination de l’enfant avec beaucoup d’humour. Les dessins sont de bonne facture et effectivement amusants. A chacun, chacune, de dessiner un avion incroyable, un château de rêve, d’imaginer un splendide palace sous la mer,  de remplir le coffre de trésors, de créer des coiffures originales ou des bijoux, de décorer des vêtements de poupée… Parfait pour les 5-6 ans et plus !

Toujours au Père Castor, Je dessine comme un grand mes personnages préférés est un ouvrage qui permet à l’enfant de dessiner, d’effacer, de dessiner, d’effacer, de dessiner… Bref, vous l’aurez compris, de recommencer jusqu’au bout de la nuit ou, du moins, jusqu’à ce que le dessin soit réussit, grâce aux feutre effaçables fournis et aux pages plastifiés. Le principe est simple, à chaque page un thème (le château, le roi, le robot, le monstre, le cow-boy…), un modèle et les grandes étapes à respecter pour que le dessin soit parfait. Et si ce n’est pas le cas, on efface, on redessine, on efface, on redessine… Pour les 5-6 ans !

Après Miro et Picasso, les éditions Gallimard et l’auteure Ana Salvador offrent un nouveau titre à la somptueuse collection Dessiner avec… qui a pour but d’apprendre aux enfants à dessiner en partant des oeuvres d’artistes reconnus et donc, dans un même élan, de découvrir leur univers et plus généralement le monde de l’art. Cette fois, c’est donc Jean Dubuffet (1901 – 1985), inventeur de l’art brut, qui va être le guide de nos artistes en herbe. Chaque dessin est décomposé pour aider au mieux l’enfant dans son travail qui peut dessiner directement sur le livre ou sur des feuilles de papier à dessin insérées dans une pochette située à la fin du livre. Une méthode d’une simplicité enfantine, pour petits et grands !

Pour finir, les éditions Casterman ont publié en début d’année la nouvelle édition de l’ouvrage Le Petit artiste qui propose une première initiation à la pratique artistique pour les enfants de 3 à 7 ans. Pour le réaliser, Gaëtanne Lannoy, l’auteure, s’est inspirée des nombreux ateliers qu’elle organise depuis plus de 10 ans. Clair et pratique, il offre un panorama des techniques dites classiques (crayons, feutres, pastels…) et de celles qui le sont moins comme la peinture avec des pochoirs, avec des ficelles, un bâton, de la colle, du sable, du tissu, du carton… un ouvrage très pratique, instructif et agréable avec pour chaque technique des renvois à certains grands peintres ! E.G.

  

Dans le détail :

A toi de dessiner – Spécial manga, de Yuriko Yano. Editions Père Castor Flammarion. 8 euros.

A toi de dessiner – spécial filles, de Nellie Ryan. Editions Père Castor Flammarion. 8 euros.

Je dessine comme un grand mes personnages préférés, de Laurent Richard, Raphaël Hadid et Chhuy-Ing. Editions Père Castor Flammarion. 14,90 euros.

Dessiner avec… Jean Dubuffet, de Ana Salvador. Editions Gallimard jeunesse. 14 euros.

Le Petit artiste, de Gaëtane Lannoy. Editions Casterman. 16,75 euros.

Sur les traces de… Une collection documentaire signée Gallimard jeunesse.

Partager l’extraordinaire destin de Napoléon Bonaparte, de Louis XIV, d’Ulysse, du roi Arthur, de Marco Polo ou encore des dieux grecs et des pirates, tel est l’objectif de la collection Sur les traces de… initiée par les éditions Gallimard jeunesse et faisant actuellement l’objet d’un relookage général. Avec un format poche très pratique, un prix relativement modique (7,50 euros), une iconographie remarquable, des doubles pages encyclopédiques et bien entendu un récit vivant, parfois écrit à la première personne, chacun de ces ouvrages offre une bonne approche des grands mythes et personnages de l’histoire, des civilisations anciennes, de leurs modes de vie, des traces qu’elles ont pu laisser… Des petits livres documentaires très sympatiques pour les 10 ans et plus ! E.G.

Parmi les derniers titres réédités : Sur les traces de Marco Polo, Sur les traces de Louis XIV, Sur les traces de Napoléon et Sur les traces des dieux grecs.

L’effet Dragons… aux éditions Seuil jeunesse.

Dragons, le nouveau film d’animation 3D du studio DreamWorks (Shrek, Madagascar…) sort en salle le 31 mars. A cette occasion, les éditions Seuil jeunesse publient six ouvrages qui en sont directement inspirés pour anticiper et prolonger la magie. Dans l’ordre d’apparition, Dragons, Harold et Krokmou (7,5 euros) retrace la rencontre entre Harold, l’ado viking, et Krokmou le dragon avec, au centre du livre, deux masques prédécoupés permettant une immersion totale dans l’univers du  film. De son côté, Dragons, Les leçons de Gueulefor (4,90 euros) livre tous les secrets pour affronter les terribles cracheurs de feu et dévoreurs d’hommes. Dragons, Le grand livre d’activités (4,95 euros) regroupe une foule de jeux  sur 32 pages, labyrinthe, jeu des erreurs, codes secrets, jeu des silhouettes… Dragons, L’histoire du film (4,90 euros) est l’adaptation du film en roman. Dragons, Le livre des héros (9,90 euros) propose à travers 26 pages et 5 rabats de revivre les grands moments du film et de tout savoir sur les principaux personnages. Et pour finir, Dragons, Une amitié impossible  (4,90 euros) revient sur les origines de l’amitié entre Harold et le dragon en illustrations. Des livres pour tous les goûts, à partir de 5 ans ! E.G.

Aujourd’hui au Maroc et Aujourd’hui au Japon, deux journaux d’enfants chez Gallimard jeunesse

Après le Brésil, la Guadeloupe, l’Algérie, la Russie… la collection Le Journal d’un enfant s’enrichit de deux nouveaux titres consacrés au Japon et au Maroc. Le principe est toujours le même, un enfant nous raconte son quotidien à travers un récit de fiction qui permet d’aborder des thèmes aussi variés que la gastronomie, les ressources économiques, la mode, l’art, les transports, les jeux, la famille, les sports, la religion, le tourisme, le patrimoine…  De nombreuses illustrations ainsi que des dépliants et rabats comportant une mine d’informations documentaires agrémentent ce récit. Une formidable ouverture au monde, idéale pour les 8 – 12 ans ! E.G.

Dans le détail :

Aujourd’hui au Maroc, de Clotilde et Houssaine Oussiali. 12,90 euros.

Aujourd’hui au Japon, de Geneviève Clastres. 12,90 euros.

15 Fév

Rencontre avec Aurélien Ducoudray et Eddy Vaccaro, auteurs du magnifique album Championzé paru aux éditions Futuropolis.

Eddy Vaccaro et Aurélien Ducoudray viennent de réaliser Championzé, la biographie du boxeur Amadou M’Barick Fall, dit Battling Siki, premier Français champion du monde… noir. Magnifique dans la forme, étonnant et instructif dans le fond, nous avons souhaité poser cinq questions aux auteurs, histoire d’en savoir un peu plus sur eux et sur leur album…

Comment vous est venue l’idée de réaliser cette biographie de M’Barick Fall ?

Aurélien Ducoudray. En fait, je suis tombé sur la vie de Siki complètement par hasard. C’est en feuilletant une épaisse encyclopédie de la boxe à la recherche d’infos sur le celèbre champion noir americain Jack Johnson ( accusé lui aussi de tricherie dans son combat contre le sympathique fermier blanc Jeffries !!) que je suis tombé sur une note de bas de page renvoyant à une note de trois lignes, à la fin de l’encyclopédie, au chapitre des combats truqués ! Cette note disait en tout et pour tout : cas identique en France pour le match entre le franco-sénégalais Battling Siki et l’idole Georges Carpentier… Après cette réponse en forme d’énigme, il ne restait plus qu’a suivre la piste !!

Eddy Vaccaro. Luc Brunschwig (Directeur de collection de Futuropolis à l’époque) m’a proposé le scénario d’Aurélien et j’avais une amie qui venait d’apprendre qu’elle était la descendante de Battling Siki (rousse à la peau blanche je précise). Un signe du destin, je n’ai pas pu dire non haha !

Etes-vous avant tout des passionnés de boxe, des amoureux du continent africain ou des fans du genre biographique ?

A.D. Passionné de boxe oui, mais pas érudit !! Je connais les grandes histoires, Ali, Cerdan, Jack Johnson et tous les autres grands champions, mais juste en amateur ! Par contre, du continant africain, complètement amoureux !! Mon premier métier ( photographe de presse) m’a amené a parcourir quelques pays africains ( Sénégal, Mali, Burkina, Togo, Bénin…) pour réaliser de nombreux reportages ( les albinos au Sénégal, la mendicité dans les ecoles coraniques, le Dieu football, le systeme scolaire…) et l’occasion d’accompagner la vie de Siki a été comme un vrai voyage de retour ! J’ai pu y glisser tout ce que j’aime de l’afrique ! C’est a dire tout ! L’Afrique , c’est simple, elle est tellement généreuse qu’on est obligé de tout prendre !! Avec Championzé, c’était un peu aussi une façon de lui redonner quelquechose, un fils perdu, peut être…

E.V. Je ne suis pas du tout passionné de boxe, en revanche j’ai toujours aimé le sport, le pratiquer aussi, pour le plaisir et le dépassement de soi. Mais avec Battling Siki, c’est plus l’histoire d’un homme qui m’intéresse, le contexte social, l’immersion dans son monde, ses joies, ses peines, ses doutes, ses forces… Donc oui, j’aime bien les biographies ou le décorticage de la vie d’un personnage ou d’une époque. J’adore par exemple les émissions radio comme 2000 ans d’histoire ou Rendez-vous avec X sur France Inter. Et j’ai dévoré en une seule fois le livre de Jean-Marie Bretagne sur Battling Siki ! Pour l’Afrique, c’est différent, j’ai depuis plusieurs années l’envie d’y aller et je me suis découvert la passion de la dessiner ! D’ailleurs, on a un projet de BD sur l’Afrique avec Aurélien.

Et pour vous Aurélien, la priorité était de dresser le portrait d’un grand champion de boxe ou de brosser le tableau d’une société, d’une époque, d’une mentalité ?

Aurélien Ducoudray. En fait, le portrait de l’époque s’est imposé de lui même, la seule certitude que l’on avait sur Siki est qu’il était noir et sénégalais !! Toutes les autres informations sont doublées, voire triplées par des informations contraires !! Au final, on se retrouvait devant une histoire en forme de baobab : le tronc, c’était Siki, et les centaines de branches, c’était le ressentiment des témoins de l’époque ! On a décidé de ne rien couper !! Je pense que l’histoire de Siki est indissociable de son époque, celle d’un racisme larvé, quotidien, quasi normal et totalement accepté… souvent employé dans les articles de presse sous la forme de l’humour… un humour qui pourrait être drôle s’il n’était pas nauséabond, de la tête de nègre a la salle noire de monde, aux policiers bêtes noires de Siki !! En même temps, on a choisi de ne pas taper avec une massue sur les gens de l’époque,en les dépeignant comme d’horribles racistes caricaturaux. Leurs propos sont utilisés dans le contexte de l’époque. Ils correspondent a un moment de l’histoire, a une mentalité donnée, qui j’espère n’existe plus… J’espère… Pourtant, je pense qu’il existe encore des milliers de Siki de nos jours,  plus dans le domaine de la boxe mais dans celui du travail : quand on voit par exemple la difficulté pour obtenir un entretien d’embauche quand on a une couleur de peau un peu trop foncée, ou une adresse un peu trop HLM…

Le graphisme est très particulier, oscillant entre le réalisme généralement utilisé dans les biographies et l’humoristique un peu « à l’ancienne ». C’est un choix délibéré et assumé ou il s’agit tout simplement du style graphique d’Eddy. Quelle technique avez-vous d’ailleurs utilisé ?

E.V. J’ai travaillé avec des crayons plus ou moins gras, un peu d’encre et beaucoup de correcteur blanc que j’utilise comme de la peinture blanche (c’est pratique et il n’y a pas à tremper le pinceau). C’est une technique rapide qui permet de retranscrire une variété très large d’ambiances ou des sensations avec le maximum de rapidité.  Pour les « Gueules » des personnages ou certaines illustrations, c’est effectivement mon style naturel auquel j’ai ajouté l’influence des journaux d’époque, Le Miroir devenu Le Miroir des sports après la 1ère guerre mondiale, La Baïonnette, le journal des tranchées, et un journal sur la boxe des années 20. J’y ai découvert des illustrateurs (notamment Gus Bofa) qui ressemblent pas mal à ce qui peut se faire dans la BD actuelle et même qui en sont des influences assumées.

A.D. Le  côté cartoon est complètement voulu car je trouve qu’il sert les personnages, les expressions sont tout de suite reconnaissables et je trouve que c’est un joli pied de nez que de se servir des icônes graphiques de l’époque pour justement en dénoncer le coté banania !!

Quelles sont vos influences, vos envies ?

A.D. Mes influences ? Toutes les bonnes histoires racontées par n’importe qui sous n’importe quelle forme !! Film romans, BD, articles de journaux, tout ! Et sans prétention, Godard a coté de Godzilla, d’obscurs cineastes russes au dernier film d’horreur anglais !! Tout est bon a prendre ! Après, côté envies, nous allons nous atteler a deux nouvelles biographies de boxeurs chez Futuropolis ! Celle de Young Perez, un Juif tunisien français champion du monde de boxe dans les années 30 qui fut déporté a Auschwitz, et celle de Primo Carnera, ancien lutteur de foire devenu symbole du fascisme italien sous Mussolini et devenu champion du monde de boxe en ayant  truqué tous ses combats !! Et pour ceux qui ont apprécié Championzé, jetez vous sur le livre de Jean-Marie Bretagne, Battling Siki, qu’on remercie au passage pour ces nombreuses informations !

E.V. Je lis peu mais j’aime beaucoup le roman graphique en noir et blanc ou couleur. Je n’aime pas trop la BD avec beaucoup d’effets graphiques. je trouve que certaines histoires manquent vraiment de fond, voilà, j’ai besoin de fond, de sens, pas de « délire de djeuns! ». Là je vais me faire traîter de vieux réac haha ! J’apprécie vraiment une certaine « école italienne » avec des auteurs qui développent leur travail de manière très personnelle, avec un grande maîtrise et un belle élégance poétique ( Gipi, Manuele Fior, Mattoti, Gabriella Giandelli…). Et puis des peintres aussi, Gauguin, Turner, Alechinsky, Matisse… Mon envie principale est de raconter des histoires avec du fond et de développer petit à petit un style personnel qui évoluera avec mes expériences, ma vie. Pour l’instant j’ai encore l’impression d’appartenir à une école que certains appellent « la nouvelle BD française » et ou la « BD indé » mais qui n’est plus si nouvelle, ni indépendante.

Propos recueillis par Eric Guillaud le 11 février 2010.

Retrouvez la chronique de l’album ici

28 Jan

Le Télescope, de Van Hamme et Teng. Editions Casterman. 15 euros.

  

Julien Villars, Marcello Garini, Charles Ferignac, René Jouvert et Louis Seigner. Ils sont cinq, cinq copains à partager un identique désabusement face à la vie et au travail. Ils ont tous la soixantaine et sont tous plus ou moins fauchés. Face à eux, Josefine, avec un f. 25 ans, des études chez les Soeurs quelque part en Belgique, des amants qui l’entretiennent et un certain penchant pour le luxe. Deux mondes en somme bien éloignés ? Deux mondes qui vont pourtant se rencontrer. Et plus ! Car Josefine va proposer aux cinq lascars de l’entretenir et, en retour, elle leur offrira tout son amour. Restaurants, champagne, bijoux… C’est tous les jours la fête et, très vite, les cinq se retrouvent sur la paille. Mais Josefine a un plan, un plan en forme de sombre machination, qui va leur permettre de se refaire une santé et de continuer à subvenir aux besoins de leur protégée…

Aucun doute, Jean Van Hamme est un conteur hors pair ! Alors que vient de sortir le premier volet de l’épopée historique Rani au Lombard, réalisé avec Alcante et Valles, le scénariste le plus couru de la planète BD (Largo Winch, Thorgal, XIII, Les Maîtres de l’orge…) retrouve l’époque contemporaine pour un récit qui parle d’amitié, de sexe, d’amour, d’argent… de la vie en somme ! Un récit résolument immoral, comme le déclare l’auteur lui-même, mis en images de façon très réaliste par Paul Teng dont avait déjà pu apprécier le coup de crayon sur la série Shane au Lombard. E.G.

  

Che, de Hector Oesterheld, Alberto Breccia et Enrique Breccia. Editions Delcourt. 12,90 euros.

   

La parution de cet album est un événement ! N’ayons pas peur des mots, il s’agit même d’un événement historique. Publié en septembre 2009, au même moment que la sortie en DVD du dyptique de Steven Soderbergh, avec Benicio del Toro dans le rôle du révolutionnaire, Che a eu un destin peu ordinaire, le destin d’un livre qui dérange. C’est en Argentine et en 1968 que paraît pour la première fois cette biographie dessinée de Che Guevara. En quelques semaines, ce sont quelque 60000 exemplaires qui auraient été écoulés. Mais lorsque la junte militaire prend le pouvoir en 1973, le livre est tout simplement interdit et plus tard le scénariste Hector Oesterheld assassiné, les planches originales détruites.  Le livre réapparaît dans les années 80 en Espagne dans une édition de luxe que n’aurait pas approuvé Breccia, puis en album souple chez le petit éditeur français Fréon. une édition bien évidemment très confidentielle ! Il faudra finalement attendre plus de quarante ans pour que paraisse l’album dans une édition française grand public. Et c’est chez Delcourt ! Exceptionnel par son histoire, le livre l’est aussi par son graphisme, tour à tour réaliste et quasi-suréaliste, et par sa narration, basée sur une série de flash-backs à partir du moment où Guevara se trouve dans la jungle bolivienne, à quelques jours de sa mort. Une pièce du patrimoine littéraire mondial ! E.G.

Sergent Kirk (troisième époque), de Oesterheld et Pratt. Editions Futuropolis. 25 euros.

  

Vraiment magnifique ! Absolument somptueuse ! Totalement indispensable ! Cette réédition de l’une des oeuvres de jeunesse du géantissime Pratt mérite tous les superlatifs du monde. Et les millions de fans de l’auteur savent de quoi il est question ici. Même s’il s’agit d’une énième réédition, cette intégrale signée Futuropolis peut en effet être considérée comme l’ultime, la définitive. Supervisée par Hugo Pratt lui-même qui n’hésita pas dans les années 60 à modifier les 5000 planches initiales, à les remonter ou à en réécrire certaines, cette intégrale comptera à terme cinq volumes et près de 900 planches. Lancées en 1953, alors que Pratt n’a pas encore la trentaine et qu’il vit en Argentine, Sergent Kirk est l’œuvre la plus prolifique de l’auteur mais aussi la plus méconnue. Elle apparaît aujourd’hui, aux yeux de beaucoup, comme une préfiguration des aventures de Corto Maltese. Bien sûr, Kirk n’est pas un marin et ne se balade pas à travers le monde comme Corto - lui vit ses aventures dans le grand Ouest américain  - mais il y a dans ces centaines de pages le même souffle épique, la même invitation narrative et graphique au voyage. Après un premier volume paru en novembre 2008, un second en mars 2009, voici donc le troisième fraîchement sorti des imprimeries… . Un conseil, un seul : prenez le temps d’apprécier la qualité de reproduction des planches. C’est tout simplement une merveille ! E.G

Jonathan (Intégrale tomes 4 à 6), de Cosey. Editions Le Lombard. 20 euros

  

Le Vietnam (Saïgon-Hanoï), l’Italie (Voyage en Italie), les Etats-Unis (Joyeux Noël, May!) ou encore le Sahel (Zélie Nord-Sud), Bernard Cosendai, dit Cosey, a élaboré en quelque quarante ans une oeuvre absolument magnifique, étonnante et vagabonde. Il est reconnu et apprécié dans le milieu du Neuvième art pour ses récits réalistes, sensibles, emprunts d’humanisme et truffés de personnages à la psychologie particulièrement fouillée. Les aventures de Jonathan, prépubliées à partir de 1975 dans les pages du journal Tintin, racontent l’histoire d’un jeune occidental amnésique marchant sur les traces de son passé. Une aventure ponctuée de rencontres exceptionnelles mais aussi et surtout une aventure intérieure dans le somptueux décor du Népal et du Tibet. Cette présente réédition en intégrale comportera à terme cinq volumes. Le second paru récemment réunit trois tritres (Le Berceau du BodhisattvaL’Espace bleu entre les Nuages, Douniacha il y a longtemps…) et, en complément, un  dossier très complet et très intéressant qui revient sur le contexte de création de la série et plus largement sur le travail de l’auteur avec de nombreux croquis, aquarelles, illustrations inédites, photos et documents personnels. Un grand classique de la bande dessinée et un univers unique à découvrir ou redécouvrir ! E.G.

La Guerre d’Alan, d’Emamnuel Guibert. Editions L’Association. 38 euros.

  C’est un livre tout à fait exceptionnel et un témoignage sur la seconde guerre mondiale comme on peut en découvrir seulement de temps en temps, au détour d’une commémoration, d’un reportage journalistique ou d’un film documentaire.

Sauf qu’ici, l’affaire se joue sur près de 300 planches, quelque 1500 cases et autant de dessins signés Emmanuel Guibert, auteur par ailleurs des excellentes séries que sont Sardine de l’espace, La Fille du professeur ou encore – et surtout – de cet ouvrage qui a marqué les esprits bien au delà du cercle des passionnés de BD  : Le Photographe.

Bref, La Guerre d’Alan est une bande dessinée, une bande dessinée un peu différente certes, mais une bande dessinée qui parle de la réalité de la guerre à travers les souvenirs d’un soldat américain, Alan Ingram Cope, débarqué un beau matin de février 1945 en Normandie, au Havre pour être tout à fait précis.

C’est en 1994 que les deux hommes, l’ancien soldat et l’auteur de bande dessinée, se rencontrent quelque part sur l’île de Ré. Une amitié se noue et, très vite,  Alan commence à raconter sa guerre à Emmanuel qui décide de la mettre en images.

« Nous n’avons pas fait oeuvres d’historiens… », confie Emmanuel en introduction, « La Guerre d’Alan, c’est la rencontre d’un vieil homme qui racontait bien sa vie avec un jeune homme qui a ressenti le besoin spontané de l’écrire et de la dessiner… »

De fait, vous ne trouverez pas dans ce récit une histoire même vulgarisée de la seconde guerre mondiale mais l’histoire plus modeste d’un jeune soldat inconnu qui va suivre dès 1942 un entraînement intensif sur le sol américain avant de rejoindre les troupes alliées au front.

Pas de grands faits d’arme, pas d’actes franchement héroïques, mais une description du quotidien appuyée par beaucoup d’anecdotes surprenantes. Initialement pulbiée en trois volumes, parus entre 2000 et 2008, cette histoire est aujourd’hui rééditée sous forme d’intégrale grand format (24 x 34,5) au tirage limité à 4000 exemplaires.

Une édition prestigieuse qui permet d’apprécier plus encore le dessin d’Emmanuel Guibert et de se plonger corps et âme dans ce fascinant récit et précieux témoignage…

Eric Guillaud