Maximilien Le Roy est un jeune auteur, un très jeune auteur. 23 ans… la vie devant lui et déjà beaucoup de choses à raconter. Certains d’entre-vous connaissent peut-être ses précédents travaux, relativement confidentiels il faut l’avouer puisque publiés par un petit éditeur, La Boîte à Bulles. Il y a d’abord eu Hosni (2009), portrait d’un SDF, puis l’album collectif Gaza, Décembre 2008 – Janvier 2009 (2009) et enfin Les Chemins de traverse (2010) qui porte aussi sur le conflit israélo-palestinien. Cette année, Maximilien Le Roy fait son entrée chez les grands éditeurs avec non pas un mais deux albums simultanément sortis : Faire le mur, chez Casterman, et Nietzsche, au Lombard…
Faire le mur est un album-témoignage né d’un voyage en Palestine et d’une rencontre avec un homme, Mahmoud Abu Srour, 22 ans, qui vit là-bas – ou survit plus exactement - en tenant une petite épicerie. C’est en 2008 dans le cadre des ateliers de dessins qu’anime le centre culturel du camp de réfugiés d’Aïda que Maximilien rencontre Mahmoud. Il le retrouve un an plus tard lors d’un second voyage. Entre les deux naît une solide amitié et donc cet album qui parle du sentiment d’enfermement des Palestiniens à travers une histoire d’amour. Dans les rôles principaux, le fameux Mahmoud, une jeune étudiante française, Audrey, venue constater de ses yeux la situation dans le pays, et le mur, ce mur de la honte, cette couleuvre de béton comme l’appelle Maximilien Le Roy, qui défigure le pays, sépare les hommes, enferme les amoureux. Justement, Mahmoud aurait bien voulu emmener Audrey chez sa soeur pour lui montrer la vie quotidienne et la séduire. Mais il y a le mur et, sans autorisation, impossible de passer. Alors Mamhoud va prendre de gros risques pour le franchir… et surtout nous inviter à le suivre pour nous montrer le quotidien, nous expliquer le ressenti de tout un peuple, nous parler de la réalité, parfois absurde come ce mur construit par les Palestiniens eux-mêmes, parfois cruelle comme ce frère emprisonné depuis 7 ans, mais aussi de ses rêves… souvent impossibles : « Explorer l’inédit, les routes pleine de rêves, et prendre un amour comme on prend le large ! Ou vendre des conserves… » . Terrible ! Inscrite dans le genre documentaire, Faire le mur est une bande dessinée passionnante qui offre un regard singulier sur le confit israélo-palestinien. A sa lecture, on pense à des auteurs comme Joe Sacco (Gaza 1956…), Guy Delisle (Chroniques birmanes…) ou Emmanuel Guibert (Le Photographe…), qui comme Maximilien Le Roy ont ce souci du réel et du témoignage. Un entretien avec Alain Gresh, journaliste, spécialiste du Proche-Orient, et un reportage photographique signé Maxence Emery complètent cet album nécessaire !
Dans un genre différent, Nietzsche, paru au Lombard, est une aventure éditoriale rare, voire inédite, en bande dessinée. Maximilien Le Roy et Michel Onfray y retracent la vie du philosophe allemand sur plus de cent vingt pages en offrant aux lecteurs une véritable initiation à sa pensée révolutionnaire. Il s’agit en fait de l’adaptation en BD de L’Innocence du Devenir, un scénario initialement conçu pour le cinéma par l’écrivain-philosophe Michel Onfray qui souhaitait « montrer qu’une relation inédite entre la philosophie et le cinéma pouvait contribuer à créer des voies nouvelles pour cet art devenu le dernier des arts… ». Finalement, c’est un auteur de BD qui va le contacter et lui proposer de mettre en images son scénario. Maximilien Le Roy s’occupera de tout, du découpage, du dessin, des couleurs… « Cette vie de Nietzsche correspondait parfaitement à ce que je voulais faire… », écrit Maximilien, « En même temps que je lisais le script d’une traite, j’ai beaucoup crayonné, voire même élaboré des story-boards détaillés, sans but particulier au départ. Au bout de deux jours, je me suis rendu compte que ça commençait à donner quelque chose de cohérent. J’ai envoyé ça à michel Onfray, via son site web. Le résultat lui a plu et il m’a répondu que ça rentrerait très bien dans le cadre d’un album dessiné ». Avec un graphisme assez classique, une approche réaliste et une touche romanesque apportée par le personnage lui-même, Maximilien Le Roy et Michel Onfray nous offrent un album singulier, loin des traditionnelles BD historiques, figées par le poids de l’histoire… ou parfois du pinceau ! E.G.
Dans le détail :
Faire le mur, de Maximilien Le Roy. Editions Casterman. 15 euros.
Nietzsche, de Maximilien Le Roy et Michel Onfray. Editions Le Lombard. 19 euros.