28 Fév

Une Piscine pour l’été, On dirait le sud (tome 1), de Cédric Rassat et Raphaël Gauthey. Editions Delcourt. 14,95 euros.

Eté 1976, dans une petite ville ouvrière du centre de la France. Il fait chaud ! Terriblement chaud. Et rien à l’horizon ne semble annoncer une quelconque amélioration. Les gens de la météo ont même prévenu qu’il fallait s’attendre à vivre l’un des étés les plus caniculaires du siècle. C’est bien simple, on dirait le sud, un temps à ne pas traîner dehors. Pourtant, dans une DS noire stationnée en plein soleil, deux hommes en costume cravate attendent . Ils attendent… et suent à grosses gouttes ! Mais ils ont une bonne raison pour celà. Ils ont rendez-vous avec Max Plume, syndicaliste apprécié de tous pour son honnêteté et son intégrité. Ils veulent lui proposer une mission assez particulière : sélectionner les heureux élus d’un dégraissage économique massif. Autrement dit, aider la direction à licencier les petits camarades de l’usine, en commençant par les moins méritants, peut-être même par les malades. Quoiqu’il en soit, il va y avoir un plan social dans la ville et il n’en fallait pas plus pour que les esprits s’échauffent…

Même si l’endroit ne ressemble pas exactement à la Louisiane ou à l’Italie, avec du linge étendu sur les terrasses, comme le chantait si bien Nino Ferrer, Cédric Rassat et Raphaël Gauthey ont réussi à envelopper la petite ville ouvrière dans laquelle se déroule l’action d’une atmosphère suffocante, accablante, étonante de réalisme, si bien qu’on dirait vraiment le sud. Nous sommes en 1976 et les années d’insousiance des trente glorieuses vont définititvement laissées place aux années giscardiennes, celles de la crise pétrolière, du chômage, des fermetures d’usines… Avec un graphisme original, des textes qui sonnent justes et une narration simplement efficace, les auteurs brossent le portrait d’une France qui a disparu, du moins en partie, une France un peu désuète mais pleine de charme, qui s’interrogeait encore sur l’utilité de maintenir la peine de mort, une France où les enfants n’étaient pas skotchés en permanence devant les écrans de console, d’ordinateur ou de télévion, une France qui se retrouvait au Sporting, le bar du coin, pour parler de tout et surtout de rien. Suite et fin dans le second volet ! E.G.

26 Fév

Cosmik Comiks, Samson et Néon (tome 7), de Tébo. Editions Glénat. 9,40 euros.

Un extraterrestre rose ! Vous en avez déjà vu, vous ? Moi, non. Des verts, oui. Des bleus, parfois. Des roses, jamais. Passons sur ce détail ! Celui-ci s’appelle Néon, comme les lampes, et est accompagné en permanence d’un petit garçon, un humain, répondant au doux nom de Samson. Comme Samson et Dalila. Mais sans Dalila. Enfin bref, Néon et Samson, ou l’inverse, sont de retour. Mais pour quoi faire me direz-vous ? Très bonne question à laquelle je vais m’empresser de ne pas répondre et simplement citer nos deux héros qui dès la première page de cet album parlent d’aventures qui puent – éloignez les enfants – le « trou de balle ». C’est classe ! En même temps, c’est vrai. Entre Michel, énorme monstre jaune et flasque recouvert de pustules vertes, le roi Sub-sub à la machoire proéminente, Bueearrg le bien nommé, gros bébé orange avec des dents de rhinocéros, ou encore la gelée mutante, le dentier de mamie, le parasite bleu (tous des seconds rôles remarquables par ailleurs ! )…  bref, nos deux héros ne vont pas pouvoir faire dans la dentelle. Et dire que le responsable de toutes ces horreurs est caennais ! Son nom ou plus exactement son nom de code : Tébo. Un récidiviste. Hormis les aventures de Samson et Néon, qui comptent d’ores ert déjà 7 volumes, l’homme est à l’origine, avec Zep au scénario, des super-aventures de Captain Biceps (4 tomes au compteur) et de quelques ouvrages plus ou moins recommandables tels que Comment dessiner ? ou In Caca Veritas.  Bref, un auteur qui déborde d’énergie, d’imagination et d’humour. Et ne cherchez pas dans ces pages un quelconque message ou la moindre leçon de morale, il n’y en a pas. Ca fait simplement du bien aux zygomatiques et, par les temps qui courent, c’est déjà beaucoup ! E.G.

Retrouvez une interview de Tébo ici même

L’info en +

Les aventures de Samson et Néon ont été adaptées en dessin animé pour la télévision. Elles sont diffusées sur France 3 depuis janvier 2010. La série compte 78 épisodes de 7 minutes chacun. L’un d’entre eux vous est offert en DVD avec l’album. Merci qui ?

L’hommage aux Tuniques Bleues, de Lambil et Cauvin. Editions Dupuis. 25 euros.

Le saviez-vous ? C’est pour parer au départ de Morris des éditions Dupuis, et donc de son fameux héros Lucky Luke, que sont nées Les Tuniques Bleues ? C’était en 1968. Morris rejoignait alors les éditions Dargaud pour poursuivre les aventures de l’homme qui tire plus vite que son ombre. Raoul Cauvin et Salvérius (décédé en 1972 et remplacé par Lambil) se lançaient dans le western historico-comique avec deux personnages aujourd’hui légendaires, le caporal Blutch et le sergent Chesterfield. Quelque quarante années d’aventures et cinquante-trois albums plus tard, la série des Tuniques Bleues est devenue une pièce maîtresse du  Neuvième art et qui plus-est, avec son côté anticonformiste, un élément fondateur de la bande dessinée contemporaine menée par des auteurs tels que Blutch, Larcenet… Cet ouvrage, paru à l’occasion de l’exposition Tuniques Bleues présentée au dernier Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême, réunit des planches-hommages signées par quelques pointures ( Blutch, Conrad, Clarke, Larcenet, Zep, Laudec…) et une longue interview de Raoul Cauvin et Willy Lambil dans laquelle les deux compères abordent la naissance de la série, l’évolution du graphisme, la documentation… Un album indispensable pour tous les fans ! E.G.

Balade balade, de Kokor. Editions Vents d’Ouest. 12 reuros.

Pas facile de vendre une planète ! Alors, quand un acheteur potentiel se présente, ses moindres volontés sont des ordres. Même s’il désire faire le tour du propriétaire à cheval, plutôt qu’en hélicoptère, pour pouvoir admirer au plus près les 46000 hectares de terre encore industrialisable, les 8000 hectares de grands cru ou encore les 18000 hectares de forêt. Une belle balade et une belle affaire. Une très belle affaire même, selon le négociateur. Mais bien sûr, tout ceci n’est que pure fiction, un feuilleton radiophonique diffusé sur Radio-Variétés et écouté par des milliers d’auditeurs…

C’est drôle, c’est loufoque, c’est poétique… C’est du Kokor, du grand Kokor même que nous proposent de retrouver les éditions Vents d’Ouest avec cette réédition de Balade Balade dans un format « roman graphique » plutôt agréable et pratique.  Les planches sont réduites mais l’aventure, elle, est toujours aussi grande ! E.G.

Pip et Norton, de Dave Cooper et Gavin Mclnnes. Edtions Delcourt. 13,95 euros.

Pour imaginer les aventures de Pip et Norton, il faut s’appeler Dave Cooper et Gavin Mclnnes ! Respectivement dessinateur et scénariste, les deux hommes nous entraînent ici dans une suite d’aventures totalement déjantées avec pour héros, ou plus exactement pour anti-héros, un duo composé d’une espèce d’abeille non répertoriée par les scientifiques et d’un homme-tronc en lévitation permanente. Ils sont laids, ils sont nuls, ils sont bêtes et totalement obsédés par l’argent et le sexe. Et attention, ils débarquent à Paris où ils vont croiser quelques vieilles connaissances comme Moébius, Robert Crumb et… le couple Sarkozy-Bruni. Inévitable ! Pour les amoureux du style cartoon à la sauce punk ! E.G.

Destins (tomes 1 à 3), de Giroud, Durand, Greiner, Collignon, Christin, Lécossois, Brahy. Editions Glénat. 13 euros le volume.

  

   

   

   

   

   

   

Attention, série fleuve en vue ! Après l’ésotérique Décalogue, dix volumes parus chez Glénat entre 2001 et 2003, le scénariste Frank Giroud se lance dans une nouvelle aventure qui devrait tenir les lecteurs en haleine pendant près de deux ans et quatorze albums. Et toujours avec ce concept singulier qui tient à faire intervenir des auteurs différents sur chaque album. 13 scénaristes et 13 dessinateurs sont ainsi prévus, chacun intervenant avec son propre style narratif ou graphique, chacun avec sa propre atmosphère, Frank Giroud surpervisant l’ensemble. Destins, c’est le nom de cette série, se propose d’explorer les différents destins possibles d’une jeune femme, en l’occurrence Ellen Baker, en fonction de ses choix. Ainsi, au fil des 14 albums, ce sont 5 destins parallèles que nous suivrons. Avec en filigrane la question suivante : quelle influence nos choix ont-ils sur notre destin ? Tout commence à Houston. Ellen et son ami Greg braquent une banque mais l’affaire tourne mal. Greg est tué, Ellen doit fuir et se faire oublier. Elle part pour l’Angleterre où elle se réfugie dans l’humanitaire. Jusqu’au jour où son passé la rattrape. Ellen doit alors faire un premier choix très difficile… Action et suspense sont au rendez-vous de ces trois premiers albums qui augurent d’une très grande série. E.G.

Dans le détail :

Le Hold up, Destins (tome 1), de Giroud et Durand.

Le fils, Destins (tome 2), de Giroud, Greiner et Collignon.

Le Piège africain, Destins (tome 3), de Giroud, Christin, Lécossois, Brahy.

Pandas dans la brume, Dans les forêts de bambous (tome 1), de Tignous. Editions Drugstore. 13,90 euros.

Selon le WWF, les pandas ne seraient plus que 1600 dans le monde ! Mais il y aurait pire, selon le W.W.Disney, il n’y aurait plus que 101 dalmatiens. C’est du Tignous ! Informer, indigner, révolter, réveiller les consciences, l’air de rien, avec le sourire et beaucoup d’humour. Dessinateur de presse pour divers magazines (Fluide Glacial, L’Express…) et auteur de plusieurs ouvrages ( Tas de pauvres, Tas de riches, Pourquoi faire simple, On s’énerve pour rien…), Tignous manie l’humour corrosif comme d’autres manient la gravité nécessaire pour mener à bien certaines grandes causes. D’un côté l’humoriste, de l’autre le WWF, organisation scientifique traitant de sujets environnementaux aussi sérieux que le changement climatique ou le déclin de la biodiversité, et qui s’associe à ce projet de bande dessinée, l’humour pouvant être parfois, selon Serge Orru, Directeur général de WWW France, « …un bien meilleur porte-parole ».  Bref, dans cet album, Tignous croque les pandas sous tous les angles et, à travers eux, le monde des hommes, un monde où la cupidité est reine… En attendant de rendre les hommes meilleurs, Tignous a peut-être trouvé la solution pour sauver les pandas : promettre aux financiers qu’ils peuvent travailler pour moins cher qu’un Chinois ! E.G.

L’Hypnotiseur, de Saenz Valiente et De Santis. Editions Casterman. 15 euros.

Monsieur Salinero, gérant du Las Violetas, petit hôtel de Buenos Aires, a vu toutes sortes d’individus franchir le pas de sa porte : des hommes mariés en quête de refuge, des représentants de commerce fatigués, même des candidats au suicide… Mais un hypnotiseur, jamais, qui plus-est un hypnotiseur insomniaque qui empêche les autres clients de dormir. Un comble ! Tous les soirs, Monsieur Arenas, l’homme en question, donne un spectacle d’hypnose dans une salle de la ville. Et même s’il ne fait pas de séances privées, sa réputation finit par attirer quelques clients jusqu’à l’hôtel, des clients à la recherche de vérité sur leur passé, sur un trésor enfoui ou un moment égaré. Au fil des jours, et des clients, se noue entre l’hypnotiseur et le gérant de l’hôtel une relation singulière…

Juan Saenz Valiente et Pablo de Santis, tous deux argentins, nous offrent ici un récit surprenant autour d’un héros qui ne l’est pas moins, hypnotiseur fatigué, insomniaque et taciturne, un héros au physique qui nous laisse supposer tout le poids d’une immense douleur enfouie. Les histoires, les décors, les textes, les couleurs…  tout est ici affaire d’atmosphère. Même les personnages qui apparaissent et disparaissent au fil des pages en nous laissant à chaque fois un peur de leur âme, ont des gueules d’atmosphère… Un univers très marqué et très personnel à découvrir au plus vite  ! E.G.

New York, Bruxelles, Rome ou Venise : une nouvelle collection de city guides chez Casterman…

New York, Bruxelles, Rome et Venise… Les éditions Casterman viennent de publier simultanément quatre city guides nouvelle génération associant un grand nom du livre de voyage et un grand nom de la bande dessinée. Et le résultat est plutôt réussi, chaque ouvrage mariant intelligemment textes et illustrations, informations pratiques et invitations à l’imaginaire. Aux pinceaux, on retrouve ainsi Miles Hyman pour le guide de New York, François Schuitten pour celui concernant Bruxelles, le duo Jacques Martin – Gilles Chaillet pour Rome et, bien évidemment, Hugo Pratt pour Venise. Dans le détail, chaque guide comporte en ouverture un plan général mais aussi des repères historiques ou quelques mots de vocabulaire pour se débrouiller en toutes circonstances et, bien entendu, plusieurs propositions d’itinéraires offrant sur chacune de ces villes un regard historique, architectural, culturel, artistique ou gastronomique, parfois surprenant, toujours instructif, avec des lieux secrets pour sortir des sentiers battus, des anecdotes, des éclairages indédits… Ces guides lancés par Lonely Planet et Casterman s’inscrivent dans le cadre du développement d’un nouveau tourisme, basé sur les courts séjours. Deux autres titres sont d’ores et déjà annoncés pour septembre : Florence et Marrakech. Une belle idée ! E.G.

Dans le détail :

New York Itinéraires, de Miles Hyman et Vincent Réa.

Bruxelles Itinéraires, de François Schuiten et Christine Coste.

Rome Itinéraires avec Alix, de Thérèse de Chérisey, Jacques Martin, Gilles Chaillet et Enrico Sallustio.

Venise Itinéraires avec Corto Maltese, de Hugo Pratt, Guido Fuga et Lele Vianello.

Bandonéon, de Gonzalez. Editions Dupuis. 24 euros.

Un ovni ! Ou un miracle ! Comme vous voulez. Son nom : Bandonéon, comme l’instrument. Arrivé sans prévenir, sorti sans faire de bruit. Et pourtant ! Bandonéon a tout du chef d’oeuvre, de ces livres qu’on ouvre, qu’on dévore d’un bout à l’autre et qu’on finit par refermer uniquement sous la menace ou sous la contrainte du quotidien. Faut bien aller bosser ! Mais les images sont là, pour longtemps gravées dans la mémoire. Et le récit aussi. Un récit à double entrée avec d’abord la destinée du jeune Horacio, un prodige du piano, fasciné par les musiciens de tango, par ses amis Vicente, Luis, Gordo et les autres, un prodige donc qui fera tout pour devenir quelqu’un. Même s’il doit y laisser son âme. Puis, il y a ensuite la destinée de Jorge Gonzalez lui-même, l’auteur, qui raconte dans ces pages son propre retour en Argentine, le temps d’une visite à ses amis et à sa famille. Jorge Gonzalez vit en Espagne.

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Découvrez ici l’interview de l’auteur

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Présenté par l’éditeur comme un mélange de récit d’initiation, de fable politique et de journal intime, Bandonéon est en tout cas un ouvrage particulièrement riche qui parle bien évidemment de l’Argentine, de son histoire, des hommes, de la politique, de la culture, de la libertré, de l’amour, de l’immigration… le tout sur un air de tango. Publié dans un format « roman graphique » chez Dupuis, Bandonéon est une oeuvre réellement surprenante, surprenante dans le fond, mais aussi dans la forme avec une narration qui peut être tantôt classique, tantôt avant-gardiste, et un graphisme multiforme qui peut aller du croquis, jeté sur la page dans l’urgence, à quelque chose de plus abouti. Bref, Bandonéon est une oeuvre à part et une des plus marquantes de ce premier trimestre 2010 ! E.G.