26 Nov

Boucq et Jodorowsky dégainent un nouveau « Bouncer » intitulé « To Hell »

Il a beau avoir un seul bras, le Bouncer est loin de garder les deux pieds dans la même botte. Son bras gauche lui suffit amplement pour se faire respecter et jouer du colt à la perfection. Et cette fois, il va en avoir besoin. Dans le saloon de Barrio City, l’Infierno, dont il est maintenant propriétaire, le fils d’un directeur de pénitencier, un détraqué de la pire espèce, a sauvagement tué le barman et sa femme enceinte. Bien décidé à les venger, le Bouncer part à sa recherche. Une traque qui va l’emmener dans une région au nom suffisamment évocateur : Las Tarantulas. Bienvenue en enfer…

Après 7 tomes aux Humanoïdes Associés, le Bouncer rejoint les éditions Glénat pour cette nouvelle aventure prévue en deux volumes. Mise à part ce petit changement d’éditeur, Boucq et jodorowsky n’ont rien lâché de leur univers. Un Far West violent et sans concession où l’on joue au poker aussi facilement qu’à la gâchette. Comme toujours, le scénario et le graphisme sont sublimes. Un huitième tome très réussi, indispensable pour les amoureux du genre ! EGuillaud

To Hell, Bouncer (tome 8), e Boucq et Jodorowsky. Editions Glénat. 14,95 euros

.

25 Nov

Deuxième et dernier volet de « Magasin Sexuel », une aventure vibrante de Turf

Connaissez-vous Les Bombinettes ? C’est un charmant village de France avec son église, sa boulangerie, sa boucherie, son marché et… son magasin sexuel. Une singularité locale qui n’est pas pour plaire au maire, Raymond Orloff, ni aux grenouilles de bénitiers toujours à l’affût de comportements que réprouveraient la bonne morale. Mais une singularité qui commence à attirer de plus en plus de monde sur le marché. Et ça, c’est plutôt bon pour le commerce ! C’est la jeune et jolie Amandine qui est à l’initiative de ce magasin d’un genre nouveau, enfin nouveau pour le canton. Son camion rose, tout rose, annonce la couleur. Ici, vous trouverez des articles pour faire plaisir ou vous faire plaisir… si vous voyez ce que je veux dire. Des canards de bain jaunes et quelques autres curiosités du même genre, des « bizarreries érotiques tout à fait inoffensives », pour reprendre les propos du maire désireux de calmer les esprits. Il faut dire que l’homme réticent au départ est tombé amoureux de la belle Amandine et envisagerait bien la bagatelle…

Suite et fin de ce récit qui n’a de sexuel que le titre. Un récit tendre, coloré et drôle signé Turf, un auteur que l’on a découvert il y a quelques années avec la magnifique série La Nef des fous également parue chez Delcourt. Turf s’amuse ici à confronter deux mondes, deux univers, le côté vieille France des villageois et la jeunesse libérée représentée par Amandine et son commerce de sex-toys : « Mon challenge d’auteur consiste ici à mêler deux environnements totalement différents, pour un mariage forcé et improbable, et d’observer avec un certain recul ce qui se passe. C’était déjà le cas dans La Nef des fous ou j’organisais un monde chimérique, enfermé dans une bulle plus ou moins étanche au fond de l’océan. Ce qui m’amuse, c’est l’ensemble des paradoxes et anachronismes que provoquent de telles rencontres. Dans Magasin sexuel, je ne cherche pas à présenter un univers réaliste, mais plutôt à exacerber les relations qui peuvent naître de ce genre de combinaison scénaristique… ». Une histoire vibrante ! EGuillaud

Magasin sexuel (tome 2), de Turf. Editions Delcourt. 14,95 euros.

24 Nov

Un nouveau tome de « Chi-Une vie de chat » pour Noël

Impossible de ne pas craquer ! Avec sa fourrure de chaton tigré, ses grands yeux ronds et son petit corps tout menu, Chi est une petite boule de poils absolument mimi qui fait fondre petits et grands. Mais cette fois, Chi est malade. Ses maîtres lui ont installé une collerette et lui interdisent de sortir. Chi doit prendre son mal en patiente, supporter cette énorme chose jaune autour du cou et remettre à plus tard son rendez-vous avec Minou…

Un découpage simple, un graphisme épuré, des couleurs tendres, des personnages  adorables, des textes pour le moins accessibles… Chi, une vie de chat a ce petit quelque chose d’universel, d’évident, qui peut expliquer son immense popularité auprès des fans de manga et au-delà. L’histoire est elle aussi des plus simples, l’auteur, Kanata Konami, raconte la vie quotidienne d’un petit chat, Chi. Au fil des épisodes et des albums, celui-ci grandit et apprend la vie… Pour les 7 ans et plus ! EGuillaud

Chi Une vie de chat (tome 9), de Kanata Konami. Editions Glénat. 10,75 euros

23 Nov

Avec « Moi René Tardi prisonnier de guerre au Stalag IIB », Jacques Tardi adapte en BD les carnets de son propre père

Dire qu’un nouvel album de Jacques Tardi est un événement est un doux euphémisme. L’homme n’est plus à présenter. Encore moins l’auteur ! Et son oeuvre fait aujourd’hui référence à travers le monde. Outre Les Aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec et ses diverses incursions dans le monde du polar avec notamment l’adaptation des romans de Léo Mallet, Jacques Tardi n’a cessé en 40 ans de création de se pencher sur l’histoire et notamment sur la Grande guerre avec des récits comme C’était la guerre des tranchées, Adieu Brindavoine, Putain de guerre! ou encore La véritable histoire du soldat inconnu. Plus qu’une obsession, c’est une volonté farouche et politique de montrer la boucherie, l’inhumanité de cette période de notre histoire.

Avec ce nouvel album, c’est la première fois que Jacques Tardi se penche sur la Deuxième guerre mondiale. C’est aussi la première fois qu’il parle aussi ouvertement de lui, de sa famille, de son histoire. Moi René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag IIB est effectivement l’adaptation en BD de notes rédigées par son propre père sur sa captivité entre 1940 et 1945 dans un camp de prisonniers situé au Nord de la Pologne, le Stalag IIB. Une période qui va fortement marquer ce père que Jacques Tardi décrit dans une interview accordée à Nicolas Finet comme « un type hargneux, amer, remonté », poursuivant « Il avait si mal vécu cette période de la guerre que cela avait rejailli sur toute son existence, jusqu’à sa disparition en 1986 ».

Et justement, l’histoire de cet album ne s’arrête pas à la libération du père. Elle se poursuivra, dans un deuxième volet, sur les années d’après guerre et donc sur l’enfance de Jacques Tardi. « En effet, ce n’est qu’un premier volume… », précise l’auteur, « Retracer l’histoire personnelle de mon père, c’est aussi pour moi l’occasion de revenir, au-delà de la période de la guerre, sur l’histoire de ma famille, qui est assez rocambolesque et compte pas mal de personnages étonnants ».

En attendant, ce premier volet au traitement graphique identique à celui de Putain de guerre! (trois images pas planche) nous plonge dans la guerre éclair de René Tardi, suivi de son arrestation par les Allemands, de son transfert en compagnie de quelques milliers d’autres prisonniers vers le stalag IIB. Et puis c’est la découverte du camp, du travail forcé, de la promiscuité, de la faim, des humiliations. Tout au long du récit, Jacques Tardi se représente aux côtés de ce père (alors qu’il n’était pas encore né) et entretient avec lui un dialogue, de toute évidence le dialogue qu’il n’a jamais pu avoir de son vivant.

Sur près de 200 pages, Jacques Tardi nous plonge dans le quotidien d’un soldat puis d’un prisonnier de guerre avec une force évocatrice proche du documentaire. Il faut dire que l’homme, qui se décrit comme « un extrémiste de l’exactitude » dans une récente interview accordée aux Inrocks, ne supporte pas l’imprécision.

Moi René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag IIB est un des albums majeurs de l’année 2012. EGuillaud

Moi René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag IIB, de Jacques Tardi. Editions Casterman. 25 euros

En vente le 28 novembre

21 Nov

Nouveau départ pour Michel Vaillant chez Dupuis

Michel Vaillant est de retour ! Et personne ne s’en plaindra. Personnage légendaire de la bande dessinée franco-belge né de l’imagination de Jean Graton en 1957, Michel Vaillant a connu mille et une aventures sur tous les circuits automobiles du monde. 70 albums, 20 millions d’exemplaires vendus dans 16 pays, une très belle adaptation au cinéma signée Luc Besson, une intégrale en 20 volumes parue au Lombard, 14 dossiers Michel Vaillant portant sur des célébrités liées au monde de l’automobile, un changement d’écurie en 2010 avec l’arrivée du pilote chez Dupuis, la réédition complète de la série et… pour finir le lancement en novembre 2012 d’une nouvelle saison de ses aventures avec un premier album placé sous le signe du renouveau.

Titre de l’album : Au nom du fils. Aux manettes : Philippe Graton (le fils) et Denis Lapière pour le scénario, Marc Bourgne et Benjamin Benéteau pour le dessin. Un travail à quatre mains pour un nouveau départ. « Sur le fond… », confie Denis Lapière, « nous avons voulu rester proches de l’univers existant, riche d’une galerie de personnages avec beaucoup de caractère […] Sur la forme par contre, nous avons poursuivi deux axes supplémentaires : moderniser le ton et rendre cet univers plus réaliste »Plus réaliste et surtout plus contemporain, plus crédible ! Les auteurs ont apporté un sacré coup de jeune à la série tant au niveau du scénario que du dessin. L‘alliance graphique entre Bourgne (pour les personnages) et Benéteau (pour les automobiles) est une réussite totale. Comme peuvent l’être le léger lifting opéré sur le personnage principal, le nouveau design développé autour des voitures et le travail effectué sur les décors. Que vous soyez fans de sport automobile ou non, fans de Michel Vaillant ou non, Au nom du fils devrait vous séduire comme il devrait séduire un très large public.

.

L’info en +

Nous vous parlions plus haut des Dossiers Michel Vaillant portant sur les figures emblématiques de l’univers automobile. Le dernier en date, paru à la rentrée, ne porte pas sur une de ces figures mais sur un lieu emblématique, très présent dans les aventures de Michel Vaillant :  Spa-Francorchamps. Les auteurs, Jean Graton et Alain van den Abeele, retracent l’histoire de ce circuit en s’appuyant sur des photos d’archives et de presse, des témoignages de coureurs automobiles, des illustrations et plusieurs extraits des aventures de notre héros Michel Vaillant. Un circuit unique au monde par son caractère, son tracé accidenté, sa beauté, un circuit historique, fabuleux, qui pousse à la limite, sacre les  meilleurs, un circuit d’hommes… disent les connaisseurs. Sans tomber dans le machisme primaire, Spa-Francorchamps est effectivement un circuit hors-norme, un mythe sur lequel tous les grands noms du sport automobile rêvent un jour de se mesurer !

.

Au nom du fils, Michel Vaillant nouvelle saison (tome 1), de Bourgne, Benéteau, Graton, Lapière. Editions Dupuis. 15,50 euros

Spa-Francorchamps, Dossier Michel Vaillant, de Jean Graton et Alain van den Abeele. Editions Dupuis. 20,50 euros

19 Nov

Théodore Poussin de Frank le Gall en intégrale

Théodore Poussin n’est pas un héros au sens strict du terme. C’est un gars ordinaire plongé dans une aventure extraordinaire. Il est né anti-héros, il le restera le temps de ses 12 aventures. Un anti-héros magnifique de la trempe d’un Corto Maltese. De ce dernier, il a d’ailleurs hérité le goût du large, l’envie de voyages. Tout commence en 1928 à Dunkerque. Théodore est alors commis aux écritures à la Compagnie des chargeurs maritimes. Un travail de bureau sans horizon. Jusqu’au jour où il se décide à embarquer pour l’Indochine à la recherche d’un oncle disparu : le capitaine Steene. C’est le début d’une longue, très longue quête du côté de Haiphong, Singapour, Macassar, Bornéo ou encore Java. Aventure, exotisme, mystère… La série de Frank Le Gall est l’une des plus belles créations des années 80-90 et l’une des plus belles du Neuvième art tout simplement.

Ce troisième volume de l’Intégrale Théodore Poussin est le dernier. Il réunit quatre récits, La Terrasse des audiences 1 et 2, Novembre toute l’année et Les Jalousies. Frank Le Gall est alors au sommet de son art. Les planches sont d’une rare intensité dramatique, poétique et exotique. Le voyage est immédiat ! Bonheur suprême, un dossier d’une cinquantaine de pages revient sur le contexte de création avec à l’appui de nombreuses illustrations, des couvertures, des croquis et les planches inédites d’un premier découpage de Novembre toute l’année. Une opportunité magnifique pour tous les fans et les autres de (re)plonger dans ces aventures au long cours. EGuillaud

Intégrale Théodore Poussin (tome 3), de Frank Le Gall. Editions Dupuis. 28 euros. Pour l’intégrale complète, comptez 76 euros, le prix de l’excellence.

14 Nov

Le Loup des mers de Jack London librement et merveilleusement adapté par Riff Reb’s

Loup Larsen domine son navire et ses marins par la force, la violence et le mépris, il aurait pu dominer le monde par sa culture. C’est à peu près en ces termes que le jeune naufragé Humphrey Van Weyden, journaliste, chroniqueur, féru de littérature, décrit le Capitaine de goélette qui l’a sauvé des eaux. En être terrifiant qui n’a pas la même définition de la vie, de la mort, que le marin moyen. Mais avec une connaissance de la littérature hors-norme qui forcément interroge, intrigue. Recueilli à bord du phoquier après une infortune de mer, Humphrey Van Weyden est enrôlé de force comme mousse. Mais entre les deux hommes, très vite, naît une relation étrange, un rapport de force et de culture…

Quel délice ! Oui, quel délice de retrouver le coup de crayon et les atmosphères de Riff Reb’s. L’auteur havrais des mythiques et complètement punk Bal de la sueur et Aaaargh parus au milieu des années 80 chez Glénat, et plus tard des aventures de Myrtil Fauvette aux Humanos, nous revient avec l’adaptation de ce roman de Jack London. Et le résultat ? Comme une évidence ! Chaque planche, chaque vignette, chaque mot, est un régal. Riff Reb’s déploie avec force son trait dynamique et précis qui flirte parfois avec la gravure. Le traitement monochrome finit d’ajouter une dimension dramatique exceptionnelle à l’ensemble du récit. Aucun doute, Le Loup des mers version Riff Reb’s est une merveille, un des albums chocs de ce dernier trimestre 2012. EGuillaud

Le Loup des mers, de Riff Reb’s. Editions Soleil. 17,95 euros

12 Nov

Capitaine Cormorant et autres récits, un album d’Hugo Pratt

Oubliés ? Presque. Les trois récits réunis dans ce recueil avaient pourtant bien été édités en France dans les années 80. Mais qui s’en souvient aujourd’hui si ce n’est les passionnés ? Qui se souvient par exemple des aventures de Billy James dans les territoires des Grands Lacs, de L’Assaut du fort qui nous plonge au coeur de la guerre de sept ans, et surtout de Capitaine Cormorant dont les planches préfigurent l’album La Ballade de la mer salée et les aventures d’un des plus grands marins de la bande dessinée mondiale, Corto Maltese. Antonio Carboni, spécialiste de l’oeuvre d’Hugo Pratt, écrit très justement en préface : « On aperçoit déjà le souffle des grands espaces océaniques, les vagues majestueuses, le vol et le cri des goélands, les huttes et les embarcations des indigènes ». Tout est là en train de s’installer dans la tête et sur les planches d’Hugo Pratt…

Pour autant, ces trois récits, écrits au début des années 60 ne sont pas des oeuvres de jeunesse qu’on pourrait ignorer, voire mépriser. Hugo Pratt y fait déjà preuve d’une très grande maîtrise de son art. Et cette édition particulièrement soignée, au format à l’italienne avec custode, leur offre une nouvelle vie, leur redonne même un aspect très contemporain avec une mise en couleurs légère, aux tons pastels. Admirez ces planches, ce trait, ce noir et blanc, ces personnages, cette poésie, cette impression de voyage immédiat… C’est du Pratt, du grand Pratt. Un ouvrage indispensable pour les fans et pour tous ceux qui veulent découvrir un des auteurs majeurs du Neuvième art ! EGuillaud

Capitaine Cormorant et autres histoires. Editions Casterman. 27 euros

HSE pour Human Stock Exchange, un récit de SF signé Dorison et Allart chez Dargaud

Vous rêvez d’investir dans une valeur sûre ? Alors, investissez dans l’être humain. C’est facile, pas trop cher et ça rapporte gros. C’est le HSE, Human Stock Exchange, créé par un certain Simon Sax pour Meninvest Finance. Et parmi les plus belles progressions du moment, le docteur Jonas Miller, un million d’eurodollars de plus-value sur son cours. De quoi faire rêver tous les investisseurs du monde. De quoi faire rêver aussi Félix Fox. Lui n’a pas un centime pour acheter des actions. Il vend des voitures par visiomail chez Zelig et vit dans un quartier de misère sans pouvoir se payer un litre d’eau chaude. Mais Félix Fox rêve de devenir un « Red Eyes », un de ces « yeux rouges », rougis par le travail… Autrement dit, il souhaiterait entrer en bourse, devenir un de ces fameux êtres « côtés » et empocher au passage un beau petit pactole. Mais Les candidats sont nombreux et notre jeune homme va s’apercevoir très vite que l’argent ne se gagne pas sans sacrifices…

Des hommes côtés en bourse, il fallait l’imaginer, Xavier Dorison l’a fait ! Lui, l’ex-spécialiste de la finance d’entreprise, imagine ici un futur proche ravagé par la crise financière, les licenciements, les émeutes de petits porteurs ruinés… et donc ces hommes découpés en milliers d’actions et condamnés à rendre en permanence des comptes à des actionnaires assoiffés d’argent. Un scénario à faire frémir les plus libéraux, un dessin réaliste signé Thomas Allart qui fait mouche et une douce atmosphère futuriste, toujours proche du possible… ce premier tome très réussi laisse présager la naissance d’une nouvelle grande série de SF. EGuillaud

HSE, Human Stock Exchange (tome 1), de Dorison et Allart. Editions Dargaud. 13,99 euros