09 Déc

Les lauréats des Prix Rodolphe Töpffer 2016 : Catherine Meurisse pour La Légèreté et Peggy Adam pour Plus ou moins… l’hiver

9782205075663-couvLa Ville et le canton de Genève ont remis ce soir trois prix pour la bande dessinée. Depuis 20 ans, la Ville de Genève soutient le neuvième art par l’octroi des Prix Rodolphe Töpffer, nommés en hommage au Genevois, père de cet art. Le Prix Töpffer international revient à la meilleure bande dessinée en français parue dans l’année, le Prix Töpffer Genève récompense le meilleur album réalisé en 2016 par un(e) Genevois(e). Le Canton quant à lui renforce ce soutien à la scène locale par l’attribution d’un prix destiné à un(e) auteur(e) âgé(e) de 15 à 30 ans n’ayant pas encore publié, le Prix pour la jeune bande dessinée.

Le Prix Rodolphe Töpffer international a été remis à : Catherine Meurisse pour La Légèreté, Editions Dargaud, 2016

Le Prix Rodolphe Töpffer Genève a été remis à : Peggy Adam pour Plus ou moins…L’Hiver, Editions Atrabile, 2016

Le Prix de la jeune bande dessinée de la République et canton de Genève a été attribué à : Camille Vallotton pour Speculum Mortis

Eric Guillaud

08 Déc

Ce livre devrait me permettre de résoudre le conflit au Proche-Orient, d’avoir mon diplôme et de trouver une femme : une réédition en intégrale des deux premiers livres de Sylvain Mazas chez Warum Vraoum

Ce-livre-devrai-me-permettre-de-resoudre-le-conflit-au-Proche-Orient-d-avoir-mon-diplome-et-de-trouver-une-femmeAvec un titre pareil, que je ne me permettrai pas de répéter ici au risque d’allonger inutilement cette introduction, impossible de coller une illustration, même minuscule, sur la couverture. C’est pourtant bien un livre illustré que nous propose l’auteur Sylvain Mazas, un livre illustré et drôle paru initialement en deux volets en 2012 et 2014 aux éditions Warum Vraoum…

20 000 exemplaires vendus selon l’éditeur, ça valait bien une réédition en un volume à l’occasion des 11 ans de la maison d’édition. Pas d’illustration en couverture mais un bon nombre à l’intérieur même si Sylvain Mazas est un sacré tchatcheur et un dingue des schémas comme celui que vous trouverez ci-dessous, un schéma fourni avec l’album sur une feuille libre pliée façon carte. Dépliez et suivez les flèches…

© Vraoum / Mazas

© Vraoum / Mazas

Au centre, le but ultime, le graal : être heureux. Autour, les moyens qui peuvent y aider. En vrac : faire des expériences, sortir, boire un jus d’orange chaque matin, bien dormir, être calme, être honnête, aider les autres, mieux comprendre le conflit au Proche-Orient et pourquoi pas, carrément, résoudre le conflit au Proche-Orient. Bon, je vous l’accorde, c’est particulièrement ambitieux, pour ne pas dire utopique, mais le bonheur n’est-il pas la plus belle des utopies ?

Sur 404 pages, oui quand même, Sylvain Mazas nous raconte donc un séjour au Liban – dans le cadre de ses études – d’où il ramena une autre vision de ce coin du monde et plus largement de la vie. Et il l’a partage avec nous, schémas, graphiques et formules mathématiques à l’appui. C’est drôle et sérieux à la fois, c’est en tout cas très original. Un cadeau unique !

Eric Guillaud

Ce livre devrait me permettre de résoudre le conflit au Proche-Orient,  d’avoir mon diplôme et de trouver une femme, de Sylvain Mazas. Editions Vraoum. 24€

07 Déc

La Délicatesse : Cyril Bonin adapte avec bonheur le roman de David Foenkinos

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Pour ceux qui connaissent la rudesse d’adapter en BD un roman qui plus-est multi-récompensé, voici un exemple de réussite totale. La Délicatesse, de David Foenkinos, trouve sous le trait de Cyril Bonin un supplément de finesse et de justesse dans les sentiments qui ne peut que laisser béat d’admiration…

Elle s’appelle Nathalie. Lui, François. Ils se sont rencontrés dans la rue et filent le parfait amour. Pas une ombre à l’horizon, l’avenir, le monde, leur appartient. Jusqu’au jour où François meurt accidentellement. Nathalie sombre dans un chagrin abyssal, hermétique au monde extérieur, aux sollicitations masculines, figée sur son amour perdu. Et puis, et puis, un homme traverse sa vie. Et en premier lieu son bureau. Il travaille dans la même entreprise qu’elle. Il est même sous ses ordres. Markus est suédois et un peu bizarre. Ou plus exactement surprenant. Elle qui pensait que la vie s’était arrêtée avec la mort de François découvre que la légèreté, l’amour, le bonheur… sont encore en elle, sont encore possibles.

Un concentré d’émotions. Voilà ce qu’est La Délicatesse de Cyril Bonin, parfaitement le genre de bouquin qui vous colle à l’esprit pendant des jours et des jours après sa lecture. Images, textes, dialogues, personnages, couleurs… tout est au service de ce récit intimiste qui a déjà fait les beaux jours de l’édition et du cinéma. Un travail remarquable, l’un des plus beaux albums de cette fin d’année. Mais rien d’étonnant venant de Cyril Bonin dont on a déjà pu saisir l’immense talent, notamment à travers son diptyque Amorostasia, actuellement en cours d’adaptation pour le cinéma. Un auteur à suivre de très près !

Eric Guillaud

La Délicatesse, de Cyril Bonin d’après le roman de David Foenkinos. Editions Futuropolis. 17€

© Futuropolis / Bonin

© Futuropolis / Bonin

06 Déc

Chroniques de Noël. 10 BD pour les marmots à glisser vite fait bien fait sous le sapin

Aïe ! Noël approche à la vitesse de la lumière et vous séchez affreusement question cadeaux? Alors voici rien que pour vous une sélection de BD qui feront à coup sûr de l’effet au pied du sapin. 10 BD pour les petits, les mioches, les marmots, les lardons et les mouflettes, de l’humour mais pas que, du bon goût toujours…

gO9bqX0m75VDZIehVt7G0PBwhpG9N5Ot-couv-1200Lui ne devrait plus avoir l’âge de jouer aux billes ou à la dinette depuis longtemps, pas plus de s’énerver sur Minecraft ou je ne sais quel autre jeu virtuel. Mais il a un énorme avantage sur nous les humains, Cédric est un héros de papier, éternel ou presque. Et ça fait 30 ans que ça dure, 30 ans qu’il a huit ans, 30 ans que ses aventures familiales nous font marrer. Alors, pour fêter ça dignement, les éditions Dupuis nous offrent un best of intitulé Drone d’anniversaire et réunissant des gags festifs d’anniversaire. Bougies à toutes les pages!

Il n’a pas encore 30 ans mais il en est pas loin. Le Petit Spirou est l’un des enfants terribles les plus célèbres de la bande dessinée franco-belge. Il EYBijQ79QigOTlKbP0GL9O22QcO9IGhM-couv-1200faut dire que Spirou, le grand, lui a préparé le chemin depuis 1938, date de son apparition dans le journal du même nom. Le Petit Spirou, c’est aujourd’hui dix-sept tomes d’histoires drôles et légèrement impertinentes, dix-sept tomes et pas mal de compilations comme celle-ci sortie en novembre, Presque tout sur ma mère, une série de gags mettant en scène la maman du Petit Spirou. Franchement drôle !

Tous ceux qui ont joué un jour au flipper ou aux jeux vidéos savent ce que signifie « game over ». Fin de partie. Tu peux recommencer. Le Petit Barbare, lui, recommence depuis bientôt 12 ans et 15 albums sans se lasser un instant. Pourtant, inexorablement, chaque page de gag se termine 51w+Iuyz5PL._AC_UL320_SR232,320_d’une façon particulièrement horrible mais tellement drôle. Tour à tour, le Petit Barbare est écrasé, déchiqueté, cuit, broyé, découpé, désintégré, ici en voulant sauver une princesse, là en essayant de flinguer des monstres ou de déjouer des pièges… À chaque fois il échoue, à chaque page, il revient. Et peu importe le danger, le Petit Barbare doit accomplir sa mission, rejoindre la fin d’un niveau (de jeu). Dérivée de Kid Paddle, la série Game Over est un best-seller de l’édition BD avec plus d’un million d’exemplaires vendus depuis son lancement et des auteurs pour le moins heureux.

Le tome précédent s’est vendu à plus de 180 000 exemplaires sur l’année 2015. Un carton. Et tout porte à croire que le tome 19 publié à laCouverture19 rentrée en fera de même. La série des Légendaires est une valeur sûre. Si elle était côté en bourse, je vous conseillerais d’en acheter des parts vite fait bien fait histoire de mettre votre petite famille à l’abris. En attendant, vous pouvez toujours acheter ce nouvel album où l’on retrouve Danaël et Shirmy mariés, menant une vie de fermiers, ou encore Jadina, en pirate de l’air. Les initiés comprendront !

 

chi-une-vie-de-chat-manga-volume-9-grand-format-262500C‘est peut-être l’un des chats les plus célèbres de la planète BD, Chi n’en finit pas de faire les beaux jours des éditions Glénat. Après la parution de ses aventures en format manga, les voici en grand format, les mêmes histoires mais en plus grand. Le neuvième tome vient de sortir et on ne peut raisonnablement pas s’en lasser. Avec un propos universel, un langage chat sans frontière, un graphisme épuré, un découpage simple, Konami Kanata a su conquérir un très large public. Dans ce neuvième volet, Chi reçoit une invitée, une chatte voisine, avec un magnifique coeur rouge en pendentif…

Magique ! Tout le monde connaît Blanche-Neige, le célèbre conte des frères Grimm inspiré d’un mythe germanique très ancien. Un royaume en blanche-neige-lylian-bd-volume-1-simple-268722hiver, une reine qui se pique les doigts avec une aiguille, des gouttes de sang qui perlent sur la neige… et ce désir gardé secret : « Si je pouvais avoir un enfant, blanc comme la neige, rouge comme le sang et noir comme l’ébène, mon âme en serait comblée à jamais ». La suite, Lylian au scénario, Nathalie Vessillier au dessin et Rozenn Grosjean aux couleurs nous la racontent avec passion et talent. Leur livre n’est pas une adaptation de plus mais une remarquable transposition dans un univers très personnel, au graphisme, aux décors, aux atmosphères très singulières. Chacune de ses planches est un bonheur, tout y est réunit pour titiller de la plus belle manière notre imaginaire. Coup de coeur.

9782344009963-LPlus de réseau. Zéro G. Nada. La fin du monde… En arrivant à Mortebouse, Lou et ses copines comprennent très vite qu’elles vont devoir se passer de leur compagnon de tous les instants, le portable. Et quand je dis zéro G, c’est vraiment zéro G. Même pas de SMS, retour aux méthodes ancestrales, il va falloir écrire des cartes postales (des quoi ?) pour rassurer les parents et leur dire que tout va bien dans le trou du c… du monde, pardon dans ce coin absolument paradisiaque où il y aurait, quand même, se dit-il, quelques jeunes garçons sympathiques. Tout n’est pas perdu… Le succès ne change rien, la série Lou affiche toujours autant de fraîcheur dans son propos et ce n’est pas pour rien qu’elle a remporté de nombreux prix, notamment deux fois le prix Jeunesse du festival d’Angoulême, qu’elle s’est vendu à 2,5 millions 9782344018934_1_75d’exemplaires, et qu’elle a été adaptée en série animée puis au cinéma par l’auteur lui-même. À acheter les yeux fermés, enfin pas trop quand même !

Mickey, Donald, Picsou, Rapetou, Pat Hibulaire, Géo Trouvetou, Dingo, Daisy… ne cherchez plus, tous les héros de Disney ont trouvé refuge dans le catalogue Glénat depuis plusieurs années. Une véritable passion pour le boss de la maison d’édition qui a même réussi à obtenir les droits pour de nouvelles aventures imaginées par la crème des auteurs francophones. Il faut dire que les albums sont à chaque fois magnifiques, à l’image de ces Extraordinaires histoires de Noël réunies ici, toutes écrites et dessinées par le génial Carl Barks. Une oeuvre à (re)découvrir !

9782344017906-LUn livre pour filer droit sous la couette ! Spooky est de retour pour de nouvelles aventures épouvantablement drôles dans sa pension pour monstres, la plus cool de Londres nous souffle-t-on dans l’oreillette. Au menu de ce deuxième tome : un nouveau pensionnaire, Lenny Pelly, un petit vampire un peu spécial qui préfère les plages ensoleillées et le surf aux châteaux hors d’âge et poussiéreux de Transylvanie. Pas vraiment une BD, pas vraiment un roman, un peu des deux à la fois mon capitaine, Spooky et les contes de travers offre un univers déjanté à souhait. La sortie de ce deuxième tome est accompagné d’un cahier de coloriage et d’activités ainsi que d’un petit cahier intime…A6UuVLM6DWNLbadAJ25XDtKP0rZltYot-couv-1200

Avant de les retrouver au cinéma en février sous la direction de David Moreau, les héros de Seuls reviennent pour une dixième aventure en BD scénarisée par Vehlmann et mise en images par Gazzotti. Un tandem de choc pour une série à succès qui raconte l’histoire de cinq gamins qui se réveillent un beau jour au pays des limbes et doivent apprendre à se débrouiller seuls… Avant de se lancer dans cette aventure, le dessinateur Gazzotti animait la série Soda, d’où la proximité graphique que vous ne manquerez pas de constater. Vehlmann, pour sa part, a depuis quelques années repris le scénario de la mythique série Spirou et Fantasio. Autant dire que Seuls est entre de bonnes mains…

Eric Guillaud

Drone d’anniversaire!, Cédric best of, de Laudec et Cauvin. Éditions Dupuis. 10,80€, Presque tout sur ma mère, Le Petit Spirou présente…, de Tome et Janry. Éditions Dupuis. 7,50€, Very Bad Trip, Game Over (tome 15), de Midam, Adam et Patelin. Éditions Glénat. 10,95€, World without, Les Légendaires (tome 19), de Patrick Sobral. Éditions Delcourt. 10,95€, Chi – Une vie de chat (tome 9), de Konami Kanata. Éditions Glénat. 9,99€, Blanche-Neige, de Lylian, Vessillier et Grosjean. Éditions Delcourt. 17,95€, La Cabane, Lou (tome 7), de Julien Neel. Éditions Glénat. 9,99€, Mes extraordinaires histoires de noël, collectif Disney. Éditions Glénat. 17,95€, Charmant vampire, Spooky et les contes de travers (tome 2), de Elian Black’Mor et Carine-M. Éditions Glénat. 17,50€, La Machine à découvrir, Seuls (tome 10), de Vehlmann et Gazzotti. Éditions Dupuis. 10,60€

 

303 Bandes dessinées : interview du directeur éditorial François-Jean Goudeau

114-Couv-HD-e1478103704786Les Ligériens connaissent le sérieux de la revue 303 qui nous fait découvrir depuis 30 ans maintenant les richesses culturelles des Pays de la Loire. Elle vient de publier un hors-série exceptionnel sur la bande dessinée. 256 pages, 1kg 300, à la gloire d’un art foisonnant. Pour comprendre le pourquoi du comment d’une telle revue, nous avons interviewé François-Jean Goudeau, son directeur éditorial, qui fût longtemps le directeur de la très réputée médiathèque de Mazé en Maine-et-Loire… Et n’oubliez pas de lire notre avis sur la revue ici

Dans l’interview qu’il vous a accordée, Benoit Peeters dit que la bande dessinée est aujourd’hui un média qu’il faut prendre au sérieux. C’est aussi votre avis ?

F.J. Goudeau. Je crois que vous avez déjà la réponse ! Proposer puis diriger un numéro de 256 pages sur le 9e art suppose de croire à l’intérêt, au sérieux et à la valeur de sa création artistique !

La prendre trop au sérieux ne risque-t-il pas de tuer son hyper créativité, de l’assagir, de la normer, de tuer son hyper créativité ?

F.J. Goudeau. C’est toujours une menace, quel que soit le domaine lorsqu’il est en cours de légitimation. On peut toutefois considérer que la lenteur de ce mouvement en bande dessinée, sa présence encore très timide d’un point de vue médiatique ainsi que sa capacité incroyable à se réinventer environ tous les trente ans la protégera encore longtemps de cette sagesse et/ou de cet assèchement.

© Kazim Dubovski - François-Jean Goudeau

© Kazim Dubovski – François-Jean Goudeau

Qui a eu l’idée de cet ouvrage ? Et pourquoi ?

F.J. Goudeau. Lorsque le comité de rédaction de la revue 303 a été créée en 2013, j’ai immédiatement proposé ce sujet dans le cadre d’un hors-série, à savoir un ouvrage plus dense que le trimestriel traditionnel de la revue. Pourquoi ? Tout simplement, parce que nous vivons un nouvel âge d’or de la bande dessinée, que notre Région y participe pleinement (de la création à la diffusion)… Et qu’il fallait le faire savoir au plus grand nombre !

En préambule, vous parlez de la bande dessinée d’auteur. Quelle différence faites-vous entre cette BD dite d’auteur et celle qui ne l’est pas ?

F.J. Goudeau. Je n’aurais pas la prétention ici, ni de les définir, ni de les différencier. Disons que la bande dessinée d’auteur se démarque, peut-être, par son originalité, sa rupture avec certains codes traditionnels du medium, sa capacité à élargir son champ thématique et sémantique, à se réinventer aussi, justement. À la différence, peut-être encore, d’une BD plus inscrite dans une logique de série, de reproduction ; industrielle, oserais-je dire.

Davodeau, Rabaté, Mathieu, Pedrosa, Vide Cocagne, Maison Fumetti… Il fallait faire des choix pour cette revue, comment les avez-vous fait ?

F.J. Goudeau. Quand vous avez l’embarras du choix, tant les acteurs sont nombreux et de qualité, autant dire que ce dernier est particulièrement cornélien ! J’ai donc fait ces choix, en privilégiant – à mon humble et forcément subjectif avis – les fondateurs et piliers de cette création dite régionale, tout en multipliant les regrets évidemment… En vérité, Il faudrait trois ou quatre volumes supplémentaires pour traiter pleinement le sujet.

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Comment expliquez-vous une telle dynamique de création en Pays de la Loire ?

F.J. Goudeau. Par deux raisons : la première, le hasard, cher à ces messieurs auteurs Marc-Antoine Mathieu et Étienne Lécroart qui seront présents au Grand Théâtre d’Angers, le samedi 10 décembre, au cours d’une soirée (entrée libre mais sur réservation) qui ne manquera pas de sens à mon avis. La seconde, la précarisation des artistes qui souvent quittent Paris ou sa périphérie pour s’installer en province, bénéficiant ici de meilleures conditions de vie et de travail. Sans oublier, l’énergie et l’attractivité propres à notre territoire.

Pensez-vous qu’il existe une école ligérienne ?

F.J. Goudeau. J’y ai cru, il y a quelques années. Mais plus je l’observe, moins j’en suis convaincu. Et, pour être honnête, c’est mieux ainsi : nous avons des talents pluriels à forte personnalité humaine et artistique, profitons-en !

On dit souvent que la BD est un art urbain. Le ressentez-vous comme ça vous qui êtes directeur d’une médiathèque en milieu rural ?

F.J. Goudeau. Même si je ne suis plus directeur (je suis en disponibilité depuis ce début d’année) de La Bulle – Médiathèque de Mazé, coéditrice de ce bel ouvrage, je l’ai été assez longtemps pour vous dire que non. Et que l’on parle aussi bien du lectorat, des bibliothèques, des librairies, des festivals comme des auteurs. C’est un cliché qui devrait disparaître dans les années à venir.

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Quels sont vos livres de chevet en ce moment ?

F.J. Goudeau.  Les derniers Olivier Supiot (Le cheval qui ne voulait plus être une œuvre d’art, Delcourt/Musée du Louvre), et Marc-Antoine Mathieu (Otto, l’homme réécrit, Delcourt), évidemment ! Même si je me régale des dernières parutions de Daniel Clowes et Richard McGuire, ayant un faible avoué pour les romans graphiques nord-américains. Et puis, non sans tristesse, je relis le génial Marcel Gotlib, notamment ses Gai-Luron

Vous abordez dans la revue la BD d’aujourd’hui mais aussi celle de demain avec les supports numériques, de nouvelles approches collaboratives ou de nouvelles voies. Selon vous, à quoi pourrait ressembler la BD du siècle prochain ?

F.J. Goudeau. Je crois qu’elle investira et séduira toujours plus d’autres champs artistiques par ses qualités séquentielles et narratives propres ainsi que ses supposées malléabilité et rentabilité économique, comme sa capacité à élargir et toucher de nouveaux publics. D’un point de vue purement formel, je vais sans doute vous surprendre, mais je pense que le support le plus généralisé et courtisé du livre de bande dessinée sera demain le même qu’aujourd’hui, à savoir celui du support papier… Et je m’en réjouis !

Merci François-Jean

Interview réalisée par Eric Guillaud le 5 décembre 2016. Notre avis ici

04 Déc

Chroniques de Noël. Un Monde flottant : Nicolas de Crécy nous fait vire sa passion pour la culture japonaise et son imaginaire débridé

capture-decran-2016-11-07-a-15.09.56Aïe ! Noël approche à la vitesse de la lumière et vous séchez affreusement question cadeaux? Alors voici rien que pour vous une sélection de BD qui feront à coup sûr de l’effet au pied du sapin.

Dire que l’oeuvre de Nicolas de Crécy est singulière et incomparable est un doux euphémisme. Son trait, son univers, son approche de la bande dessinée ne ressemble à rien d’autre de connu sur la planète BD. Foligatto, Léon la Came, Monsieur Fruit, Le Bibendum céleste, Prosopopus, Salvatore, Journal d’un fantôme… cela fait plus de 25 ans que cet ancien des studios Disney, où il officia sur les décors, nous émerveille de ses productions propres.

Avec La République du catch, son album précédent, Nicolas de Crécy nous embarquait au Japon pour un polar affreusement déjanté inspiré à la fois par la mythologie yôkai et par notre culture occidentale.

On reste au pays du Soleil-Levant pour quelque chose de très différent, imprégné complètement cette fois de la culture japonaise, entre yôkai et haïkus, esprits, fantômes, créatures surnaturelles d’un côté, poésies brèves de l’autre. Un Monde flottant réunit les deux dans un format singulier, un leporello, un livre accordéon, d’une très belle facture.

« Cet ouvrage, dans sa forme proche de l’emaki (rouleau peint)… », explique l’auteur, « est un hommage à la passion commune des peintres et des poètes : le voyage. En l’occurence, un voyage de l’Est vers l’Ouest, comme un pont entre elle concept japonais du yûgen – Le Mystère ineffable – et le concept, plus familier en occident, de L’Inquiétude étrangeté ».

Sur une petite trentaine d’illustrations en double page, Nicolas de Crécy plonge ces fameuses créatures de la mythologie nippone dans l’univers familier de la ville, en l’occurrence Kyoto et Tokyo dont il a pu découvrir par lui-même les architectures si particulières. Résultat, Un Monde flottant est un album aussi fantastique que poétique, on y trouve bien évidemment la griffe de Crécy mais aussi une initiation à la culture japonaise. Un cadeau à offrir sans retenue pour Noël !

Eric Guillaud

Un Monde flottant, de Nicolas de Crécy. Editions Soleil. 18,95€

© Soleil / De Crécy

© Soleil / De Crécy

Gotlib : mort d’un géant de la BD!

© MaxPPP / Gotlib en 2006

© MaxPPP / Gotlib en 2006

Les éditions Dargaud viennent d’annoncer sur leurs réseaux sociaux le décès à l’âge de 82 ans de l’un des géants de la bande dessinée francophone, Marcel Gottlieb, alias Gotlib, et font part de leur « immense tristesse ».

« Les millions de lecteurs ayant appris à rire dans les pages de la Rubrique à brac, des Dingodossiers, ou de Gai Luron perdent un humoriste fascinant, un dessinateur virtuose, un touche à tout iconoclaste et un ami cher qui parvenait à provoquer le rire à la moindre de ses pages. Quiconque aura eu un jour la chance de croiser le « brave et généreux Gotlib », comme l‘appelait René Goscinny, se souviendra avec tendresse d’un homme d’une gentillesse inouïe, au sourire contagieux et à l’humanité parfaite, qui ne se rendit jamais totalement compte de l’admiration sans borne qu’il suscitait. »

Gotlib a commencé la BD dans les pages du journal Vaillant en 1962 où apparaît pour la première fois le personnage Gai-Luron. Il rejoint Pilote en 1965, lance les Dingodossiers puis Rubrique-à-brac. En 1972, il créé avec Bretécher et Mandryka le magazine L’Echo des Savanes puis en 1975 le fameux mensuel Fluide Glacial qui réagit aujourd’hui – à sa façon – à cette triste nouvelle.

Gotlib, c’est aussi les aventures de Pervers Pépère, sa dernière création qui date de 1981, et du super-héros à la française, Superdupont, dans lesquelles l’auteur se moque du patriotisme, de la xénophobie, du racisme de certains Français.

Né en 1934, Gotlib a non seulement révolutionné la bande dessinée humoristique en la faisant entrer dans le monde adulte mais il a aussi inventé une nouvelle forme de presse BD et influencé plusieurs générations d’auteurs en France et ailleurs. Même s’il ne dessinait plus ou presque plus depuis des lustres, ses albums, ses personnages, son style ont survécu et survivront encore longtemps aux années. Ce soir, les hommages se bousculent sur les réseaux sociaux…

Eric Guillaud

03 Déc

Chroniques de Noël : Une vie de géant ou la légende du golem revisitée par Anke Kuhl

9782822214612_cgAïe ! Noël approche à la vitesse de la lumière et vous séchez affreusement question cadeaux? Alors voici rien que pour vous une sélection de BD qui feront à coup sûr de l’effet au pied du sapin.

Un géant d’argile. Voilà ce à quoi Olli et Ulla ont donné naissance par un bel après-midi au bord de la rivière. Un géant d’argile pas franchement décidé à jouer les sculptures éphémères. Une petite nuit et hop, direction la ville la plus proche où notre bon gros géant va se faire remarquer en semant le chaos. Rien de très méchant mais des maladresses qui vont le rendre persona non grata jusqu’au moment où il trouve enfin à se rendre utile…

Avec ce premier livre traduit en français, l’Allemande Anke Kuhl revisite la légende du golem, créature humanoïde de la mythologie juive qui aurait inspiré nombre de personnages de l’imaginaire moderne tels que Frankenstein ou Superman. Un beau petit livre au graphisme séduisant pour les plus jeunes.

Eric Guillaud

Une vie de géant, de Anke Kuhl. Éditions Jungle! Kids. 9,95€