Confinés mais pas résignés, nous allons continuer à parler BD ici-même avec des bouquins d’ores et déjà disponibles au format ebook et à retrouver en format physique dès que cet épisode de coronavirus au très mauvais scénario nous aura définitivement quitté…
Que du beau monde à l’affiche de la saga War Of The Realms (‘la guerre des royaumes’), l’événement de l’année de l’écurie Marvel, un méga-blockbuster digne d’un opéra wagnérien. Et avec dedans des dieux déchus, plein de combats dantesques, des super-héros en pleine panique mais aussi des walkyries appelées sur le champ de bataille, vu que tous n’en reviendront pas. Après, il faudra accepter les pratiques commerciales de la fameuse ‘maison des idées’ mais le jeu en vaut la chandelle. Si.
Les gens de Marvel ont toujours eu le sens des affaires. Ils ont donc saisi très tôt l’intérêt des ‘crossover’ – ‘croisement’ serait une traduction à peu près potable. C’est-à-dire ces aventures où des héros tirés de séries différentes se retrouvaient pour combattre un ennemi commun ou comment faire d’une pierre deux coups.
Mais en 1984, ils sont passés la vitesse supérieure avec les Secret Wars alias ‘les guerres secrètes’, publiés l’année suivante en France dans la revue Spidey. Là, c’est carrément toute la famille royale MARVEL (les X-Men, Spiderman, Captain America etc.) qui a été convoquée pour lutter dans un univers parallèle contre le Beyonder, vilain suprême. Une saga qui a fait date a plein de niveaux, grâce à son côté ultime mais aussi parce qu’elle a été l’occasion de rabattre pas mal de cartes, avec par exemple la Chose quittant (momentanément) les 4 Fantastiques, Spiderman découvrant son nouveau costume qui se révélera par la suite être une entité extraterrestre à part entière qui deviendra ensuite Venom etc.
Trente-cinq ans plus tard, War Of The Realms (‘la guerre des royaumes’) tente clairement de renouer avec le même genre d’ambition. D’abord en offrant aussi un casting impérial allant de Wolverine au Punisher en passant par, encore, Spiderman ou Thor, obligés de s’allier pour sauver la Terre. Puis en leur mettant en face un méchant forcément XXL, alias Malekith roi des Elfes Noirs. Et enfin en plantant l’action dans des décors grandioses, largement exploités par le dessinateur Russel Dauterman : New York, Asgard la résidence des dieux, Jotunheim le royaume des géants etc. Au scénario, on retrouve aussi la patte du scénariste Jason Aaron (Thor, Avengers etc.) et son goût pour l’épique… Marvel a clairement voulu faire de cette rencontre au sommet l’un des points forts de la décennie et a mis les moyens, cela se sent à tous les niveaux.
Mais là où cela se complique un peu, c’est justement à cause de ce côté un peu trop mercantile par moment. Il aurait bien sûr être beaucoup trop simple de réunir les six épisodes de l’histoire principale dans un seul et même volume. Non, il a fallu les faire paraître en feuilleton sur trois numéros successifs d’un titre bimensuel vendus dans les maisons de la presse. Mais surtout, dès le premier tome, on découvre aussi l’existence de dérivés, ou ‘spin-off’ en jargon comics. C’est-à-dire des histoires parallèles se passant, grossièrement dans le même contexte, mais officiellement pas indispensables à la trame principale, même si le collectionneur frénétique sera forcément très tenté.
D’ailleurs, histoire de compliquer encore un peu plus les choses, il y a aussi cette foutue numérotation ésotérique, avec des numéros 2.5 ou 1.5 côtoyant les 1, 2 ou 3, imposant une sorte de hiérarchie un peu bizarre. Or même si la toile de fonds est la même, dans certains cas cette guerre des royaumes n’est justement que ça : une toile de fonds, sans véritable incidence, ou très peu. Comme du côté du toujours très caustique Deadpool qui, fin du monde ou pas, continue surtout ici de balancer deux vacheries par case tout en tabassant des trolls en Australie aux côtés de personnages semblant sortir tout droit de Mad Max.
Alors oui, on râle un peu mais c’est parce que cette série tient aussi toutes ses promesses, malgré le fait que l’on sente plus que jamais combien le succès monumental des nombreuses adaptations cinématographiques de l’univers Marvel pèse sur le rendu visuel. Et puis aussi intéressée qu’elle soit par votre portefeuille, s’il y a une chose pour laquelle Marvel est forte, c’est vous en foutre plein les mirettes.
Oliver Badin
War Of The Realms, Panini Comics/Marvel (disponible en version numérique)