On le sait, le monde du travail n’est pas celui des Bisounours. À tous les échelons, dans tous les services, pour tous les métiers, c’est un peu le même cocktail explosif d’ambitions, de luttes, de pressions, de haines, de souffrances qui peuvent parfois mener à l’irréparable. Le Travail m’a tué en offre une illustration concrète et effrayante avec une histoire basée sur des faits réels et une enquête journalistique…
Il s’appelle Carlos Pérez, de parents espagnols débarqués en France en 1974. Une famille modeste, ouvrière, mais des études brillantes, un diplôme d’ingénieur en poche et une embauche à la clé dans une des plus grandes entreprises de l’industrie automobile. Le rêve, son rêve !
Carlos se fait employé modèle, consciencieux, travailleur, tout lui réussit, tout lui sourit… mais les choses ne sont jamais inscrites dans le marbre. Un déménagement du siège, un changement de direction, une nouvelle équipe, de nouvelles méthodes, des missions à l’étranger alors qu’il vient d’être papa, le harcèlement moral d’une supérieure hiérarchique… Carlos sombre lentement mais sûrement dans la dépression et finit par se suicider.
C’est ce parcours, cette véritable descente aux enfers, que raconte Le Travail m’a tué, un récit parfois romancé mais largement basé sur l’enquête Travailler à en mourir d’Hubert Prolongeau et Paul Moreira (Flammarion) réalisée après une vague de suicides chez Renault et France Télécom.
Le travail des auteurs est ici remarquable tant au niveau du scénario qui illustre parfaitement l’implacable mécanique du harcèlement et du born out, que du dessin vif et spontané signé par le talentueux Grégory Mardon (L’Extravagante comédie du quotidien, Votez le Teckel, Prends soin de toi…). Captivant !
Eric Guillaud
Le travail m’a tué, de Mardon, Prolongeau et Delalande. Futuropolis. 19€