18 Oct

Je n’ai pas lu « Astérix et la Transitalique » mais je vous en parle quand même !

Au cas où vous ne le sauriez pas encore, c’est demain, oui jeudi 19 octobre, que sort la nouvelle aventure – la 37e – du tandem gaulois le plus célèbre de la planète BD, Astérix et Obélix, intitulée « Astérix et la Transitalique ». Et tout le monde est dans les starting-blocks…

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Enfin quand je dis tout le monde, c’est pas tout à fait vrai. Pour tout vous dire, je l’avais moi-même complètement oublié. Je suis passé à côté des 20h qui n’ont pas manqué de lui être consacré et des papiers de fond dans la presse écrite nationale voire internationale, généraliste et même économique. C’est tout simplement par hasard que je suis tombé sur ces palettes vides, que dis-je, sur ce trône à la gloire de nos amis gaulois, qui devra dès demain supporter les 5 millions d’exemplaires fièrement annoncés par l’éditeur (enfin pas uniquement dans ce magasin de Loire-Atlantique mais partout en France) et repris avec délice par l’ensemble des médias béats d’admiration devant tant de 0 pour un tirage de BD, des BD qui d’ordinaire, mis à part peut-être au moment d’Angoulême, intéressent guère ces mêmes médias.

Je vous l’annonce tout de suite, je ne fais pas partie des journalistes méritants qui ont eu la chance – ou la malchance – de le recevoir et de le lire en avant-première. Je ne peux donc pas vous dire ce que j’en pense précisément, s’il est vraiment phénoménal ou totalement banal, mais je reste estomaqué devant le nombre d’albums imprimés et par la mise en place totalement monstrueuse et on peut le dire déplacé de cette nouveauté quand on voit tous ces albums qui mériteraient chaque année un peu, un tout petit peu, de cette mise en lumière, dans la presse ou dans les commerces.

Alors oui bien sûr, on me rétorquera facilement qu’Astérix peut faire l’effet d’une locomotive ou d’une fusée et tirer les autres vers des sommets jamais atteints, que grâce à lui, grâce à quelques autres héros de cette dimension, le secteur de la BD se porte bien.

Mais je pense surtout qu’il cache une production extrêmement riche et variée, et qu’il faudrait à chacun un peu plus de curiosité pour la découvrir, l’explorer, et ne pas en rester à la gondole qui trône – déjà – à l’entrée de votre magasin préféré.

Eric Guillaud

17 Oct

Les folles aventures de Spirou contées par les Nantais Yoann et Vehlmann

Il y a d’un côté les mythiques aventures de Spirou et Fantasio immortalisées en album, il y a aussi quantité d’histoires courtes spécialement écrites pour le journal Spirou qu’on pourrait imaginer perdues pour l’éternité. Pas toujours heureusement !

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Il y a d’un côté les mythiques aventures de Spirou et Fantasio immortalisées en album, il y a aussi quantité d’histoires courtes spécialement écrites pour le journal Spirou qu’on pourrait imaginer perdues pour l’éternité. Pas toujours heureusement !

La suite ici

16 Oct

BD, artbook, cinéma… Zombillénium sort le grand jeu !

9782800147215-couv-M420x900Au tout début du début du commencement, Zombillénium était une série de bande dessinée imaginée par Arthur de Pins et publiée dans le journal Spirou. Aujourd’hui, Zombillénium devient un long métrage d’animation en salle le 18 octobre…

Trois albums, trois petits albums, auront suffit à faire de Zombillénium un phénomène de la BD et de ses personnages les nouvelles coqueluches des jeunes lecteurs et lectrices du journal Spirou.

Tout commence en octobre 2008 lorsque Frédéric Niffle, rédacteur en chef du journal, propose à Arthur de Pins de faire la couverture du spécial Halloween. L’auteur, plus connu dans le monde de la bande dessinée pour ses pin-ups que pour ses monstres, accepte. Bingo. « Je me suis beaucoup amusé à imaginer toute une galerie de monstres dans un cimetière. Frédéric s’est rendu compte que ça me plaisait, et il m’a proposé de développer l’univers pour en faire un album ».

Des zombies c’est bien, mais des zombies qui tiennent un parc d’attractions c’est mieux, c’est même excellemment mieux. Et voilà notre Arthur de Pins délaissant les formes avantageuses de ses pin-ups pour une galerie de monstres.

ZtJjGPrvSe0b2hc40TKERfCphxzAIgDi-couv-1200Trois tomes sont d’ores et déjà disponibles. La série en comptera six au final « et je sais comment ça se termine! », annonce Arthur de Pins.

Il sait comment ça se termine, pas nous. Et il faudra attendre encore un peu pour le savoir… Le troisième et dernier album en date est sorti en 2013, depuis, Arthur de Pins travaille sur l’adaptation de la BD en film d’animation. « J’ai passé au moins un an à ne faire que ça. C’était très nouveau pour moi. J’ai dû lire plein de livres, voir des conférences, regarder énormément de films, parce que le scénario au cinéma, c’es presqu’une science exacte, ça ne s’improvise pas ».

Le film sort en salle le 18 octobre. Les éditions Dupuis profitent de cette mise en avant pour rééditer le premier volet de la série, Gretchen, augmenté d’un dossier de 8 pages autour de son univers et de son adaptation cinématographique, ainsi qu’un magnifique artbook intitulé L’art de Zombillénium réunissant les interviews des principaux intervenants sur le film, des recherches graphiques, des photos, des extraits du storyboard et – plus rare – du colorboard.

Eric Guillaud (propos d’Arthur de Pins extraits de Zombillénium la BD du film)

L’art de Zombillénium, de Arthur de Pins. Éditions Dupuis. 32€

Zombillénium la BD du film, de Arthur de Pins. Éditions Dupuis. 14,50€

15 Oct

Hermann signe un Jeremiah… sans Jeremiah !

dWsCTERvvUCtdy7ff8fImp3gzwDf0D7U-couv-1200Un Jeremiah sans Jeremiah mais avec Kurdy, son fidèle acolyte qui depuis 35 albums et tout de même 38 ans l’accompagne dans ses aventures. Mais pas d’inquiétude, Jeremiah n’est pas mort, son ombre bouge encore…

Un album de Jeremiah sans Jeremiah, c’est un peu comme un album de Lapinot sans Lapinot, sauf que les aventures de Lapinot sans Lapinot existent et s’appellent Les formidables aventures sans Lapinot. Rien de tel ici, les aventures de Jeremiah sans Jeremiah s’appellent toujours Jeremiah. Et pour cause, il ne s’agit là que d’un épisode isolé qui va permettre à Hermann d’explorer – et de nous faire découvrir par la même occasion – un pan de la vie de Kurdy, son deuxième héros, avant sa rencontre avec Jeremiah.

Pas d’inquiétude, l’univers mis en place dans La Nuit des rapaces, le premier tome de la série paru en 1979, est en tout point respecté, à commencer par le contexte d’un monde dégénéré post-apocalyptique résultant d’une vision assez sombre de l’auteur sur le genre humain.

Et l’histoire ?

Elle est simple. Notre Kurdy, alors adolescent, débarque sans prévenir dans un coin paumé où se côtoient une vielle femme un peu allumée, Mama Olga, qui rêve de s’offrir une piscine, et un camp de rééducation dans lequel est emprisonné son ami Chorizo. Sa mission : libérer l’ami. Pour se faire, il accepte de jouer la mule pour la vieille paysanne et ses amis patibulaires. La drogue rentre, l’argent sort et tout le monde est content. Ou presque…

Sans rentrer dans les détails et raconter la fin, cette aventure devrait permettre à tous ceux qui connaissent bien la série et se posent quantité de questions sur le caractère de Kurdy, je n’en fais pas vraiment partie, de trouver quelques réponses.

Et Jeremiah ?

No stress, Jeremiah devrait être de retour très rapidement. Aucun risque à priori que la série parte en vrille, Hermann est quelqu’un d’assez pragmatique. « Le problème avec les longues séries… », expliquait-il récemment à un confère de Culturebox, « est qu’on peut perdre les idées. La veine s’épuise et on tourne en rond. Un phénomène d’usure. Mon seul juge sont les lecteurs. Si les ventes de Jeremiah reculent alors je jetterai l’éponge. Sinon je continue ». Vous n’êtes pas encore parti l’acheter ?

Eric Guillaud

Kurdy Malloy et Mama Olga, Jeremiah (tome 35), de Hermann. Éditions Dupuis. 12€

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13 Oct

Calypso : un Cosey qui sent bon l’encre et la papier

Il sent bon ! Oui je sais, ça va vous paraître étrange de commencer une chronique comme ça mais je ne sais pas pourquoi, en le prenant entre mes mains, j’ai ressenti une envie soudaine et irrépressible de plonger mon nez entre ses pages, avant même d’y jeter mes yeux. Le nouvel album de Cosey sent bon l’encre et le papier…

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Bon, je sais que ça ne suffit pas à en faire un bon album, alors je me suis repris, j’ai refermé le livre le temps de contempler la couverture. Puis d’entreprendre sa lecture. Avec une surprise de taille, le nouveau Cosey est en noir et blanc. Sublime ! Mais quand même…

Je ne me souviens absolument pas d’avoir lu un jour un album de Cosey en noir et blanc. Pourtant, j’en ai lu des Cosey, depuis Jonathan jusqu’au Bouddha d’Azur, en passant par À la recherche de Peter Pan ou Le Voyage en Italie. Il me semble même que la couleur faisait partie de son adn, de son oeuvre, de sa signature, des couleurs toujours douces et au service de l’histoire.

Bref, avec Calypso, le Grand Prix du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême 2017, président de fait de l’édition 2018, créé la surprise en allant là où personne, moi en tout cas, ne l’attendait pas vraiment.

Cosey en noir et blanc, c’est comme Corto Maltese en couleur, enfin un peu, ça surprend au début, on a l’impression d’être trompé. Et les yeux s’habituent, les neurones aussi, on redécouvre le trait qui a fait le succès de l’auteur suisse, puis cette façon de raconter les histoires, là c’est unique, c’est du Cosey et rien d’autre. On peut imiter sa touche graphique, on n’arrivera jamais à faire du Cosey dans le texte.

Mais que raconte Calypso me direz-vous ? Une histoire à la Cosey. Et je ne vous en dirai pas plus sauf peut-être qu’on y parle d’amour, de cinéma, du temps qui passe… Ne lisez surtout pas de synopsis avant, Calypso nous embarque à son rythme dans une très belle histoire. De quoi se dire que le neuvième art a encore de beaux jours devant lui… Merci pour ce bonheur Monsieur Cosey !

Eric Guillaud

Calypso, de Cosey. Editions Futuropolis. 20€

11 Oct

Les super héros oubliés d’avant-guerre de Centaur Publishing reviennent à la vie grâce à une poignée de fans français et grâce aussi à Jean-Michel Ferragatti

CouvertureLa forte popularité des pulps dans l’avant-guerre de Roosevelt et l’arrivée des premiers super-héros ont suscité beaucoup de vocations dans l’Amérique des années 30. Et même si l’Histoire n’a retenu depuis que les mastodontes DC et MARVEL (créées respectivement 1934 et 1939), nombreuses ont été les éphémères maisons d’éditions à se lancer sur ce juteux marché. L’une d’entre elles s’appelait Centaur Publishings mais malgré plus d’une vingtaine de titres différents lancés entre 1933 et 1942, elle a fini par mordre la poussière à cause de problèmes de distribution. Alors que ses personnages sont tombés dans le domaine public en 1992, une poignée de passionnés français ont décidé de ressusciter certains de ses héros les plus emblématiques pour deux volumes regroupant à la fois anciens numéros d’époque et nouvelles aventures inédites réalisées spécialement pour l’occasion. Alors que le premier volume est déjà sorti et que le deuxième, après une campagne réussie sur un site de financement participatif, est sur le point d’être imprimé, le coordinateur du projet Jean-Michel Ferragatti, nous parle de ce projet fait par et pour des fans.

Pourquoi selon vous les personnages de Centaur sont-ils ainsi tombés dans l’oubli ?

Jean-Michel Ferragatti : L’éditeur Centaur a arrêté sa ligne de comics à cause d’une mauvaise distribution de ses publications en 1942, une mauvaise distribution qui a sans doute abouti à des volumes relativement faibles et par conséquence d’exemplaires trop limités pour les collectionneurs. De plus, les lecteurs de comics n’ont réellement commencé à créer des collections à la fin des années 50. Ils n’avaient donc jamais vu les publications Centaur qui en conséquence étaient très peu recherchées tout en étant rares. Or les bouquinistes leur accordaient donc une côte assez chère pour peu de demande, donc le plus souvent ils restaient sans acheteur et leur contenu inconnu. Cela a changé avec la sortie en 1990 de l’ouvrage d’Ernst Gerber regroupant de nombreuses pochettes de comics, dont pas mal de Comics Centaur. Cela a réveillé la curiosité des collectionneurs mais c’est vraiment l’avènement d’internet qui a parachevé cette redécouverte. Reste que certains grands auteurs ne les avaient pas oublié, je pense notamment à Gil Kane, le créateur entre autres d’Iron Fist, qui avait introduit des éléments de la série Amazing Man, notamment le décor de la cité des Immortels K’un- Lun, directement inspiré du lieu de villégiature du ‘Conseil des Sept’ d’Amazing Man.

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Est-ce que l’une des raisons de ce relatif anonymat ne vient pas aussi du fait que les histoires que vous avez incluses dans le premier volume de Centaur Chronicles s’inscrivent au final plutôt dans une certaine tradition du serial US – avec ce que cela implique en terme de rythme, de personnages assez manichéens etc. – que du style ‘super-héros’ proprement dit ?

Jean-Michel Ferragatti : C’est vrai que les histoires de Centaur ont assez peu de continuité telle que l’apprécie le plus souvent les lecteurs de Comics. Pendant le premier Âge d’Or (en gros, entre 1938 et 1954-ndr) il n’y a eu aucun crossover dans les publications Centaur, c’est-à-dire qu’aucun personnage n’en a rencontré un autre, même s’il y avait malgré tout une continuité interne à certaines des séries. Il y a sans doute également un effet lié au fait qu’étant parmi les premiers super-héros publiés, ces personnages ne possédaient pas tous les codes devenus classiques, ce qui les rend un peu atypiques, même pour le lecteur de l’époque. Mais ce qui en contrepartie les rend à mes yeux au contraire passionnants maintenant !

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Il vous a fallu s’y reprendre à trois fois pour mettre vraiment en branle ce projet. Que s’est-il passé ?

Jean-Michel Ferragatti : La première a été un faux départ car nous devions lancer la série dans un titre dont l’artiste Reed Man possédait la licence (Spécial Strange). Malheureusement alors que la couverture du numéro avait déjà été faite, le propriétaire lui annonça qu’il lui retirait. Très déçu, Reed Man a alors abandonné le projet. La deuxième fois, grâce à John Favre qui était l’éditeur du projet initial, deux épisodes ont été publiés dans ses magazines avec l’artiste Fred Grivaud pour toute la partie artistique. Mais John a ensuite eu des soucis avec sa maison d’édition et la suite n’a jamais été publiée. Fred et moi, nous avons alors contacté des éditeurs nationaux mais bien que certains aient montré un certain intérêt, nous n’avons eu aucune proposition ferme et Fred a souhaité s’éloigner du projet. La troisième avec Marti et en autoédition fut la bonne !

Les auteurs impliqués ont-ils dû apprendre à s’adapter en quelque sorte au style Centaur ?

Jean-Michel Ferragatti : Le scénariste certainement… Il faut savoir que les créateurs des personnages Centaur travaillaient à la même époque sur les premiers personnages de ce qui deviendra Marvel Comics (la Torche Humain, Namor) avec lesquels ils ont en commun d’être des un peu atypiques. Donc, il fallait faire ressortir ce côté assez peu formaté et un peu brut. Marti a dû bien entendu s’approprier les personnages graphiquement mais pas spécialement en reprenant un style Centaur mais plus en étant respectueux des designs originaux tout en les mettant au goût du jour.

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Pourquoi être au final passé par une plateforme de financement participatif pour éditer ces deux premiers volumes ? Et quel était le profil des gens qui ont financé l’opération ?

Jean-Michel Ferragatti : On est passé par ce biais là car nous voulions avoir une ‘caisse de résonnance’ facile à mettre en place. La campagne nous a aussi permis de faire de la communication de manière simple et d’avoir une infrastructure de paiement très facile. Les contributeurs sont de trois types : d’abord les amis, relations personnelles et professionnelles des artistes. Puis les fans des communautés de comics sur internet. Et enfin, les curieux intrigués par le projet.

Est-ce dès le départ un projet censé s’étaler sur plusieurs volumes ou est-ce que la réalisation du premier vous a donné envie de retenter ensuite l’aventure ?

Jean-Michel Ferragatti : Oui, dès le départ le projet était prévu sur quatre volumes. Il y a La Renaissance, le deuxième sera Les Origines, le troisième L’Adversité et le dernier L’affrontement. Mais l’une des caractéristiques des comics est la périodicité. Donc, nous avons déjà des projets pour au minimum une autre histoire de deux volumes et quelques projets spéciaux, voire un ‘spin-off’ si le public est au rendez-vous car l’univers Centaur est tellement riche que quatre volumes ne suffiront pas à en faire le tour.

Propos recueillis par Olivier Badin, Octobre 2017

10 Oct

Équatoria : le nouveau voyage de Corto Maltese signé Juan DÍaz Canales et Rubén Pellejero

corto malteseVenise, Alexandrie, Zanzibar, Mombasa, Équatoria… cette nouvelle aventure de Corto Maltese nous embarque dans un voyage à travers le monde entre mythe et réalité…

Les amoureux du Corto de la première heure se souviennent – forcément – du mythique et très poétique Fable de Venise, album publié en 1981 et signé de la plume et du pinceau du maître, le grand Hugo Pratt.

C’est dans la Cité des Doges que nous retrouvons autourd’hui notre aventurier au long cours, à la recherche cette fois, non pas de la clavicule de Salomon, mais d’un autre trésor, un miroir magique qui aurait permis à un roi, dit-on, d’y observer n’importe quelle partie de son royaume. Corto Maltese n’oubliant pas de préciser à la belle Aïda, qui l’accompagne dans les rues de Venise et le questionne sur les raisons de sa présence ici, que personne n’a jamais vu ce roi et que personne ne sait précisément où se situe le fameux royaume. Et que bien évidemment, il allait tout faire pour le retrouver.

Bref, l’affaire ne s’annonce pas simple. Mais ce n’est jamais simple avec Corto. Ses aventures sont romantiques, poétiques, fantastiques, ésotériques, métaphysiques, énigmatiques, mythiques… mais jamais simples ! Et c’est ce qui fait finalement le charme de la série reprise il y a deux ans maintenant par le tandem Canales / Rubén, deux auteurs passionnés par l’univers prattien. Et ça se sent !

© Casterman / DÍaz Canales & Pellejero

© Casterman / DÍaz Canales & Pellejero

On peut imaginer toute la difficulté de reprendre une série aussi mythique. Le danger des comparaisons avec le maître, le souci de garder la ligne tout en apportant sa griffe, la lourde responsabilité de transmettre un univers aux générations suivantes… sont autant de pressions qui s’accordent guère avec la création.

Les puristes intégristes crient bien évidemment au scandale, les autres se réjouissent de retrouver ce personnage hors pair qui appartient aujourd’hui à l’immaginaire collectif, une légende, une icône, un dieu.

Bien sûr, ce n’est plus tout à fait la même chose, Il manque certainement un quelque chose de je ne sais quoi, un parfum, un goût, une odeur, une impression, une sensation, une subtilité… qui rendait peut-être notre marin libertaire plus humain qu’il ne l’était vraiment. Mais le trait de Pellejero est vraiment très agréable, Corto n’a pas changé d’une boucle d’oreille, enfin, le voyage, la découverte de cultures et de traditions différentes, la poésie… sont toujours à la base des aventures de Corto.

Corto serait-il devenu un héros de papier comme les autres ? « je ne vois aucun intérêt à devenir un héros de papier! »; lui font dire avec un trait d’humour Juan DÍaz Canales et Rubén Pellejero. « Pauvre Corto, comme si on pouvait choisir », répond Aïda !

Eric Guillaud

Équatoria, Corto Maltese, de Juan DÍaz Canales et Rubén Pellejero. Éditions Casterman. 18€

© Casterman / DÍaz Canales & Pellejero

© Casterman / DÍaz Canales & Pellejero

08 Oct

Après la guerre d’Algérie d’Alexandre Tikhomiroff fils, Gaétan Nocq raconte la Révolution d’octobre d’Alexandre Tikhomiroff père

couv_9782849532881_grande-1Il est des livres qui vous tombent un beau jour entre les mains par le plus grand des hasards – je pourrais même parler d’intervention divine si j’étais croyant – et vous révèlent un auteur de grand talent. Ce fût le cas en 2016 avec Soleil brûlant en Algérie, un témoignage historique à vocation documentaire sur la guerre d’Algérie signé Gaétan Nocq d’après le récit d’Alexandre Tikhomiroff. Deux noms que l’on retrouve aujourd’hui sur la couverture de cette nouveauté mais une histoire toute autre, celle du père d’Alexandre, une plongée au coeur de la Révolution d’Octobre. Juste de quoi confirmer tout le bien que je pense de l’auteur…

Dans une interview qui remonte à avril 2016, au moment d’évoquer ses projets, Gaétan Nocq nous parlait de deux bandes dessinées dans les cartons, la première scénarisée par un autre auteur, la deuxième, qui lui tenait peut-être plus à coeur, une adaptation de La Trêve de Primo Levi. Et c’est finalement Capitaine Tikhomiroff qui sort du chapeau, une très belle surprise de 240 pages réalisée en un temps record de moins d’un an. 

Retour en avril 2016, Soleil brûlant en Algérie, le tout premier album de Gaétan Nocq, raconte la guerre du jeune troufion Alexandre Thikhomiroff, dit Tiko. Le jeune homme, opposé à ce qu’on appelle à l’époque non pas une guerre mais des « événements » ou des « opérations de maintien de l’ordre en Afrique du Nord », se retrouve affecté au mess, à servir les hauts gradés. Un pis-aller qu’il accepte pour la simple « promesse d’un steak tendre, ajoutée à celle d’être loin des turbulences de la caserne et de ses astreintes morales… ». Mieux valait de toute façon être là qu’en première ligne!

© La Boîte à bulles / Nocq

© La Boîte à bulles / Nocq

Capitaine Tikhomiroff remonte le temps et raconte cette fois la Révolution d’Octobre à travers l’histoire du père de Tiko, lui aussi prénommé Alexandre. Comme son fils pendant la guerre d’Algérie, Thikomiroff père n’a rien d’un super-héros, sans peur et sans reproche. Il se fait lui-aussi plus spectateur qu’acteur, allant même jusqu’à passer des rangs de l’armée blanche à ceux de l’armée rouge et vice versa pour éviter d’être fusillé.

Et on le suit dans cette guerre civile, jusqu’à la défaite de l’armée blanche, acculée, retirée dans un port de Crimée, attendant une évacuation vers des terres d’asile. Pour Alexandre, ce sera la Turquie puis la Bulgarie et enfin la France. « Une autre histoire », dira plus tard Alexandre père à Alexandre fils dans ces quelques moments d’échange que les deux hommes purent avoir… Peut-être l’histoire d’un troisième album !

© La Boîte à bulles / Nocq

© La Boîte à bulles / Nocq

Autant Soleil brûlant en Algérie était traité en noir et blanc avec une luminosité tendant vers la surexposition, autant Capitaine Tikhomiroff a été pensé en couleurs avec l’idée « de faire monter la couleur en puissance, des gris chauds et froids à la couleur pure en fonction de la tension du récit », nous explique l’auteur.

Pour autant, l’un et l’autre nous rappellent La Guerre d’Alan d’Emmanuel Guilbert. Gaétan Nocq déclarait à ce propos en avril 2016 : « toute création est poreuse et se nourrit d’influence. La posture de la guerre racontée par la petite histoire humaine n’est pas nouvelle et Guibert fait partie des dessinateurs que j’apprécie.  Sa trilogie Le photographe m’a beaucoup touché par son récit (j’ai foulé ces montagnes de l’Hindù Kush) mais aussi par sa capacité à rebondir graphiquement sur les planches contact de Lefebvre. En fait, toute l’école de la BD de reportage apparue à la fin des années 90 m’intéresse car elle relance l’invention narrative dans la BD ».

Un album magnifique tant du point de vue scénographie que graphique, avec ce trait esquissé toujours aussi léger et fragile.

Eric Guillaud

Capitaine Tikhomiroff, de Gaétan Nocq. Éditions La Boîte à bulles. 28€

© La Boîte à bulles / Nocq

© La Boîte à bulles / Nocq

02 Oct

« Il y a chez moi depuis toujours une double injonction : cacher et révéler » : rencontre avec Ludovic Debeurme à l’occasion de la sortie d’Epiphania

Ludovic Debeurme appartient à cette catégorie d’auteurs qui explorent les voies parfois inconnues ou peu empruntées du médium bande dessinée, quelque part entre autobiographie et onirisme, réalisme et fantastique. Mes Ailes d’homme, Lucille, Le grand autre, Renée, Un Père vertueux et aujourd’hui Epiphania, son oeuvre est complexe, ambitieuse, exigeante, à la fois intimiste et universelle, en tout cas reconnaissable entre mille. La marque d’un grand du neuvième art !

Et comme pour tous les grands, il s’avère aventureux de proposer à Ludovic Debeurme une interview pile au moment de la sortie d’un de ses albums. Sans cesse en déplacement pour des séances de dédicaces ou des vernissages, L’auteur a tout de même pris le temps nécessaire pour répondre à cette interview. Prenez à votre tour le temps de la lire et de trouver les clefs pour comprendre son univers, découvrir sa vision de la BD, de la musique, de l’art en général, des hommes, de la vie plus largement. C’est passionnant…

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Un journaliste du Monde disait de ton album Le Grand autre qu’il intimidait « par son épaisseur, plus de 300 pages, son titre, qui reprend un concept lacanien, mais surtout par son univers dérangeant… ». Tu as conscience de faire une bande dessinée pas forcément très accessible ?

Ludovic Debeurme. Il y a chez moi depuis toujours une double injonction : cacher et révéler.

Quelque chose de mon passé, de mon enfance, de mon histoire personnelle a dû être si puissamment problématique et envahissante que je passe beaucoup d’énergie à la cacher à mes propres yeux en l’habillant de manteaux aux allures plus respectables.

L’art est un habillage qui n’est pas toujours là pour rendre plus beau, mais avant tout rendre visible ce qui – contrairement aux idées reçues – n’est pas invisible, mais si visible qu’il nous brûlerait les yeux.

Alors j’en fais une histoire cryptée. Un code avec le lecteur. Il n y a pas de clefs miracles pour ouvrir les portes de mes histoires. J’ai essayé de construire pour chacun de mes livres, une serrure aux formes multiples et mouvantes, afin que chaque lecteur puisse y trouver ce qu’il vient chercher, tant qu’il se laisse un peu prendre – volontairement – à mon piège. Si tout se passe bien, possible que le voyage déplace légèrement la conscience de celui qui en a pris le train. Je n’ai pas d’autres ambitions que ce déplacement.

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La chronique de l’album ici

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Ton nouvel album, Epiphania, met en scène des millions de fœtus qui impactent notre planète, un peu comme une pluie de météorites, s’enfoncent dans la terre où ils vont poursuivre leur gestation. Comment peut-on avoir une idée aussi surprenante ? Faut-il prendre beaucoup de psychotropes ou juste avoir un imaginaire hyperactif ?

Ludovic Debeurme. C’est souvent une telle idée, très graphique qui me vient à l’esprit et qui guide le reste. Je crois bien que ce qui est venu en premier lieu c’est l’image de ces têtes à moitié ensevelies, dont seul les yeux et le haut de la tête sortaient de terre. Un mouvement vers le haut, le monde, prêtes à l’habiter, peut-être le coloniser. À partir de cette image initiale, je cherche l’histoire qui pourrait l’entourer. Celle qui amène à cette image flash, et celle qui continue et propose le devenir de cette vision initiale.

Il faut, pour que je retienne une telle image qu’elle s’inscrive profondément en moi. Qu’elle se loge dans tous les interstices. Qu’elle épouse tout à fait ma psyché. En somme que je la reconnaisse comme étant la parfaite illustration de qui je suis à cet instant. Un être entre terre et ciel, à moitié plongé dans l’inconscient, la matrice, et l’autre moitié le regard en observation du monde.

Comment l’image arrive ? Je n’en sais rien. Souvent le matin alors que je me réveille !

© Casterman / Debeurme

© Casterman / Debeurme

La part autobiographique n’est pas négligeable dans ton œuvre, on le sait. Est-ce toujours le cas ici ?

Ludovic Debeurme. Oui et non, je n’ai pas eu, par exemple, des doutes aussi forts avant la naissance de mon enfant, contrairement à David. Je l’aimais avant qu’il apparaisse au monde ! Mais la façon dont la précarité, la fragilité de l’être qui vient de naître bouleverse David et balaie d’un coup ses moindres doutes, comme une injonction extrêmement puissante à s’occuper du nouveau-né si fragile et dépendant de son parent, c’est quelque chose que l’on vit tous à la naissance d’un enfant. Parfois l’amour est déjà là, parfois il vient avec le temps. Parfois il nous foudroie.

Je voulais par exemple rendre compte de ce sentiment qui est plus fort que toutes les lois, tous les doutes. Je sais que certains ne ressentent pas cela. Donc oui, je fais part de quelque chose de personnel mais qui a tout de même une part très universelle. Ce qui compte ici, c’est que l’enfant soit un monstre. Un hybride. Mi-homme mi-animal. L’enfant qui arrive est toujours à la fois un autre que nous, un étranger mais aussi notre semblable, notre chair.

J’ai pris cette exemple pour illustrer une part autobiographique dans le récit, mais il y en a d’autres. Je m’autorise dans les récits à me nourrir de tout ce qui rendra le récit plus juste et plus percutant. Mon histoire. Celle de mes proches. Les drames qui me hantent, les miens comme ceux du monde. Mais autour de tout cela, le ciment c’est l’imaginaire. C’est toujours lui qui a le dernier mot pour façonner dans un sens ou l’autre l’histoire.

La question de la colonisation de notre imaginaire par notre système ultra-libéral est une question centrale du livre

On dit souvent que tes livres sont marqués par la psychanalyse, les mondes oniriques, les fantasmes. Il y aussi un regard aigu sur la vie me semble-t-il.

Ludovic Debeurme. Je suis fasciné par le monde qui m’entoure, les gens en premier lieu. Leurs manières, leurs voix, leurs paroles. La façon dont ils interagissent. Leur laideur comme leur beauté. Et clairement je ne mets pas derrière les mots beau et laid, les critères habituels de notre société.

Ce qui rend beau c’est toujours l’humanité qui transparaît à travers la peau, les gestes. Il y a dans la singularité des corps, ce qu’on appelle souvent la laideur ou la disgrâce, la vraie marque de l’originalité. Qu’est-ce que ces corps en mouvement racontent sur leur intériorité, c’est cela qui me fascine. La quasi impossibilité que le corps a de mentir sur ce qu’il est en profondeur ; ça, c’est la marque d’une vraie créativité.

La norme me rend toujours extrêmement triste ; comme s’il manquait là l’humain et son désir propre, aspiré par ce que la société de consommation induit fortement de négation de l’être. On ne peut pas imaginer un être qui désirerait autre chose que ce qui lui est proposé de préfabriqué, pré-imaginé pour combler en apparence ses désirs et qui serait un bon consommateur.

La question de la colonisation de notre imaginaire par notre système ultra-libéral est une question centrale du livre. C’est l’axe qui sous-tend les trois tomes. Ces hybrides sont une proposition de revoir le corps, re-imaginer notre rapport au monde. Ils sont une apparition, une Epiphanie de ce terrain caché, notre imaginaire repoussé au loin dans notre inconscient noué, afin de laisser tant de place aux images formatées qui obscurcissent le monde. Des images qui ont toute l’apparence du libre et du beau, c’est cela qui est pervers. La publicité – nourrie des théories originelles d’un Edward Bernays – vend de ce rêve impossible, base de toutes les frustrations et du malaise contemporain. Mais en réalité, la publicité n’est plus le seul endroit contaminé par le système ultra libéral de notre bon capitalisme hégémonique, l’art lui-même souffre de ce conformisme. Toutes ces images nous hantent, prennent la place de nos désirs comme un écran enivrant. Jamais l’image ( et je mets derrière le terme image, bien d’autres choses que ce seul média ) n’a été autant protéiforme et libéré en apparence.

Mais nous, où sommes-nous derrière elle ? C’est ce « nous » que je scrute et cherche en regardant le monde, mes compatriotes humains. Car quand je le trouve, il me rassure et me redonne confiance. La folie des uns et des autres me nourrit. Car une forme de folie est une vraie preuve tangible de la créativité des hommes envers l’implacable rouleau-compresseur qui les normalise à son profit. Être un peu fou, c’est résister. Et je ne parle pas de la folie dépressive qui hante nos populations devant la précarité grandissante de notre planète. Je parle de la folie qui nous rend unique les uns aux regards des autres.

© Casterman / Debeurme

© Casterman / Debeurme

Moi je n’invente rien, je regarde les gens, je regarde les fleuves et les forêts, les océans, je ne fais rien d’autre que ce qu’ont fait tous les peintres de tous temps.

J’ai écrit dans ma chronique que l’album parle d’écologie, de paternité, de tolérance et d’amour. J’aurai dû ajouter « dans un monde de brutes » parce que l’univers que tu dépeins fait assez peur tout de même.

Ludovic Debeurme. Mais notre monde tel que nous le fabriquons, ou plutôt tel que nous le démembrons aujourd’hui fait peur ! Il ressemble de plus en plus à un moribond aveugle qui ne verrait pas ses propres blessures. Demandez à des adolescents ce qu’ils pensent de leur avenir. Si certains sont encore protégés en apparence par un puissant dénis, la plupart portent des mots très clairs et directs sur l’inquiétude lié au futur, même immédiat. Pour qui sait entendre, les mots sont là. Et ils dépassent largement l’inquiétude liée au monde du travail. L’inquiétude est globale. Il souffle un vent d’apocalypse. Seuls quelques fous pensent qu’ils vont s’en tirer à coup de solutions court-termistes.

Moi je n’invente rien, je regarde les gens, je regarde les fleuves et les forêts, les océans, je ne fais rien d’autre que ce qu’ont fait tous les peintres de tous temps.

Et je vois qu’il est grand temps d’imaginer autre chose. Plein de gens proposent depuis un bon moment déjà des solutions très concrètes et sensées pour tenter d’inverser le cours des choses sur le long terme. Moi, en tant qu’artiste je peux montrer ce que je vois, mais aussi et surtout tenter de remettre du singulier et de l’imaginaire dans le social. Car nous avons besoin de cette créativité pour nous réinventer et sortir du carcan soyeux dans lequel on nous a bercé jusqu’ici.

On évoque souvent  Burns ou Clowes parmi tes influences. Moi je voudrais savoir quelle a été ta première lecture marquante, celle qui a peut-être changé le cours de ta vie ?

Ludovic Debeurme. Mes premières lectures d’enfant, c’est à la fois Spirou, Tintin, Pif, Astérix et Obélix, mais aussi les pieds Nickelés, Reiser, Gébé et son surréalisme engagé qui me fascinait tant. À l’adolescence, vers 15 ans, je découvre Will Eisner qui joue avec les genres BD, illustration, roman, documentaire. Jean-Claude Forest, qui me dit à travers ses livres que l’improvisation à sa place dans la BD.  Moebius et son major Fatal qui vont aussi dans ce sens. Je me mets à faire alors des pages sans bords de cases, improvisées. Pas si loin finalement de choses que j’ai publiées 15 ans plus tard.

Et puis je découvre Crumb, c’est mon dieu alors. Un ami avec qui je dessine passe des vacances tous les étés chez lui. Il nous rapporte des dessins de Crumb, ça nous rend dingue. Et puis à la même époque je découvre aussi le trait épais et à la fois rigide et souple de Burns. Cette façon de jouer avec les canons publicitaires américains pour les pervertir me fascine. Cette ligne épaisse qu’on retrouve dans certains Comics, ou bien chez Chris Ware, ce monolithisme pose un monde dans le marbre.

Mais je me sens pour tout dire bien plus influencé par des artistes comme Otto Dix, les frères Chapman, la peinture flamande et son rapport si libre au corps. Ce sens du grotesque, du trivial. Que l’on retrouve chez Crumb d’ailleurs, parle à mes origines belges peut-être ! Voilà pour citer quelques noms dans le domaine de l’image dessinée et peinte. Mais il faudrait parler de littérature, de cinéma, de philosophie, d’économie, de psychanalyse. Et bien-sûr de musique. Je ne me sens pas plus influencé que ça par les arts graphiques. C’est une partie d’un tout.

© Casterman / Debeurme

© Casterman / Debeurme

Illustration de presse, vidéo, peinture… Tu as toujours baigné dans l’art d’une manière générale. Qu’est-ce qui t’a finalement amené à la bande dessinée ? Pourquoi ce médium plutôt qu’un autre ?

Ludovic Debeurme. Et bien en réalité je n’ai jamais réellement choisi là BD plus que le reste. J’ai été longtemps illustrateur et je le suis encore parfois. Je peins. Je crée des installations. Je joue de la musique. J’écris. Je fais tout ça presque en même temps. Mais il se trouve que le temps que nécessite l’élaboration d’un album de BD est considérable. Possible que je passe un peu plus de temps, de fait, à faire de la BD. Mais je n’en suis même pas sûr. J’ai besoin de jouer de la musique tous les jours. Ça prend du temps !

Mais je dois dire tout de même, que la BD réunit deux choses qui m’ont toujours été chères, et ce depuis ma plus lointaine enfance : inventer des histoires et dessiner. J’ai toujours eu besoin de ces deux mondes ; sans eux je ne survivrai pas. Avec la BD je peux les conjuguer dans le même lieu.

Comme tu le soulignes, tu es musicien par ailleurs. En quoi la musique peut-elle influencer ton travail graphique et inversement ?

Ludovic Debeurme. Il y a tellement de porosités. Le rythme par exemple. La BD c’est du rythme.

Mais au-delà des parallèles directs, je pense que c’est l’ouverture d’esprit que demandent l’un et l’autre en permanence ; la nécessité d’être là dans l’instant, intensément, qui est le lien le plus fort. Cette exigence nourrit les deux pratiques en continu. Avancer dans l’une, c’est avancer dans l’autre.

Quels sont en BD et en Musique les albums qui t’ont récemment enthousiasmé ?

Ludovic Debeurme. Ha, c’est dur comme question ! Je vois des choses belles, j’en entends. Mais enthousiasmé … Ça fait un moment que je ne l’ai pas été réellement.

En ce moment ce qui m’enthousiasme ce sont des gens comme Gilles Bœuf. Ils disent notre monde. Il n’est ni catastrophiste ni donneur de leçon, mais il nous donne le pouls de notre planète. Il faut l’écouter. On a besoin d’écouter des gens comme lui. C’est vital.

L’avenir proche de Ludovic Debeurme, c’est quoi ?

Ludovic Debeurme. Le deuxième tome d’Epiphania ! Je fais tout pour qu’il sorte début 2018.

Merci Ludovic. Propos recueillis par Eric Guillaud le 27 septembre 2017. 

La chronique de l’album ici

© Casterman / Debeurme

© Casterman / Debeurme

01 Oct

Mulo : un polar sous le crachin breton signé Pog et Le Bihan

lz5kBQTxEMySBOOUzzpOysBMZeVLfRHG-couv-1200Lorsque Mulo débarque en Bretagne, il pleut à ne pas laisser un mammifère dehors. Mais peu importe, Mulo n’est pas venu jusqu’ici pour se réchauffer le poil et faire du tourisme balnéaire. Et puis, c’est bien connu, le mauvais temps ne dure jamais ici…

« Ni le beau temps d’ailleurs », lui confie le conducteur qui vient de le prendre en auto-stop. Que vient faire le jeune-homme par ici à pareille saison ? C’est à cause d’une lettre lâche-t-il, pas une lettre d’amour, non, plutôt une lettre anonyme, « une affaire personnelle ». On n’en saura pas plus mais Mulo, qui a grandit dans un orphelinat et ignore tout de ses origines, a rendez-vous avec son passé quelque part sur une île de la région. Un passé qu’il ne connaît pas mais qu’il va découvrir et qui devrait nécessiter un peu de ménage… 

Un héros mi-âne mi-jument, des chiens, des chats, des cochons, des singes.. Bien sûr, qui dit polar animalier dit Blacksad ou Canardo et il y a de ça dans Mulo. Mais pas que! Pog et Cédrick le Bihan nous plongent dans un univers 100% BZH avec ses embruns, son crachin, ses phares, ses petits ports de pêches, ses conserveries et… son trafic de drogue. Oui, il faut bien que quelque chose vienne troubler la tranquillité bretonne. Un récit dynamique, formé de très courts chapitres et complété par un cahier graphique de 12 pages bien utile pour admirer le coup de crayon du Breton Cédrick le Bihan.

Eric Guillaud

Crachin breton, Mulo (tome 1), de Pog et Le Bihan. Éditions Dargaud. 15,99€

L’info en +

Cédrick le Bihan signera l’album samedi 7 octobre à la librairie Kroki à Angers, 16 rue louis de Romain, à partir de 14h

© Dargaud / Pog et Le Bihan

© Dargaud / Pog et Le Bihan