Il est vieux, malade, chiant, antipathique mais quand il pense à l’Italie, il retrouve sa jeunesse et sa bonne humeur.
Rien que de très normal pour un « Macaroni », comme on appelait les immigrés italiens entre les deux guerres, des ritals écrira Cavanna un peu plus tard, des déracinés dans tous les cas qui acceptaient les boulots les plus ingrats, parfois les plus dangereux, en se convainquant qu’ils leurs offriraient au bout du compte une place au soleil. Mais bien souvent, le soleil était resté en Italie.
Ottavio quitta son pays au lendemain de la Seconde guerre mondiale. Direction la Belgique, comme beaucoup. Le paradis ? Pas vraiment. Pendant des mois, il dut supporter les baraquements en tôle sans eau ni électricité, il dut aussi accepter de descendre à la mine, de gratter pour une misère, de survivre loin de sa famille, loin de sa maison, loin de son pays.
Une vie de merde, « vita di merda », avec bien sûr en prime pour la retraite un parachute noir, la silicose. Merci patron !
De quoi être chiant c’est vrai. Même pour son petit-fils qu’il voit une fois par an et qui déboule sans crier gare un beau jour d’été. Son père a besoin d’avoir les coudées franches et confie Roméo au grand-père quelques jours, assez de temps pour que les deux se regardent d’abord en chien de faïence, s’amadouent et, finalement, commencent à se parler. Le vieux chiant et le jeune con apprennent à se connaître, à se comprendre, à s’aimer…
Macaroni! est un bijou graphique mais aussi scénaristique. L’éditeur ne s’est pas trompé en laissant entière liberté de pagination aux auteurs. Résultat : Thomas Campi et Vincent Zabus nous offrent 130 pages époustouflantes de beauté, 130 pages au rythme narratif suffisamment lent pour laisser au récit le temps de s’installer, de nous emmener dans le passé du vieux, de nous parler de l’immigration italienne en Belgique, du travail dans la mine, du déracinement, des rêves brisés, de la solitude, de la vieillesse, de la famille…
C’est beau, c’est fort, c’est inspiré, ça sent le vécu. Macaroni! est une histoire vraie, celle d’Ottavio Rossetto, celle de milliers d’Italiens, une histoire initialement adaptée au théâtre. Pour la réalisation de l’album,Vincent Zabus a retrouvé le dessinateur italien Thomas Campi avec qui il a auparavant réalisé Les Larmes du seigneur afghan et Les Petites gens, album que nous avions déjà adoré sur ce blog.
En préface, quasi un bonus, Salvatore Adamo apporte son témoignage. Le chanteur de « Tombe la neige » ou de « Mes mains sur tes hanches » raconte son enfance d’immigré en Belgique et surtout nous dit tout le bien qu’il pense de ce livre et de ce personnage, Roméo, dans lequel il se retrouve pleinement.
Un album remarquable !
Eric Guillaud
Macaroni!, de Campi et Zabus. Editions Dupuis. 24 €