09 Mai

Macaroni! : Thomas Campi et Vincent Zabus évoquent avec une très grande sensibilité l’immigration italienne

macaroni-couv-555x728Il est vieux, malade, chiant, antipathique mais quand il pense à l’Italie, il retrouve sa jeunesse et sa bonne humeur.

Rien que de très normal pour un « Macaroni », comme on appelait les immigrés italiens entre les deux guerres, des ritals écrira Cavanna un peu plus tard, des déracinés dans tous les cas qui acceptaient les boulots les plus ingrats, parfois les plus dangereux, en se convainquant qu’ils leurs offriraient au bout du compte une place au soleil. Mais bien souvent, le soleil était resté en Italie.

Ottavio quitta son pays au lendemain de la Seconde guerre mondiale. Direction la Belgique, comme beaucoup. Le paradis ? Pas vraiment. Pendant des mois, il dut supporter les baraquements en tôle sans eau ni électricité, il dut aussi accepter de descendre à la mine, de gratter pour une misère, de survivre loin de sa famille, loin de sa maison, loin de son pays.

Une vie de merde, « vita di merda », avec bien sûr en prime pour la retraite un parachute noir, la silicose. Merci patron !

De quoi être chiant c’est vrai. Même pour son petit-fils qu’il voit une fois par an et qui déboule sans crier gare un beau jour d’été. Son père a besoin d’avoir les coudées franches et confie Roméo au grand-père quelques jours, assez de temps pour que les deux se regardent d’abord en chien de faïence, s’amadouent et, finalement, commencent à se parler. Le vieux chiant et le jeune con apprennent à se connaître, à se comprendre, à s’aimer…

Macaroni! est un bijou graphique mais aussi scénaristique. L’éditeur ne s’est pas trompé en laissant entière liberté de pagination aux auteurs. Résultat : Thomas Campi et Vincent Zabus nous offrent 130 pages époustouflantes de beauté, 130 pages au rythme narratif suffisamment lent pour laisser au récit le temps de s’installer, de nous emmener dans le passé du vieux, de nous parler de l’immigration italienne en Belgique, du travail dans la mine, du déracinement, des rêves brisés, de la solitude, de la vieillesse, de la famille…

C’est beau, c’est fort, c’est inspiré, ça sent le vécu. Macaroni! est  une histoire vraie, celle d’Ottavio Rossetto, celle de milliers d’Italiens, une histoire initialement adaptée au théâtre. Pour la réalisation de l’album,Vincent Zabus a retrouvé le dessinateur italien Thomas Campi avec qui il a auparavant réalisé Les Larmes du seigneur afghan et Les Petites gens, album que nous avions déjà adoré sur ce blog.

En préface, quasi un bonus, Salvatore Adamo apporte son témoignage. Le chanteur de « Tombe la neige » ou de « Mes mains sur tes hanches » raconte son enfance d’immigré en Belgique et surtout nous dit tout le bien qu’il pense de ce livre et de ce personnage, Roméo, dans lequel il se retrouve pleinement.

Un album remarquable !

Eric Guillaud

Macaroni!, de Campi et Zabus. Editions Dupuis. 24 €

© Dupuis / Campi & Zabus

© Dupuis / Campi & Zabus

10 Juil

Les essentielles de l’été #2/3

Comme moi, la BD sous toutes ses formes vous appréciez. Sous toutes les latitudes, vous les dévorez. Alors plongez dans cette sélection de 12 albums pour tous les âges et tous les goûts, à lire à la plage, sur les sommets ou sous la couette …

 

Zone Blanche par Jean-Claude Denis – Futuropolis

 

Zone Blanche par Jean-Claude Denis – Futuropolis

« Il y a des meurtres mais ce n’est pas un polar, il y a peu d’espérance mais ce n’est pas un roman noir, il y a une homme et une femme mais ce n’est pas une histoire d’amour », nous affirme l’éditeur Futuropolis. Zone Blanche, c’est une enquête policière, écrite et dessinée à sa façon, par Jean Claude Denis, Grand Prix d’Angoulême 2012 et président cette année du festival.

L’homme, un parisien, souffre d’un mal encore peu connu et peu répandu, il est électro-sensible. Il souffre de tous les ondes produites par les téléphones, ordinateurs et autres antennes relais. Seul refuge possible : les zones blanches. Un soir de grande panne généralisée d’électricité, il revit et peut sortir de chez lui. C’est l’occasion d’une étrange rencontre avec une femme singulière dans une atmosphère de nuit noire.

Zone Blanche par Jean-Claude Denis – Futuropolis

A l’opposé, en pleine lumière, et en forêt, pas loin d’une ligne à Très Haute Tension, un homme est découvert, tué sur le coup. Comme le dit un enquêteur : « J’ai déjà vu des meurtres maquillés en suicides, mais le contraire, alors là, c’est bien la première fois ! »

Jean-Claude Denis signe là une belle mécanique de crime parfait, aux contours déliés et subtils. Un récit psychologique bien orchestré avec une belle construction en flashback et une confirmation s’il en était besoin, du talent graphique de son auteur.

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La BO à se glisser entre les oreilles pour prolonger le plaisir de cette BD :

Electricity – Orchestral Manoeuvre in the Dark

Le point de vue le presse spécialisée : ActuaBD Bodoï

 

Silas Corey par Fabien Nury & Pierre Alary – Glénat

 

Silas Corey (t1&2) par Fabien Nury & Pierre Alary – Glénat

Une fripouille à l’élégance rare, un héros à l’image de son scénariste, un homme au franc parler qui multiplie les expériences et les employeurs pour son plaisir personnel et le nôtre en retour. Tel est Silas Corey, le nouveau personnage du 7e art imaginé par Fabien Nury (l’auteur de la grande série à succès Il était une fois en France) et dessiné avec brio par Pierre Alary (Belladone).

L’action commence pendant la première guerre mondiale. 1917 :  Georges Clémenceau n’est pas encore Président du Conseil. C’est un opposant acharné qui recherche des preuves de la trahison du gouvernement en place, afin de faciliter son retour en politique. Il fait appel à l’ancien reporter devenu détective et aventurier, Silas Corey. Mais celui-ci aime l’argent et adore manipuler ses différents employeurs. Il est surtout au service de lui-même.

Silas Corey par Fabien Nury & Pierre Alary – Glénat

Avec, en toile de fond, une période historique bien exploitée au service de l’intrigue, ce nouvel héros arrogant reste néanmoins attachant et fait une entrée réussie avec ce dyptique. Une série à suivre sans hésiter si ses auteurs décident de poursuivre l’aventure.

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La B.A pour en savoir plus et prolonger le plaisir de cette BD :

Le point de vue le presse spécialisée : BDgest ActuaBD

 

Souvenirs de l’Empire de l’Atome par Thierry Smolderen & Alexandre Clérisse – Dargaud

 

Souvenirs de l’Empire de l’Atome par Thierry Smolderen & Alexandre Clérisse – Dargaud

Cet album est un véritable OGNI : un objet graphique de toute beauté, à l’image du site internet qui lui est dédié et de l’exposition qui lui est consacré à la Cité Internationale de la Bande Dessinée (jusqu’au 6 octobre 2013). Une pureté du style « atome » cher aux dessinateurs André Franquin (Spirou, Gaston) et Will (Tif & Tondu), allié à une narration exceptionnelle. Le scénario est basé sur un cas clinique réel des années 50, celui d’un américain surnommé, par le psychanalyste qui l’a suivi, Kirk Allen. Ce spécialiste du monde asiatique travaille dans un secteur gouvernemental particulièrement sensible. Il semble parfaitement intégré dans la société, jusqu’au jour où son trouble de la personnalité est découvert. En effet, depuis l’âge de 13 ans, il aurait développé des capacités de télépathie avec un personnage vivant dans un futur galactique. Le lecteur est baladé entre les années 1 920, 1 950 et 121 000 et les lieux : Asie, Mexique, Washington … sans jamais être perdu.

Souvenirs de l’Empire de l’Atome par Thierry Smolderen & Alexandre Clérisse – Dargaud

Souvenirs de l’Empire de l’Atome est une belle revisitation de l’histoire de la science-fiction et s’inspire de la vie de Cordwainer Smith, de son vrai nom Paul M.A. Linebarger (le prénom du héros), auteur culte des fifties, universitaire et militaire spécialiste de la guerre psychologique. Un livre au papier suranné qui permet de se replonger avec un plaisir affirmé dans cette période de la guerre froide mythifiée ou fantasmée. A vous de le lire au premier degré – ou de partir à la recherche des nombreuses références parsemées au travers des cases …

Souvenirs de l’Empire de l’Atome par Thierry Smolderen & Alexandre Clérisse – Dargaud

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La BA pour en savoir plus et prolonger le plaisir de cette BD :

Le point de vue le presse spécialisée : du9 Inrocks

 

Le Sourire de Mao par Jean-Luc Cornette & Michel Constant – Futuropolis

 

Le Sourire de Mao par Jean-Luc Cornette & Michel Constant – Futuropolis

Le scénario redouté est devenu une réalité. La Belgique est scindée en deux Etats. Tel est le postulat de départ de ce récit. La République Démocratique de Wallonie, avec à sa tête un Président-Capitaine, devient peu à peu un pays totalitaire. L’action se déroule au sein d’un groupe scout proche des jeunesses hitlériennes.

La manipulation des uns et des autres est au coeur de ce récit sur fond de magouilles politiques et de lutte armée d’un groupe de résistance.

Au final, un album déconcertant, entre thriller et politique fiction, avec en ligne de mire l’achat iconoclaste de la dépouille de Mao Zedong, un modèle chinois pour ce régime adepte lui aussi du culte du chef.

A visiter cet été, à Bruxelles, l’exposition dédiée à l’album au Centre Belge de la Bande Dessinée jusqu’au 8 septembre 2013.

Le Sourire de Mao par Jean-Luc Cornette & Michel Constant – Futuropolis

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La BO à se glisser entre les oreilles pour prolonger le plaisir de cette BD :

The Age of the Understatement par The Last Shadow Puppets

Le point de vue le presse spécialisée : RTBF BDgest’

17 Mai

Le sourire de Mao, un récit de Jean-Luc Cornette et Michel Constant chez Futuropolis

Oubliez la Belgique telle que vous avez pu la connaître, oubliez par la même occasion les revendications séparatistes car oui le pays a finalement succombé à la tentation du mal en se scindant en deux états. Voilà le point de départ du récit de Jean-Luc Cornette et Michel Constant, une politique fiction qui a pour décor la République Démocratique de Wallonie, une dictature nazillarde où tous les moyens sont bons pour éradiquer une opposition déjà exsangue et donner au pays une image d’avenir radieux par l’achat aux Chinois de la dépouille de Mao Tsé-Toung. Rien que ça ! Et dans cette belle république démocratique bien propre, bien unie, la jeune Ludmilla avec son tee shirt à l’effigie de Mao va rejoindre ses collègues des Fauves de Hesbaye, formation scoute aux ordres, pour dresser une haie d’honneur au président avant de se faire tirer dessus par un jeune contestataire dont elle finira par tomber amoureuse…

Prépublié dans le quotidien belge Le Soir, Le Sourire de Mao ne cache pas ses intentions : inviter les Belges à réfléchir à ce qu’ils perdraient dans une aventure séparatiste. Et rien que pour ça, Le Sourire de Mao est une bande dessinée utile et nécessaire. EGuillaud

Le Sourire de Mao, de Cornette et Constant. Editions Futuropolis. 16 euros