18 Mai

Largo Winch 20ème anniversaire (diptyques 1 à 4), de Jean Van Hamme et Philippe Francq. Editions Dupuis. 22 euros le volume.

Que faisiez-vous il y a vingt ans ? Peut-être veniez-vous d’acheter le premier volet d’une nouvelle série signée Francq et Van Hamme, intitulée Largo Winch. Peut-être alliez-vous l’ouvrir, le lire et tomber définitivement sous le charme du nouveau personnage mis en scène ici, un aventurier pas comme les autres qui allait devenir le plus gros milliardaire de la planète BD en héritant d’un immense empire financier : le groupe W. Des moments comme ceux-ci ne s’oublient pas. Impossible ! C’est comme découvrir un secret de famille enfoui depuis des lustres. Ou avoir la révélation de sa vie : oui, la bande dessinée franco-belge pouvait ressembler à ça ! Un mélange d’action, d’aventure, de glamour, d’intrigues politico-financières… Un bonheur ! Vingt ans et seize albums plus tard, la série est devenue un phénomène d’édition avec des tirages dignes des meilleurs best-sellers, une adaptation télé et une adaptation au cinéma de Jérôme Salle avec Tomer Sisley et Kristin Scott Thomas dans les rôles principaux. Bref, Largo Winch est aujourd’hui une pièce maîtresse du patrimoine culturel, pas seulement BD, une pièce maîtresse qui vaut de l’or ! Justement, à l’occasion de son vingtième anniversaire, les éditions Dupuis offrent au public un magnifique cadeau, une réédition des aventures de Largo en huit diptyques, en tirage limité et dans une luxueuse édition Gold qu’on pourra ranger à terme dans une malette, tels de précieux lingots d’or. Cerise sur le gateau, chaque diptyque propose un dossier autour de la genèse et de la conception de cette série culte. Les deux premiers volumes sont sortis fin janvier, le troisième, en mars, et le quatrième vient de paraître. Somptueux ! E.G.

Dangers publics, Les Scooteuses (tome 1), de Lapuss’ et Ronzeau. Editions Delcourt. 9,95 euros.

Il y avait jusqu’ici Les Motards (série parue chez Dupuis dans les années 80/90), il faudra désormais compter avec Les Scooteuses ! C’est forcément moins viril, moins bête et méchant, beaucoup plus sensuel, plus glamour, un peu plus garce aussi parfois. Mais tout aussi drôle ! Elles sont quatre, jeunes, sexy, s’appellent Manon, Carla, Sam et Amber, ont encore l’âge d’aller au lycée mais vivent déjà à fond les manettes et n’ont vraiment pas froid aux yeux ! Quatre drôles de dames en somme qui enchaînent les gags sous la houlette de Lapuss’ (Le Piou, éd. Dupuis, Les Damnés de la route, éd Bamboo) et de Romain Ronzeau, dont c’est ici le premier album. Scoot toujours ! E.G.

17 Mai

Intégrale Les Petits hommes (tomes 1 et 2), de Seron, Desprechins et Hao. Editions Dupuis. 24 euros le volume.

  

Après Spirou et Fantasio, Tif et Tondu, Yoko Tsuno, Gil Jourdan, Natacha… les éditions Dupuis lancent ce mois-ci une nouvelle intégrale consacrée cette fois aux Petits hommes, personnages emblématiques qui ont fait une très belle carrière dans les pages du journal de Spirou mais aussi en albums. C’est en 1967 que Les Petits hommes sont apparus pour la première fois, sous la plume d’Albert Desprechins et le pinceau de Seron. Réduits à une taille lilliputienne après avoir été en contact avec une étrange météorite, ces petits hommes vont devoir affronter un monde resté à taille normale et donc plein de dangers : animaux, trafiquants, dictateurs… Les deux premiers tomes, parus simultanément, réunissent les récits courts écrits entre 1967 et 1970 et jamais publiés en albums, ainsi que les histoires longues suivantes : Du Rêve en poudre, Des Petits hommes au brontoxique, Les Guerriers du passé. Comme toutes les intégrales Dupuis, celle-ci propose également en ouverture de chaque volume un dossier replaçant les aventures dans leur contexte de création avec illustrations, photographies, documents divers… E.G.

08 Mai

Essex County, de Jeff Lemire, aux éditions Futuropolis

Depuis la mort de sa mère, Lester Papineau, âgé d’une dizaine d’années, vit chez son oncle dans une ferme perdue quelque part dans l’Ontario, au Canada. Et Lester s’y ennuie à mourir. Donner à manger aux poules, aider aux champs, regarder les matchs de hockey à la télévision le soir… ce n’est vraiment pas son truc ! Alors Lester se réfugie dans les comics et s’imagine volant au secours de la veuve et de l’orphelin. Et puis un jour, Lester rencontre Jimmy Lebeuf, un gars un peu bizarre qui travaille dans une petite épicerie, pas loin de chez lui. Jimmy Lebeuf est… comment dire?… différent. Un peu lent, comme dirait l’oncle. Autrefois, Jimmy était pourtant un très bon joueur de hockey. Et puis il a reçu un mauvais coup. Un très mauvais coup. Lester et lui vont s’apprivoiser, se rapprocher. Mais l’oncle fera en sorte de rompre cette amitié naissante. Pour d’obscures raisons…

Inconnu en France, Jeff Lemire ne devrait plus le rester très longtemps ! Avec ce premier album en français paru aux éditions Futuropolis, l’auteur canadien fait en effet une entrée remarquée chez nos libraires européens avec une très belle saga familiale rurale qui mélange la réalité et la fiction. « La ville d’Essex County et ses environs sont des lieux existants où j’ai grandi, au fin fond du Canada », précise l’auteur, « La plupart des personnages sont fictifs, ou le mélange de différentes personnes que j’ai connu autrefois. Lester me ressemble plus ou moins, à cette différence que moi, je n’étais pas orphelin ». A travers la vie de Lester mais aussi de plusieurs autres personnages, Jeff Lemire dépeint le quotidien dans cette bourgade agricole du Canada et évoque les secrets de famille, les blessures qui ne se referment jamais… Inspiré par des gens comme José Munoz, Hugo Pratt, Alex Toth, Joe Kubert ou Dave McKean pour la BD, David Lynch, Stanley Kubrick, Wim Wenders, pour le cinéma, Jeff Lemire nous offre avec Essex County, initialement publié en trois albums, un récit particulièrement prenant et émouvant qui laisse en nous une empreinte indélébile. Un récit universel qui nous parle directement à nous, Français, comme il a parlé aux Canadiens et Américains qui l’ont plébicité à de nombreuses reprises. Jeff Lemire est considéré de l’autre côté de l’Atlantique comme une des étoiles montantes de la bande dessinée. Rienn d’étonnant ! EGuillaud
Essex County, de Jeff Lemire. Editions Futuropolis. 28 euros

01 Mai

Pâte à modeler, dessin… les activités du Père Castor !

Comment réaliser un lion en pâte à modeler ? Ou une girafe ? Ou pourquoi pas un rhinocéros ? Ou encore un ours, un hippopotame, un Koala, un phoque ? Que sais-je encore ? Rien de plus simple avec ce livre de Rony Oren qui propose une dizaine d’animaux à réaliser en suivant les photographies prises étape par étape. Du coup, l’affaire devient un jeu d’enfant ! Les explications sont claires, les photographies grandeur nature… Il faut dire que Rony Oren a de l’expérience dans ce domaine avec sa méthode unique, qui lui a valu un grand succès auprès des enfants, mais aussi avec ses émissions de télévision et les 500 films qu’il a dirigé ou produit.  En cadeau, 12 batons de pâte à modeler !

Après la pâte à modeler, le dessin ! Avec deux ouvrages, pour les enfants de 4 à 5  ans. Deux ouvrages qui invitent à dessiner, d’après modèle, les animaux de la nuit et les animaux sous l’eau. Jusqu’ici, rien de bien singulier sauf que les pages sont noires, effaçables à sec et que le feutre est lui fluo. A l’origine de ce concept qui donne des résultats étonnants, Fred Sochard, un auteur jeunesse qui vit à Angers ! E.G.

En détail :

Tout un zoo en pâte à modeler, de Oren Rony. Editions Flammarion – Père Castor. 14,90 euros.

Je dessine comme un grand les animaux de la nuit et Je dessine comme un grand les animaux sous l’eau, de Fred Sochard. Editions Flammarion – Père Castor. 8,50 euros le volume.

Tous à Matha (première partie), de Jean-C. Denis. Editions Futuropolis. 16 euros.

 » Quand j’ai découvert les albums de Jean-Claude dans les années 1980, j’ai trouvé qu’ils correspondaient à ce que j’avais envie de lire mais aussi à ce que j’avais envie de faire en bande dessinée. J’appréciais son humour léger et sa manière élégante de mettre en scène les tiraillements de ses personnages. Ses histoires m’évoquaient certains scénarios de Woody Allen ou de Frank Capra… ». Comme Charles Berberian, auteur de ces quelques mots pour le moins élogieux, nombreux sont les auteurs de bande dessinée à considérer Jean-Claude Denis comme un grand et influent membre de la famille du Neuvième art. Depuis 1979 et son premier album, Cours tout nu (éd. Futuropolis), Jean-Claude Denis construit un univers intimiste qui interdit le spectaculaire pour mieux s’intéresser au quotidien, aux gens, avec toujours une approche psychologique.  » Dans mes histoires… », confie-t-il, « j’essaie de parler de tout ce que les gens semblent ne pas remarquer. C’est ce que j’aime dans la littérature : les petits détails qui paraissent anodins mais qui réveilllent quelque chose en moi… ». Pour autant, Jean-Claude Denis se méfie des histoires réalistes. « J’ai toujours peur qu’elles finissent par ressembler aux séries télé qui ont toujours été, selon moi, le modèle de ce qu’il ne faut pas faire. Elles sont très efficaces mais elles ne font que récupérer la vraie vie. J’ai besoin que l’on m’entraîne ailleurs : j’aime garder mes distances par rapport à la réalité ». Attiré par les gens, le quotidien, méfiant envers la réalité… c’est dans ce tiraillement que Jean-Claude Denis a trouvé son équilibre, ses marques.  Et s’il a peu de chance de ressembler à ces fameuses séries télé, son tout dernier album Tous à Matha parle d’une époque bien réelle quoique révolue, la France d’avant Mai 1968, et d’une jeunesse qui rêve de liberté, d’amour, de musique… et qui est chaque jour confronté aux innombrables blocages familiaux, religieux ou sociaux. Tous à Matha raconte l’histoire d’une bande de potes qui arrivent malgré tout, malgré les parents, malgré les interdictions de toutes sortes, à se retrouver sur l’île d’Oléron pour partager le temps d’un été un de ces grands moments de la vie : l’adolescence. Comme ses albums précédents, Tous à Matha est un album qui se dévoile au fil des lectures. Alors, bonnes lectures ! E.G.

26 Avr

Faire le mur et Nietzsche, deux albums signés Maximilien Le Roy…

Maximilien Le Roy est un jeune auteur, un très jeune auteur. 23 ans… la vie devant lui et déjà beaucoup de choses à raconter. Certains d’entre-vous connaissent peut-être ses précédents travaux, relativement confidentiels il faut l’avouer puisque publiés par un petit éditeur, La Boîte à Bulles. Il y a d’abord eu Hosni (2009), portrait d’un SDF, puis l’album collectif Gaza, Décembre 2008 – Janvier 2009 (2009) et enfin Les Chemins de traverse (2010) qui porte aussi sur le conflit israélo-palestinien. Cette année, Maximilien Le Roy fait son entrée chez les grands éditeurs avec non pas un mais deux albums simultanément sortis : Faire le mur, chez Casterman, et Nietzsche, au Lombard…

Faire le mur est un album-témoignage né d’un voyage en Palestine et d’une rencontre avec un homme, Mahmoud Abu Srour, 22 ans, qui vit là-bas – ou survit plus exactement - en tenant une petite épicerie. C’est en 2008 dans le cadre des ateliers de dessins qu’anime le centre culturel du camp de réfugiés d’Aïda que Maximilien rencontre Mahmoud. Il le retrouve un an plus tard lors d’un second voyage. Entre les deux naît une solide amitié et donc cet album qui parle du sentiment d’enfermement des Palestiniens à travers une histoire d’amour. Dans les rôles principaux, le fameux Mahmoud, une jeune étudiante française, Audrey, venue constater de ses yeux la situation dans le pays, et le mur, ce mur de la honte, cette couleuvre de béton comme l’appelle Maximilien Le  Roy, qui défigure le pays, sépare les hommes, enferme les amoureux. Justement, Mahmoud aurait bien voulu emmener Audrey chez sa soeur pour lui montrer la vie quotidienne et la séduire. Mais il y a le mur et, sans autorisation, impossible de passer. Alors Mamhoud va prendre de gros risques pour le franchir… et surtout nous inviter à le suivre pour nous montrer le quotidien, nous expliquer le ressenti de tout un peuple, nous parler de la réalité, parfois absurde come ce mur construit par les Palestiniens eux-mêmes, parfois cruelle comme ce frère emprisonné depuis 7 ans, mais aussi de ses rêves… souvent impossibles : « Explorer l’inédit, les routes pleine de rêves, et prendre un amour comme on prend le large ! Ou vendre des conserves… » . Terrible ! Inscrite dans le genre documentaire, Faire le mur est une bande dessinée passionnante qui offre un regard singulier sur le confit israélo-palestinien. A sa lecture, on pense à des auteurs comme Joe Sacco (Gaza 1956…), Guy Delisle (Chroniques birmanes…) ou Emmanuel Guibert (Le Photographe…), qui comme Maximilien Le Roy ont ce souci du réel et du témoignage. Un entretien avec Alain Gresh, journaliste, spécialiste du Proche-Orient, et un reportage photographique signé Maxence Emery complètent cet album nécessaire !

Dans un genre différent, Nietzsche, paru au Lombard, est une aventure éditoriale rare, voire inédite, en bande dessinée. Maximilien Le Roy et Michel Onfray y retracent la vie du philosophe allemand sur plus de cent vingt pages en offrant aux lecteurs une véritable initiation à sa pensée révolutionnaire. Il s’agit en fait de l’adaptation en BD de L’Innocence du Devenir, un scénario initialement conçu pour le cinéma par l’écrivain-philosophe Michel Onfray qui souhaitait « montrer qu’une relation inédite entre la philosophie et le cinéma pouvait contribuer à créer des voies nouvelles pour cet art devenu le dernier des arts… ». Finalement, c’est un auteur de BD qui va le contacter et lui proposer de mettre en images son scénario. Maximilien Le Roy s’occupera de tout, du découpage, du dessin, des couleurs… « Cette  vie de Nietzsche correspondait parfaitement à ce que je voulais faire… », écrit Maximilien, « En même temps que je lisais le script d’une traite, j’ai beaucoup crayonné, voire même élaboré des story-boards détaillés, sans but particulier au départ. Au bout de deux jours, je me suis rendu compte que ça commençait à donner quelque chose de cohérent. J’ai envoyé ça à michel Onfray, via son site web. Le résultat lui a plu et il m’a répondu que ça rentrerait très bien dans le cadre d’un album dessiné ». Avec un graphisme assez classique, une approche réaliste et une touche romanesque apportée par le personnage lui-même, Maximilien Le Roy et Michel Onfray nous offrent un album singulier, loin des traditionnelles BD historiques, figées par le poids de l’histoire… ou parfois du pinceau ! E.G.

Dans le détail :

Faire le mur, de Maximilien Le Roy. Editions Casterman. 15 euros.

Nietzsche, de Maximilien Le Roy et Michel Onfray. Editions Le Lombard. 19 euros.

25 Avr

Tom et William, de Laurent Lefeuvre. Editions Le Lombard. 15,50 euros.

Septembre 2010, en France. Quelque chose a changé !  Ici comme ailleurs, partout, le monde semble s’être subitement vidé de ses habitants. Les rues, les maisons et les commerces sont déserts. Plus personne, nulle part, à l’exception de Tom, un petit garçon qui traîne son ennuie entre magasins de jouets et commerces d’alimentation. C’est là, d’ailleurs, qu’il finit par rencontrer un autre rescapé, William. Du haut de ses six ans, Tom n’a rien du super-héros, pourtant lui-aussi a un super-pouvoir, celui de rendre bien réels les héros de ses bandes dessinées préférées. Et pour se protéger des monstres et martiens de tout poil, qui habitent désormais la planète Terre, Tom peut compter sur des personnages courageux tels que le Sheriff Jim Colt, le Sergent Gachette, Cosmicman, le Chevalier Panache ou encore Günnar le Barbare… Mais que se passera-t-il quand ils ne seront plus là pour le défendre ?

Nouveau venu dans le monde de la bande dessinée, Laurent Lefeuvre signe à la fois le dessin et le scénario de cette aventure pensée comme un vibrant hommage aux héros de la BD populaire de la seconde moitié du XXè siècle (Akim, Blec le Roc ou encore Zembla). Une BD trop souvent déconsidérée qui a pourtant marqué plusieurs générations d’enfants : « On oublie un peu vite que des gens comme Pratt, Jacovitti, Breccia, Micchelluzzi, Bernet, mais aussi pas mal de Français comme Bergèse, Brantonne, Mitton, Tota ou Cézard viennent de ces publications-là », précise l’auteur, « C’était à l’époque un moyen de gagner sa croûte… et d’apprendre le métier ! ». Soucieux de plonger l’histoire et les personnages dans une « ambiance à la Strange », Laurent Lefeuvre ira jusqu’à dessiner dans un style assez proche des illustrateurs classiques de comics. Résultat, Tom et William est un album surprenant, alliant modernité et nostalgie, un album en tout cas qui devrait ravir les amateurs d’imaginaires fantastiques… E.G.

24 Avr

Enquêtes à travers le monde, Intégrale Tif et Tondu (tome 7), de Will et Tillieux. Editions Dupuis. 19 euros.

Stars incontestées des années  50/60, Tif et Tondu, le chauve et le chevelu, sont de retour avec ce septième volume de leur intégrale. L’album réunit trois récits, Sorti des abîmes, Tif et Tondu à New York et Le Scaphandre de la mort, trois récits signés par l’excellent Will pour le dessin et le non moins fameux Tillieux pour le scénario. En France mais aussi en Angleterre, en Polynésie ou en Amérique, nos héros vont à nouveau devoir déjouer de sombres complots et affronter d’ignobles méchants en compagnie cette fois d’une femme, la pulpeuse comtesse Amélie d’Yeu, dite Kiki, qui va introduire une petite « rivalité » entre nos deux compères. Pour le reste, la recette est toujours la même, chaque récit offrant un savant dosage d’aventure, de fantastique, d’intrigue et d’humour. A terme, cette intégrale qui comptera 12 volumes, couvrira plus de 60 années d’aventures et réunira les 45 albums existants ainsi que des épisodes inédits. Un grand classique à découvrir ou redécouvrir ! E.G.

Quelques belles petites histoires à savourer le soir…

Une comptine pour commencer. La célèbre comptine Quelle heure est-il, madame Persil ? revisitée ici par Nathalie Léger-Cresson et Isabelle Chatellard et publiée dans la charmante collection de livres souples au format poche Les P’tits Didier. « Quelle heure est-il madame Persil ? Quatre heures moins le quart madame Placard. Vous êtes sûre madame Chaussure ? Absolument madame Piment… »  et ça continue ainsi pendant des pages. Le ton est léger, drôle et entraînant. Les illustrations sont colorées et rigolottes. A chacun ensuite de rentrer dans la danse et de trouver de nouvelles rimes…

Thierry Dedieu est de retour ! Bien qu’en fait, il ne soit jamais vraiment parti et signe même plusieurs nouveautés par an, en boulémique de la création qu’il est. Cette fois, l’auteur nous offre une merveilleuse fable évocant la sagesse des hommes qui acceptent leur place dans le respect de la nature. Dans son château au bord de la mer, le Roi des sables reçoit son cousin, le Roi des bois. Celui-ci est émerveillé, émue même, par l’environnement et la vue dont il bénéficie. Malheureusement la mer ne va pas tarder à engloutir la forteresse. Et rien ne changera le cour des choses, pas même l’installation de brises-vagues ou le creusement d’un canal de dérivation. « La nature est au-dessus des hommes… », admet, fataliste, le Roi des sables… Dans le même esprit que La Princesse au petit pois, les illustrations de ce nouveau récit sont des montages photos. Une belle histoire pour rester humble face à mère nature !

Certes, le graphisme et l’histoire des Bêtes d’Ombre peuvent sembler de prime abord âpres, durs, inquiétants, menaçants même. Surtout pour des enfants ! Mais Anne Sibran et Stéphane blanquet, tous deux biens connus dans le monde de la bande dessinée, ont choisi d’aborder ici un thème particulièrement sombre et difficile, celui du génocide. Les Bêtes d’Ombre est en effet inspiré du drame rwandais qui, en 1994, avait fait plusieurs centaines de milliers de morts. Anne Sibran, particulièrement touchée par le sort des enfants pendant et après ce drame, qu’ils soient du côté des victimes ou de celui des bourreaux, a souhaité dans ces pages réfléchir et faire réfléchir autour de la barbarie, de la guerre, de la violence et de la parole, cette arme absolue qui peut, avec l’amour, dépasser tout le reste…  Un texte fort, un graphisme de caractère aux dégradés de gris… Les Bêtes d’Ombre est un ouvrage véritablement hors du commun. Pour les plus de 10 ans !

Un autre livre qui porte à la réflexion. Son titre : Les Chaussures. Son thème : l’exode, la guerre. Mais aussi l’espoir, l’espoir d’une renaissance. Gigi Bigot et Pépito Matéo, conteurs dans l’âme, accompagnés d’Isabelle Chatellard, illustratrice de grand talent, racontent dans cet album la destinée d’une enfant du point de vue d’une paire de chaussures, des chaussures qui « avaient été regardées, admirées et même choisies parmi toutes les autres dans la vitrine du marchand ». Elles s’étaient promenées, elles avaient dansé, sauté, joué, grimpé… jusqu’au jour où elles avaient dû « apprendre à marcher sur la pointe des pieds, puis raser les murs et enfin ne plus sortir du tout… ». Et puis, ce fût la fuite, terrible, brutale, la peur aux orteils, l’abandon dans la neige, la solitude, le silence… et finalement le chant d’un oiseau, l’espoir qui renaît… Ce récit en forme de métaphore nous fait bien évidemment penser à la Shoah, à l’exode et à la persécution vécues par des millions de gens. A ces tas de chaussures aussi entassées comme un trophée à l’entrée des camps. La mise en scène graphique, en totale adéquation avec le récit, développe avec subtilité et rafinement des ambiances tantôt tristes, jouant sur les couleurs froides, tantôt chaleureuses, colorées, joyeuses comme la vie qui continue. Les cadrages, les perspectives, les décors… pour le moins singuliers participent eux-aussi à la dramaturgie de l’histoire. Une oeuvre très émouvante ! E.G  

  

Dans le détail :

Quelle heure est-il madame Persil ?, de Nathalie Léger-Cresson et Isabelle Chatellard. Editions Didier jeunesse. 5,30 euros.

Le Roi des sables, de Thierry Dedieu. Editions Seuil jeunesse. 13,50 euros.

Les Bêtes d’Ombre, un conte sauvage, de Sibran et Blanquet. Editions Gallimard jeunesse. 17,50 euros.

Les Chaussures, de Gigi Bigot, Pépito Matéo et Isabelle Chatellard. Editions Didier jeunesse. 14 euros.

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