24 Avr

Casterman à fond pour Adèle Blanc-Sec…

Alors que vient de sortir en salles l’adaptation cinématographique des Aventures extra- ordinaires d’Adèle Blanc-Sec, un film signé Luc Besson, les éditions Casterman publient de leur côté deux ouvrages essentiels et indispensables pour tous les admirateurs de la série, d’une part le roman du film, une novélisation du scénario de Luc Besson réalisée par l’écrivain et scénariste de BD Benjamin Legrand, d’autre part Le livre d’Adèle qui nous propose sur une soixantaine de pages de découvrir la génèse de ces aventures mais aussi l’univers, le contexte historique, l’héroïne, les seconds rôles et parmi eux, justement, le plus important sans doute, la ville de Paris, le Paris de Tardi, comme il existe le Paris de Doisneau !  Au sommaire, un texte de Nicolas Finet accompagné d’entretiens avec Jacques Tardi et une iconographie particulièrement riche mélangeant dessins de l’auteur et photographies du tournage. Nées dans les années 70, il y a plus de trente ans donc, alors que la bande dessinée se découvrait enfin un public adulte, les aventures d’Adèle Blanc-Sec n’ont en rien perdu de leur charme, de leur atmosphère si particulière, mystérieuse, envoûtante, troublante, fantastique. Adèle est un mythe, un mythe aujourd’hui revisité par l’un des plus grands réalisateurs français. Inutile de résister ! E.G.

Dans le détail :

Les Aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec, Le Roman du film, par Benjamin Legrand d’après l’oeuvre originale de Tardi. Editions Casterman. 12 euros.

Le livre d’Adèle, de Nicolas Finet, Jacques Tardi. Editions Casterman. 16 euros.

05 Avr

Artbook Monsieur Z. Editions Fluide Glacial. 19,80 euros.

Qui se cache derrière Monsieur Z ? Le gentil Zorro ? Ou le méchant Zorglub ? Que nenni ! Monsieur Z – tout court – est un illustrateur de talent qui oeuvre dans la publicité, la presse ou encore l’animation. Il est notamment responsable de séries télévisées telles que Ratz, Freefonix ou Jet Groove, du générique du film Mensonges et trahison, de dessins de couvertures pour l’éditeur Fleuve noir, de campagnes publicitaires pour Air France, BMW, Orangina… Bref, Monsieur Z est un peu partout et surtout, depuis le 17 mars, dans toutes les bonnes librairies avec cet artbook qui réunit ses multiples travaux. Son style graphique est une astucieuse combinaison de personnages à la plastique parfaite, de décors luxueux et ultramodernes, d’ambiances chics et glamour. Ca sent la jet-set à plein nez ! E.G. 

31 Mar

Moissons rouges, Vents contraires (tome 1), de Régis Hautière et Ullcer. Editions Delcourt. 12,90 euros.

« De la neige en avril. On aura tout vu… ». Peu importe, Yvon Lebihan a décidé qu’il se rendrait en Bretagne et il s’y rendra, quelque soit la météo, quelque soit l’état des routes. Pour son métier !  Yvon est un ancien de la Marine nationale reconverti en documentariste animalier depuis une dizaine d’années. Besoin de liberté, avoue-t-il ! Alors, depuis, il filme la faune de jour comme de nuit. Et c’est justement par une nuit pluvieuse, quelque part dans une forêt bretonne, qu’il va faire une mauvaise rencontre, une femme à moitié nue, plus effrayée que menaçante qui surgit de nulle part et va l’entraîner dans une sombre histoire…

D’une facture somme toute assez classique et d’une lecture relativement plaisante, Vents Contraires s’annonce avec la sortie de ce premier volet comme un thriller bien construit autour de différents protagonistes qui n’ont au départ rien de commun, si ce n’est celui de se retrouver mêler à une affaire de meurtre et de découvertes biologiques… C’est Régis Hautière (Le Dernier envol, Mister Plumb, Un autre monde, éd. Paquet) qui signe le scénario et Ullcer (Les enquêtes des détectives Harley & Davidson, éd. Proust) le dessin. Deux auteurs à découvrir ! E.G.

Tous les vendredis, de Dan Yaccarino. Editions Didier jeunesse. 12,90 euros.

Les rituels ! On en connaît tous l’importance pour les enfants. Qu’il s’agisse du bain le soir, de la petite histoire avant d’aller au lit, du guili-guili pour s’endormir… Qu’ils rythment le jour ou la semaine, tous participent à leur épanouissement. Dans ce petit livre de l’auteur américain Dan Yaccarino, un papa et son petit garçon ont instauré un rituel autour du vendredi. Ce jour-là, qu’il vente ou qu’il neige, tous deux vont s’offrir un moment de complicité, une promenade à travers la ville, main dans la main. Et ils observent les commerces qui ouvrent, les chantiers qui s’animent, les gens qui partent au travail, saluent les amis, comptent les chiens… et terminent au café pour prendre un bon petit déjeuner. C’est une histoire toute simple, aussi simple que toutes ces petites habitudes, une histoire joyeuse aussi dans un style graphique frais et coloré, dans l’atmosphère nostalgique du New York des années 50. Un album qui parle avec douceur des petits bonheurs et de la complicité père-fils. A lire chaque vendredi ! E.G.

30 Mar

Dom Juan de Molière, par Myrto Reiss, Sylvain Ricard, Benjamin Bachelier, Hubert. Editions Delcourt. 13,95 euros.

Un classique. Que dis-je, un grand classique. un chef d’oeuvre même. Une pièce maîtresse du patrimoine littéraire mondial. Son titre : Dom Juan ou le festin de pierre, plus connu ici-bas sous l’appellation Dom Juan. Son auteur : Molière. Et l’histoire ? Celle de Dom Juan donc, un sacré séducteur, épicurien, libertin, blasphémateur, qui se moque des contraintes et des règles sociales, morales ou religieuses, et que son fidèle valet Sganarelle décrit par quelques confidences comme « le plus scélérat de la Terre, un enragé, un diable, un hérétique qui ne croit ni ciel, ni enfer, ni loup-garou ». Et il poursuit : «  C’est un épouseur à toutes mains. Dame, demoiselle, bourgeoise, paysanne, il ne trouve rien de trop chaud ni de trop froid pour lui. Si je te citais le nom de toutes celles qu’il a épousées en divers lieux, ce serait un chapitre à durer jusqu’au soir. » Dans cette très belle adaptation en bande dessinée, on retrouve le texte dans son intégralité et bien évidemment les fameuses joutes verbales, le tout mis en scène par une spécialiste du théâtre, Myrto Reiss, et par le scénariste de bande dessinée Sylvain Ricard (Banquise, Kuklos…). Aux pinceaux, Benjamin Bachelier, qui a repris en 2006 les destinées du Legs de l’alchimiste (éd. glénat), fait preuve ici d’une grande maturité avec un trait assez proche d’un Christophe Gaultier en moins torturé. Superbe ! E.G.

29 Mar

Lulu Femme nue (tomes 1 et 2), d’Etienne Davodeau. Editions Futuropolis. 16 euros le volume.

Seule face à la mer. Et bien seule ! Après tout, elle devait bien savoir à quoi s’attendre en quittant son foyer, son mari, ses enfants. Après 16 ans de bons et loyaux services, elle souhaita reprendre un travail histoire de voir autre chose que les quatre murs de son foyer. Mais Lulu eut beau chercher, envoyer des lettres, passer des entretiens… Rien ! Lassée, elle décida un beau jour de ne plus rentrer chez elle. Elle partit pour le sud, découvrant la liberté, les nuits à la belle étoile, la débrouille mais aussi la solitude. Et ce malgré les rencontres : Charles tout d’abord, avec qui elle passa quelques jours hors du temps qui vont la changer à jamais. Puis aujourd’hui cette vielle dame, Madame Pilon, 89 ans, a qui elle essaye de voler le sac à main. La déchéance ! Mais contre toute atttente, cette vieille dame va lui tendre la main et lui proposer de l’héberger contre le récit de ses aventures. Et pendant ce temps là, la petite famille de Lulu tente de surmonter son absence…

Suite et fin de ce récit signé Etienne Davodeau. Lulu femme nue est un magnifique portrait de femme ordinaire qui va se surpasser pour mener une quête d’elle-même.  « Mon intention initiale… », déclarait l’auteur à la sortie du premier épisode,  » était de proposer un voyage au pays de l’inaction du temps libre, de l’attente, ou même de l’improductivité. Raconter une parenthèse. Explorer le rien foutre. Enfin, et surtout, d’un point de vue formel, j’avais envie de profiter de ces thèmes pour réaliser un livre assez libre, qui me permette, sur une base ouverte mais très précise, de goûter aux joies de l’improvisation ». L’auteur de Rural!, Chute de vélo, Les Mauvaises gens ou encore d’Un Homme est mort part ici d’un fait de société, les disparitions volontaires, pour raconter une histoire, élaborer un récit où l’humanité, la sincérité, la simplicité ne sont pas de vains mots. Comme peu d’auteurs, Etienne Davodeau parvient à parler du réel, de la vie ordinaire mais vraie, avec justesse et émotion. « … ce qui m’intéresse le plus dans mon métier », confie Etienne Davodeau, « … c’est de trouver la meilleure façon de raconter une histoire en bande dessinée, que ce soit dans mon travail pour une BD de fiction ou un documentaire. Ces deux types de récits ne présentent d’ailleurs pas de réelle différence. Dans mes fictions, j’assemble des faits, des personnages, des idées, qui n’ont pas d’autres points communs que d’exister dans le champ de mon expérience personnelle. Dans un reportage, ou un documentaire, ces éléments ont entre eux un lien qui ne dépend pas de moi ». Magnifique ! E.G.

28 Mar

Alice au Pays des Merveilles, de Chauvel et Collette. Editions Drugstore. 15 euros.

Décidément, Alice est partout ! Et pas seulement au Pays des Merveilles. On peut effectivement la voir depuis quelques jours sur grand écran dans l’adaptation cinématographique du génial Tim Burton. On peut aussi l’admirer dans les vitrines de nos libraires préférés avec notamment cette adaptation en bande dessinée proposée par David Chauvel et Xavier Collette. Si on ne compte plus justement les adaptations et références de toutes sortes à cette pièce maîtresse de la littérature enfantine, que ce soit dans le cinéma ou la littérature bien sûr mais aussi dans la musique, le théâtre, la production télévisuelle ou encore les jeux vidéos, cette nouvelle version qui se veut par ailleurs très fidèle à l’oeuvre originelle fixée par Lewis Caroll se singularise par un découpage, un graphisme et une mise en couleurs particulièrement sobres et remarquables. Et la magie opère une nouvelle fois ! Petits et grands découvriront ou redécouvriront au fil des pages un imaginaire véritablement extraordinaire et sans limite ! E.G.

26 Mar

Des hommes dans la guerre d’Algérie, de Bournier et Ferrandez. Editions Casterman jeunesse. 16,75 euros.

Offrir aux jeunes générations les clés nécessaires pour comprendre la guerre d’Algérie, connaître ses enjeux, ses protagonistes : c’est l’objectif de cet ouvrage récemment publié chez Casterman, signé par le dessinateur Jacques Ferrandez et par la directrice des Affaires culturelles au Mémorial de Caen, Isabelle Bournier. Reprenant le principe de l’album Des hommes dans la Grande Guerre, du même auteur sur des dessins de Tardi (2008, éd. Casterman), Des hommes dans la guerre d’Algérie raconte la vie au quotidien des hommes et des femmes, combattants ou civils, français ou algériens, pris dans l’engrenage du conflit. Après un petit survol de 130 années de colonisation, Isabelle Bournier explore dans une série de doubles pages thématiques, alliant des textes concis, des témoignages précieux et une iconographie remarquable, les origines de la guerre, le terrorisme anti-colonialiste, le rôle du général de Gaulle, la vie sous l’Algérie française, la cohabitation, la lutte pour l’indépendance, la torture, les harkis, le rapatriement des pieds-noirs, les traces laissées par la guerre, l’écriture de son histoire… A côté des photographies, des divers documents d’époque, affiches ou extraits de journaux, les dessins de Jacques Ferrandez, issus de sa série Carnets d’Orient (dix albums parus entre 1994 et 2009, éd. Casterman), et de  Retours à Alger, (2006, éd. Casterman) apportent une complémentarité réelle aux différents textes. Un livre très réussi, objectif, attractif et solidement documenté, idéal pour les enfants de 9 à 13 ans mais aussi pour les plus grands et pourquoi pas les adultes qui souhaitent approfondir leurs connaissances sur cette guerre qui, pour reprendre les propos de l’historien Jean-Jacques Jordi qui signe ici la préface, « est une triple guerre : guerre civile, guerre fratricide et guerre de décolonisation où les actes de bravoure côtoient les lâchetés les plus extrêmes ». E.G.

24 Mar

Gaza 1956, en marge de l’histoire, de Joe Sacco. Editions Futuropolis. 29 euros.

Joe Sacco ! Ce prénom et ce nom suffisent à dire le sérieux de l’affaire. Joe Sacco est un journaliste et un auteur de bande dessinée américain bien connu des amateurs de BD-reportages, genre qu’il a initié dès 1993 en publiant aux Etats-Unis l’album Palestine, édité de ce côté-ci de l’Atlantique en deux volumes chez Vertige Graphic : Palestine, une nation occupée en 1996 et Palestine, dans la bande de Gaza en 1997. Après un petit détour par l’ex-Yougoslavie en guerre qui donnera deux livres, Gorazde en 2001 et The Fixer, une histoire de Sarajevo en 2005 (Rackham), Joe Sacco retrouve le sol de Palestine avec Gaza 1956. Ce gros et beau pavé de 424 pages en noir et blanc apporte un nouveau témoignage particulièrement documenté sur un épisode semble-t-il oublié du conflit israélo-palestinien, le massacre de près de 275 civils perpétré par l’armée israélienne à Khan Younis et à Rafah en 1956. Entre novembre 2002 et mai 2003, le dessinateur reporter se rend à plusieurs reprises sur le terrain afin d’établir la véracité de cette tragédie et embarque le lecteur à la recheche des traces de ce massacre. « Je trouvais exaspérant que le plus important massacre de Palestiniens sur le sol de Palestine – si l’on en croit le chiffre de 275 morts avancé par l’ONU – reste dans les ténèbres de l’oubli où il gisait, comme d’innombrables autres trégédies historiques… ». Sur place, Joe Sacco sollicite les témoins oculaires de l’époque mais, souvent, comme en témoigne ce livre, les Palestiniens interrogés ne comprennent pas son intérêt pour cet épisode vieux de plus de cinquante ans alors que tous les jours, sous les yeux mêmes du dessinateur reporter, se poursuit la tragédie. Entre deux témoignages, Joe Sacco ne peut faire autrement que de nous parler du présent, des bombardements, des maisons rasées et de cette vie qui continue malgré tout. Un album dense, parfois âpre, mais nécessaire qui a demandé à Joe Sacco six années de travail et d’investigations ! E.G.

La Communauté (tomes 1 et 2), de Hervé Tanquerelle et Yann Benoît. Editions Futuropolis. 24 euros.

On attendait la suite de ce récit entamé en 2008 avec une certaine impatience, impatience finalement récompensée. Le second volume de La Communauté est de la même veine que le premier, tout aussi captivant et singulier.

Il s’agit d’un récit qui s’inscrit dans la lignée de la bande dessinée-reportage avec une particularité puisque celui-ci est construit autour d’entretiens. Le Nantais Hervé Tanquerelle, responsable de plusieurs séries comme Le Legs de l’alchimiste (éd. Glénat) ou Professeur Bell (éd. Delcourt) aborde cette forme narrative avec une histoire mettant en scène une communauté créée sur les barricades encore fumantes de mai 1968.

Micro à la main, l’auteur recueille le témoignage d’un de ses fondateurs, Yann Benoît, alors étudiant, aujourd’hui devenu son beau-père. Nous sommes en 1972, Yann et une bande d’amis achètent une ancienne minoterie abandonnée.

Loin des idées reçues, du caricatural flower power (sex, drug and rock n’roll), il décrit un quotidien plutôt laborieux, partagé entre la restauration du site, la construction de nouvelles maisons, les multiples tâches agricoles, la garde des enfants et bientôt la fabrication de jouets en bois à une échelle de plus en plus conséquente.

À tel point que la vie en communauté, qui n’était déjà pas tous les jours une évidence, va en pâtir sérieusement. C’est dorénavant l’usine ! Le travail devient de plus en plus lourd et contraignant et bientôt les grands principes qui prévalurent à la création de la communauté vont se fissurer et les tensions, se multiplier…

Pour rendre vivant cette conversation autour d’un micro, Hervé Tanquerelle utilise le principe du flash-back. « Autant je n’ai jamais douté du fond, autant la forme me posait problème. Il m’aura fallu du temps pour trouver la bonne manière de raconter », confiait l’auteur au moment de la sortie du premier volet.

« Comment transcrire les conversations informelles que j’avais avec mon beau-père? C’était important de les garder car elles permettent à la fois de rester au plus près du vécu, tout en confrontant le point de vue de deux générations. Mais cela comportait aussi la difficulté de rendre attrayante une simple conversation autour d’une table! Assez vite m’est apparu comme une évidence le principe des flash-back, traités différemment au lavis, pour ponctuer notre dialogue ».

Une oeuvre rare, une aventure unique traitée avec subtilité et humour !

Eric Guillaud

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