Benoît Sokal ! Ce nom ne peut vous être inconnu Depuis plus de trente ans, l’homme anime les aventures du célèbre Canardo, un canard détective privé totalement cynique et désabusé qui parvient quand même à résoudre des énigmes plus ou moins tordues. Plus de trente ans d’aventures donc et au bout du compte (provisoire) dix-neuf albums pour cette série noire et anthropomorphique ! Mais Benoît Sokal a une autre corde à son arc. Une corde plus réaliste. Dès 1988, il écrit Sanguine, récit qui se déroule pendant la guerre de Trente ans. Puis ce sera Le Vieil homme qui n’écrivait plus (1996) avant de s’engager dans le jeu vidéo avec L’Amerzone, Syberia et Paradise qui connaîtront un prolongement en album. Aujourd’hui, l’auteur a souhaité revenir pleinement à la bande dessinée avec une grande aventure qui nous entraîne dans une vallée perdue quelque part dans le Grand nord, aux frontières du monde arctique. Une vallée perdue où vivent quand même quelques Indiens et des animaux sauvages. Et parmi ces derniers, un aigle, magistral, qui vient de quitter son nid prêt à découvrir la vie… et les hommes. Et notamment ces hommes cupides qui veulent construire un barrage et noyer la vallée pour exploiter les matières premières, or, diamant, pétrole ou gaz, qui regorgent dans la région. Un Eldorado pour certains, un enfer bientôt pour les autres ! A moins que Yuma, un jeune Indien, et Kraa, l’aigle, n’en décident autrement…
Dans cet album, Benoît Sokal nous conte une très belle histoire où, finalement, la nature serait plus forte que la cupidité des hommes, une histoire qu’on pourrait qualifier d’écologique ou plus exactement d’histoire au grand air. « Je ne suis pas du tout théoricien de l’écologie, mais j’ai la nostalgie des histoires de nature, de grands espaces. C’est un vrai goût chez moi. Il me faut de l’air ! Je ne suis pas certain qu’il s’agisse vraiment d’une sensibilité écologiste, car je trouve souvent les messages écolos un peu lourds et frelatés. Mon attrait pour la nature et l’aventure relève plutôt de la recherche d’un paradis originel, de la quête d’une part d’enfance ». Le trait réaliste est magnifique, le découpage efficace, les dialogues précis, les couleurs appropriées à ce décor qui peut évoquer l’Alaska ou la Colombie-Britannique… bref Kraa est un petit chef d’oeuvre de 96 pages à découvrir au plus vite. Une véritable bouffée d’air pur ! E.G.