07 Juil

Corps de pierre, de Joe Casey et Charlie Adlard. Editions Delcourt. 12,90 euros.

Aucun doute, avec son divorce, Thomas Dare traverse une période difficile. Très difficile. Mais ce n’est rien par rapport à ce qui l’attend. Déjà, quelques engourdissements se font ressentir au niveau des mains. Gênant pour un musicien ! Et plus le temps passe, plus son corps semble se pétrifier. Son poids augmente. Tout mouvement devient de plus en plus difficile. Et le corps médical, impuissant, ne peut que constater : son corps se transforme inéluctablement en pierre. Une maladie inconnue, sans nom… pour le moment !

Présenté par l’éditeur comme un récit situé entre le drame personnel et la fable sociale, Corps de pierre évoque en tout cas un parcours de vie hors du commun, celui d’un homme condamné par un mal étrange, un parcours mis en scène par deux spécialistes du comics, d’un côté le scénariste Joe Casey qui a notamment travaillé sur des séries comme Alpha Flight, Batman, Les 4 Fantastiques, X-Men…, de l’autre le dessinateur Charlie Adlard qui s’est fait connaître avec Walking Dead, publié en France chez Delcourt. Son trait est ici très épuré, sans ombres si ce n’est pour marquer l’avancée de la maladie chez son personnage. Un album d’une grande force graphique et un récit bouleversant ! E.G.
 

Un Piano, de Louis Joos. Editions Futuropolis. 20 euros.

Une merveille ! A tout point de vue. Autant graphique que narratif. Son titre : Un Piano. Son auteur : Louis Joos. L’histoire : celle d’un père et d’un fils, deux destins singuliers au coeur du XXe siècle. Le premier, Henry, est un grand pianiste de musique classique à qui on prédit un avenir radieux. Plusieurs fois déjà, il s’est rendu aux Etats-Unis pour des séries de concerts. Mais la Première Guerre mondiale met un terme à sa carrière. Bloqué en Europe, il devient professeur de musique. Son fils, Louis, lui rend visite tous les jeudis pour son cours de piano. Pendant des années ! Et lorsque le père meurt, Louis hérite du fameux piano. Un magnifique cadeau même si Louis ne fera pas carrière dans la musique mais dans la peinture. Et à l’occasion d’une exposition à New York, Louis retrouve une trace bien singulière du passage de son père en Amérique…

Pour parler aussi bien de la musique, il faut tout simplement s’appeler Louis Joos. Auteur belge né en 1940, Louis Joos a publié son premier ouvrage, La Colaxa, en 1982 chez Futuropolis première époque. Suivront chez le même éditeur Foutue croisière, Le Mal de l’espace, Musique de nuit et ailleurs des livres sur Thélonius Monk, Mingus, Bud Powell (que l’on croise dans l’album) ou encore John Coltrane et Charlie Mingus. Le dessin et le jazz , vous l’aurez compris, sont les deux passions de Louis Joss. Avec Un Piano, l’auteur nous parle de sa vie, de son père, de la passion que celui-ci lui a certainement transmise. Une évocation en cinq temps magistralement mis en images, chaque planche nous absorbant véritablement dans l’histoire, chaque vignette nous transportant dans un autre monde, une autre époque, grâce à l’encrage partiel qui nous fixe sur l’essentiel et, en même temps, nous invite à lévasion. On vous l’a dit, Un Piano est une merveille, un chef d’oeuvre ! E.G.
 

05 Juil

Ils Iront au jazz, de Ben. Editions Hécatombe. 13 euros.

Pendant que certains vont en enfer ou au paradis, d’autres vont au jazz ! Un plan B en quelques sortes pour les mélomanes, amoureux de Miles Davis, Lee Morgan, Clifford Brown ou encore Bessie Smith… Un plan B que les héros ou plus exactement les antihéros de ce récit, un trompettiste et une chanteuse, ont sans doute espéré durant toute leur vie de misère. Lorsqu’ils se rencontrent au fond d’une impasse sordide et crasseuse, ces deux amoureux du jazz espèrent peut-être en terminer avec la pauvreté et la solitude. De fait, ils vont très vite partager le même lit et, surtout, une solide addiction à l’alcool qui finira par les anéantir…

Avec cet album publié dans la collection Inaccessible étoile de la structure indépendante suisse Hécatombe, Ben, lui-même musicien, rend hommage au jazz. Un récit quasi-muet, en noir et blanc, avec un personnage principal représenté sous les traits d’un animal, un ton cru, direct, une atmosphère glauque… Ils Iront au jazz parle de la rue, de l’amour, de la mort, de la brutalité de la vie… Une oeuvre à découvrir, un auteur à suivre ! E.G.
 

Seconde chance, de Ozanam et Renart. Editions Casterman. 14 euros.

Marianne Welles est une pro de la gâchette. Une vraie, largement appréciée par sa hiérarchie et respectée par ses collègues. La minutie chirurgicale avec laquelle elle accomplit toutes ses missions lui ont valu de nombreuses promotions. Mais aujourd’hui, Marianne s’ennuie ferme. Tirer pour tirer ne l’amuse plus, même s’il s’agit pour elle de déclencher des coups de foudre et non de provoquer la mort. Marianne Welles n’est effectivement pas une tueuse mais plutôt une combattante de l’amour. Et voilà qu’on l’oblige même à travailler le 14 février, son seul jour de congés de l’année. Un comble ! Mais ce jour là, Marianne va à son tour tomber amoureuse et refuser de tirer sur un client. Tout va alors très vite se compliquer pour Marianne…

Le scénariste Antoine Ozanam et le dessinateur Renart revisitent le mythe de Cupidon avec un polar sentimental qui commence dans une ambiance à la Saint-Valentin et s’achève dans un véritable bain de sang. Une histoire d’amour et de haine ! E.G.

Sheol, de Dogado. Editions Delcourt. 14,95 euros.

Inquiétant ! Très inquiétant ! Sheol est un terme d’origine hébraïque intraduisible, désignant le séjour des morts, la tombe commune de l’humanité, sans vraiment pouvoir statuer s’il s’agit ou non d’un au-delà (source Wikipédia). Un monde entre deux, en somme, entre la vie et la mort. Un monde dans lequel errent certains êtres qui refusent de mourir. Voilà pour le décor de ce récit complet signé Dogado. Côté personnage, l’auteur coréen met en scène une jeune amnésique très mal en point qui va faire appel à Esse, un être doté du 3e oeil, le seul capable d’interférer dans ce fameux monde de Sheol… Publié dans la collection Mirages, ce récit de plus de cent pages est surtout remarquable par son graphisme, ses atmosphères, ses cadrages particulièrement travaillés et sombres. De quoi se faire peur avant de dormir ! E.G. 

Vacances, de Nicoby. Editions Drugstore. 15 euros.

Amélie !!! Aucun doute, cette jeune femme avec un enfant furtivement aperçue dans le métro parisien était bien Amélie… Mathieu ne l’a malheureusement pas reconnue à temps et elle a disparu, emportée par la foule. Avec elle, avec Marine, Greg et Franck aussi, ils avaient passé des vacances d’été au bord de la mer. C’était il y a quelques années maintenant. Ils étaient jeunes, ados, libres, insouciants… et avaient pour seules préoccupations de s’amuser, de se baigner, de bronzer et de draguer bien sûr. Souvenirs, souvenirs…

Auteur multicarte, Nicoby explore avec le même talent l’humour, l’aventure, l’intimiste et la chronique sociale. Avec ce one shot, intitulé Vacances, paru aux éditions Drugstore, il mélange un peu tous ces genres pour nous offrir un récit emprunt de légèreté et de nostalgie qui rappellera à chacun de nous quelques bons souvenirs. C’est aussi un récit qui parle du mal être, de la peur du regard des autres, du manque de confiance et même de la mort avec une fin pour le moins dramatique ! Une bonne histoire, des personnages attachants, un graphisme élégant, un album à découvrir… E.G.
 

04 Juil

La Colline empoisonnée, de Freddy Nadolny Poustochkine. Editions Futuropolis. 28 euros.

Deux lieux, deux univers, deux destins… et au final deux histoires qui ne sont pas si éloignées l’une de l’autre ! Sur près de 350 pages, l’Angoumoisin Freddy Nadolny Poustochkine nous offre un récit étonnant, partagé entre le Cambodge d’avant Pol Pot et la France des banlieues. D’un côté, l’auteur met en scène un jeune garçon cambodgien qui découvre, non sans quelques difficultés, la vie de moine bouddhiste, une vie faite de méditation, de jeûne, de mendicité, d’abnégation, d’amour… alors que les Khmers rouges s’emparent du pays et font couler le sang. Retour en France pour la seconde partie de l’histoire avec un autre jeune garçon, au quotidien beaucoup plus proche du nôtre, un jeune garçon qui tombe amoureux d’une certaine Aline, réfugiée cambodgienne… 

Pour l’auteur, l’idée de raconter la vie d’un moine novice dans le Cambodge d’avant Pol Pot est venue à la lecture de cette pensée d’un moine taoïste chinois : « La nuit dernière, j’ai rêvé que j’étais un homme et maintenant, je me demande : suis-je un papillon qui a rêvé qu’il était un homme, ou suis-je un homme qui rêve, pour le moment, qu’il est un papillon? ». « Ce fut… », explique Freddy Nadolny Poustochkine, « la genèse de ce livre. Le rapport étroit rêve/réalité, cette fine et fragile limite m’a toujours fasciné. Ensuite, au fur et à mesure de l’écriture et des recherches, à mesure que mon récit s’affinait, des souvenirs personnels sont venus à moi, et particulièrement un, comme un flash, qui a propulsé mon histoire en lui donnant un envol assez inattendu. C’est le souvenir d’une petite fille de mon âge, à l’époque de l’école primaire, une camarade de classe arrivée en cours d’année, d’un pays lointain et inconnu pour moi jusqu’alors, le Cambodge. Elle fut ma camarade de classe mais aussi ma voisine de palier, comme raconté dans l’histoire ». Construit autour de l’apprentissage de la vie confrontée à la dure réalité historique, La Colline empoisonnée est un récit singulier, tant dans le fond comme on l’a vu que dans la forme. Freddy Nadolny Poustochkine explore ici une forme narrative assez proche de celle employée par Ludovic Debeurme pour Lucille, album également paru aux éditions Futuropolis. Un traitement au lavis, des planches sans vignettes, deux à six illustrations par page, un récit assez long, un rythme lent, une approche contemplative… Mais ne vous y trompez pas, derrière l’apparente douceur du récit, c’est l’insouciance de l’enfance, mise à mal par la violence du monde, qui est ici illustrée ! E.G.

25 Juin

Le Fils d’Hitler, Une aventure de Dickie, de Pieter de Poortere. Edtions Glénat. 15 euros.

Un bien étrange album ! Un étrange personnage aussi avec cette bouille toute ronde et ce corps ramassé qui lui donne des allures de Playmobil. Son nom : Dickie. Et comme tous les Playmobil, Dickie peut endosser tous les costumes du monde et vivre des aventures à toutes les époques de notre histoire. Et dans ce présent album, Dickie à une petite moustache noire, un uniforme militaire et une croix gammée sur l’épaule. Non, vous ne rêvez pas, Dickie se retrouve un peu malgré lui impliqué dans le drame de la seconde guerre mondiale. Malgré lui, mais pour le moins directement, puisque Dickie se révèle être dans l’histoire le fils naturel d’Hitler. Et ce qui pourrait faire le bonheur de l’un pourrait faire le malheur de millions d’autres…

Pieter de Poortere est un jeune auteur flamand bourré de talent et d’influences contemporaines avec un graphisme singulier et un humour pour le moins cynique. Apparu dans les pages du magazine Ferraille des éditions Requins marteaux, Dickie rejoint donc l’écurie Glénat pour un one shot étonnant et détonnant, alliant pages de BD classiques sans parole et grandes planches panoramiques à la manière de la série jeunesse Où est Charlie ?. Une oeuvre à découvrir… E.G.
 

20 Juin

Les Désarmés, de Mezzo et Pirus, et Le Capitaine écarlate, de Guibert et David B, deux albums mythiques des années 90 réédités…

Deux albums, deux univers, deux chef-d’oeuvres qui ont marqué la fin du 20e siècle ! D’un côté, Le Capitaine écarlate, publié initialement en mai 2000, retrouve une nouvelle jeunesse avec cette réédition parue dans la collection Roman Aire Libre des éditions Dupuis. La réduction du format n’enlève rien au récit d’Emmanuel Guibert et David B. Le rêve, le surréalisme, la magie sont toujours au rendez-vous. Depuis, les deux auteurs ont suivi leur propre chemin, le premier explorant avec le succès qu’on connait la bande dessinée-reportage (La Guerre D’Alan, Le Photographe…), l’autre poursuivant dans la fiction pure avec des récits oniriques, fantastiques, poétiques (Les Complots nocturnes, Par les Chemins noirs, Terre de feu, Journal d’Italie…).

Seconde réédition en ce mois de juin, Les Désarmés, un bijou de polar sombre, très sombre, très très sombre même, emmené par Mezzo et Pirus, deux fous de cinéma noir des années 50 et de romans noirs américains, qui signeront par la suite l’inquiétant et fascinant diptyque intitulé Le Roi des mouches ainsi que Deux Tueurs, Mickey Mickey ou encore Un Monde étrange. Cette nouvelle édition a été remaniée de fond en comble par les auteurs : texte révisé, nouvelles couleurs, nouveau lettrage et retouches au niveau du dessin. Un graphisme puissant, une intrigue intelligente, un découpage innovant pour l’époque, des dialogues qui vont à l’essentiel et des personnages paumés et losers à souhait… Finalement, le bonheur est parfois simple comme une réédition ! E.G.

Dans le détail :

Les Désarmés, de Mezzo et Pirus. Editions Drugstore. 22 euros.

Le Capitaine écarlate, de Guibert et David B. Editions Dupuis. 14 euros.

17 Juin

Le Voyage des cendres, Canardo (tome 19), de Sokal. Editions Casterman. 10,40 euros.

Deux insupportables bambins, une gouvernante au charme flamand, des trafiquants de drogue wallons, un canard toujours aussi désabusé… Voilà pour le casting de cette nouvelle aventure de l’inspecteur Canardo ! Côté scénar, Sokal nous invite cette fois à un petit voyage du côté de Charleroi, au coeur des mines, des terrils et des corons. Tout commence aux Etats-Unis avec le suicide du parrain de la mafia belge, Hector Van Bollewinkel. Dans son testament, celui-ci invite ses petits enfants, Harry et Monica, à disperser ses cendres sur les collines de son village natal s’ils souhaitent hériter de sa colossale fortune. A contrecoeur, Harry et Monica s’envolent donc pour la Belgique où ils sont pris en charge par un parent : le cousin Canardo. Mais l’entreprise ne sera pas une mince affaire…

Plus de trente ans d’âge, dix-neuf albums, et toujours le même bonheur ! Avec son regard de canard désabusé et son efficacité redoutable, Canardo s’est fait une place en or dans la bande dessinée franco belge et plus généralement dans le monde du polar. Un classique ! E.G.

RSS