07 Sep

Rencontre avec le Nantais Olivier Schwartz, nouveau dessinateur des aventures de Spirou et Fantasio

Personnages iconiques du neuvième art s’il en est, Spirou et Fantasio sont de retour pour de nouvelles aventures sous les plumes et les pinceaux d’un trio d’auteurs prêt à tout, y compris à faire mourir le héros-titre. Au dessin, un Nantais d’adoption, Olivier Schwartz. Rencontre…

Aucun personnage sur la couverture, le costume rouge suffit de lui-même, un costume de groom, celui de notre ami Spirou, 84 ans d’existence, 56 aventures à travers le monde, une bonne vingtaine de dessinateurs et scénaristes à ses petits soins au fil du temps, et un retour, fracassant, où il est question de voir la ville sous-marine de Korallion et mourir

La mort de Spirou ? Voilà bien un titre à mettre le feu sur les réseaux sociaux, affoler les amoureux du personnage, mécontenter les gardiens du temple, ceux qui connaissent ses aventures sur le bout des cases et ne peuvent accepter la disparition d’un mythe, d’une légende, d’une partie d’eux-mêmes.

La mort de Spirou ? Oui mais… Alors que les éditions Dupuis fêtent cette année leur centième anniversaire, il n’était pas question de tuer celui qui les a rendues célèbres à travers le monde de la bande dessinée mais bien de relancer ses aventures au point mort depuis 6 ans, depuis que le tandem nantais constitué de Yoann et Vehlmann a décidé de passer la main.

Deux Nantais quittent l’aventure, deux autres Nantais la rejoignent, Olivier Schwartz au dessin et Alex Doucet aux couleurs. Côté scénario, les éditions Dupuis créent la surprise en appelant à la barre deux jeunes auteurs assez éloignés de l’univers de Spirou, le Parisien Benjamin Abitan, plus connu dans le monde des fictions radiophoniques et du théâtre, et la Marseillaise Sophie Guerrive.

Histoire d’en savoir un peu plus sur cette reprise, un événement dans le monde de la BD, nous avons retrouvé Olivier Schwartz chez lui, dans son atelier. Le temps de prendre un petit café et de se remémorer notre première rencontre en 2017 autour de l’album La Femme léopard, il était temps de passer aux choses sérieuses et de passer à la première question.

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11 Mar

INTERVIEW. La Vie de ma mort : une nouvelle BD de l’Angevin Fortu pour les bons vivants et les autres

Un bon brossage des dents, un coup de peigne et voilà nos amis les zombies fin prêts pour de nouvelles aventures croquées par l’auteur saumurois Fortu. De quoi retrouver le sourire, même dans un monde de brutes épaisses.

© Delcourt / Fortu

Nous l’avons découvert en 2016 avec l’album Saudade, recueil d’histoires courtes inspirées de sa vie, retrouvé en 2020 alors qu’il croquait le confinement sur Instagram, il est de retour avec un petit format paru aux éditions Delcourt délicieusement baptisé La Vie de ma mort. L’auteur y décrit le quotidien d’une famille de morts-vivants, un père, une mère et deux ados, prête à tout pour s’intégrer dans la société des vivants, même si les vieux réflexes reprennent vite le dessus. Des histoires courtes d’une ou deux pages à mourir de rire. Un bon bol de sang frais et Fortu nous dit tout ici et maintenant…

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14 Jan

« Je rêve de faire une bande dessinée inadaptable au cinéma » : rencontre avec Pascal Rabaté, auteur et réalisateur atypique

Que ses récits se déroulent pendant la révolution russe, au début de la deuxième guerre mondiale ou dans les années 60, Pascal Rabaté n’a toujours eu qu’une ambition : raconter son époque. Rencontre avec l’un des plus grands auteurs français – et nantais d’adoption – à l’occasion de la sortie de sa nouvelle bande dessinée : Sous les galets la plage…

© éric guillaud

Il y a comme un air de révolte. Et pas seulement dans le titre habilement détourné d’un slogan de mai 68 mais dans le récit en lui-même et assurément dans l’esprit de son auteur. Rien d’étonnant quand on connaît un peu le bonhomme. Pascal Rabaté n’a jamais suivi le même chemin que tout le monde.

Déjà tout petit…

Le dessin ? Plus qu’une évidence, un besoin. « J’ai dessiné avant d’écrire. Comme beaucoup mais moi j’étais dyslexique, ce qui m’a freiné dans la prose. Donc le dessin fut mon premier moyen de communication. Je n’étais pas bon, j’étais juste moins mauvais que les autres ».

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13 Déc

Rencontre avec Bruno Bazile, dessinateur de l’adaptation en BD des Enquêtes de Victor Legris

Dessinateur des Aventures de Sarkozix, de la biographie dessinée de Charlie Chaplin et d’une bonne vingtaine d’albums supplémentaires, l’auteur nantais Bruno Bazile publie aux éditions Phileas l’adaptation d’un roman policier dans le Paris du XIXe siècle avec la Tour Eiffel pour témoin…

© F3 / Eric Guillaud

Nous l’avions rencontré en novembre 2O19 à l’occasion de la sortie d’une biographie dessinée consacrée à une grande étoile du cinéma, Charlie Chaplin. Changement de décor, changement de personnage, Bruno Bazile revient avec l’adaptation du premier roman des Enquêtes de Victor Legris, une saga policière historique à succès écrite à partir de 2003 par Liliane et Laurence Korb sous le pseudonyme de Claude Izner.

Bruno Bazile en signe le dessin sur un scénario du très prolifique Jean-David Morvan. Enquête policière autour d’une série de meurtres intervenant durant l’exposition universelle de Paris, Mystère rue des Saints-Pères est aussi une belle histoire d’amour dans le Paris de l’époque, un Paris merveilleusement bien recréé par la magie du coup de crayon élégant de Bruno Bazile.

Qui est Victor Legris ? Victor Legris est un passionné de livres anciens d’une trentaine d’années, propriétaire de la librairie L’Elzévir rue des Saints-Pères à Paris. Alors que l’exposition universelle bat son plein, que la foule se presse pour découvrir la Tour Eiffel, qu’on lui propose une place de chroniqueur littéraire dans un nouveau journal baptisé Le Passe-Partout, Victor Legris est interpelé par une série de morts inexpliquées qui se révèlent être des crimes. Intrigué, Victor Legris décide de mener l’enquête…

Pour évoquer ce nouvel album, nous avons donné rendez-vous à Bruno Bazile dans son atelier du côté de Rezé. À notre arrivée, Bruno était en plein travail sur le deuxième tome de la série qui sortira dans quelques mois.

L’Interview ici…

25 Nov

INTERVIEW. Pat Perna nous dit toute la vérité sur son album Kosmos réalisé avec Fabien Bedouel au dessin

Les pieds sur Terre, la tête dans l’imaginaire, le scénariste Pat Perna, accompagné du dessinateur Fabien Bedouel, revisite l’histoire de la conquête de la Lune façon fake news avec pour objectif une bonne dose de divertissement et un brin de réflexion…

Extrait de la couverture de l’album Kosmos © Delcourt / Perna & Bedouel

Et si, comme l’ont prétendu et le prétendent encore aujourd’hui certaines personnes pas toujours bien intentionnées, les Américains n’avaient pas foulé le sol de la Lune, ou du moins n’avaient pas été les premiers à le faire. S’inspirant des fausses nouvelles et autres théories du complot qui n’ont pas attendu les réseaux sociaux numériques pour inonder la planète, Pat Perna a imaginé le scénario de Kosmos, magnifiquement mis en images par son complice Fabien Bedouel.

Nous sommes le 20 juillet 1969, l’homme pose pour la première fois le pied sur la Lune. Un petit pas pour l’homme, un grand pas pour l’humanité, les images font le tour du monde, les États-Unis s’imposent dans la conquête de l’espace. Et puis patatras… En rejoignant son module, Armstrong aperçoit au loin un drapeau soviétique et un véhicule lunaire russe, plus loin le corps d’un astronaute mort : une femme.

Les États-Unis coiffés au poteau ? Le sexe masculin humilié ? Sur 210 pages à couper le souffle, les auteurs nous livrent ici un grand récit d’aventure spatiale en même temps qu’une base de réflexion sur les fake news et leur capacité de nuisance… 

L’interview ici

19 Mar

L’histoire du dernier homme de Fukushima racontée par Fabien Grolleau et Ewen Blain

Il y a des images qui nous marquent à vie, celles de la catastrophe de Fukushima en font partie. Mais derrière ces images aussi fortes soient-elles, il y a des hommes et des femmes, des vies bouelversées. Les ex-Nantais Fabien Grolleau et Ewen Blain nous racontent ici celle de Naoto…

Les cerisiers étaient en fleurs, la campagne était belle, rien ne pouvait laisser présager ce qui allait se passer ce 11 mars 2011 sur la côte nord-est du Japon et notamment à Fukushima.

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18 Fév

Rencontre avec Le Cil Vert, auteur de l’album Une Vie toute tracée paru chez Delcourt

Après Un Faux boulot et Rentre dans le moule, l’auteur Sylvere Jouin, alias Le Cil Vert, publie Une Vie toute tracée, la suite d’une autobiographie romancée. Interview…
Le Cil Vert © Chloé Vollmer-Lo

Tu es un ancien élève de l’Ecole nationale supérieure d’arts et métiers qui forme des ingénieurs. Comment se retrouve-t-on auteur de bande dessinée ?

Sylvere. C’est vrai qu’à première vue, ce n’est pas forcément la voie la plus directe pour devenir auteur de bandes dessinées… mais entre nous, s’il y avait une voie rapide, ça se saurait ! Plus sérieusement, j’ai eu de la chance de faire ces études et je ne regrette rien, mais ce qui a été important pour moi finalement, c’est de ne pas avoir essayé d’en faire quelque chose, d’être ingénieur et d’essayer de faire de la BD en parallèle. Les deux sont des boulots à part entière. J’ai finalement commencé par dessiner dans des magazines écolos, puis j’ai participé à des projets d’illustrations pour des ONG. Je travaille beaucoup pour me rassurer en fait. Je dois avoir peur du vide.

Un jour, en sortant d’une expo de Chris Ware à la galerie Martel, je me suis assis dans un bar et j’ai écrit 20 pages. Une histoire d’un gars qui travaille dans un abattoir à poulets appartenant à son oncle. C’était pas son idée à la base, c’était celle de sa mère « pour l’aider » parce qu’il était au fond du trou. Je l’ai envoyée à Lewis Trondheim et il m’a publié dans la revue Papier, il y avait un spécial « famille », ça tombait bien. C’est peut-être ça qui m’a fait devenir auteur de BD. Une expo, un abattoir à poulets et Lewis Trondheim !

© Éditions Delcourt, 2021 – Le cil vert

Comme les deux albums précédents, Une Vie toute tracée est une BD autobiographique. Pourquoi avoir appelé ton personnage Jean et non Sylvere ?

Sylvere. Ma toute première BD, publiée en auto-édition s’appelait Le Scaphandre fêlé. C’était mon histoire, celle de Sylvere et c’était bizarre pour mes quelques premiers lecteurs de lire mon histoire sans distance, d’être comme des voyeurs. Et puis, je me suis dis que je n’étais pas non plus Barack Obama, très vite je me suis rendu compte que ma vie n’intéresserait personne. J’ai eu la chance de commencer une psychanalyse et j’ai appris à prendre de la distance avec moi-même.

Finalement, je dirais aussi que ce n’est pas si mal de proclamer que ce n’est pas vraiment mon histoire, on peut raconter des horreurs sur les gens en disant que ce n’est pas vraiment eux non plus.

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La chronique de l’album à lire ici 

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Entre la mort de ton père et ton départ pour Prague, quinze années se sont en fait écoulées. Pourquoi avoir contracté le temps ainsi ? 

Sylvere. Parce que j’ai une DeLorean dans mon garage et que ça serait dommage de ne pas l’utiliser Doc ! Pour moi écrire une histoire c’est surfer sur une vague et ensuite tirer sur un fil et faire un parallèle avec mon histoire. Par exemple, dans Un faux boulot, ma première BD, j’ai parlé des séjours que j’ai animés pour des personnes adultes handicapées. Je n’ai pas parlé des séjours, ça existe déjà en BD, en film, en livres etc… J’ai parlé de vacanciers que j’ai rencontrés qui avaient une vie normale ou plutôt dans la norme et qui, après un choc énorme, se sont réfugiés dans l’alcool ou le cannabis pour ne plus avoir à revenir parmi nous. J’avais d’énormes crises d’angoisses à l’époque. J’avais même peur d’avoir peur et je m’enfermais chez moi, et dans ma névrose. J’étais comme ces vacanciers, ou du moins j’avais peur de leur ressembler de plus en plus… le choc de la mort de mon père m’avait complètement fait perdre pied, et je me suis retrouvé à écrire beaucoup comme pour m’échapper.

Pour cette BD, la vague qui m’emmène est l’expatriation, partir pour Prague c’est marcher comme sur une page blanche. J’ai rencontré pas mal d’immigrés français (parfois ils s’appellent entre eux des expats, ça fait plus classe) qui fuyaient la France pas forcement à cause du fisc, mais plutôt à cause d’une famille trop toxique, un passé lourd à porter. Je me suis dit que pour Jean, ce passé était tout trouvé : la vente de la maison familiale après la mort de son père.

© Éditions Delcourt, 2021 – Le cil vert

Plus qu’une autobiographie, il s’agit d’une autofiction finalement…

Sylvere. Oui, une autofiction, complètement. Je me rends compte qu’il faut que je demande à réécrire tous les dossiers de presse de mes dernières BD parce que je n’ai parlé que d’autobiographie, mais en fait j’ai négligé le coté fiction. Mes histoires sont le mélange d’un tiers de réalité, un tiers d’imaginaire et un tiers d’inconnu ou plutôt de  laisser jouer ensemble les personnages et de voir ce qui va en sortir. Quand je commence une BD, comme une journée d’ailleurs, je ne sais pas comment elle va finir. Des fois, on a vraiment envie de décoller de son lit et de dévorer le monde à pleine dent et parfois, c’est lundi matin et il pleut. Écrire, pour moi, c’est un peu pareil.

L’autodérision est permanente dans l’album, un moyen de prendre de la distance avec ton personnage et ton parcours ?

Sylvere. J’imagine que oui, ça m’aide. Et puis le deuil, la mort, la remise en question, les changements de vie ce n’est pas très vendeur. Je sais qu’on nous vend du divertissement à longueur de télé et que se marrer n’est pas suffisant pour se maintenir en vie mais parfois ça peut aider à faire passer la pilule surtout si le message est derrière. J’ai toujours peur d’être comme le vieux gars dans L’Étoile mystérieuse de Tintin qui au début de l’album tape dans une casserole en criant « c’est la fin du monde ». On vaut mieux que ça, je pense.

Tu vis depuis peu à Nantes avec ta nouvelle compagne, une Tchèque. Est-ce que cette nouvelle « vie toute tracée » dans une ville que tu découvres et apprécies je crois fera l’objet d’un prochain album ? 

Sylvere. J’écris toujours la suite de cette histoire. Alors oui, il y aurait potentiellement une suite ! Encore faut-il que je puisse trouver la vague dont je parlais tout à l’heure, mais j’y travaille ! Et je serai ravi de dessiner Nantes, y planter mes personnages, mais cette fois ils ne suivront certainement pas un fil rouge comme dans Une vie toute tracée, plutôt une ligne verte !

Propos recueillis par Eric Guillaud le 17 février 2021

Pour suivre Le Cil Vert c’est ici

18 Jan

Prix BD Fnac France Inter 2022. Rencontre avec Xavier Coste, auteur de la magnifique adaptation de 1984 chez Sarbacane

Il en rêvait depuis son adolescence, c’est fait ! Xavier Coste vient de sortir aux éditions Sarbacane une adaptation en bande dessinée de 1984, le roman culte de George Orwell, le tout avec le soutien indéfectible de son éditeur, les éloges de la presse spécialisée et l’engouement affiché du public. Comment vit-il ce moment forcément intense lui qui, il y a presque 10 ans, à l’occasion de son premier livre, nous confiait déjà ici-même son amour pour la science-fiction ? Réponse ici et maintenant…

Je t’avais interviewé en 2012 autour de ton premier album, une biographie romancée du peintre autrichien Egon Schiele. C’était d’ailleurs ta toute première interview je crois. Aujourd’hui, tu fais la couverture d’un magazine de référence comme dBD avec 10 pages d’interview. C’est le début de la consécration ? En quoi ton regard sur la BD a-t-il pu changer après toutes ces années ?

Xavier Coste. C’était ma première interview et je m’en souviens très bien. Aujourd’hui ce qu’il m’arrive avec la sortie de 1984 est incroyable ! Dès la sortie l’accueil en librairie et en presse a vraiment dépassé mes attentes. On a lancé la réimpression au bout de quelques jours seulement. Je savoure ma chance d’avoir un livre qui fonctionne aussi bien, d’autant que ça n’a pas toujours été le cas. A titre de comparaison, même si certains de mes albums se sont fait remarquer, surtout le premier sur Egon Schiele, la réimpression n’avait été faite qu’au bout de trois ans, pour le même tirage au départ. Ici c’est trois jours !

Clairement il se passe quelque chose, et j’espère que ça me permettra d’avoir une visibilité supplémentaire sur mes prochains albums. Quand j’ai commencé il y a une dizaine d’années, je pense qu’il y avait de la place pour plus d’auteurs, et c’est devenu très compliqué pour la majorité d’en vivre correctement ou de faire remarquer son travail, quel qu’en soit la qualité. En cela mon regard a changé sur la bd.

Je vois régulièrement de très bons livres passer assez inaperçu.

De l’ébauche à la page finale © Sarbacane / Coste

Sept albums en neuf ans si je compte bien. C’est beaucoup surtout quand on sait qu’un livre comme Rimbaud l’indésirable fait plus de 100 pages ou 1984 plus de 200. Il faut être audacieux aujourd’hui pour se faire une place dans le milieu de la BD ?

Xavier Coste. C’est beaucoup d’années de travail, et j’essaie pour chaque projet d’aller au bout de ma démarche, et de ne pas me limiter en termes de pagination. C’est compliqué de se faire une place aujourd’hui, car les livres ont une durée de vie de plus en plus courte en rayon, à moins de se faire remarquer dès la sortie. Avec les années, j’ai vu à quel point ça s’accélérait et c’est une chose avec laquelle j’ai du mal, car un album représente souvent un ou deux ans de travail. D’une certaine manière je pense qu’il faut être audacieux en bd aujourd’hui, car c’est difficile pour tous les auteurs, et à mon avis il faut vraiment tenter ce que l’on a envie de faire et se faire confiance.

J’essaie d’être le plus sincère possible dans mon travail. Quand j’ai commencé à travailler sur ma version de 1984, en format carré, avec un pop-up, beaucoup de gens du milieu me freinaient et me disaient que c’était une erreur et que ça pourrait même rebuter les lecteurs. L’accueil qu’on reçoit montre au contraire qu’il y a une vraie attente pour des livres différents et c’est un très bon signal. On est très fiers avec Sarbacane d’avoir sorti le livre qu’on rêvait de faire, sans compromis. C’était un vrai pari, car faire un pop-up coûte extrêmement cher, et nous nous sommes compliqués la tâche en faisant un pop-up difficile à réaliser.

L’éditeur m’a permis de faire le livre tel que je l’imaginais, et m’a même aidé à aller plus loin, car le pop-up réservé à la première édition est son idée. Je n’aurais même pas osé en rêver !

De l’ébauche à la page finale © Sarbacane / Coste

Est-ce que ce n’était pas un peu effrayant tout de même de partir sur l’adaptation d’un roman comme 1984, une référence en SF, une référence tout court ?

Xavier Coste. Cela fait 15 ans que ce projet m’obsède. J’ai découvert le roman d’Orwell quand j’étais adolescent et dès la première lecture j’ai eu envie de l’adapter en bande dessinée. Ça a toujours été une évidence pour moi, j’avais beaucoup d’images en tête pour l’adapter. De ce fait, d’une certaine manière je ne me suis pas posé de questions au départ, et j’avais l’énergie et la fougue de la jeunesse, j’étais guidé par mon instinct.

Pour des questions de droits je n’ai pas pu réaliser ce projet jusqu’à maintenant, et pendant longtemps j’ai cru que je ne pourrais pas le concrétiser. Ça restait un projet lointain dans ma tête, dont j’avais une idée assez précise et que je finissais par idéaliser. Quand le moment est enfin venu de me mettre à travailler dessus, et que je me suis retrouvé face à une page blanche, ça a été comme un saut dans le vide.

C’était clair pour moi : il fallait que je fasse cet album comme si c’était le dernier. J’ai mis tout ce que je pouvais dedans.

Page de garde © Sarbacane / Coste

Avec la crise sanitaire, les restrictions de mouvement, les obligations de distanciations sociales, certains évoquent à tort et à travers le retour de Big Brother. Qu’en penses-tu ? Comment as-tu vécu, comment vis-tu encore ces moments anxiogènes ?

Xavier Coste. J’ai mal vécu cela, j’avais l’impression d’être devenu fou et de vivre dans ma bande dessinée ! J’ai passé presque 3 ans à faire cette adaptation de 1984, et j’étais en plein bouclage quand le premier confinement a eu lieu. Ce qui me plait dans mon travail d’auteur de bande dessinée c’est justement d’échapper à l’actualité, et de créer ou de dessiner un monde qui n’a rien à voir avec notre quotidien.

Ces restrictions de liberté m’ont posé beaucoup de questions, et j’ai trouvé les attestations de déplacement tellement ubuesques que j’ai souhaité en intégrer une en page de titre, tant c’est le genre de détails crédibles dans le monde de 1984. Je regrette par contre que 1984 soit aujourd’hui sur-cité, parfois pour de mauvaises raisons, et cela peut être réducteur.

Il ne faut pas oublier que si 1984 dépeint à la perfection un pouvoir totalitaire et son fonctionnement, c’est aussi une histoire d’amour.

Recherche pour le pop-up © Sarbacane / Coste

Comment se remet-on au travail après un tel projet ? Sur quoi planches-tu aujourd’hui ?

Xavier Coste. Difficilement ! Lire 1984 est un uppercut, et ne laisse pas le lecteur indemne. Pour dessiner un livre, j’ai ce besoin de me plonger entièrement dans l’ambiance, sinon le dessin sonne faux, et autant vous dire qu’ici c’était assez lourd. Une fois que le livre a été achevé j’ai fait une grosse pause, qui était nécessaire, et j’ai bien cru que je n’arriverais plus à faire d’album tant j’y avais mis toute mon énergie. Mais aujourd’hui l’envie est là, plus que jamais avec l’accueil que mon livre reçoit ! Je travaille sur deux nouveaux projets de bande dessinée très différents, toujours chez Sarbacane, dont l’un avec Martin Trystram au scénario. J’espère arriver à surprendre le lecteur en proposant encore une histoire et un sujet bien différents ! Je suis content de travailler avec un éditeur qui me fait autant confiance et me laisse une liberté totale.

Merci Xavier, propos recueillis par Eric Guillaud le 17 janvier 2021

À lire aussi la chronique de l’album ici et la très bonne interview du magazine dBD dans le numéro 149 de décembre janvier 2020 2021

1984, de Xavier Coste. Sarbacane. 35€

16 Oct

Seul au monde : une bande dessinée sur le Vendée Globe 2016 de Sébastien Destremau

Seul au monde, face aux éléments, face à lui-même ! En 124 jours, Sébastien Destremau faisait son tour du monde en solitaire et sans escale. Des Sables-d’Olonne aux Sables-d’Olonne, plus de 20 000 milles entre les deux et un livre à l’arrivée, aujourd’hui adapté en BD par Serge Fino chez Glénat.

C’était en 2012 sur le ponton du Vendée Globe. Sébastien Destremau décidait de prendre le départ de la future édition. Lui, le néophyte de la course au large, de la navigation en solitaire, sans un sou, s’embarquait dans une aventure au longs cours dont il ne savait s’il verrait le bout.

Pourtant, quatre ans plus tard, en novembre 2016 le skipper toulonnais est bien sur le départ de la mythique course autour du monde à bord de son voilier FaceOcéan. Après 124 jours 12 heure 38 minutes et 18 secondes de navigation, de tempêtes, de pétoles, d’avaries, de joies et de frayeurs, Sébastien Destremau remonte le chenal des Sables-d’Olonne, 18e, bon dernier au classement, avec un titre, celui de coqueluche de la huitième édition. 

De cette aventure hors-norme, le skipper en tire un livre paru en juin 2017 chez Xo Editions, Seul au monde, 124 jours dans l’enfer du Vendée Globe. En 2019, Serge Fino lance une adaptation en bande dessinée, fidèle au roman, sensible et humaine. Le deuxième volet est sorti à quelques jours du départ de cette édition 2020.

L’Interview ici

28 Sep

Granit rouge, entre fiction et réflexion, la nouvelle BD du tandem mayennais Horellou – Le Lay

Faire de la bande dessinée, c’est bien. Faire de la bande dessinée avec du sens, c’est pas mal aussi. Alexis Horellou et Delphine Le Lay y sont particulièrement attentifs depuis toujours. Ils reviennent avec un nouvel album et un thème important en ces temps de Covid : le lien social. Interview…

Qu’ils s’adressent aux adultes ou aux enfants, en mode documentaire ou en mode fiction, le temps d’un one-shot ou d’une série, Alexis Horellou et Delphine Le Lay ont toujours affiché une identique volonté d’aborder dans leurs récits les grands sujets de société, en dénonçant ici le nucléaire ou la spéculation financière, en prônant là la solidarité, la décroissance, la consommation raisonnée ou le zéro déchet. 

La suite ici