12 Avr

Le coin des mangas : Chi mon chaton, Un Shiba en plus!, Globule, Polar bear in love, La Fille du temple aux chats, Une Drôle de famille, Candy & Gigarettes, Ranma 1/2, La lanterne de Nyx

Succès commercial oblige, Chi, le chaton imaginé par Konami Kanata, n’en finit plus de faire des petits. Après l’adaptation de ses aventures en roman, en manga grand format, en dessin animé 3D diffusé sur Piwi, Canal+ et Amazon Prime, le voici sous un nouveau format au sens de lecture européen, huit cases par page à lire de haut en bas. Rien de nouveau sous le soleil côté histoire, il s’agit toujours d’illustrer les pitreries du félin…. (Chi mon chaton, de Konami Kanata. Glénat. 10,75€)

Vous préférez les chiens aux chats ? J’ai ce qu’il vous faut. Il s’appelle Shibako, n’est pas réellement le chien idéal, il est même plutôt moche et n’arrive pas à trouver un maître. Alors, dans l’animalerie où il vit depuis des mois, on imagine un stratagème : l’offrir pour l’achat d’un adorable chiot. Et ça marche, une mamie finit par craquer et emmène les deux chiens pour le prix d’un… (Un shiba en plus!, de Mayumi Muroyama. Soleil Manga, 6,99€)

Et pourquoi pas un lapin ? Celui-cil ou plutôt celle-ci s’appelle Globule et vous la connaissez peut-être déjà. En 2015, le mangaka Mamemoyashi nous racontait son expérience de vie avec cet animal dans un one-shot vendu à plusieurs milliers d’exemplaires. Il y révélait les secrets les plus intimes sur la vie de ce lapin domestique et sur leur colocation dans l’appartement. Il revient avec Globule une vie de jeune lapin, où il raconte les premiers jours de son animal… (Globule une vie de jeune lapin, de Mamemoyashi. Soleil Manga. 6,99€)

Plus embarrassant qu’un chat, qu’un chien ou qu’un lapin, un ours. Bon, celui-ci ne vit pas dans l’appartement de son créateur, le mangaka Koromo. Il vit dans son milieu naturel, la banquise, où il tombe follement amoureux d’un jeune phoque. Oui, ça peut paraître étrange quand on connaît l’attirance du premier pour le second lorsqu’il s’agit de manger mais Koromo souhaite à travers cette histoire impossible lancer un message d’amour universel… (A Polar Bear love, de Koromo. Soleil Manga. 15€)

On change de style même si il est encore ici question de chats. Deuxième volet d’une série en six volumes, La Fille du temple aux chats raconte l’histoire de Gen, un jeune garçon qui visiblement ne supporte plus ses parents. « Du moment que c’était loin de mes vieux, j’étais prêt à vivre n’importe où », clame-t-il. Même dans la cambrousse la plus reculée, même dans un endroit vétuste. Et le voilà débarquant dans le temple où vit sa grand-mère mais aussi… surprise… une jeune-femme d’une vingtaine d’années, Chion, qu’il a connue enfant. De quoi rendre la campagne agréable à ce pur citadin… (La Fille du temple aux chats, de Makoto Ojiro. Soleil Manga. 7,99€)

Aucun animal en vue cette fois mais une drôle de famille, les Honda. Drôle ? Pas tant que ça en fait, plutôt une famille ordinaire, un couple et deux enfants, dont on suit le quotidien forcément mouvementé avec ses bons et moins bons moments. Après Un Drôle de père, la mangaka Yumi Unita explore ici dans une succession d’histoires courtes la vie d’une jeune-femme partagée entre sa vie professionnelle, sa vie de mère et sa vie amoureuse. un premier volume très réussi ! (Une Drôle de famille, de Yumi Unita. Delcourt Tonkam. 9,35€)

Avec sa misérable retraite de flic, Raizo ne peut déjà pas subvenir à ses besoins. Alors, lorsqu’il apprend la maladie de son petit-fils et les frais astronomiques nécessaires pour le soigner ou plus exactement le maintenir en vie, Raizo n’a pas le choix. Il doit trouver un job très rémunérateur. Et il le trouve grâce à une rencontre improbable avec la jeune Miharu, 11 ans, tueuse à gage au service d’une organisation secrète. Un changement de vie radical. (Candy & Cigarettes, de Tomonori Inoue. Casterman. 8,45€)

Et de huit pour Ranma 1/2, un manga signé Rumiko Takahashi publié chez Glénat dont les jeunes garçons raffolent. Au menu, une bonne dose d’histoires d’amour, des personnages qui se transforment en animaux au contact de l’eau et des arts martiaux à gogo. (Ranma 1/2 tome 7, de Rumiko Takahashi. Glénat. 10,75€)

On termine avec La Lanterne de Nyx et les aventures de Miyo, jeune orpheline qui n’a aucun talent, elle ne sait ni lire ni écrire, sauf celui de voir à qui a appartenu ou va appartenir un objet rien qu’en le touchant. Bon, sur le marché de l’emploi, ce n’est pas très vendeur mais Miyo finit par trouver un job chez Momotoshi, un marchand d’objets importés d’Europe. Il revient d’ailleurs tout juste de l’Exposition universelle de Paris. Nous sommes en 1878, la France rayonne et le Japon s’ouvre au monde après 200 années d’isolationnisme. Pour la petite Miyo, cette nouvelle vie qui commence l’emmènera jusqu’à Paris… Une série prévue en six tomes au graphisme de caractère. (la Lanterne de Nyx, de Kan Takahama. Glénat. 10,75€)

10 Avr

La citadelle écarlate, une autre vision de Conan le barbare, plus posée, plus grand public et plus controversée aussi

Des cinq volumes de la série d’adaptation par des auteurs français des aventures du héros emblématique de l’heroic fantasy crée en 1932 par le texan Robert E. Howard sortis en un an, ce dernier avatar est peut-être le plus curieux…

Déjà à cause de son parti-pris graphique qui ne plaira pas forcément aux fans les plus conservateurs du barbare. Et ensuite parce que cette histoire, parue à la base en 1933, ose prendre le contre-pied en montrant un Conan vieillissant qui a abandonné sa carrière de mercenaire pour monter sur le trône d’Aquilonie où il règne non pas comme un tyran mais comme un homme proche des aspirations de son peuple. Un Conan presque plus humain donc, bien que souffrant clairement sous le poids de ses responsabilités.

Après, chassez le naturel… Car La Citadelle écarlate est l’histoire d’une traîtrise, celle des nobles locaux qui n’ont jamais accepté que ce va-nu-pieds se retrouve sur le trône, quitte à s’allier avec leurs ennemis de toujours pour lui ravir la place. Inutile de dire que rien ne se passe comme prévu et que le Cimmérien aura sa vengeance.

Dans cette série plutôt réussie jusqu’à maintenant, La Citadelle écarlate est paradoxalement peut-être celui que l’on conseillera le plus aux néophytes. Parce que malgré sa couverture explicite et guerrière, le trait y est plus doux, plus coloré aussi, limite grand public. Les deux auteurs se sont d’ailleurs permis quelques libertés avec le texte original pour en aplanir les attributs les plus nihilistes et sauvages et ainsi faciliter la lecture pour les non-convertis.

Leur approche de l’univers d’Howard est moins rugueux et plus dans un moule heroic fantasy et médiéval classique. Et c’est justement pour les mêmes raisons qu’à l’inverse on suggéra aux gardiens du temple de faire l’impasse, surtout qu’eux ont eu droit aux cours des décennies à quantités d’adaptations devenues légendaires depuis, avec en tête de gondole celle réalisée par l’immense John Buscema pour Marvel dans les années 70. Même si la première édition a droit en bonus à un cahier explicatif de dix pages assez touffu qui permet judicieusement de donner pas mal de clefs de lecture et autres références cachés dans le texte. Il est temps de choisir ton camp camarade !

Olivier Badin

La Citadelle écarlate par Luc Brunschwig et Etienne Le Roux d’après l’oeuvre de Robert E. Howard, Glénat, 14,95 euros

@ Glénat / Brunschwig Leroux & Robert E. Howard

Sláine ou la version barbare, celtique et encore plus brute de Judge Dredd

Les éditions Delirium continuent leur travail de réhabilitation du bestiaire 2000 AD, mythique magazine de BD britannique qui avec son esprit frondeur et punk a foutu de grands coups de pieds dans la fourmilière dans les années 80. Cette fois-ci, c’est le barbare en exil Sláine qui fait à nouveau tourner sa hache ‘brise-cervelles’ !

Boulot d’autant plus salvateur que nombres des héros nés dans ses augustes pages – dont la tête de gondole reste l’impolitiquement correct Judge Dredd – ont eu droit à des traductions et parutions des plus erratiques au pays de Molière, les condamnant à moyen terme à l’oubli. Sláine Mac Roth a trop longtemps fait partie de ces infortunés, sorte de version hallucinatoire de Rahan nourri aux légendes celtiques qui voit ici ses premières aventures sorties à la base en 1983 et 1984, réunies dans l’ordre chronologique s’il-vous-plait.

Un premier tome tout en noir et blanc qui est un parfait résumé de toute la bizarrerie de cette série un peu hors de commun. Déjà, même si au scénario et au concept on retrouve à chaque fois Pat Mills (le fondateur de 2000 AD) ce qui permet au tout de garder une vraie cohérence, on a par contre droit à pas moins de trois dessinateurs différents, chacun avec leur style propre.

Si par exemple la première à lui donner un visage (Angie Kincaid) a un style heroic fantasy faussement naïf qui rappelleront aux fans les illustrations de la version d’origine du jeu de rôle Donjons et Dragons, Massimo Belardinelli, qui lui succède, a lui un trait à la fois plus détaillé et figé. Or à l’inverse, le dernier artiste du lot Mike McMahon (Judge Dredd) a un trait presque cyberpunk et déjanté.

Chacun donne donc sa ‘patte’ propre à Sláine et son compagnon souffre-douleur Ukko, deux personnages assez contradictoires car pas trop du genre héroïques. Sláine est même un barbare dans le sens propre du terme qui n’aime rien de plus que de réduire en hachis-Parmentier ceux qui oseraient se mettre en travers de son chemin. Surtout lorsqu’il est pris d’une sorte de frénésie sanguinaire, il devient alors ‘distordu’, qui le transforme en créature de cauchemar qui ne fait aucun quartier.

D’ailleurs, le contraste entre cette incarnation d’une force brute absolue pas ‘entachée’ par les idéaux d’une société dite civilisée et le cadre très documenté car bourré de références lettrées aux légendes celtiques est d’abord assez désarçonnant, même si c’est ce qui fait au bout le charme de ce anti-héros qui découpe d’abord et réfléchit ensuite. Un peu comme son lointain cousin Judge Dredd et un (autre) bon résumé de l’esprit frondeur 2000 AD en somme.

Olivier Badin

Sláine, L’aube du Guerrier, par Pat Mills, Mike McMahon, Massimo Belardinelli et Angie Kincaid, éditions Delirium, 27€

@ Delirium / Pat Mills, Mike McMahon, Massimo Belardinelli et Angie Kincaid

 

07 Avr

Quand Sergio Aragonès explose Star Wars

Après avoir dans le même esprit détruit les éditions Marvel et DC, Sergio Aragonès s’attaque cette fois au mythe cinématographique Star Wars. Et forcément ça fait des dégâts…

Etrange récit que celui-ci. Les auteurs Sergio Aragonès et Mark Evanier s’y mettent en scène pendant une visite des studios Lucas, là même où sont pensés et fabriqués les films de la fameuse saga Star Wars.

Mais tout déraille lorsque Sergio est propulsé par on ne sait quelle loufoquerie dans un des films de la série et se retrouve aux côtés de Pincesse Leia ou Luke Skywalker. Mieux encore, Sergio embarque à bord d’un X-Wing qu’il finit par mettre en pièces. Explosé.

En plus du récit de cette visite, l’album réunit deux histoires issues de la série Star Wars Tales, mettant en scène cette fois les droïdes R2-D2 et C-3PO, Le Droïde-Poubelle et Pièces détachées.

Une petite curiosité signée par l’un des plus grands auteurs de la BD d’humour et l’un des piliers du magazine américain Mad.

Eric Guillaud

Sergio Aragonès explose Star Wars, de Aragonès et Evarnier. Delcourt. 9,95€

06 Avr

Marie-Lune, Dans les Yeux de Lya, Les Mythics, Kid Noize, Rose, Brindille, L’Ours Barnabé, Léa, Animal Jack, Alix, Six-coups, Walter Appleduck… Une sélection de BD jeunesse pour les vacances de printemps

De l’action de l’humour, du poétique, de l’énigmatique et du fantastique, douze albums à potasser pendant les vacances. Interro à la rentrée…

On la dit star des ados. C’est vrai qu’elle a tout pour leur plaire, à commencer par ses cheveux roses et son addiction démesurée pour le shopping. Mais les temps sont durs. Son père est au chômage et Marie-Lune doit accepter de travailler comme employée de maison pour une richissime héritière qui se révèle être… sa meilleure amie, Anne-So. Alors forcément, ça tourne vite au concours de petites pestes. Et à ce jeu là, elles sont souvent ex æquo. Drôle et frais ! (Marie-Lune tome 10. Vents d’Ouest. 10,50€)

Prenez Patrick Sobral, auteur des Légendaires, plus de six millions d’exemplaires vendus, ajoutez Patricia Lyfoung, auteure de La Rose écarlate, plus d’un million d’exemplaires, complétez avec Philippe Ogaki, qui s’est fait connaître du grand public en adaptant la trilogie de Pierre Bordage Les Guerriers du silence en compagnie d’Algésiras et vous obtiendrez Les Mythics, une série qui met en scène six héros en lutte contre le mal à travers le monde. Après Yuko au Japon, Parvati en Inde, Amir en Egypte, Abigail en Allemagne, Miguel au Brésil, voici Neo en Grèce. Et la boucle est bouclée, la série terminée ! En cadeau, un grand poster… (Les Mythics tome 6, de Sobral, Lyfoung, Ogaki. Delcourt. 10,95€)

Et hop, une nouvelle série chez Dupuis avec pour personnage principal une jeune héroïne, Lya Berton, embauchée pour un stage dans un cabinet d’avocats. On comprend au fil des pages que Lya, handicapée à la suite d’un accident de la circulation, n’est pas une stagiaire ordinaire et n’a pas choisi son lieu de stage par hasard. Le cabinet a défendu le chauffard qui l’a écrasée. Lya n’a qu’un objectif : dénicher le dossier 2015/78 DV, le sien, enfin surtout celui de l’homme qui la laissée pour morte au bord de la route. Ses propres parents lui ont caché son nom. Elle est bien décidée aujourd’hui à le faire payer. Beau dessin, belle histoire, c’est tout bon ! (Dans les yeux de Lya, tome 1, de Carbone et Cunha. Dupuis. 12,50€)

Deuxième nouvelle série chez Dupuis lancée au début de l’année, il s’agit de Kid Noize signée Otocto, Kid Toussaint et… Kid Noize him-self, célèbre Dj et compositeur electro-pop belge. C’est l’univers de ce musicien qui ne se sépare jamais de son masque de singe qui est ici illustré… Un univers fantastique dans lequel Kid Noize tient le rôle d’un livreur de boîtes qui rêve de devenir Dj. Son credo : « Ne perdez pas vos rêves de vue! »… On est d’accord ! (Kid Noise tome 1, de Otocto, Kid Toussaint et Kid Noize. Dupuis. 19,90€)

Deux séries qui commencent, une qui s’achève, il s’agit de Rose. Le troisième volet sorti en janvier nous permet de retrouver notre jeune héroïne toujours plongée dans une enquête sur la mort mystérieuse de son père, tué d’une balle dans la tête, aidée dans sa mission par un étrange pouvoir. Rose peut en effet sortir de son corps, être le spectateur de sa propre vie, traverser les murs, être transparente. Un récit fantastique, surprenant tant par son scénario que par son approche graphique ! (Rose tome 3, de Vernay, Albert et Lapière. Dupuis. 12,50€)

Mais qui est donc cette Brindille ? Une fée ? Une sorcière ? Et d’où vient-elle ? Pour quoi faire ? Autant de questions qui devraient trouver enfin réponses dans ce deuxième et ultime volet paru récemment aux éditions Vents d’Ouest. Frédéric Brrémaud au scénario et Federico Bertolucci au dessin, auteurs par ailleurs de la série Love (Ankama Éditions), nous envoutent totalement avec cette histoire aussi poétique que féérique. Les personnages, le bestiaire, les atmosphères, les couleurs, le graphisme…, tout est très réussi. Chaudement recommandé ! (Brindille tome 2, de Brrémaud et Bertolucci. Vents d’Ouest. 17,50€)

Près de 40 ans d’existence, 19 albums et 900 gags au compteur, des prix en pagaille, des dizaines de milliers d’exemplaires vendus en Chine, oui en Chine, une belle reconnaissance aux États-Unis, et le revoici fidèle à lui-même, un ours mais pas ours pour un sou, un ours poétique et philosophique qui voit la vie comme on ne l’aurait peut-être jamais vue, avec douceur et drôlerie. Pour ce nouvel album, le mot d’ordre est simple : Vive la nature ! À envoyer à Trump? (L’ours Barnabé tome 19, de Philippe Coudray. La Boîte à bulle. 9,50€)

Vous allez me dire en voyant la couverture de ce deuxième album des Enigmes de Léa que c’est girly à souhait. Et vous aurez entièrement raison. C’est très coloré et très mode, avec une jeune héroïne pétillante mais surtout perspicace. Il n’y en pas deux comme elle pour résoudre des énigmes. Et ça tombe plutôt bien, cet album en est rempli, une par page. Pas de souci pour Léa. Et pour vous ? Parviendrez-vous à les résoudre ? Pour les moins doués, les solutions sont notées en bas de page. (Les énigmes de Léa Tome 2, de Larbier et Nouveau. Bamboo Editions. 10,95€)

C’est un drôle d’animal ce Jack. Tantôt ours, tantôt paresseux, tantôt caméléon, tantôt escargot, le jeune héros de cette aventure possède l’extraordinaire faculté de se transformer au grès des contextes et des humeurs. Un super-pouvoir surprenant et qui se révélera bien utile lorsque tous ses camarades de classe disparaitront aussi subitement qu’étrangement. On pense dans un premier à une épidémie de grippe mais non. Unique rescapé, Jack va devoir résoudre l’énigme…   (Animal Jack tome 1, de Kid Toussaint et Miss Prickly. Dupuis. 9,90€)

Inutile d’avoir fait un master en neuvième art pour connaître Alix le célèbre personnage de Jacques Martin dont les aventures nous entraînent depuis 1948 à travers la Rome antique. Dans un style graphique très différent, voici aujourd’hui le premier volet d’Alix origines,  une série dessinée par Laurent Libessart et scénarisée par Marc Bourgne. Elle raconte la jeunesse du héros avec le même souci pédagogique. D’ailleurs, un cahier d’une dizaine de pages présente le contexte de cette nouvelle aventure. (Alix origines tome 1, de Martin, Libessart, Bourgne. Casterman. 11,95€)

Les chiens ne font pas des chats. Enfin théoriquement. Parce que dans la pratique, les choses peuvent être très différentes. Regardez Eliot. Ce fils de shérif devrait être un amoureux des armes. D’ailleurs, son père vient de lui offrir un fabuleux Smoothie-Wesson pour ses dix ans. Il a même fait graver son prénom sur la crosse. Sauf que Eliot, les flingues, ça le dépasse un peu, ça lui fout même la trouille… Le ton est donné dès les premières pages, Six-coups nous embarque dans un Far West parodique où l’on s’amuse et réfléchit… (Six coups tome 1, de Jérôme et Anne-Claire Jouvray. Dupuis. 10,95€)

On reste et ont termine dans le western humoristique avec le premier volet de cette série réalisée par Fabrice Erre et Fabcaro, l’auteur du fameux Zaï Zaï Zaï Zaï. Héros ou plus exactement anti-héros, Walter Appleduck, étudiant en master cowboy, débarque à Dirty Old Town pour un stage d’un mois auprès du shérif. Mais ici les cowboys ne tirent pas vraiment plus vite que leur ombre et les méchants sont surtout des gros crétins, bref Walter Appleduck réécrit l’histoire en dynamitant les codes du western et ça fait du bien… (Walter Appleduck tome 1, de Fabrice Erre et Fabcaro. Dupuis. 12,50€)

Eric Guillaud

03 Avr

Tout va bien : un parcours de l’intime signé Charlie Genmor

On n’a pas tous les jours 20 ans. Et pour Ellie, c’est plutôt une bonne nouvelle. Confrontée à sa première histoire d’amour, la jeune-femme voudrait que tout aille bien, dans son corps comme dans son esprit. Mais ce n’est pas vraiment le cas, les interrogations sont nombreuses, les émotions se bousculent, de quoi lui donner des envies de vieillir. Tout va bien raconte son parcours intime au milieu de l’amour, une histoire vraie, l’histoire de Charlie Genmor alias Anna Lkiss…

Vous connaissez la méthode Coué, l’autosuggestion par la répétition de phrases positives et motivantes ? C’est un peu ça l’album de Charlie Genmor, tout au moins dans le titre. Parce que pour le reste, dès le dessin de couverture, on comprend que tout ne va pas si bien que ça pour la protagoniste, on la voit surtout sombrer dans les profondeurs de son âme.

« On sourit, on souffle et puis on a 20 ans ». Ellie déteste les anniversaires. Aussi loin qu’elle s’en souvienne, elle a toujours pleuré ces jours-là. Aujourd’hui aussi, elle pleure. De ne jamais être tombée amoureuse, de n’avoir jamais senti d’attirance pour quelqu’un, d’avoir toujours repoussé les éventuels prétendants. Elle pleure et elle déprime. Une dépression chronique. Même l’arrivée d’Archimède dans sa vie ne parvient à soigner ses blessures.

Archimède est pourtant le genre de garçon plutôt gentil, attentif, patient. Avec lui, Ellie voudrait être normale, l’embrasser, faire l’amour, comme font tous les amoureux du monde. Mais quelque chose ne tourne pas rond. Chaque approche physique se termine par une crise d’angoisse. Ellie ne serait pas faite pour l’amour ?

Ellie, c’est Charlie Genmor, une personne non binaire, c’est à dire une personne qui ne se sent ni homme, ni femme. Avant de s’appeler Charlie Genmor, l’auteur de ce récit autobiographique s’appelait Anna Lkiss. C’est sous cette dernière identité qu’il a commencé le livre, c’est sous une identité masculine qu’il vit aujourd’huiDans Tout va bien, il raconte son histoire d’amour peu ordinaire avec Archimède.

Il raconte surtout avec beaucoup de finesse sa dépression chronique et ce malaise permanent qui l’empêche de vivre pleinement sa vie de jeune-fille. Il raconte son parcours intime peut-être pour se comprendre, mieux se connaître, mais surtout pour faire « du bien aux gens », c’est ce qu’il fait dire en tout cas à son personnage, « c’est probablement le genre d’histoire que j’aurais voulu lire étant plus jeune. ». Ça lui aurait sans doute ouvert les yeux sur le fait qu’il était non binaire. Mais attention, Tout va bien n’aborde pas cette thématique, tout simplement parce que Charlie Genmor n’avait pas conscience à l’époque de cette histoire d’amour qu’il était une personne transgenre.

Reste que Tout va bien aborde quantité de sujets intimes avec beaucoup d’intelligence, de finesse et de sensibilité. Et que dire du graphisme ? Sobre, fin et efficace, il trouve toute sa puissance émotionnelle dans un camaïeu de bleu soigné.

Eric Guillaud

Tout va bien, de Charlie Genmor. Delcourt. 18,95€

30 Mar

Les Nuisibles : le regard ultra-sensible de Piero Macola sur notre monde impitoyable

Piero Macola aime poser son regard sur le monde en empruntant indifféremment le registre de la fiction ou du documentaire. Après Aller simple, Le Tirailleur ou encore Kérosène, il revient avec Les Nuisibles chez Futuropolis, l’histoire de deux personnages qui vivent à la marge et, pour des raisons différentes, essaient de se rendre le plus transparent possible. De quoi les prendre un peu trop rapidement pour des nuisibles…

L’histoire que nous raconte Piero Macola se déroule de nos jours en Italie, dans la plaine du Pô précisément. Mais elle pourrait être très facilement transposée dans n’importe quel coin du monde tant son propos est universel. Reste que les paysages, le fleuve notamment, le brouillard très présent dans cette région, sont importants pour le récit et peut-être plus encore pour l’auteur, qui touche ici du doigt ses racines familiales.

Au centre du récit, Anton et Bruno, aucun point commun entre les deux personnages, le premier est un émigré de fraîche date prêt à travailler dans les pires conditions pour gagner une misère et espérer rejoindre un jour ce qu’il croit être le paradis sur Terre : la Suède. Le deuxième est un jeune Italien qui vit à la marge, il est gardien de péage sur un pont et file un coup de main à Maria, une vielle femme dont le mari vient de mourir.

Aucun point commun entre les deux je vous disais, aucun sauf… la peur, un sentiment dont l’auteur avait ici envie de parler, une peur inconsciente pour Bruno qui remonte à son enfance et à une mauvaise rencontre, une peur plus concrète pour Anton qui travaille au black sur les chantiers jusqu’au jour où il fait une chute et se retrouve coincé dans un lit, caché de tous par ses employeurs indélicats.

Les Nuisibles, c’est l’histoire d’un croisement entre deux trajectoires obliques, celles de deux hommes qui ne trouvent pas vraiment leur place, des êtres invisibles aux yeux des autres, oui invisibles mais en aucun cas nuisibles. Pour Piero Macola, les nuisibles sont ailleurs, plutôt parmi ces profiteurs de la misère, chefs de chantier ou promoteurs immobiliers peu scrupuleux et cruels.

Pour raconter cette histoire, Piero Macola a choisi d’utiliser des crayons de couleur qui lui ont permis de travailler les lumières, les couleurs, les teintes et de nous offrir de superbes atmosphères, notamment autour de ce fleuve. Gros coup de cœur !

Eric Guillaud

Les Nuisibles, de Piero Macola. Futuropolis. 20€

28 Mar

Lucien et les mystérieux phénomènes : une fiction pour imaginer la vie autrement signée Delphine le Lay et Alexis Horellou

Changer nos habitudes, consommer autrement, viser le zéro déchet, respecter la nature… Impossible ? Pour Delphine le Lay et Alexis Horellou, c’est au contraire possible et même aujourd’hui nécessaire. Leur nouvel album, Lucien et les Mystérieux phénomènes paru chez Casterman, est en tout cas fait pour éveiller les consciences des plus jeunes. Un bon début…

Ces deux-là nous ont habitué à avoir des choses à dire. Qu’ils utilisent le mode documentaire avec Plogoff et Cent Maisons ou le mode fiction avec Ralentir et aujourd’hui Lucien et les Mystérieux phénomènes, c’est toujours avec un objectif bien précis : nous faire savoir qu’un autre monde est possible et que tout ça dépend de nous.

Alors, allez-vous me dire, ils vont nous faire la morale, pire encore nous faire culpabiliser. Mais non !  Delphine et Alexis savent très bien que ça ne sert à rien, mieux vaut y aller par petites touches, en explorant et proposant des pistes, en les mettant en scène dans des histoires comme celle-ci.

« Vivre autrement demande de faire des efforts… », nous déclaraient Delphine et Alexis en 2017 au moment de la sortie de Ralentir. « Or rien ne nous incite à en faire. Tout nous maintient dans la recherche du confort matériel et donc de la sécurité financière. L’argent est un fléau. Nous détruisons tout pour lui. Et c’est quelque chose de si puissant, que nous ne reviendrons jamais en arrière (sauf quelques uns). Donc, un jour, il n’y aura plus d’internet, de réseaux sociaux et d’info en temps réel. Ce jour-là, il faudra réapprendre tout ce qu’on a perdu. Et si on arrive à ne pas s’entretuer, peut-être que ceux qui auront fait le choix de vivre autrement pourront filer quelques coups de mains… »

Avec Lucien et les Mystérieux phénomènes, Alexis et Delphine nous parlent une nouvelle fois de décroissance, de consommation raisonnée, de zéro déchet, à travers l’histoire d’un gamin, Lucien, citadin fraîchement débarqué dans un petit village avec ses parents.

Ce qui commence comme le récit d’un retour à la campagne prend des allures de récit fantastique avec la découverte d’un château qu’on dit hanté.

En guise de fantôme, Lucien y rencontre un homme qui a décidé de vivre autrement, de se retirer du monde et de vivre en autosuffisance. Son nom ? H. Price. Oui comme le chasseur de fantômes Harry Price. Sauf que lui se prénomme Honoré.  A son contact, Lucien découvre une nouvelle vision de la vie…

Comme toujours avec notre tandem mayennais, l’album allie un graphisme très agréable, avec des influences Art nouveau dans la mise en page, et un scénario intelligent qui pousse à la réflexion. Mission remplie !

Eric Guillaud

L’empreinte de H. Price, Lucien et les Mystérieux phénomènes (tome 1), de Delphine Le Lay et Alexis Horellou. Casterman. 16€ (sortie de l’album le 3 avril)

@ Casterman / Le Lay & Horellou

25 Mar

L’anxiété, quelle chose étrange : Steve Haines et Sophie Standing explorent une émotion complexe

On la présente souvent comme le nouveau mal du siècle, elle touche chacun de nous à des degrés plus ou moins élevés, l’anxiété est au coeur de cet ouvrage, un précis de vulgarisation en bande dessinée signé par deux Anglais, le chiropracteur Steve Haines et l’illustratrice Sophie Standing…

L’anxiété ne connaît pas la crise ni les frontières. Ses causes, ses conséquences, sont les mêmes que vous soyez anglais ou français, américains ou chinois. Et chacun de nous y est confronté, elle serait d’ailleurs nécessaire à petite dose nous apprend ce livre pour avancer, faire, sans verser dans l’excès de confiance. Seuls les psychopathes en seraient dépourvus.

Paru dans la même collection que La Douleur et bientôt Le TraumaL’Anxiété, quelle chose étrange se donne pour objectif d’expliquer de façon simple une émotion pour le moins complexe qui peut avoir des origines très diverses.

« Ne tombez pas dans le piège qui consiste à penser que l’anxiété est simplement dans votre tête », explique Steve Haines. De mauvaises habitudes alimentaires, la pression à la maison, au travail, dans le cercle d’amis, une douleur persistante, un traumatisme remontant à l’enfance… peuvent être autant de déclencheurs de l’anxiété.

Mais Steve Haines, avec un langage adapté, et Sophie Standing, avec un dessin stylisé et des astuces narratives, ne s’en tiennent pas à énumérer les causes et les symptômes, ils essaient de nous donner les clés nécessaires à la compréhension du phénomène et des pistes d’action, des outils, pour la combattre. Bien utile en ces temps vécus par beaucoup comme anxiogènes !

Eric Guillaud

L’Anxiété, quelle chose étrange, de Steve Haines et Sophie Standing. Ça et là. 12€

24 Mar

Les Clés de la bande dessinée : une grande leçon de graphisme et de narration signée Will Eisner

Inutile de le présenter, Will Eisner est l’une des grandes figures de la bande dessinée mondiale, un raconteur exceptionnel, un dessinateur hors pairs, qui contribua à révolutionner le genre et modifier profondément et durablement le regard de tout un chacun sur un art jugé très longtemps mineur…

C’est une somme, plus de 500 pages abondamment illustrées, une référence sur la théorie et la mécanique de la bande dessinée publiée à partir de 1985 et régulièrement mise à jour par l’auteur lui-même, jusqu’à sa mort en 2005. Aux États-Unis, on ne compte plus le nombre de réimpressions, en France, les ouvrages ont été publiés en trois volumes entre 2009 et 2011 avant de se trouver judicieusement réunis dans cette intégrale.

À qui s’adresse ce livre ? À tous, aux professionnels du neuvième art bien sûr, mais aussi aux autres, fans inconditionnels du genre, amateurs de belles histoires, critiques… En vrac, on y apprend la gestion du temps, le cadre, l’anatomie expressive, l’art séquentiel et ses applications, l’histoire de la narration, le processus d’écriture, la mécanique humaine, les muscles, la tête, les émotions humaines… bref tout ce qui est nécessaire pour raconter une histoire en images.

L’approche est sérieuse mais jamais ennuyeuse, chaque propos s’appuyant sur des exemples, des illustrations signées Eisner mais pas que. Cette intégrale s’inscrit dans le programme d’intégrales consacrées aux plus grandes oeuvres de Will Eisner, telles que New York Trilogie, publiée fin 2018, Un pacte avec Dieu qui le sera fin 2019.

Eric Guillaud

Les Clés de la bande dessinée, de Will Eisner. Delcourt. 39,95€