On n’a pas tous les jours 20 ans. Et pour Ellie, c’est plutôt une bonne nouvelle. Confrontée à sa première histoire d’amour, la jeune-femme voudrait que tout aille bien, dans son corps comme dans son esprit. Mais ce n’est pas vraiment le cas, les interrogations sont nombreuses, les émotions se bousculent, de quoi lui donner des envies de vieillir. Tout va bien raconte son parcours intime au milieu de l’amour, une histoire vraie, l’histoire de Charlie Genmor alias Anna Lkiss…
Vous connaissez la méthode Coué, l’autosuggestion par la répétition de phrases positives et motivantes ? C’est un peu ça l’album de Charlie Genmor, tout au moins dans le titre. Parce que pour le reste, dès le dessin de couverture, on comprend que tout ne va pas si bien que ça pour la protagoniste, on la voit surtout sombrer dans les profondeurs de son âme.
« On sourit, on souffle et puis on a 20 ans ». Ellie déteste les anniversaires. Aussi loin qu’elle s’en souvienne, elle a toujours pleuré ces jours-là. Aujourd’hui aussi, elle pleure. De ne jamais être tombée amoureuse, de n’avoir jamais senti d’attirance pour quelqu’un, d’avoir toujours repoussé les éventuels prétendants. Elle pleure et elle déprime. Une dépression chronique. Même l’arrivée d’Archimède dans sa vie ne parvient à soigner ses blessures.
Archimède est pourtant le genre de garçon plutôt gentil, attentif, patient. Avec lui, Ellie voudrait être normale, l’embrasser, faire l’amour, comme font tous les amoureux du monde. Mais quelque chose ne tourne pas rond. Chaque approche physique se termine par une crise d’angoisse. Ellie ne serait pas faite pour l’amour ?
Ellie, c’est Charlie Genmor, une personne non binaire, c’est à dire une personne qui ne se sent ni homme, ni femme. Avant de s’appeler Charlie Genmor, l’auteur de ce récit autobiographique s’appelait Anna Lkiss. C’est sous cette dernière identité qu’il a commencé le livre, c’est sous une identité masculine qu’il vit aujourd’hui. Dans Tout va bien, il raconte son histoire d’amour peu ordinaire avec Archimède.
Il raconte surtout avec beaucoup de finesse sa dépression chronique et ce malaise permanent qui l’empêche de vivre pleinement sa vie de jeune-fille. Il raconte son parcours intime peut-être pour se comprendre, mieux se connaître, mais surtout pour faire « du bien aux gens », c’est ce qu’il fait dire en tout cas à son personnage, « c’est probablement le genre d’histoire que j’aurais voulu lire étant plus jeune. ». Ça lui aurait sans doute ouvert les yeux sur le fait qu’il était non binaire. Mais attention, Tout va bien n’aborde pas cette thématique, tout simplement parce que Charlie Genmor n’avait pas conscience à l’époque de cette histoire d’amour qu’il était une personne transgenre.
Reste que Tout va bien aborde quantité de sujets intimes avec beaucoup d’intelligence, de finesse et de sensibilité. Et que dire du graphisme ? Sobre, fin et efficace, il trouve toute sa puissance émotionnelle dans un camaïeu de bleu soigné.
Eric Guillaud
Tout va bien, de Charlie Genmor. Delcourt. 18,95€