09 Nov

Adamson (tomes 1 et 2), de Pierre Veys et Carlos Puerta. Editions Delcourt. 13,95 euros le volume.

  

       

     

     

    

    

    

    

    

    

    

    

Londres, 1913.  Alors que le monde entier à les yeux rivés sur l’Autriche et l’Alllemagne et que chacun se prépare à entrer en guerre, l’explorateur Sir Henry Adamson est contacté par le gouvernement britanique désireux de lui confier une mission particulière. Très particulière et hautement confidentielle, bien qu’elle n’ait absolument rien à voir avec le conflit qui se profile sur le continent. Non, Sir Henry Adamson est chargé de monter en urgence une expédition afin de retrouver et tenter d’expliquer un phénomène étrange découvert en mer par les marins de deux morutiers anglais. Et cette découverte serait une porte, une porte vers une autre dimension, un autre monde. Le gouvernement y voit là, la plus fabuleuse découverte depuis les débuts de l’humanité. Adamson, lui, qui pensait mettre fin à ses jours il y a encore quelques temps, y voit enfin l’accomplissement de sa destinée, peut-être la plus grande aventure de sa carrière. De quoi enthousiasmer l’homme qui a en a pourtant vu beaucoup mais qui ne peut cette fois imaginer ce qui l’attend…

Une surprise. Une très belle surprise même ! En quelques lignes, en quelques traits, le scénariste Pierre Veys et le dessinateur Carlos Puerta parviennent à planter le décor de cette nouvelle série et à capter illico l’attention de tout lecteur normalement constitué. Adamson est un récit qui surprend. Qui surprend d’abord par son graphisme, ses couleurs et ses atmosphères. L’Espagnol Carlos Puerta, auteur précédemment de La Maison de Pollack Street (éd. Arko) et de El Perdicion (éd. Caravelle) en est le responsable direct et bienheureux. Qui surprend aussi par son scénario, original, bien ficelé et  alliant avec succès - ce n’est pas toujours le cas - l’aventure, la science fiction et le fantastique. Pour cette partie du travail, c’est Pierre Veys qui s’y est collé, un auteur plus connu jusqu’ici pour ses récits humoristiques tels que Baker street (éd Delcourt), Philipp et Francis (éd. Dargaud) ou plus récemment l’adaptation de Bienvenue chez les Ch’tis (éd. Delcourt). A noter que les tomes 1 et 2 sortent simultanément. Vraiment remarquable ! E.G.

Déni de fuite, Jérôme K. Jérôme Bloche (tome 21), de Dodier. Editions Dupuis. 10,40 euros.

  

Cette affaire là, Jérôme K. Jérôme Bloche n’a pas eu besoin d’aller bien loin pour la trouver. Tout simplement devant son bureau, sur le palier pour être tout à fait précis. C’est là, un matin, qu’il découvre une gamine de 3 ans, seule, un peu perdue, réclamant son papa qui se serait, d’après elle, absenté pour acheter du lait. Mais depuis, plus rien ! Volatilisé le papa. Alors, Jérôme, en bon professionnel, enfile aussitôt sa casquette de détective, ou plus précisément son chapeau mou à la Maigret, et part à la recherche de ce papa dont il retrouve très rapidement la trace. Enfin, une trace… sur la chaussée ! L’homme a été renversé par un chauffard qui s’est bien évidemment envolé. Le papa bien amoché est à l’hôpital. Pour Jérôme K. Jérôme Bloche commence une autre mission : retrouver le fameux conducteur…

Un scénario en forme d’énigme, une narration simple et efficace, un héros égal à lui-même, coiffé de son feutre, engoncé dans son vieil imperméable à la Columbo et à califourchon sur son solex, des personnages secondaires attachants, un graphisme toujours aussi élégant… Le nouveau Jérôme K. Jérôme Bloche est sorti et bien entendu, c’est un bonheur ! Un vrai et grand bonheur. Depuis son apparition dans les pages du supplément Spirou Album + en 1982, ce héros, ou plus exactement cet anti-héros, a imposé un nouveau style de détective privé, plus humain, plus sensible, plus proche du commun des mortels. Un peu à l’image de son auteur, le Dunkerquois Alain Dodier. 27 ans, 21 albums, des centaines de pages… Jérôme K. Jérôme Bloche est aujourd’hui beaucoup plus qu’un personnage ou qu’une série. C’est un univers, une griffe, une façon de concevoir le Neuvième art. Et cette façon là, nous, on aime et on en redemande ! E.G.

L’info en +

Rendez-vous sur le site Culturebox pour visionner un reportage passionnant des équipes de France3 sur Alain Dodier et son dernier album Déni de fuite : c’est ici : culturebox.france3.fr/all…

J’ai le cerveau sens dessus dessous, de David Heatley. Editions Delcourt. 32,50 euros.

  C’est un ouvrage particulier. Très particulier ! Et en même temps très intéressant. J’ai le cerveau sens dessus dessous fait en effet partie de ces albums qui  ne peuvent faire l’unanimité mais qui, quelque part, font avancer la bande dessinée. David Heatley, son auteur, est présenté comme le petit dernier de la nouvelle génération d’auteurs américains de graphic novels. Les célèbres Chris Ware (Jimmy Corrigan, éd. Delcourt) et Daniel Clowes (Ghost World chez Vertige Graphic, Caricature chez Rackham, David Boring chez Cornélius…) en ont fait, dit-on, leur petit protégé. On ne peut rêver mieux comme parrains ! Inconnu en France jusqu’à ce jour, il débarque avec un album – son premier – en forme d’autobiographie sexuelle. Et l’Américain Joe Matt, pourtant spécialiste en la matière (Le Pauvre type chez Delcourt, Epuisé et Strip-tease au Seuil…), pourrait bien passer pour un petit rigolo. En effet, si celui-ci ne nous cachait déjà pas grand chose de sa vie intime, de sa sexualité, de son addiction à la pornographie, de ses relations tumultueuses avec les filles, David Heatley va encore plus loin, n’hésitant pas à aborder la sexualité intime dès l’enfance. C’est direct, parfois cru, voire dérangeant, mais aussi émouvant lorsqu’il parle de sa famille, de son père et de sa mère. Si son trait relativement brut n’a rien à voir avec celui de Chris Ware, David Heatley explore lui aussi les formes narratives, passant de planches plutôt classiques avec une dizaine de vignettes à des planches contenant 48 vignettes, alternant les planches en couleur et celles en noir et blanc, insérant ici ou là des morceaux de textes…. Publié dans la collection Outsider, J’ai le cerveau sens dessus dessous a nécessité un travail éditorial et de fabrication exceptionnel à l’équipe Delcourt afin que l’édition française respecte scrupuleusement l’édition américaine. Mission réussie, l’album est magnifique ! E.G.

Marilyn, de l’autre côté du miroir, de Christian de Metter. Editions Casterman. 18 euros.

  Norman a encore une fois oublié l’anniversaire de sa mère ! De quoi rendre furieux son frère qui lui demande dès le lendemain des explications. « C’est quoi ce coup-ci ? », lui hurle-t-il au téléphone, « t’as passé la nuit avec Marilyn Monroe ? ». Il ne croit pas si bien dire car même si Norman lui-même ne le sait pas encore, il a effectivement passé la nuit avec Marilyn Monroe… et avec Truman Capote. Lui, le jeune homme si ordinaire, si timide, si rêveur, qui souhaite devenir écrivain dans ce New York bouillonnant de la fin des années 50, oui, lui, Norman, a rencontré dans un bar celui qu’il considère comme le plus grand écrivain de tous les temps et la comédienne la plus glamour de la planète. Même si celle-ci était déguisée en brune pour passer incognito ! Et de cette rencontre entre Norman et Marilyn va naître une relation peu ordinaire qui va les conduire un soir d’hiver sur le bord d’une route de campagne enneigée avec pour moyen de transport un coupé Peugeot 203 en panne et pour hébergement de secours un étrange manoir avec d’étranges habitants…

Quel homme n’a pas rêvé de passer une nuit avec Marilyn ? Le héros de Christian de Metter a eu cette chance ! Réalité ? Fantasme ? Le récit ne donne pas la réponse. A chacun de se faire sa propre opinion. Mais l’intérêt de Marilyn de l’autre côté du miroir n’est pas uniquement là ! Avec ce nouvel album, Christian de Metter affiche une nouvelle fois cette propension à inviter le lecteur dans son univers, à lui faire croire à l’impossible, au songe, à le guider entre le réalisme d’un quotidien banal et le fantastique de quelques envolées poétiques. Depuis 2000 et sa première bande dessinée, Emma (éd. Triskel), Christian de Metter trace sa route, marquant peu à peu le Neuvième art d’une oeuvre essentielle, riche, puissante, tant sur le plan du scénario avec des histoires, des angles, des personnages, hors du commun, que sur le plan du graphisme, avec cette sublime touche picturale. Indispensable ! E.G.

Aventures humoristiques, Intégrale Spirou et Fantasio (tome 8), de Franquin, Greg, Delporte, Peyo et Gos. Editions Dupuis. 22 euros.

  Ce huitième volume de l’Intégrale regroupe les quatres dernières aventures écrites par un Franquin fatigué, lassé, malade. Pourtant, même si un message de la rédaction du journal Spirou reproduit ici au beau milieu de l’aventure QRN sur Bretzelburg annonce l’interruption des aventures des deux héros, Franquin étant « très souffrant », rien , absolument rien, dans les pages ne nous indique une quelconque baisse de régime de la part de l’auteur, QRN sur Bretzelburg figurant même parmi les meilleurs récits de la série. Avant que Jean-Claude Fournier ne reprenne la destinée de ces personnages créés par Rob-Vel, alias Robert Velter, en 1938, André Franquin offre donc à la postérité le susdit QRN sur Bretzelburg (version remontée pour l’album), un récit court mêlant complètement les univers de Spirou et Fantasio et de Gaston Lagaffe, intitulé Bravo les brothers, un roman illustré, commande à l’origine de la SNCF, Les Robinsons du rail, et l’utime récit Panade à Champignac. Comme dans les volumes précédents, un dossier d’une vingtaine de pages contenant de nombreuses illustrations replace chaque récit dans son contexte de création. E.G.

Liberté, Arabico (tome 1), de Halim Mahmoudi. Editions Quadrants. 10,50 euros.

C’est l’histoire d’un gamin. Un gamin comme les autres. Ou du moins, qui aurait du être comme les autres, joyeux, inscouciant, dévorant la vie à pleines dents. Mais ce gamin là ne s’appelle pas Jérôme ou François, Paul ou Jean-Michel. Non, dans le quartier, on l’appelle Arabico. Il est français d’origine algérienne. Et mine de rien, ça change pas mal de choses ! Pas moyen pour lui de faire un pas dans le quartier sans être suspecté par la police d’intelligence avec l’ennemi (reste à déterminer l’ennemi !), impossible d’aller à l’école sans une kyrielle de papiers qui attestent sa nationalité française et, bien sûr,  impossible d’échapper à la dissertation sur l’identité. Justement, du haut de ses 13 ans, Arabico se demande bien ce qu’il est. Un Arabe ? Un Français ? Un Maghrébin ? Pour sa mère, il n’y a aucune différence entre un Maghrébin et un Arabe. « En plus Maghrébin, ça veut dire quoi ? », s’exclame-t-elle, « … Que tu n’es ni arabe, ni français!!! Ca ne se dit même pas chez nous ça : Maghrébin ! ». Bon, c’est sûr, ça ne l’aide pas vraiment à y voir plus clair mais au moins sa carte d’identité, elle, indique bien qu’il est français. Oui, mais voilà… Arabico a perdu cette fameuse carte d’identité, le sésame pour une vie supposée meilleure. Alors que les images des sans-papiers arrêtés et expulsés du pays tournent en boucle sur les écrans de télévision, Arabico prend peur et se cache. Pour peu que la police lui tombe dessus…

Arabico n’est pas une fiction, ni une autobiographie ! Alors, c’est quoi au juste ? Réponse : Arabico est une auto-fiction, pour reprendre les termes employés par l’auteur lui-même. « Je n’ai pas perdu ma carte d’identité… », confie-t-il dans une interview, « mais effectivement j’ai vécu les mêmes humiliations / menaces face aux institutions (scolaires, policières, sociales…). Autant de souffrances soit diffuses soit frontales qui laissent des marques durables à l’intérieur… ».

Un auteur normand !

Halim Mahmoudi n’a effectivement pas eu à inventer. Ce récit est inspiré de ses propres expériences et de celles qu’il a pu reccueillir dans la cité dite « sensible » où il a longtemps vécu, une cité d’Oissel, près de Rouen. Enfant de la banlieue, Halim Mahmoudi veut aujourd’hui témoigner… et  « faire passer un message, surtout dans ce climat de diabolisation grandissante des étrangers, de lois punitives, de programmes politiques qui  nous prennent pour cible, comme des ennemis intérieurs, comme si cette lente asphyxie, cette condamnation à mort sociale ne suffisait pas à elle seule ». Arabico parle de ce quotidien dans les cités mais, attention, pas des violences urbaines souvent pointées du doigt par les médias et les politiques. L’album parle avant tout de ces violences beaucoup plus discrètes mais tout autant dévastatrices, celles que l’on peut qualifier de sociales et d’intimes. « De nombreux artistes venant de quartiers parlent de la rue mais pas de chez eux, à la maison ». En racontant le quotidien de ce petit garçon, l’auteur nous ouvre donc les portes de cette intimité et nous offre un témoignage direct, sincère, fort et bouleversant, un regard neuf et objectif sur les frustrations, les souffrances, les peurs, les doutes, les difficultés de l’intégration, sur la vie en somme de toute une frange de la population, issue de l’immigration…

Liberté, égalité, fraternité.

A l’heure où vont se tenir partout en France des débats sur l’identité nationale, le récit d’Halim Mahmoudi trouve une résonnance toute particulière. Prévu en trois volets, Liberté, Egalité et Fraternité, Arabico décryptera les trois grandes étapes de la vie du personnage : la sortie de l’enfance, c’est l’objet de ce premier tome, la sortie de l’adolescence puis l’entrée dans l’âge adulte. Arabico est un récit d’une rare intensité dans la lignée des bandes dessinées militantes d’un Baru (Le Chemin de l’Amérique, L’Autoroute du soleil, L’Enragé…) ou des bandes dessinées documentaires d’un Davodeau (Rural!, LesMauvaises gens,  Un Homme est mort…). Et comme dirait le jeune héros de Halim Mahmoudi : « Fils d’immigrés, c’est français ou étranger, ça ? ». E.G.

Sous son regard, de Marc Malès. Editions Vents d’ouest. 17,99 euros.

  Couv_95609Une Packard ? Quelle idée ! L’agence de location ne pouvait trouver mieux pour énerver Jack Barton. Lui proposer une Packard pour ses vacances… Et puis quoi encore ? A lui, le flic qui a justement passé tant de temps et d’énergie et risquer sa vie à pourchasser le fameux Gang Packard , une bande de pilleurs de banques qui agissaient vite et bien, et surtout sans jamais avoir recours à la  violence. Du moins jusqu’à ce fameux jour où un policier en moto se mit en travers de leur route… L’horreur ! Mais le gang avait été finalement démantelé et le chauffeur présumé arrêté et lourdement condamné. C’était dans les années 30. Pour l’inspecteur Barton, la vie a continué, difficilement. Vingt ans plus tard, il part en vacances. De drôles de vacances en vérité. L’inspecteur a retrouvé la trace du chauffeur, Frank Foster, libéré après 20 ans de prison. Et il veut le revoir. Mais l’homme n’a plus grand chose en commun avec le truand qu’il a autrefois connu. Foster est aujourd’hui rangé des voitures comme on dit. Il est marié, père de famille, exerce la profession modeste mais honnête de livreur pour une épicerie et ne louperait pour rien au monde la messe dominicale. Il est dans le droit chemin et rien ne pourrait semble-t-il l’en détourner. Cependant, Barton a quelques questions à lui poser et compte bien réveiller en lui le sombre passé qui sommeille…

Le trait est racé. Les planches sont en noir et blanc. L’ambiance est somptueusement sombre, presque oppressante. Les dialogues sont plutôt rares et la voix off omniprésente. Les personnages ont du caractère… Normal ! Sous son regard est un polar, un récit noir, très noir, viril, très viril, où il n’y a pas vraiment de gentils, ni de méchants, juste des flics, des voyous et des repentis qui tentent de dépasser la tragédie de la vie. Eclectique, Marc Malès a déjà abordé le polar avec les aventures de Frank Weiss (La Mort obèse et Le Requin, mon frère parus chez Glénat) mais aussi l’historique avec De silence et de sang et le western avec Mille Visages… Avec Sous son regard, l’auteur rend un merveilleux hommage aux films noirs américains des années 50. Une belle leçon de graphisme et de scénario !

Eric Guillaud

27 Oct

Panique au village, Le Royaume, 300 millions d’amis… Le plein de nouvelles séries chez Dupuis !

  

Panique sur la toile ! Après Malaise vagal, 2 tomes parus chez Fluide Glacial, le scénariste Frédéric Jannin (Germain & nous, Que du bonheur…) et le dessinateur Gilles Dal se retrouvent pour nous concocter une nouvelle série humoristique autour de FaceBook. Son nom : 300 millions d’amis. Son but : peut-être se faire autant d’ennemis car Les deux auteurs y enchaînent les gags sur une page qui croquent, et parfois moquent, les mordus du réseau communautaire, depuis ceux qui racontent au monde entier le moindre mouvement de cil dans leur triste quotidien jusqu’à ceux qui pensent enclencher la révolution mondiale grâce aux groupes de discussion. 

Panique au village, c’est le nom d’une nouvelle série de bande dessinée, c’est aussi le nom du film de Vincent Patar et Stéphane Aubier avec les voix de Benoît Poelvoorde, Bouli Lanners et Frédéric Jannin, sorti courant octobre au cinéma. Avant celà, c’était même une série TV diffusée sur Canal+. Bref, Panique au village se décline à toutes les sauces, rançon du succès rencontré à chaque fois auprès du public. Et la BD est comme le reste, chaotique et déjantée à souhait, drôle à mourir !

Pour finir, direction un royaume paisible où il faisait bon vivre. C’était un petit pays oublié par ses puissants voisins et leurs guerres incessantes. Un charmant petit bout de terre sur lequel vivaient tout un tas de gens qui chaque jour jouissaient de ce que leur offraient la terre et le ciel. C’est Le Royaume et des comme ça, il n’y en a pas deux !  Après Wondertown, deux tomes parus chez Dupuis avec Vehlmann au scénario, Benoît Feroumont se lance seul dans ce nouveau projet qui met en scène de drôles de personnages : le bon roi Serge, sa femme, acariâtre et médisante, ses fils complètement laids, sa fille Cécile, la princesse qui monopolise la salle de bain, et la jolie, la très jolie et douce Anne, la favorite du Roi… E.G.

  

      

  

  

      

   

   

  

Dans le détail :

300 millions d’amis (tome 1), de Jannin et Dal. Editions Dupuis. 9,45 euros.

Anne, Le Royaume (tome 1), de Benoît Feroumont. Editions Dupuis. 9,45 euros.

Le Vol du tracteur, Panique au village (tome 1), de Aubier, Patar, Tavier et Saive. Editions Dupuis. 10,40 euros.

Mauvais garçons, Solea 1 et 2, de Flao et Dabitch. Editions Futuropolis. 17 euros le volume.

  

Une chose est certaine, si Benjamin Flao et Christophe Dabitch décidaient subitement de m’offrir une planche de leur album, comme ça, simplement pour le plaisir d’offrir, non seulement je ne la refuserai pas mais encore je l’encadrerai et lui réserverai le plus bel espace de mon salon. C’est que les deux albums de Mauvais garçons, parus à un mois d’intervalle – le premier est sorti le 8 octobre et le second est attendu pour le 5 novembre - sont tout simplement des petits bijoux qui démontrent, si besoin est encore, que la bande dessinée est un art à part entière avec ses propres codes, ses propres univers, ses propres émotions, et que le tout est souvent difficilement transposable, ne serait-ce qu’au cinéma. Comme on peut le vérifier régulièrement et même très récemment encore  ! Après La Ligne de fuite, le scénariste Christophe Dabitch et le dessinateur Benjamin Flao se retrouvent donc autour d’un nouveau projet qui aborde la solea, un chant flamenco qui parle bien entendu d’amour, souvent contrarié, plus souvent de peines de coeur, de pauvreté, d’injustice… Et plus qu’une simple passion ou un passe temps, la solea est quelque chose qu’on a dans la peau comme peuvent l’avoir les deux personnages principaux de cettte histoire, deux « mauvais garçons » prénommés Manuel et Benito. Le flamenco, ils le vivent mais n’en vivent pas. Inséparables dans les galères le jour comme dans les moments de grâce, à chanter et danser la nuit, Manuel et Benito le resteront jusqu’au jour où l’un et l’autre rencontreront l’amour, cet amour qui leur paraissait tellement improbable, tellement inaccessible…

Ces albums qui respirent au rythme du flamenco, libèrent de chaque vignette, de chaque page, une sensation à la fois de virilité et de sensualité. Mauvais garçons n’a pourtant pas été écrit, ni même dessiné, par des Espagnols. L’un et l’autre sont français mais Christophe Dabitch s’est inspiré de ses propres rencontres à Séville.« Je suis souvent allé dans un petit village au sud de Séville, Utrera, qui est l’un des foyers de ce chant… », confie le scénariste,  » J’ai un ami qui vit là-bas. Il est chorégraphe et a fait des recherches en musicologie sur le flamenco. Il se nomme Manuel, sa famille est originaire du village, mais il a vécu en France avant de revenir s’y installer. Nous nous sommes rencontrés à ce moment-là, voilà une dizaine d’année. Il a un vieil ami gitan qui se nomme Benito, un chanteur et un personnage hors norme […] J’avais envie d’écrire sur eux et sur le flamenco à travers eux, sur une forme de correspondance entre une expression artistique et la vie. J’aime leur approche du chant, leur côté mauvais garçons aussi, en dehors des clous ». Côté graphisme, Benjamin Flao a laissé glisser ses crayons sur la page, d’un trait jeté, nerveux, brut… viril quoi ! Et sensuel.  »Il paraît que l’on me surnomme l’homme crayon, capable de tout dessiner. Ca, c’est un surnom à finir dans une fête foraine, entre l’homme tronc et la femme à barbe ! […] Pour Les Mauvais garçons, le plus gros écueil, bien sûr, était la représentation de la musique et du chant. En BD, quoi qu’on fasse, on est muet. Comment rendre le son, l’intensité du flamenco ? On n’est jamais très loin du ridicule. » Et pourtant, le miracle est bien là. Mauvais garçons nous plonge au coeur du Flamenco et on se surprend à avoir la musique dans la tête tout au long de l’album. C’est beau, c’est fort, chaque planche nous entraîne loin, très loin.  Mauvais garçons est l’histoire de deux Espagnols épris de musique mais c’est aussi quelquepart l’histoire de l’humanité car, dans le flamenco, comme dans ce récit, il y a quelque chose d’absolument universel ! E.G.

Rendez-vous sur le site Culturebox pour visionner le reportage de France3 Bretagne réalisé sur ce diptyque : c’est ici

Airborne 44 (tomes 1 et 2), de Philippe Jarbinet. Editions Casterman. 11,50 euros le volume.

   

D’un côté, un soldat américain. De l’autre, un Allemand. Chacun le fusil à l’épaule. Chacun prêt à tirer. Mais il ne se passe rien. Les deux hommes se regardent longuement et chacun reprend sa route ou plus exactement son chemin à travers des bois enneigés. C’est par cette image forte que commence Là où tombent les hommes, premier volet du diptyque Airborne 44. Nous sommes en décembre 1944 quelque part dans l’est de la France. La guerre n’est pas terminée mais les troupes allemandes perdent chaque jour un peu plus de terrain. Le soldat américain qui n’a pas tiré s’appelle Luther Yepsen. Il est juif. Il vient d’apprendre que sa femme le quittait. Il vient aussi de perdre un doigt au cours des derniers combats. Celui qui, justement, portait son alliance. Un signe du destin ? Mais Luther a un autre mal qui le ronge. Lors des premiers jours du Débarquement, du côté de Carentan, en Normandie, il a tué par erreur toute une famille. Une femme et des enfants. Traumatisé, Luther, comme bon nombre de soldats, en a assez de cette boucherie. Séparé de sa troupe, il se réfugie avec deux autres soldats dans une ferme isolée où il fait la connaissance de la belle Gabrielle…

Une histoire de guerre mais aussi une histoire d’amour. Une sale histoire de guerre et une très belle histoire d’amour. C’est ce que nous propose avec ce diptyque Philippe Jarbinet, aurteur que l’on a pu découvrir précédemment avec les séries Mémoires de cendres (10 volumes parus chez Glénat) ou encore Sam Bracken (3 volumes parus chez Glénat). Sortis simultanément, il semble que ce soit à la mode en ce moment, les deux albums de Airborne 44 nous offrent un bon récit, bien écrit, bien dessiné, même si les premières pages peuvent parfois désorienter le lecteur avec plusieurs flash-back qui ne permettent pas d’appréhender l’intrigue sereinement ! E.G.