On attendait la suite de ce récit entamé en 2008 avec une certaine impatience, impatience finalement récompensée. Le second volume de La Communauté est de la même veine que le premier, tout aussi captivant et singulier.
Il s’agit d’un récit qui s’inscrit dans la lignée de la bande dessinée-reportage avec une particularité puisque celui-ci est construit autour d’entretiens. Le Nantais Hervé Tanquerelle, responsable de plusieurs séries comme Le Legs de l’alchimiste (éd. Glénat) ou Professeur Bell (éd. Delcourt) aborde cette forme narrative avec une histoire mettant en scène une communauté créée sur les barricades encore fumantes de mai 1968.
Micro à la main, l’auteur recueille le témoignage d’un de ses fondateurs, Yann Benoît, alors étudiant, aujourd’hui devenu son beau-père. Nous sommes en 1972, Yann et une bande d’amis achètent une ancienne minoterie abandonnée.
Loin des idées reçues, du caricatural flower power (sex, drug and rock n’roll), il décrit un quotidien plutôt laborieux, partagé entre la restauration du site, la construction de nouvelles maisons, les multiples tâches agricoles, la garde des enfants et bientôt la fabrication de jouets en bois à une échelle de plus en plus conséquente.
À tel point que la vie en communauté, qui n’était déjà pas tous les jours une évidence, va en pâtir sérieusement. C’est dorénavant l’usine ! Le travail devient de plus en plus lourd et contraignant et bientôt les grands principes qui prévalurent à la création de la communauté vont se fissurer et les tensions, se multiplier…
Pour rendre vivant cette conversation autour d’un micro, Hervé Tanquerelle utilise le principe du flash-back. « Autant je n’ai jamais douté du fond, autant la forme me posait problème. Il m’aura fallu du temps pour trouver la bonne manière de raconter », confiait l’auteur au moment de la sortie du premier volet.
« Comment transcrire les conversations informelles que j’avais avec mon beau-père? C’était important de les garder car elles permettent à la fois de rester au plus près du vécu, tout en confrontant le point de vue de deux générations. Mais cela comportait aussi la difficulté de rendre attrayante une simple conversation autour d’une table! Assez vite m’est apparu comme une évidence le principe des flash-back, traités différemment au lavis, pour ponctuer notre dialogue ».
Une oeuvre rare, une aventure unique traitée avec subtilité et humour !
Eric Guillaud