03 Fév

Les Cobayes de Benacquista et Barral : quand des essais pharmaceutiques tournent mal !

Couv_cobayesIl a déjà un nom : le tripazepan vivanol. Mais il est connu pour l’instant sous le nom de code de M2 C2 T. Un anxiolytique nouvelle génération qui devrait selon ses concepteurs être plus performant et comporter moins d’effets secondaires, aucune altération de la conscience, pas de somnolence, pas d’accoutumance ni de dépendance.

Mais pour s’en assurer, il faut le tester. Et pour le tester, le laboratoire pharmaceutique Scott-Dumaz a besoin de trois cobayes, pardon trois volontaires, qui devront se plier à un protocole strict de 21 jours avec un chèque de 3500 euros à la clé. Pour Romain Sanders, Daniel Martinez et Moïra Parchiby, c’est l’occasion de se refaire une santé financière. Pour le reste…

Une chose est sûre, cette histoire n’est pas faite pour redorer le blason de l’industrie pharmaceutique même si ce n’est qu’une fiction brillamment orchestrée par Tonino Benacquista au scénario et Nicolas Barral au dessin, le fameux tandem à qui on doit déjà Dieu n’a pas réponse à tout. Un scénario original, une mise en images intelligente, quelques questions à droite et à gauche sur notre société… emballé c’est pesé Les Cobayes vous offrira un agréable moment de lecture.

Eric Guillaud

Les Cobayes, de Benacquista et Baral. Editions Dargaud. 17,95 euros

02 Fév

Bill Watterson, créateur des aventures de Calvin et Hobbes Grand prix de la ville d’Angoulême

CalvinEtHobbes5_12112004L’Américain Bill Watterson, l’Anglais Alan Moore et le Japonais Katsuhiro Otomo étaient les trois derniers en lice pour le Grand prix de la ville d’Angoulême. C’est finalement Bill Watterson qui a été à l’instant couronné lors de la cérémonie de clôture du 41e Festival International de la Bande Dessinée.

Créée en 1985 et animée par Bill Watterson jusqu’en 1995, les aventures de Calvin et Hobbes ont été diffusées dans près de 2400 journaux, traduites dans 40 langues différentes et vendues à près de 30 millions d’exemplaires dans le monde…

Dans quelques minutes le palmarès complet…

 Eric Guillaud

31 Jan

Professeur Cylcope à Angoulême : interview de Fabien Vehlmann

Couvs-FIBD2014 1500 pxLe Festival International de la BD d’Angoulême a commencé ce jeudi. Des milliers de visiteurs, auteurs, éditeurs, journalistes et de héros sont attendus pour cette grande messe annuelle. Et parmi eux, l’équipe nantaise de la revue de bandes dessinées numériques Professeur Cyclope…

La révolution numérique aura-t-elle la peau de nos héros de papier ? C’est la question qu’un bon nombre d’acteurs du secteur se posent depuis maintenant plusieurs années, scrutant ici les nouvelles habitudes des lecteurs, testant là de nouvelles offres sur le web… des offres souvent hésitantes, imparfaites, copiées-collées de ce qui existe en album.

Mais pendant que les uns s’interrogent, d’autres ont pris le parti de foncer dans le numérique, de creuser, d’explorer, d’expérimenter, de se planter, de recommencer… Sans pour autant parier sur la mort du papier, bien au contraire, mais en recherchant les points de convergence, de complémentarité entre les deux supports.

C’est le cas de l’équipe du Professeur Cyclope, un mensuel de bandes dessinées et fictions numériques lancé en mars 2013 du côté de l’Ile de Nantes, oui oui pas très loin de notre fier éléphant et surtout de la Spirou Factory, l’atelier d’un certain Yoann, dessinateur des aventures de Spirou.

Et si je parle de Spirou, ce n’est pas pour faire bien et faire du clic ! Fabien Vehlmann est le scénariste de ses aventures et surtout l’un des fondateurs de Professeur Cyclope avec Gwen de Bonneval, Brüno, Cyril Pedrosa et Hervé Tanquerelle, un auteur qui sait autant animer les héros d’hier que ceux de demain. Avant son départ pour Angoulême, nous nous devions de l’interviewer.  Une interview à lire ici

27 Jan

Seules contre tous et Lâcher prise, deux récits autobiographiques de Miriam Katin chez Futuropolis

Capture d’écran 2014-01-26 à 20.26.21Dans les ténèbres ! C’est ainsi que commence Seules contre tous. Dans les ténèbres de la seconde guerre mondiale et de la shoah. Miriam n’est alors qu’une petite fille de trois ans. Elle vit avec sa mère, Esther, à Budapest jusqu’au jour où les persécutions nazies contre les Juifs les obligent à fuir sous une fausse identité. Seules contre tous raconte cette terrible petite histoire de la grande histoire. De village en village, de ferme en ferme, Miriam et Esther vont trouver de l’aide mais aussi beaucoup de lâcheté, de l’amour et bien sûr de la haine, elles vont échapper au pire, survivre à la guerre, retrouver Budapest et finalement tenter de reprendre une vie normale.

Installée aujourd’hui à New York, Miriam Katin est encore profondément marquée, on s’en doute, par cette sombre période au point de haïr tout ce qui touche de près ou de loin à l’Allemagne. Et quand son propre fils lui annonce qu’il veut s’installer à Berlin et qu’il a besoin pour cela d’acquérir la nationalité hongroise de sa mère, alors tous les traumatismes, tous les souvenirs de Miriam remontent d’un coup à la surface.

Capture d’écran 2014-01-26 à 20.27.19

Impossible pour elle d’accepter ce qu’elle considère comme une trahison. Elle ira jusqu’à détruire les formulaires de naturalisation de son fils avant de finalement les remplir. Plus tard, elle se rendra au musée juif de Berlin pour le vernissage d’une expo du fiston. C’est précisément ce que raconte ce deuxième album de Miriam Katin, Lâcher prise, édité lui aussi chez Futuropolis. Au noir et blanc mélancolique de Seules contre tous succède un graphisme au crayon de couleur forcément plus joyeux et un ton beaucoup plus léger et drôle. Miriam Katin ironise sur ses préjugés, finit par lâcher prise et apprécier le pays, ses infrastructures, sa nourriture, sa culture…

Seules contre tous et Lâcher prise sont deux ouvrages étonnants et émouvants qui offrent un témoignage précieux et différent de ce qu’on a pu avoir précédemment sur ce thème.

Ce sont les deux seuls albums de Miriam Katin. La septuagénaire a travaillé comme graphiste et chef décorateur pour différents studios d’animation avant de se lancer dans la bande dessinée. Seules contre tous dont c’est ici une réédition a reçu le Grand prix de la critique 2008 et l’Inkpot Award au Comic-Con International de San Diego. Certains critiques relèvent dans son travail les influences d’Art Spiegleman (Maus…) ou de Raymond Briggs, une chose est sûre, Miriam Katin a d’ores et déjà marqué le Neuvième art de sa propre sensibilité.

Eric Guillaud

Seules contre tous et Lâcher prise de Miriam Katin aux éditions Futuropolis. 20 et 22 euros

Pour en savoir plus, une interview de Miriam Katin qui date de 2009 mais qui reste très intéressante sur le site du9 l’autre bande dessinée.

 

26 Jan

Les Légendaires fêtent leurs dix ans au festival d’Angoulême

LesLégendairesExpo201412 600 000 albums vendus, un seizième tome tiré à 200 000 exemplaires, un spin-off intitulé Les Légendaires Origines lancé en 2012… à moins de revenir d’un stage de survie en Sibérie centrale, impossible d’ignorer cette série lancée en 2004 par Patrick Sobral. C’est aujourd’hui l’une des séries de bande dessinée jeunesse les plus vendues en France. Un énorme succès dû à son univers très manga, habité de Trolls, d’Elfes, de jaguarians et autres créatures du même acabit. 10 ans d’aventure, 10 ans de succès et une exposition programmée au prochain festival de la bande dessinée d’Angoulême, du 30 janvier au 2 février, une exposition coproduite par les éditions Delcourt et le Festival.

Conçue comme un voyage au coeur des mondes des Légendaires, l’exposition retracera l’histoire de la série depuis ses débuts à travers une mise en scène des personnages mais aussi des objets emblématiques de la série. Elle proposera également un aperçu des techniques et de étapes du travail de Patrick Sobral ainsi que des jeux, un cosplay et, nous promet-on, pas mal d’autres surprises…

Eric Guillaud

Plus d’infos ici

© Editions Delcourt - 2013 - Patrick-Sobral

© Editions Delcourt – 2013 – Patrick-Sobral

23 Jan

Aaarg! déboule à Angoulême et ça va faire mal

Capture d’écran 2014-01-23 à 21.16.50Expositions, stands, concerts, séances de dédicaces et même une remise de prix, les Aaaarg d’or, prix destinés à la bande dessinée indépendante. Voilà le programme fièrement affiché et annoncé par l’équipe du magazine Aaarg! dont le deuxième numéro devrait sortir pour le Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême avec au menu des gens comme Bouzard, Riff Reb’s, Witko, Douay… ah oui quand même !

160 pages de polar, de SF et de fantastique rien que pour ceux qui aiment ça et pour les autres. Et si vous ne connaissez pas encore le magazine, alors c’est le moment de découvrir !

Toutes les infos utiles et mêmes inutiles ici

Eric Guillaud

21 Jan

Stefano Ricci débarque chez Futuropolis avec L’histoire de l’ours

9782754801515_cgL’Italien Stefano Ricci n’est pas tout à fait un inconnu. Son approche graphique, très singulière, picturale et toute en épaisseur, lui a même assuré une notoriété immédiate en France lors de la publication de son premier album, Tufo. C’était en 1996.

L’album fut d’ailleurs nominé pour le prix du meilleur album au Festival d’Angoulême. Mais quoiqu’on en dise, cette notoriété n’a jamais dépassé le cercle restreint des passionnés d’un Neuvième art tendance expérimental, matière première des maisons d’éditions indépendantes que sont Fréon et Amok où ses livres ont été publiés. Pour ce nouvel album intitulé L’Histoire de l’ours, Stefano Ricci rejoint un grand éditeur français, en l’occurrence Futuropolis, dont le catalogue, même s’il s’est toujours affiché exigent, est ouvert à un plus large public.

L’auteur n’a pas pour autant vendu son âme aux déesses de la facilité, L’Histoire de l’ours est un album rare et précieux, une oeuvre de plus 400 pages qui met en scène le voyage d’un jeune gars parti effectuer son service civil en tant que secouriste quelque part entre les Apennins et la Poméranie. Page après page, il raconte à sa dulcinée, qu’il appelle ici Petitétoile, les différentes étapes de son parcours, décrit les paysages et les saisons, évoque ses rêves et ses rencontres, avec en fil rouge ce fait divers que l’auteur a découvert dans un journal slovène, la traque d’un ours sauvage entre l’Allemagne et l’Italie.

Un ouvrage impressionnant où chaque double page forme un tableau à part entière, des planches à découvrir en vrai jusqu’au 8 février à la galerie Martel à Paris.

Eric Guillaud

L’Histoire de l’ours, de Stefano Ricci aux éditions Futuropolis. 30 euros

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Starfuckeuse : Hélène Bruller en est une vraie

Starfuckeuse par Hélène Bruller - Delcourt

Starfuckeuse par Hélène Bruller – Delcourt

Elle a de l’humour et l’a déjà prouvée avec son Guide du Zizi sexuel avec Zep (celui qui a raconté Une Histoire d’Hommes). Hélène Bruller revient avec un brulot féministe assumée. Elle nous invite dans son lit avec toutes les stars masculines que compte la planète ou presque, toutes celles qu’elle a rêvé de rencontrer entre ses draps. La Starfuckeuse couche planche après planche ses fantasmes.

Vous avez toujours voulu savoir comment ce serait d’être au lit avec Stevie, George, Will, Brad, Mick ou Justin. En 2008, la dessinatrice inclassable affirmait dans un précédent album : Hélène Bruller est une vraie salope. Elle nous confirme dans celui ci qu’elle aime les hommes, les vrais. Sauf que mis à part son vibromasseur, prénommé Robert (devinez à qui elle pense), en voilà un qui ne l’a jamais déçu, aucune star ne s’en sort indemne. Enfin presque puisqu’elle confesse que le seul acteur qui l’a fasse vibrer, c’est Harrison Ford, mais elle ne l’a pas encore rencontrée. Elle confie aussi à son éditrice que toutes ses aventures dessinées « sont presque toutes authentiques, mais aucune n’a été réellement vécue avec des stars. En revanche, (elle) a eu des aventures avec des stars, mais qui ne sont pas dans l’album. »

Starfuckeuse par Hélène Bruller - Delcourt

Starfuckeuse par Hélène Bruller – Delcourt

A ne pas manquer le meilleur sa nuit avec Dieu lui-même, une nuit dans laquelle tout est affaire de position. Après Love et Je veux le prince charmant, Hélène Bruller reprend son alter ego de BD. Alors même si ce n’est pas toujours facile de reconnaitre le sex-symbol dessiné, et si d’autres penseront « encore un album où le trait n’est pas génial, les couleurs criardes », ce serait dommage de s’arrêter à cela. Pour les autres, et vous mesdames et aussi messieurs, découvrez son humour décapant aux dessins faussement enfantins pour amplifier le mordant de ses traits.

Didier Morel

Starfuckeuse par Hélène Bruller - Delcourt

Starfuckeuse par Hélène Bruller – Delcourt

Starfuckeuse par Hélène Bruller – Delcourt

La BO à se glisser entre les oreilles pour prolonger le plaisir :

Colette Renard – Les nuits d’une Demoiselle

17 Jan

Il n’a jamais mis les pieds sur un bateau mais dessine et raconte la mer comme personne : rencontre avec Chabouté à l’occasion de la sortie du premier volet de Moby Dick chez Vents d’Ouest

Quelques jours d’été, Zoé, Pleine Lune, Sorcières, Henri-Désiré Landru, Terre Neuvas, Construire un feu, Un peu de bois et d’acier… Christophe Chabouté est l’auteur d’une bonne vingtaine d’albums, une œuvre sensible, racée, poétique et graphiquement sublime. Malgré tout l’homme reste modeste, accessible et les deux pieds sur Terre. Et s’il vous fallait une preuve, alors je pourrais vous raconter la drôle d’aventure qui m’est arrivée en préparant cette interview. Un soir, un peu fatigué je pense, une mauvaise manipulation sur mon ordinateur a pour effet d’envoyer prématurément mes questions et mes notes sur le web à la vue de tous. Au réveil, je découvre un message de Christophe Chabouté qui en se promenant sur le net est tombé sur ces fameuses questions, s’est empressé d’y répondre et de me les renvoyer. C’est bien la première fois qu’un auteur répond à mes questions avant même que je les lui pose. Magique !

table a dessin
J’ai lu quelque part que vous détestiez les interviews. J’ai lu aussi quelque part que vous étiez quelqu’un de gentil et de modeste. Et c’est l’image que j’ai de vous ! Comment fait-on pour vendre un livre dans ces conditions ?
Chabouté. Mon métier n’est pas de vendre des bouquins, mon métier est de raconter des histoires du mieux que je peux, d’embarquer des gens dans l’univers que je dessine, de leur donner envie de tourner les pages du livre qu’ils sont en train de lire et de préférence avec enthousiasme, curiosité et plaisir…
Je ne sais pas surenchérir sur quelque chose que j’ai déjà raconté, en remettre une couche. Je l’ai raconté avec l’outil « images narratives », je ne veux pas et ne sais pas le raconter autrement. Je fais ce boulot parce que je peux le faire dans l’ombre, en retrait… et d’un coup on se retrouve à la lumière. Il faut alors raconter et expliquer ce qu’on a voulu faire, dire, pourquoi et comment. Je passe environ un an à suer sur un bouquin, à décortiquer une histoire pour la réassembler, à essayer de trouver la meilleur manière de raconter, de faire passer une émotion. Je finis sur les genoux et ensuite, après ce marathon, on me demande de raconter à nouveau et de résumer ce que j’ai voulu dire avec cette fois l’outil que je maitrise le moins : la parole.
Parce que ce qui est important pour moi, c’est le livre et l’émotion que j’arrive peut-être à mettre dans ses pages, la petite musique que le lecteur entendra peut-être dans mes cases muettes. Je suis plus à l’aise pour raconter avec les images et du texte au dessus des dessins (ou pas) qu’avec les mots. Si le livre se défend de lui même et embarque le lecteur, c’est que j’ai bien fait mon travail !
Modeste, je ne sais pas. Quand j’entends dire que mes bouquins plaisent ou quand je rencontre des lecteurs qui ont aimé mes histoires, je repars à chaque fois en marchant à un mètre au dessus du sol et fier comme un pou. Je suis très flatté qu’on me considère comme quelqu’un de gentil, ce qui ne m’empêche pas d’être complètement ours et totalement imbuvable à certains moments (mais en général, je me cache derrière ma table a dessin dans ces moments-là !)
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Vous êtes gentil et modeste mais quand même responsable et coupable d’un bon nombre de BD qui figurent au rang des indispensables. Ne pas connaître l’œuvre de Chabouté aujourd’hui, c’est comme ignorer l’œuvre de Pratt ou de Chaland hier. Êtes-vous pleinement conscient d’avoir créé un style, un univers reconnaissable entre tous ?
Chabouté. Je préfère ne pas prendre conscience de trop de choses et ne pas trop me poser de questions à ce sujet… Je suis très flatté que vous me parliez de Pratt, d’œuvre, de style ou d’univers…  mais chaque fois que j’attaque un nouveau livre j’ai l’impression de tout remettre sur le tapis. C’est tellement dangereux de se mettre à la table à dessin en croyant être étayé par ses précédents livres. C’est la meilleure manière de fausser la sincérité que l’on pourrait mettre dans ce que l’on va raconter. Je préfère m’acharner sur ce que j’ai à faire plutôt que de me retourner sur ce que j’ai fait…
© Chabouté - Le découpage

© Chabouté – Le découpage

Le noir et blanc ainsi que les silences sont votre signature. En quoi vont-ils si bien à vos BD ?
Chabouté. Le noir et blanc sert les histoires que je raconte. C’est l’outil idéal pour mettre une ambiance en place, pour créer une atmosphère.
Par contre, si mes histoires demandent de la couleur ( ce qui a été le cas pour quelques-uns de mes albums), alors je l’utilise sans hésiter. J’utilise les outils qui servent au mieux les histoires que je veux raconter, noir et blanc ou couleurs, dialogues ou pas, grosse pagination, tout est fonction de ce que l’histoire demande…
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Est-ce évident aujourd’hui de vendre une BD en noir et blanc à un éditeur ?
Chabouté. Pour un jeune auteur, ce ne doit pas être facile, ce n’était déjà pas évident il y a 15/20 ans… Merci Tardi, Pratt, Baudoin, Comes et j’en oublie ! Mais le « roman graphique » fait de plus en plus partie des formats courants en BD.
© Chabouté / Vents d'Ouest

© Chabouté / Vents d’Ouest

A l’occasion de la sortie de l’adaptation de « Construire un feu » de Jack London, vous déclariez que l’essentiel était de retrouver l’âme de l’auteur. Comment justement fait-on pour garder cet âme ? Avez-vous une recette magique ?
Chabouté. Je n’ai heureusement pas de recette, j’ai envie d’adapter ou de raconter ce qui me fait vibrer. « Construire un feu » m’a littéralement scotché et donné l’envie de mettre en images une histoire où il ne se passe à priori… rien ! Tenter de retranscrire en images la puissance du texte de Jack London a été un super exercice. Je pense que la moindre des choses, même si on met sa « patte » dans l’adaptation, si on se l’approprie, c’est de respecter l’âme de l’auteur, l’âme du livre, essayer d’aller vers ce qu’il voulait dire…
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Quand avez-vous lu « Moby Dick » pour la première fois ? Et qu’avez-vous alors ressenti ?
Chabouté. C’est surtout, petit, le film de John Huston qui m’avait marqué et bien entendu l’interprétation de Gregory Peck (en plus, je l’avais vu en noir et blanc ). Plus tard, j’ai lu le roman et j’avais l’impression de faire partie de l’équipage. Comme eux, je n’avais qu’une hâte : c’était de voir enfin cette satanée baleine. J’ai été marqué aussi par les conditions de pêche et de vie à bord, le quotidien… Marqué aussi par l’emprise terrible qu’avait ce capitaine sur ses hommes !
© Chabouté / Vents d'Ouest

© Chabouté / Vents d’Ouest

Qu’est-ce qui vous a amené précisément à adapter aujourd’hui le roman d’Herman Melville ? Quel a été le déclic ?
Chabouté. Le défi de s’attaquer à un monument… La mince frontière entre l’acharnement et la folie d’Achab… Raconter avec des silences une grande partie de ce qu’a raconté Melville avec des mots et tenter d’en dire autant. Et puis j’ai l’océan tout autour de moi, je respire de grandes bouffées d’iode tous les jours et quand j’ouvre la fenêtre de mon atelier, par grosse houle, j’entends les vagues se briser sur la plage, ça aide !
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N’était-ce pas un véritable défi au vu des quantités d’adaptations existantes aussi bien en film qu’en BD ou en livres jeunesse ? 
Chabouté. On prend toujours un risque quand on attaque un nouveau bouquin, on se met (d’une certaine manière) en danger. Dans un livre précédent, j’avais décidé de raconter une histoire de plus de 380 pages où le personnage principal était un simple banc. Et pour corser l’affaire, j’avais fait le choix de ne pas mettre une seule ligne de dialogue. Si on ne prend pas de risque on ne fait plus rien, et puis chacun met sa patte personnelle dans une adaptation, c’est ce qui en fait le charme. Tout à déjà été raconté, c’est la manière de raconter qui diffère !
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Le défi fait partie je crois de vos carburants ?
Chabouté. C´est tellement facile de s’endormir sur ce que l’on sait faire ou ce qui rassure, éviter de se répéter, tourner en rond, raconter ce qu’on a déjà raconté, il faut se bousculer pour aller chercher dans d’autres directions et c’est encore plus vrai quand on travaille seul.
© Chabouté / Vents d'Ouest

© Chabouté / Vents d’Ouest

Vous travaillez toujours seul. Votre liberté aussi est un « carburant » ? 
Chabouté. Un carburant, je ne sais pas. La liberté est un énorme confort de travail, je peux changer d’avis au dernier moment sur certains détails, bousculer une histoire… Je n’ai pas de compte à rendre.
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Quelle a été la principale difficulté que vous ayez rencontrée pour cette adaptation ?
Chabouté. Élaguer le roman sans tomber dans l’adaptation classique. Ne pas rendre Achab théâtral mais plutôt humain, fragile, vieux, montrer ses faiblesses… et surtout faire rentrer les 800 pages du roman dans les 2 fois 120 pages des albums.
© Chabouté

© Chabouté

Vous êtes d’origine Alsacienne je crois et vous vivez aujourd’hui sur l’Ile d’Oléron. C’est l’océan qui vous a attiré ? Quel rapport entretenez-vous avec lui ?
Chabouté. j’ai atterri par hasard à Oléron ne pensant pas y rester et j’ai découvert l’océan ! Grosse claque, fascinant et terrifiant à la fois. Belle rencontre. Je me suis rendu compte que l’océan est une mine pour l’imagination comme peut l’être une balade en forêt en pleine nuit, un cocktail qui mêle trouille, attirance et envoutement.
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Vous allez rire mais je n’ai jamais mis les pieds sur un bateau
« Terre Neuvas » et « Tout seul » hier, « Moby Dick » aujourd’hui, on sent que vous êtes très à l’aise avec cet univers, tant d’un point de vue narratif que graphique…
Chabouté. C’est gentil ! Et vous allez rire mais je n’ai jamais mis les pieds sur un bateau, j’ai un mal de mer terrible et je me sens mieux avec les deux pieds bien posés sur le sable.
© Chabouté / Vents d'Ouest

© Chabouté / Vents d’Ouest

Comme toujours dans vos albums, vous laissez le silence s’installer et rythmer le récit. C’est important pour vous de laisser le lecteur puiser dans son imaginaire, de ne pas le contraindre à un rôle « passif » ?
Chabouté. Dans la bande dessinée, je peux raconter toute une histoire sans une ligne de texte, ce que je ne peux pas écrire je le dessine, ce que je ne peux pas dessiner je l’écris, mélangez tout ça et rajoutez-y l’espace blanc entre les deux cases : l’ellipse où l’imagination du lecteur va se loger. Souvent, un silence bien placé ou bien distillé peut faire beaucoup de bruit. Je m’applique à laisser des portes ouvertes pour que le lecteur s’y engouffre, j’essaye de lui laisser beaucoup de latitude tout en le guidant évidement mais je lui laisse « de la place » afin qu’il puisse s’approprier l’histoire.
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un silence bien placé ou bien distillé peut faire beaucoup de bruit
Qu’est-ce qui vous inspire dans la vie ?
Chabouté. Tout ! Tout ce qui m’entoure, le quotidien, l’aventure qui peut démarrer au coin de la rue, l’importance du futile, le coté fantastique que peut engendrer une situation banale suivant le point de vue dans lequel on se place… Tout est matière à histoire, il suffit, je pense, d’arriver à ouvrir grand ses yeux et ses oreilles pour faire le plein de matière première.
© Chabouté

© Chabouté

En tant que lecteur, vous sentez-vous plus proche de la littérature ou de la BD ?
Chabouté. Après 8 à 10 heures de boulot quotidien (si si !) à « faire » des images, je préfère évidemment lire un roman et laisser courir l’imagination, je n’ai pas envie d’images toutes faites. Et je lis des bandes dessinées qui sont en général complètement à l’opposé de mon univers.
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Quel est votre livre de chevet ?
Chabouté. Ma bibliothèque !
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Quel est votre coup de cœur du moment ?
Chabouté.
– Le dernier Flao « kililana song » , le dernier Baru « canicule », le dernier Bezian « docteur radar » (quand je serai grand , je serai eux ! ils sont vraiment fort !)
– Un essai sur le blues : « philosophie du blues – une éthique de l’errance solitaire » de Philippe Paraire
– Le dernier album de Kelly Joe Phelps : « Brother sinner and the whale », de la guitare slide magique, j’écoute ça en boucle depuis un moment déja…
– Le film de Philippe Le Guay « Alceste à bicyclette »,
– Ma fille de 10 ans qui fait des progrès énormes en crawl
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Quel est votre coup de gueule du moment ?
Chabouté. Je préfère parler de choses positives et sympas plutôt que d’alimenter la connerie ambiante.
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Un mot ou trente sur vos projets…
Chabouté. Terminer le livre second de Moby Dick. Et pour le reste, je ne parle jamais de mes projets à venir tout simplement parce que je préfère garder l’énergie que je vais y mettre intacte.
Lorsque le livre est terminé, il appartient au lecteur et moi je m’éclipse, je l’efface de ma tête pour repartir ailleurs… Mais tant qu’il est dans un recoin de ma tête et en partie sur ma table à dessin, je me le garde !
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Merci Chistophe

Interview réalisée le 16 janvier par Eric Guillaud

Retrouvez la chronique de l’album sur notre blog dédié BD, plus d’infos sur l’auteur ici

16 Jan

L’Epervier : 7 vies et 7 séries parallèles

Les 7 Vies de l'Epervier par Patrick Cothias et André Juillard - Dargaud

Les 7 Vies de l’Epervier par Patrick Cothias et André Juillard – Dargaud

Le chiffre 7 est magique, il a réussi formidablement au tandem de créateurs : Patrick Cothias et André Juillard. Après les 7 tomes parus entre 1983 et 1991, Les 7 Vies de l’Epervier ont engendré 7 séries parallèles et au total 54 album. Ariane de Troïl, l’héroïne revient à la recherche de sa fille, 15 ans après son aventure canadienne Plume au vent, le temps un one-shot.

Pour son 30ème anniversaire, la série historique retrouve le titre qui a fait son succès et sa renommée : Les 7 Vies de l’Epervier. Dans ce 3ème cycle d’aventures, 15 ans se sont écoulés et Ariane revient en France à la recherche « de deux graines » qu’elle avait semées avant son départ chez nos cousins d’outre-Atlantique. Elle est accompagnée de son mari Beau, un indien homosexuel, et de son amant Germain Grandpin, le père de sa fille, celle qui deviendra la courtisane Nino de Lenclos.

Le scénariste Patrick Cothias multiplie les références à Dumas en premier lieu. Elles sont nombreuses dans la structure du récit et jusqu’au personnages croisés, les 3 mousquetaires. Il est tout aussi habile pour mêler personnages historiques (Louis XIII, et son frère Gaston d’Orléans) et fiction. Mais le plus grand plaisir de ce nouvel album c’est le retour d’André Juillard. Absent des nombreuses séries parallèles, il reprend les crayons pour la belle Ariane qui n’a pas pris une ride. Son dessin est toujours autant enthousiasmant et nous plonge au cœur de la France du 17ème siècle, en 1642 précisément. Vous avez apprécié sa reprise de la série mythique de Blake et Mortimer, vous adorerez retrouver son trait de plume pour celle qui a fait la renommée de la revu Vécu dans les années 80.

Les 7 Vies de l'Epervier par Patrick Cothias et André Juillard - Dargaud

Les 7 Vies de l’Epervier par Patrick Cothias et André Juillard – Dargaud

Pour en savoir plus sur comment les lire ou pas, les 54 albums qui composent la galaxie des 7 vies je vous conseille le supplément du magazine Casemate. Les 2 auteurs s’expliquent et Juillard commente les 21 premières planches. A retrouver sur son blog. Vous apprendrez aussi qu’il a donné son accord à son ami iconoclaste Cothias pour un second one-shot sur la recherche du deuxième enfant d’Ariane. Conçu avec le roi, ce garçon aurait pu prétendre au trône à la place de Louis XIV, s’il n’était devenu son « bouffon de service » un certain Molière. A lire en 2016 …

Didier Morel

Les 7 Vies de l’Epervier par Patrick Cothias et André Juillard – Dargaud

Les 7 Vies de l'Epervier par Patrick Cothias et André Juillard - Dargaud

Les 7 Vies de l’Epervier par Patrick Cothias et André Juillard – Dargaud

Pour voir l’intégralité des planches en couleur directe de l’album, rendez-vous à l’exposition des 7 Vies de l’Epervier à la galerie du 9e Art jusqu’au 2 février 2014
Galerie du 9e Art, 4 rue Crétet, 75009 Paris