09 Mar

Clandestino, un documentaire au coeur de l’immigration clandestine signé Aurel

1447_couvMême si son titre peut légitimement laisser penser le contraire, « Clandestino, un reportage d’Hubert Paris – Envoyé spécial » est une fiction.

Une fiction mais un fait d’actualité bien réel et même dramatiquement réel puisque l’auteur, le dessinateur de presse Aurel, aborde ici l’immigration clandestine et plus précisément les harragas, ces hommes et femmes candidats à la traversée de la Méditerranée souvent au péril de leur vie. Et s’il reconnaît avoir pris des libertés avec les personnages, les lieux et les situations, toutes les informations contenues dans les pages de l’album sont certifiées vraies car vécues par l’auteur lui-même à l’occasion de différents reportages effectués en compagnie du journaliste Pierre Daum pour Le Monde Diplomatique.

« Mes premiers essais pour cette histoire… », explique-t-il, « n’étaient pas sous le biais de la fiction, mais ce n’était pas concluant du tout. Ça n’apportait rien et semblait très nombrilisme : tout le contraire de ce que je voulais faire. L’idée est alors venue de créer un personnage de fiction, Hubert Paris, pour apporter une distanciation. Cela m’a permis de raconter des choses très personnelles sans que ce soit égoïste et, dans un second temps, de mélanger plusieurs reportages ».

Ne cherchez pas le scoop… Aurel développe son récit comme un documentaire, prenant le temps d’approcher la réalité, de poser les choses, d’expliquer, de montrer et de nous faire réfléchir. D’Alger à Almaria, en Andalousie, ou les immigrés trouvent une porte d’entrée pour l’Europe sous les milliers d’hectares de serres espagnoles, Aurel envoie son personnage principal Hubert Paris, reporter au magazine américain Struggle, dans les pas de ces migrants qui quittent un pays sans jamais en rejoindre un autre complètement, restant ainsi entre deux terres, refoulés ou utilisés en fonction des aléas économiques et des besoins de main-d’oeuvre à pas cher. Un sujet difficile traité avec intelligence !

Eric Guillaud

Clandestino, un reportage d’Hubert Paris – Envoyé spécial, de Aurel. Editions Glénat. 17,25 €

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07 Mar

Olympia : une femme dans son plus simple appareil

Moderne Olympia par Catherine Meurisse © Futuropolis

Moderne Olympia par Catherine Meurisse © Futuropolis

Moderne, elle l’est vraiment Olympia. Pourrait-elle pour autant porter le 8 mars les couleurs de la Journée Internationale des Droits de la Femme ? A l’époque le tableau de Manet a suscité un scandale encore plus important que son Déjeuner sur l’herbe. Cette femme nue, le regard tourné vers le spectateur, préfigure la modernité à venir. C’est bien pour cette raison que la dessinatrice Catherine Meurisse l’a choisi comme héroïne de son récit au cœur du Musée d’Orsay.

L’origine du monde de Courbet, elle en serait aussi le modèle. Depuis, Olympia a quitté la toile pour le Grand Ecran. Cet album iconoclaste fait alors le pari de la transformer en une icône de l’Histoire de l’Art. La lutte des classes culturelles, les Refusés contre les Officiels, devient comiquement une version picturale de West Side Story, Roméo et Juliette et Singing in the Rain. Tous les modèles des plus grands chefs d’oeuvre de l’impressionnisme prennent vie sous l’impulsion de l’ingénue, vêtue d’un simple ruban noire. Après le Musée du Louvre, les éditions Futuropolis lance une nouvelle collection avec Orsay. Le résultat, c’est une suite d’œuvres que l’on peut reconnaître ou pas dans un véritable jeu de piste picturale. Rassurez vous le décryptage des tableaux pastichés apparaît en fin d’album.

Moderne Olympia par Catherine Meurisse © Futuropolis

Moderne Olympia par Catherine Meurisse © Futuropolis

Après s’être illustrée à Charlie Hebdo, Catherine Meurisse dessine pour Libération, Les Echos, Le Nouvel Obs… Ici son graphisme est fluide et limpide. Inspirée manifestement par une grande dame du 9ème art, Claire Brétécher, elle trouve dans ce récit le ton juste pour parler de ce que cela fait d’être une femme libérée, mais refusée, et ça, c’est pas si facile.

Didier Morel

Moderne Olympia par Catherine Meurisse © Futuropolis

 La BO à se glisser entre les oreilles pour prolonger le plaisir :

Une Femme Libérée – Cookie Dingler

 

06 Mar

Scandale aux éditions Dupuis : Natacha nue dans le journal Spirou

photo 317 ans qu’on ne l’avait pas vue dans les pages du journal Spirou. 17 ans ! Autant dire une éternité. On aurait pu la croire placée dans une maison de retraite à se la couler douce dans le sud de la France. Mais non, pendant tout ce temps, Natacha a continué à vivre des aventures sous d’autres latitudes.

Et finalement la revoici, dans le numéro du 12 mars prochain, toujours aussi fringante la Natacha, toujours aussi sexy même. Celle qui a fait fantasmer tant de gamins – oui oui – dans les années 70/80 n’a pas pris une ride, même pas un petit bourrelet là ou là. La preuve ? La voici : Natacha nue comme un ver… Argh !!!

Walthery©Dupuis, 2014

Walthery©Dupuis, 2014

Non, vous ne rêvez pas, c’est bien Natacha, notre hôtesse de l’air à nous, nue comme elle ne l’a jamais été. Et encore, la photo ci-dessus réalisée par un paparazzi très connu en France est une sélection plutôt soft…

Et croyez-vous que son créateur le regrette et s’en excuse ? Absolument pas.  « Ce n’est pas une série érotique… », précise Walthéry dans une interview à lire dans le journal Spirou du 12 mars, « c’est une série d’aventures pour toute la famille. Mais ici, je me le suis permis (de la mettre nue, ndlr) parce que je trouvais la situation non seulement amusante mais utile pour le récit : il fallait trouver un motif pour que Natacha s’engouffre dans la chambre de Walter ».

Scandaleux ! Il est temps de lancer une pétition pour le retour de la bonne morale dans le journal Spirou. En attendant, et pour plagier mon confrère Didier Morel, voici la BO à se mettre entre les oreilles…

Eric Guillaud

04 Mar

Les éditions Paquet rachètent les éditions Emmanuel Proust

Capture d’écran 2014-03-04 à 14.16.37On le sait depuis plusieurs jours déjà mais cette fois les éditions Paquet l’annoncent officiellement dans un communiqué de presse en date du 4 mars,  le tribunal de commerce de Paris a choisi de confier la reprise des éditions Emmanuel Proust aux éditions Paquet.

Pour accueillir l’ensemble des titres du fonds Proust, les éditions Paquet ont choisi de créer une structure indépendante dont la direction éditoriale sera assurée par Emmanuel Proust lui-même.

Les éditions Paquet annoncent par la même occasion le lancement de deux autres sociétés, une maison d’édition pour la jeunesse et une autre dédiée à l’humour.

Eric Guillaud

 

03 Mar

La proie de David de Thuin, une BD de 10.000 cases et 1000 pages dans la collection 1000 Feuilles

la-proie-de-thuin_03Il est gros, gros et beau comme un vieux dictionnaire mais ce n’est pas un dictionnaire…

La Proie est une bande dessinée, oui, une énorme bande dessinée, un pavé de 1000 pages (précisément!) et de 10.000 cases selon l’éditeur (là, je n’ai pas compté). Et autant vous l’avouer, il est resté quelques semaines sur mon bureau sans que je n’ose m’aventurer à l’ouvrir, de peur de ne pouvoir trouver le temps nécessaire pour aller jusqu’à la dernière page. Et d’ailleurs, à l’heure où j’écris ces quelques lignes, je ne l’ai toujours pas terminé. Je sais je sais ! Il faut dire que 6 à 7 heures de lecture sont nécessaires pour parvenir à bout de La Proie tant le récit de David de Thuin est dense. Dense mais pas âpre pour autant. Non, l’affaire est même plutôt légère et agréable à lire…

Mais de quoi ça cause exactement ? Bonne question. L’histoire commence sur la plage d’une île mystérieuse. Deux espèces de bestioles avec des antennes et un nez en trompette découvrent un naufragé inanimé. Ils l’emmènent chez eux, le soignent, découvrent qu’il s’appelle Topuf, qu’il vient de Neuropa, la Nouvelle Europe, et qu’il était avec son fils au moment du naufrage. A partir de là, Topuf et les deux bestioles, Tipôme et Bumble, s’engagent dans un long, très long, périple pour retrouver ce fils perdu…

Auteur précédemment de la série Elie et Compagnie avec Corbeyran, de Coup de foudre avec Raoul Cauvin, des Zorilles avec Corcal et de pas mal d’ouvrages auto-édités, le Belge David De Thuin affiche ici sa passion pour les petites bêtes à l’instar de son idole, un autre Belge, Raymond Macherot. Il affiche aussi un certain talent pour ne pas dire un talent certain de conteur. La Proie est un livre bourré d’humour, de poésie et de trouvailles scénaristiques qui mettent dans le 1000 ! Et même s’il me reste encore quelques pages à lire, je peux quand même affirmer que vous en aurez pour votre argent, 49€, oui quand même !

Eric Guillaud

La Proie, de David de Thuin. Editions Glénat. 49 €Proie1

02 Mar

Max Winson : le champion qui n’a jamais perdu

Max Winson - 1.la tyrannie par Jérémie Moreau © Delcourt

Max Winson – 1.la tyrannie par Jérémie Moreau © Delcourt

Tout est parti de cette idée « Un type qui n’a jamais perdu, et qui va se retrouver à tenter de perdre. Il a été tellement conditionné à la victoire, est-ce qu’il est capable de perdre un match ? « . Ainsi Jérémie Moreau défini son tennisman Max Winson, le héros de son roman graphique, la bonne surprise de ce début d’année.

La carrière de son auteur est à l’image de son champion de tennis. Dès 8 ans, il participe pour la première fois au concours de la BD scolaire à Angoulême et il recommence chaque année. A 16 ans, il obtient le prix tant convoité, puis en 2012 le prestigieux prix Jeune Talent du 39ème Festival. L’an dernier à 26 ans, il signe avec Wilfrid Lupano, Le Singe de Hartepool, primé à son tour par les libraires. Doué aussi bien pour le film d’animation que pour la BD, Jérémie nous surprend à nouveau avec ce premier tome Max Winson – la tyrannie, un tennisman invaincu, numéro 1 mondial depuis 7 ans.

Le généticien Albert Jacquard l’affirmait haut et fort :

« Je suis absolument contre la compétition. En revanche, je suis absolument pour l’émulation ».

Il précisait : « La compétition, c’est la volonté d’être meilleur qu’autrui, de le dépasser. Quitte à tout faire pour le détruire… Elle transforme des êtres humains en une nouvelle espèce, intermédiaire entre les humains et les monstres. »

Max Winson - 1.la tyrannie par Jérémie Moreau © Delcourt

Max Winson – 1.la tyrannie par Jérémie Moreau © Delcourt

Jérémie Moreau ne s’en cache pas, la pensée du chercheur humaniste « sert de pilier au propos sous-jacent de cette bande dessinée ». Son personnage Max Winson est aussi librement inspiré des jeunes années du tennisman André Agassi. Ici aucune émulation possible, puisque Max Winson gagne tous ses matchs quelque soit son adversaire. Il est le meilleur et de loin, il est adulé pour cela, mais vit reclus avec son père tyrannique qui tient le rôle de mentor et de coach. Le prix à payer pour cette gloire est énorme : enfance volée, solitude, absence de libre arbitre …jusqu’à sa rébellion quand son père décline et qu’il est déstabilisé par une journaliste. Dégingandé et réveur avec un coté Petit Pince ou Little Nemo, la machine à gagner retrouve alors son humanité.

Max Winson - 1. La tyrannie par Jérémie Moreau © Delcourt

Max Winson – 1. La tyrannie par Jérémie Moreau © Delcourt

Avec une belle inventivité graphique proche des mangas shônen, cet album en noir et blanc est une réussite dont attend le second tome avec impatience. C’est également une belle réflexion sur le sport comme un business-model, la compétition comme une vertu et la victoire comme une obsession.

Didier Morel

Max Winson – 1. La tyrannie par Jérémie Moreau © Delcourt

La BO à se glisser entre les oreilles pour prolonger le plaisir :

Woodkid – Run boy run 

01 Mar

Gipi : Vois comme ton ombre s’allonge

 

Vois comme ton Ombre s'allonge par Gipi © Futuropolis

Vois comme ton Ombre s’allonge par Gipi © Futuropolis

 

Gipi n’est pas un dessinateur comme les autres. Cet italien n’est pas un auteur d’autofiction de plus. A 49 ans, il est un véritable écrivain, un artiste à part entière et son nouveau roman graphique une oeuvre sans commune mesure. Fait rare pour une BD, cet album est le premier à être sélectionné au prestigieux prix littéraire Strega, l’équivalent du Goncourt en Italie.

Son nouvel album Vois comme ton Ombre s’allonge (Una Storia) est à peine refermé et c’est peu de dire qu’il ne pose d’avantage de questions qu’il ne propose de réponses. C’est le récit fragmenté d’un homme hospitalisé pour « schizophrénie subite », sans signes précurseurs donc, et juste avant 50 ans, l’age de Gipi, de son vrai nom Gian Alfonso Pacinotti. Seul signe particulier, il se met à dessiner et redessiner sans arrêt le même arbre aux branches décharnées et la même station service. De quoi laisser perplexe ses médecins et le lecteur. Le récit devient un peu plus sinueux quand un lien possible se fait avec un aïeul, un poilu de 14-18. Il aurait commis un acte inavouable pour sauver sa peau sur le front. Peu à peu, les pièces du puzzle s’assemblent au fur et à mesures des délires hallucinatoires du personnage.

Vois comme ton Ombre s'allonge par Gipi © Futuropolis

Vois comme ton Ombre s’allonge par Gipi © Futuropolis

Chaque parcelle du récit fait appel à différentes techniques : typographie et crayonné en noir et blanc, lavis et aquarelle en couleur, comme autant d’écho aux multiples rides du visage creusées au fil des millénaires par les larmes, nous raconte l’auteur. La peur de vieillir après un demi siècle d’existence est au cœur de ce maelstrom graphique.

Vois comme ton Ombre s'allonge par Gipi © Futuropolis

Vois comme ton Ombre s’allonge par Gipi © Futuropolis

« Si l’homme de dix-huit ans se réveillait d’un coup une nuit, se levait et dans le miroir se voyait avec les peurs, avec les misères de ses futurs cinquante ans, il mourrait. »

Celui qui a obtenu de nombreux prix et en  2006, le Prix du Meilleur Album à Angoulême avec Notes pour une Histoire de Guerre, et qui a rencontré un grand succès critique avec Ma Vie Mal Dessinée, tisse une histoire (le titre original en italien est Una Storia) entre textes et images d’une grande force. Bouleversante et envoûtante, à votre tour de découvrir ce nouvel opus dans l’oeuvre de Gipi.

Didier Morel

Vois comme ton Ombre s’allonge par Gipi © Futuropolis

La BO à se glisser entre les oreilles pour prolonger le plaisir :

Maxence Cyrin – Where is my mind (The Pixies piano cover)

27 Fév

3 questions à Régis Hautière, scénariste de La Guerre des Lulus chez Casterman

© Roller

© Roller

Présenté comme l’un des auteurs les plus prolifiques du moment et surtout considéré comme l’un des plus brillants scénaristes, Régis Hautière aborde la science fiction comme l’histoire, le polar comme l’aventure, avec la même intelligence d’esprit, la même limpidité dans l’écriture, la même humanité dans l’approche. A l’occasion de la sortie du tome 2 de La Guerre des Lulus, et en cette année de commémoration, Régis Hautière nous parle de la Grande guerre, de sa représentation dans la série et de sa place dans la mémoire collective…

La représentation de la guerre dans votre album est moins frontale, moins violente, que dans un album de Tardi par exemple, la jugez-vous pour autant édulcorée?

Régis Hautière. Non. Il est certain que la facette de la guerre que nous avons choisi de montrer (celle du quotidien d’un petit groupe d’enfants) est moins atroce que celle des combats de tranchées. Il est vrai aussi que nous nous sommes donné comme objectif de réaliser une bande dessinée tout public et pas uniquement réservée aux adultes. Néanmoins, notre récit n’est pas exempt de dureté et nous ne cherchons pas à rendre la guerre jolie ou sympathique. Nous avons seulement choisi de l’aborder sous un angle qui nous évite de montrer des images pouvant heurter certaines sensibilités.
Nous n’avons pas la prétention, dans la Guerre des Lulus, d’apporter un regard global sur la guerre de 1914. Notre récit est un simple point de vue sur la Grande Guerre et, comme tout point de vue, il est réducteur puisqu’il n’aborde le conflit que sous l’un de ses angles. A ce titre, le point de vue d’un poilu ou celui d’un officier d’artillerie est tout aussi réducteur. La Grande Guerre ne se résume pas aux tranchées du front ouest, sa réalité est multiple et beaucoup plus vaste. Les privations et humiliations subies par les civils vivant dans les territoires occupés par les Allemands, par exemple, constituent l’un des aspects de cette réalité.
La particularité du point de vue proposé dans la Guerre des Lulus est triple : celui qui l’exprime n’est pas un militaire, il n’est pas adulte au moment des faits et il évolue en zone occupée. La guerre telle qu’il l’a vécue et telle qu’il la dépeint est donc très différente du tableau qu’en brosserait un soldat envoyé au front. Mais cette vision n’est pas moins vraie ou moins pertinente que celle du soldat ; les deux se complètent.

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La Guerre des Lulus n’est pas C’était la guerre des tranchées mais ce n’est pas non plus le Club des cinq

En choisissant l’angle des enfants, n’y a t il pas un risque de donner une image romantique d’un fait, d’une époque, qui ne le sont absolument pas  ?

R.H. Je ne pense pas. Ne serait-ce que parce que les Lulus vivent des choses difficiles, ils connaissent la faim, le froid, la peur, la désillusion et une certaine forme de désespoir (même si leur naturel est plutôt optimiste). La Guerre des Lulus n’est pas C’était la guerre des tranchées mais ce n’est pas non plus le Club des cinq. Les Lulus vont vivre et voir des choses difficiles, des choses auxquelles ils n’auraient pas été confrontés en temps de paix.
A partir du tome 3, notamment, les Lulus quittent leur forêt et leur cabane. Ils vont découvrir, et le lecteur avec eux, que la vie des civils dans la zone occupée n’a rien d’une sinécure.

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L’un des éléments principaux de fascination, par rapport à la guerre de 1914, est sans doute qu’elle nous semble à la fois lointaine et contemporaine

Pourquoi selon vous la Grande guerre fascine autant les Français ?

R.H. Je crois que l’intérêt des Français pour cette guerre est relativement récent. Lors des années qui ont suivi cette guerre on a cherché à oublier : les civils voulait passer rapidement à autre chose, la guerre terminée on voulait profiter de la paix, et les soldats étaient incapables de parler des horreurs qu’ils avaient vécues. Et puis la seconde guerre mondiale est arrivée et elle a occupé les esprits. A mesure que cette période s’éloigne de nous, on s’y intéresse de nouveau, avec peut-être cette fois le recul nécessaire et le désir de comprendre comment cette monstrueuse absurdité a pu se produire.
L’un des éléments principaux de fascination, par rapport à la guerre de 1914, est sans doute qu’elle nous semble à la fois lointaine et contemporaine. C’est une guerre moderne, du point de vue technologique, mais aussi terriblement archaïque, si on regarde les stratégies mises en œuvre.
L’intérêt des Français pour cette guerre me semble cependant très inférieur à celui des anglo-saxons. L’Anzac Day, par exemple, célébré chaque année par les Australiens et les Néo-Zélandais,  n’a aucun équivalent français.

Merci Régis

Interview réalisée le 26 février 2014 par Eric Guillaud

Retrouvez la chronique de l’album ici-même

25 Fév

Après-guerre, suite et fin du récit de Warnauts et Raives au Lombard

apres-guerre-tome-2-blocusPrague, février 1949. Cela fait quatre ans maintenant que les Nazis ont capitulé.

Pour autant, il est difficile de célébrer la paix revenue. C’est la guerre froide et le monde se divise inexorablement et durablement en deux blocs, d’un côté l’Amérique et ses alliés, de l’autre l’Union soviétique. Dans ce contexte au passé douloureux et à l’avenir incertain, notre bourlingueur Thomas Deschamps est bien décidé à libérer sa compagne, son amour, l’Espagnole Assounta Lorca, enfermée dans un goulag. Il y parvient grâce à la complicité d’amis communistes parisiens. Assounta est de retour mais rien ne semble pouvoir redevenir comme avant…

Suite et fin de ce nouveau diptyque signé Warnauts et Raives. Après Les Temps nouveaux, récit qui débutait à la fin des années 30 avec l’explosion du Rexisme (mouvement d’extrême droite belge), Warnauts et Raives nous plongent ici dans le contexte de l’après-guerre et du début de la guerre froide avec notamment la division effective de l’Allemagne et la partition de Berlin. Comme toujours, Warnauts et Raives nous offrent un récit très documenté et magistralement mis en images à quatre mains. Pour les amoureux de l’histoire contemporaine !

Eric Guillaud

Après-guerre (tome 2), de Warnauts et Raives. Editions Le Lombard. 14,99 €

23 Fév

Clarke : le père de Mélusine dévoile ce qui se cache derrière son Etiquette

Les Etiquettes par Clarke © treizeétrange - Glénat

Les Etiquettes par Clarke © treizeétrange – Glénat

Le papa de la sorcière rousse dévoile l’envers de son univers personnel. Qui se cache donc derrière l’étiquette de dessinateur de BD jeunesse à succès ? Par petites touches, Clarke laisse les artefacts et sans détour raconte son quotidien de dessinateur pris dans une tourmente familiale.

L’héroïne du Journal de SpirouMélusine, sa jeune (119 ans) et jolie sorcière, est depuis bientôt 20 ans le personnage qui assure la notoriété de Clarke dans tous les salons. Pas une dédicace sans qu’une fan ne vienne le voir déguisée en apprentie-magicienne. Qu’il vienne présenté d’autres travaux comme Sicilia Bella ou Les Amazones, rien n’y fait. Avec Les Étiquettes, il nous livre au fil de l’eau ses déboires et ces petits riens qui définissent un homme, un père, un ex-mari. Sa femme est partie. Frédéric Seron, de son vrai nom, a choisit de continuer à vivre presque comme avant à Bruxelles, avec ses trois enfants, deux garçons jumeaux et une fille. Il se sent alors comme « une coquille vide ». Une copine lui montre qu’il aime Les Étiquettes :

« Puisque l’image que tu as de toi, c’est celle que les autres te renvoient… Alors autant savoir comment on te voit, avant de savoir qui tu es … »

Les Etiquettes par Clarke © treizeétrange - Glénat

Les Etiquettes par Clarke © treizeétrange – Glénat

Il dessine alors un récit intimiste de cette longue période faite de rencontres avec des femmes autour d’un verre, des amis complices qui portent le nom de Denis Lapierre, Bob de Groot, Dany, Janry.., son oncle malade, Pierre Seron, auteur de BD lui aussi, Les Petits Hommes. L’émotion culmine avec les derniers jours de sa mère et de son choix d’en finir avec la vie. La poésie synesthésique étreint par les touches de couleurs musicales au milieu des cases en noir et blanc. Enfin l’humour délivre lors d’une escapade londonienne, un cadeau personnel qu’il se fait pour ses 39 ans. Clarke signe là un rare récit autobiographique, d’une grande sincérité, entre mélancolie et tendresse.

Didier Morel

Les Etiquettes par Clarke © treizeétrange – Glénat

La BO à se glisser entre les oreilles pour prolonger le plaisir :

La Mélancolie – Miossec