06 Juil

Chroniques d’été : retour vers les années 80 avec Pluttark

C’est l’été, les doigts de pied en éventail, le cerveau au repos et enfin du temps pour lire et rattraper le retard. Sur la table de chevet, quelques livres en attente. C’est le moment…

9782756042732vAaaaahhh les années 80 ! Les plus jeunes d’entre vous ne s’en souviennent peut-être pas ou n’étaient tout simplement pas nés. On les imaginait pas vraiment indispensables, des années inutiles en quelques sortes. Et puis finalement… avec le recul… les années 80 au même titre que les années 60, 90 ou 2000 ont trouvé leurs fans, leurs nostalgiques de service. Pourtant, ça démarrait mal. John Lennon, le peace and love de service assassiné par un déséquilibré. Et Tom Cruise qui débarquait à New York pour faire du cinéma ! Oui franchement, ça démarrait mal. Mais bon 1980, c’est aussi l’année où le FC Nantes remporta le championnat de France de football. Et là, respect ! C’est aussi l’année ou Björn Borg remportait le tournoi de Roland Garros pour la 5e fois, où Julio Iglesias chantait « Non je n’ai pas changé ». Un an plus tard, The Cure sortait « Charlotte sometimes ». En 1983, Peugeot lançait la 205, en 1983 naissait Amy Winehouse, en 1987, James Ellroy publiait Le Dahlia noir…

Méticuleusement, l’Angevin Pluttark a rassemblé dans ce livre de plus de 200 pages les faits marquants de la décennie dans les domaines aussi différents que le sport, la politique, la culture ou le monde des people. l’album se lit sans concentration. Idéal pour une lecture discontinue sur la plage !

Eric Guillaud

Retour vers les années 80, de Pluttark. Editions Delcourt. 25,50 €

© Delcourt / Retour vers les années 80

© Delcourt / Retour vers les années 80

05 Juil

Grâce à Kek, les petits moments chiants ont aujourd’hui leur encyclopédie

215604_cAh m**** ! Généralement, c’est par cette douce expression que commence la plupart des moments chiants, quand il y n’y a plus de papier dans les wc par exemple, quand vous avez urgentement besoin de joindre un ami et que votre portable n’a bien évidemment plus de batterie, quand le matin mal réveillé votre tartine tombe dans le bol et vous éclabousse, quand votre ventre se met à gargouiller dans une salle d’attente silencieuse ou quand un copain met une photo de vous pas vraiment avantageuse sur Facebook…

Et des moments comme ceux-là, il y en a des centaines, des milliers, voire des millions, que l’auteur Kek a commencé à recenser dans cette bande dessinée modestement intitulée Encylcopédie des petits moments chiants. Près de 200 pages en noir et blanc, autant ou presque de gags qui se révèlent souvent drôles, jamais chiants. Rien de profond, que du léger, un livre qui fait du bien !

Eric Guillaud

Encyclopédie des petits moments chiants, de Kek. Editions Delcourt. 9,95 €

© Delcourt / Kek

© Delcourt / Kek

02 Juil

Tripoli: l’auteur Youssef Daoudi raconte la première guerre barbaresque

9782723489317_cgC’est un épisode méconnu de l’histoire des Etats-Unis, c’est pourtant le premier fait d’armes de la jeune nation américaine en dehors de son territoire. Tout commence en 1801 lorsque le pacha illégitime de Tripoli, Yusuf Karamanli, tente d’imposer au large des côtes d’Afrique du Nord un tribut à tous les navires qui souhaitent y faire commerce. Le président des Etats-Unis, Thomas Jefferson, refuse de s’y plier et envoie sur place les premiers Marines de l’histoire sous commandement de l’ex-consul de Tunis William Eaton. Le but : lever une armée avec le soutien du pacha légitime alors en exil, Hamet Karamanli, et libérer Tripoli. S’en suit une grande épopée à travers le désert nord-africain…

La couverture annonce la couleur, Tripoli est un somptueux récit d’aventure qui devrait plaire à un large public. A l’écriture et au dessin, un auteur d’origine marocaine, Youssef Daoudi, installé en France depuis le début des années 2000, un grand fan de Jean Giraud et Christian Rossi. Repéré il y a quelques années avec La Trilogie noire, suivi de Mayday et Ring, Youssef Daoudi développe ici un graphisme réaliste racé et documenté qui nous plonge corps et âme dans l’ambiance nord-africaine du début du XIXe siècle. Dépaysement garanti !

Eric Guillaud

Tripoli, de Youssef Daoudi. Editions Glénat. 19,50 €

29 Juin

Le cancre Ducobu décroche enfin un 20

l-eleve-ducobu-bd-volume-20-simple-207401-1Un 20 pour Ducobu ? Oui, un tome 20 qui réunit les nouvelles aventures du plus grand cancre de la bande dessinée franco-belge. Et cette fois, l’heure est grave. Le gouvernement a décidé de s’attaquer à la tricherie compulsive, reconnue comme une maladie au même titre que la cleptomanie ou la mythomanie. Les tricheurs devront impérativement suivre toute une batterie de traitements afin de guérir de leur infirmité, des traitements pénibles mais salvateurs qui iront de séances de reconditionnement en apnée à des séjours de désintoxication dans des centres spécialisés. Ducobu a du souci à se faire…

Avec son pull à la Maya l’abeille et ses airs à ne pas savoir compter, Ducobu explose les compteurs et fait chauffer les calculatrices. 20 tomes parus en 22 ans, 2 millions d’albums vendus, un tirage de plus de 100 000 exemplaires pour la nouveauté, deux adaptations au cinéma, des romans, des produits dérivés en pagaille et toujours ces histoires courtes qui font pleurer de rire les gamins supposés de son âge. Pour tous ceux qui aiment les aventures du Petit Spirou et de Cédric aux éditions Dupuis !

Eric Guillaud

L’élève Ducobu, 0 + 0 = Duco, de Godi et Zidrou. Editions Le Lombard. 10,60 €

25 Juin

Le monde d’Aïcha, une BD documentaire d’Ugo Bertotti sur la condition des femmes au Yémen

couv-AichaAïcha, Sabiha, Hamedda, Houssen, Ouda… Leur point commun ? Être femmes dans le Yémen d’aujourd’hui, un pays pauvre, l’un des plus pauvres au monde, écrasé par des traditions religieuses ancestrales. Cette bande dessinée réalisée par Ugo Bertotti parle de ces femmes et des autres, de toutes les autres. De celles qui ont été mariées de force parfois à l’âge de dix ans au nom d’Allah et de la religion, de celles qui n’ont plus eu le droit de sortir, de travailler et même de conduire une fois mariées. De celles que les maris ont répudiées pour un rien et qui se sont retrouvées à la rue, sans un sou, sans un abri pour leurs enfants. De celles qui bien sûr ne sortent jamais sans le fameux niqab, ce voile qui couvre entièrement le visage de la femme à l’exception des yeux…

Initialement publié dans la revue XXI, Le monde d’Aïcha s’inspire des impressions de voyage de la photographe Agnès Montanari, qui pendant 3 mois et demi a pu approcher, parfois partager le quotidien et l’intimité de femmes yéménites.

Dans une postface à l’album, Agnès Montanari explique :  « Quand on déambule dans les rues étroites de la vieille ville de Sana’a, on a l’impression de croiser des oiseaux mystérieux, des ombres noires, qui diffèrent que par leur taille. Et puisque ces femmes ne montrent pas leur visage, élément essentiel de connaissance et de reconnaissance dans nos sociétés occidentales, on en conclut rapidement qu’elles n’existent pas. »

Avec beaucoup de pudeur et d’humanité, l’auteur italien Ugo Bertotti lève un bout du voile sur ce pays méconnu du monde occidental, régi par la loi de l’honneur, l’honneur de la famille. Un récit surprenant, fascinant, dont la mise en images en noir et blanc, bien que plus réaliste et intégrant quelques photographies, rappelle bien évidemment l’album Persepolis de Marjane Satrapi.

Eric Guillaud

Le monde d’Aïcha, de Bertotti. Editions Futuropolis. 20 €

© Futuropolis / Bartotti

© Futuropolis / Bartotti

22 Juin

Petite Frappe, voyage au coeur de l’adolescence…

petite-frappe2Jonathan a tout de la parfaite tête à claques, une vraie teigne, une petite frappe comme ont dit. A part le football, la musique et un peu les filles, il n’aime rien. Les goals sont des cons, Barthez est un vieillard et Zidane, un nul. Sur le terrain comme dans la vie, Jonathan rejette toute autorité. Son père, son entraîneur, son président de club… tous sont logés à la même enseigne. Tous sauf sa môman ! Car oui, sous ses airs d’ado en pleine crise, Jonathan reste un enfant qui a besoin d’amour…

L’écrivain François Bégaudeau (Jouer juste, Entre les murs…) et le scénariste dessinateur Grégory Mardon (Vagues à l’âme, Corps à corps, Leçon de choses…) signent une splendide évocation de l’adolescence avec ce gamin au caractère trempé et aux répliques imparables. C’est drôle, fin et ça se mange comme du Baru, sans modération !

Eric Guillaud

Petite frappe, de François Bégaudeau et Grégory Mardon. Editions Delcourt. 18,95 €PlancheS_42994

18 Juin

« Tourne-disque », direction le Congo avec Zidrou, Beuchot et Murat

album-cover-large-23104-2Même s’il en rêve depuis des lustres, Eugène Ysaÿe n’a jamais mis les pieds en Afrique. L’homme n’est d’ailleurs pas du genre grand voyageur. Son truc à lui serait plutôt la musique classique, le violon pour être précis. Mais en 1930, à l’occasion de la commémoration des 100 ans de l’indépendance de la Belgique, le Gouverneur du Congo invite le musicien à se produire dans la capitale de la colonie belge. Eugène Ysaÿe ne peut décemment pas refusé, même à son âge, 70 ans, et même si le voyage s’avère long et difficile. C’est d’ailleurs avec un torticolis carabiné qu’il débarque là-bas. Ce qui l’empêchera de jouer mais pas de faire une étonnante rencontre en la personne de Tourne-disque, un boy chargé de remonter le gramophone et accessoirement de gérer la discothèque du maître des lieux…

Le prolifique scénariste Zidrou (L’Elève Ducobu, Les Crannibales, Tamara, La Peau de l’ours, Le Montreur d’histoires…) et le dessinateur Raphaël Beuchot (Le Montreur d’histoires…) signent ici un magnifique récit sur l’amitié au-delà des frontières et des races avec pour point de synergie la musique classique et ses grands compositeurs, passion commune du blanc Eugène Ysaÿe, qui exista réellement, et du noir Tourne-Disque. Un récit intime, tout en finesse et en douceur, qui met en scène l’époque de la colonisation belge sous un angle inhabituel mais pas pour autant édulcoré. Zidrou, passé maître en ambiances feutrées, nous régale avec cette histoire merveilleusement mise en images !

Eric Guillaud

Tourne-disque, de Zidrou et Beuchot. Editions Le Lombard. 17,95€

© Le Lombard - Zidrou & Beuchot

© Le Lombard – Zidrou & Beuchot

 

13 Juin

Billets d’amour ou la grande aventure du couple selon Romain Ronzeau

Couv_216504

Et si l’amour, le vrai, le grand, le fou, celui qui dure toute une vie, commençait tout simplement par un échange de mug ?

Je te prête mon mug Batman, tu me prêtes ton mug au coeur rose. De l’ordre du banal pensez-vous ? Et pourtant, une vie de couple épanouie commence par tous ces petits moments à priori anodins. Si vous ne me croyez pas, alors jetez-vous sur le nouveau recueil de Romain Ronzeau tendrement intitulé Billets d’amour. Après Carnets de mariage, qui portait donc sur le mariage, l’auteur poursuit dans ces nouvelles pages l’exploration de la vie intime et sentimentale du couple. Et on y a apprend énormément de choses essentielles comme bien dormir à deux, enfiler une housse de couette, arrêter de lire des BD aux toilettes, faire des compliments à son amoureux ou reuse, envelopper le poulet du dimanche avec du film plastique…

C’est drôle, c’est fin, ça se lit sans fin et, au final, ça fait du bien par où ça passe !

Eric Guillaud

Billets d’amour, de Romain Ronzeau. Editions Delcourt. 14,95 

© Delcourt / Ronzeau

© Delcourt / Ronzeau

09 Juin

Choc, les méchants ne meurent jamais !

album-cover-large-22662Je vais vous parler d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent connaître, un temps où les héros de BD se retrouvaient invariablement confrontés à des méchants capables des pires atrocités. C’était l’époque de la guerre froide, la peur d’une troisième guerre nucléaire, une vision manichéenne divisait le monde en deux, les bons d’un côté, les méchants de l’autre.

Bien entendu, ces méchants n’étaient pas des personnages principaux, plutôt des faire-valoirs permettant à nos héros de toujours, forcément du côté des gentils, de briller en société et dans nos yeux. D’ailleurs, sans eux, sans ces méchants, nos gentils Tintin, Spirou et autre Superman auraient-ils pu exister tout simplement ?

Et parmi tous ces méchants, certains l’étaient plus que d’autres. Choc par exemple. Apparu dans les aventures de Tif et Tondu au milieu des années 50 sous le pinceau du génialissime Will et la plume aiguisée de Maurice Rosy, alors scénariste de la série, M. Choc devint l’ennemi juré du duo de justiciers, un être machiavélique reconnaissable à sa queue-de-pie et son visage dissimulé sous un heaume. Pendant des années, des dizaines d’années même, il fut LE méchant idéal de la BD.

Mais qui était-il vraiment ? C’est ce que nous proposent aujourd’hui de découvrir Stéphane Colman et Eric Maltaite, le propre fils de Will, dans ce récit prévu en deux volumes. Un album indispensable pour tous les amoureux de la série et les autres !

Eric Guillaud

Choc, Les Fantômes de Knightgrave, de Maltaite et Colman. Editions Dupuis. 16,50 €

© Dupuis - Maltaite @ Colman

© Dupuis – Maltaite @ Colman

05 Juin

Le Tirailleur ou l’histoire vraie d’un Marocain engagé dans la Deuxième guerre mondiale

COUVE_TIRAILLEUR_WEBAlain Bujak n’est pas auteur de bande dessinée, il est photographe. Et c’est à l’occasion d’un reportage au coeur d’une résidence sociale à Dreux qu’il fait la rencontre d’Abdesslem, un ancien tirailleur marocain.

Que faisait-il ici dans une situation de total dénuement ? Pourquoi ce vieil homme n’était-il pas au Maroc au milieu des siens, de sa famille ? C’est ce qui intrigua Alain Bujak qui lui rendit régulièrement visite bien après la fin du reportage pour partager avec lui un peu de café et beaucoup de souvenirs. Et c’est l’histoire de cet homme, une histoire incroyable que raconte Le Tirailleur.

Tout commence en 1939 quelque part au Maroc, Abdesslem s’engage dans le 4e Régiment des Tirailleurs Marocains un peu pour sauver la France, beaucoup pour fuir la misère du bled et le désoeuvrement. Il n’a alors que 17 ans et ne quittera l’armée que 15 années plus tard après avoir connu la Drôle de guerre, la déroute, les camps de prisonniers, le débarquement des Américains en Afrique, la bataille du Garigliano en Italie… et finalement le retour sur ses terres. Mais avec la fin du protectorat de la France sur le Maroc et le gel des pensions d’anciens combattants, la vie devint de plus en plus difficile. Abdesslem se résigna alors à rejoindre la France et y habiter, condition sine qua non pour bénéficier d’une allocation vieillesse. D’où sa présence à Dreux, loin de sa terre, de ses oliviers, de ses proches.

C’est une histoire absolument émouvante et captivante que nous livrent Alain Bujak et le dessinateur italien Piero Macola, dont on avait déjà pu apprécier l’intelligence graphique dans une histoire parue aux éditions Vertige Graphic et intitulée Aller simple. Un album à mettre entre toutes les mains histoire de rappeler à certains « bons Français » que notre beau pays ne s’est pas sauvé seul des griffes nazies.

Eric Guillaud

Le Tirailleur, de Macola et Bujak. Editions Futuropolis. 20 €

© Macola & Bujak

© Futuropolis – Macola & Bujak