15 Nov

Batman White Knight : quand l’homme chauve-souris joue les méchants

On ne le répétera jamais assez, aussi cliché soit-il : entre les mains d’un auteur, un vrai, même le plus rabâché des sujets peut (re)devenir passionnant. Sean Murphy est l’un de ses petits génies : preuve en est ici avec le mythe pourtant vu et revu du ‘Batman contre le Joker’ revisité d’une manière fascinante car osant remettre en question la question universelle du bien et du mal.

Certes, axer son récit sur la relation haine/amour qui semble unir d’une façon quasi-perverse depuis toujours l’alter-ego de Bruce Wayne avec son plus grand adversaire n’est pas exactement une nouveauté en soit. Dès 1986, le grand Frank Miller avait fait basculer le héros masqué dans l’âge adulte avec la cultissime mini-série Dark Knight où pour la première fois, il apparaissait presque aussi paranoïaque et psychotique que son ennemi, rendant ainsi volontairement flou la frontière séparant les bons des méchants on va dire.

Ici, aux commandes à la fois des dessins et du scénario, le surdoué Sean Murphy qui nous avait très impressionné il y a quelques années avec le tortueux Punk Rock Jesus reprend à peu près comme point de départ le même postulat mais lui fait ensuite prendre une tournure inattendue : alors qu’il l’arrête pour la xième fois le Joker, pris de fureur, Batman le tabasse quasiment à mort sous les yeux des caméras, choquant l’opinion publique.

Mais surtout, grâce à une surdose de médicaments expérimentaux, ce dernier redevient alors Jack Napier, l’individu posé et intelligent qu’il était avant de sombrer dans la folie et de devenir le plus grand criminel de Gotham. Et alors que le super-héros est rejeté par la population et s’isole encore plus, Napier devient le ‘chevalier blanc’ (d’où le titre) de la ville qu’il a décidé de purger de sa corruption généralisée. Ce que ne l’empêche pas de jouer un double-jeu dangereux…

Rendre le Joker – ou plutôt ici Jack Napier – tour-à-tour pathétique puis touchant et enfin amoureux (si) tout en inscrivant le tout dans un contexte politico-social résonnant terriblement avec l’époque actuelle, il fallait oser. Ou avoir un sacré talent. Murphy a les deux. Son trait à l’ancienne, le côté très effilé de ses personnages et sa maitrise du clair-obscur (bien mis en valeur par le coloriste Matt Hollingsworth) donne déjà une belle épaisseur supplémentaire au récit.

Mais c’est bien son écriture qui fait toute la différence, même si on le sent un chouia moins inspiré lorsqu’il se sent obligé d’insérer quelques bastons obligatoires (on reste dans du comics, n’oublions le cahier des charges !). Tout en évitant le manichéisme, il réussi à nous faire découvrir plus d’un demi-siècle après leur création une nouvelle facette de ce duo iconique de la pop culture. Chapeau bas donc, White Knight rejoignant Dark Knight (notez la complicité des titres) au panthéon des meilleures relectures jamais écrites du culte crée par Bob Kane et le scénariste Bill Finger en 1939.

Olivier Badin

Batman White Knight, de Sean Murphy et Matt Hollingsworth. Urban Comics/DC Comics, 22,50€

© Urban Comics/DC Comics – Sean Murphy et Matt Hollingsworth

Belzebubs : quand musique metal, BD et humour font bon ménage

Le bonhomme a beau être finlandais et avoir le sang froid, on détecte tout de suite le clin d’œil et le sourire amusé lorsqu’on le rencontre au dernier Comic Con à Paris en Octobre dernier. Allez oui, on ne va pas se mentir, on a sciemment choisi un t-shirt de metal (vous voulez tout savoir ? De Darkthrone, allez hop) histoire d’être reconnu comme l’un des siens. Car même si ce trentenaire qu’est JP Ahonen a dû récemment sacrifier ses cheveux longs, ses tatouages trahissent très vite sa passion pour la musique metal. Une passion qu’il a décidé de mélanger avec l’autre grande entreprise de sa vie, le dessin. Et le résultat est détonnant…

© Marjaana Malkamäki / Daily Hero

Après Perkeros traduit en 2014 en français, Belzebubs réunit tous ses strips d’une page d’abord publié sur internet et tournant autour d’une drôle de famille et sa façon de gérer les petits problèmes du quotidien, des relations avec la belle-famille en passant par la crise d’adolescence de leur fille ainée ou les vacances. Â cela près que papa est un musicien de black-metal (littéralement, le ‘métal noir’, terme désignant une forme très véloce et agressive du heavy-metal) et que toute la famille est habillée en noir et a fait copain-copain avec les (soi-disantes) forces obscures. C’est totalement décalé, très drôle et a le mérite surtout de ne pas s’adresser qu’aux fans de ce style de musique, même si les plus chevelus d’entre vous qui se sont par exemple déjà rendus une fois au Hellfest seront ceux qui se marreront le plus…

 ma connaissance, cette bande-dessinée est l’une des toutes premières tentatives de marier BD, humour et le monde très codifié et pas du tout humoristique pour le coup du black-metal. Tu savais quand même qu’a priori, les fans de ce style assez extrême de musique ne sont pas réputés pour avoir un énorme sens de l’humour non ?

JP Ahonen. (sourire) Oui, on me l’a beaucoup dit et j’en suis bien conscient mais je voulais faire mon truc malgré tout. J’aime ce côté complètement décalé, cet écart entre cette famille un peu bizarre portant des corpsepaints (littéralement ‘peintures de cadavres’, désignant le maquillage monochrome outrancier dont sont affublés les musiciens de black-metal-ndlr) et adorant les démons confrontée aux petits soucis très banals de la vie de tous les jours. Et d’après ce que m’ont dit pas mal d’amis, à ma propre surprise il semble que pas mal de fans ou de musiciens de la scène trouvent le résultat très drôle donc…

© Glénat / JP Ahonen

N’as-tu pas été à un moment toi-même musicien de metal ?

Oui, au début des années 2000 mais je ne jouais pas un style aussi extrême, c’était plus proche de l’état d’esprit d’un Sentenced par exemple, un groupe alors très populaire chez nous en Finlande qui mélangeait metal, rock traditionnel et rock gothique (http://www.sentenced.org). Mais lorsque je suis parti à l’université, j’ai décidé de me concentrer sur le dessin plutôt. Après, même si je n’ai pas joué de black-metal, j’en connais les codes et je pense que cela m’a donné une certaine légitimité. Je comprends cette musique si tu vois ce que je veux dire et je suis tout à fait, je pense, capable d’en voir les bons côtés comme les plus, disons, risibles… Mais je reste avant tout un fan de musique et Belzebubs est une sorte de déclaration d’amour au genre metal dans son ensemble.

Est-ce que tu penses que le fait que tu sois finlandais ait joué aussi ? Tout le monde ne sait pas forcément mais chez vous, le metal est pratiquement un style ‘grand public’… Pas plus tard qu’au mois de Septembre, un groupe de chez vous de pur black-metal tout ce qu’il y a de plus sérieux du nom d’Archgoat (archgoat666.bandcamp.com) voyait même son quatrième album The Luciferian Crown atterrir directement à la deuxième place des charts !

Bien sûr ! En Finlande, personne ne te regarde de travers si tu dis que tu écoutes du metal, bien au contraire. On a envoyé Lordi gagner l’Eurovision et tu peux entendre dans les supermarchés des chansons  de Nightwish (www.youtube.com/user/Nightwishofficial) pendant que tu fais tes courses… En fait, c’est tellement accepté et rentré dans les mœurs que cela en devient presque plus cool du tout d’aimer le metal, du moins depuis une dizaine d’années. Heureusement, depuis peu de nouveaux styles de musique absolument horrible style du hip-hop chanté en Finnois sont en passe de le supplanter donc avec un peu de chances, le genre va redevenir underground et plus cool… (sourire)

© Glénat / JP Ahonen

Avec plus de 200,000 habitants, ta ville de résidence Tempere est la troisième du pays et a une bonne petite scène black-metal. En connais tu personnellement certains membres ?

Pour être honnête, non. Je sais qu’un groupe comme Horna par exemple (horna666.bandcamp.com) qui existe depuis plus de vingt ans est de Tempere mais c’est tout. En fait, même si j’aime bien le black, je suis avant tout pus friand d’un style de metal plus classique et progressif, moins extrême disons. Mais l’ironie de l’histoire est que depuis que je fais Belzebubs, je reçois régulièrement de la part de lecteurs des suggestions et très souvent, elles sont plutôt bonnes je dois dire. J’ai par exemple découvert grâce à ça Diadem of Dying Stars, un groupe grecque assez planant…

 partir de quel moment t’es-tu dit que mélanger BD et musique metal serait une bonne idée ?

Dès l’adolescence pour tout te dire. J’étais au collège avec KP Alare (avec lequel il a co-signé ‘Perkeros’ qui parlait déjà de metal-ndlr) et je me souviens très bien qu’on nous a demandé de réaliser un exposé sur les religions. Les autres ont choisi l’hindouisme, l’islam ou encore le judaïsme mais KP et moi, on a préféré prendre le satanisme ! Sauf qu’en guise d’exposé, nous avons réalisé un faux documentaire sur un ado soi-disant possédé, avec des interviews de ses parents, de sa petite amie etc. Sauf que c’était à chaque fois moi ou KP déguisé et cela a bien fait marré les gens de notre classe. Je me souviens m’être dit à ce moment là que mélanger l’occulte et l’humour était une formule qui marchait bien.

© Glénat / JP Ahonen

Belzebubs a commencé d’abord sur internet. Pourquoi ?

On peut parler d’un bel accident en gros. Belzebubs a commencé il y a trois ans environ : je souffrais alors d’une sorte de dépression lié à un sentiment d’épuisement général. Cela faisait des années que je faisais des caricatures pour des journaux locaux ou nationaux et je me sentais de plus en plus harassé par toutes les contraintes que cela impliquait de devoir fournir un dessin par jour ou par semaine.

Mon inspiration était devenue trop fluctuante et je butais sur des détails stupides… J’avais adoré faire Perkeros et j’ai alors ressenti le besoin de faire quelque chose de plus personnel où je n’aurais pas à me prendre la tête. J’ai alors décidé de participer à un concours en ligne et j’ai très spontanément commencé à dessiner deux musiciens de black-metal tenant à bout de bras un t-shirt – noir, évidemment – en essayant d’en déchiffrer le logo, vu que dans ce style la tradition veut que les groupes aient, justement, des logos tellement tordus qu’on ne puisse pas les lire… (sourire) Cela m’a fait marrer or sans le savoir, j’avais alors donné naissance à Belzebubs car ces personnages alors pas tout à fait définis ont commencé à trotter dans ma tête.

J’ai commencé à dessiner un certain nombre de strips autour d’eux, sans véritable objectif si ce n’est d’en accumuler suffisamment pour, si possible, ensuite proposer à un journal plus tard. J’ai fini par les publier moi-même un par un sur le net à partir de Septembre 2016, justement pour rester en phase avec cette idée de ne pas se prendre la tête, mais sans rien n’en attendre de plus. Et puis je ne sais même pas comment, au bout de six mois, les connections ont décollées presque d’un coup sans que je fasse quoi que ce soit, à part profiter du bon vieux bouche-à-oreille.

J’imagine que ce succès est aussi dû au manque de contrainte que t’offre internet : contrairement à mes autres travaux, je ne dois absolument respecter ni un format ni une date butoir. Il peut se passer trois semaines sans que je ne mette rien en ligne ou au contraire, si je suis inspiré, je peux en publier trois d’un coup si je veux. Et puis je rajouter un peu d’animation, faire un grand format ou à l’inverse un petit etc. Et cette liberté m’a fait un bien fou !

© Glénat / JP Ahonen

Belzebubs se partage en deux axes bien précis : d’un côté la vie de famille et de l’autre, celle du groupe du papa et ses difficultés à donner des concerts etc. Pourquoi insistes tu sur cette double facette ?

Parce que j’aime m’amuser avec ces types très sérieux qui veulent faire des chansons à la gloire des forces des ténèbres avec des pentacles et des clous dans tous les sens et les confronter à des problèmes très basiques de la vie de tous les jours. J’adore ce contraste et c’est ce qui est le plus drôle à réaliser.

Oui mais on pousse le bouchon encore plus loin car si j’ai bien compris, un album de Belzebubs – le groupe – est prévu pour Mars prochain… C’est vrai ?

Oui, tout à fait ! D’ailleurs ils ont déjà sorti un premier morceau pour lequel j’ai réalisé un clip (www.youtube.com/watch?v=sxzb00dqNg4) et je travaille actuellement sur le script d’un deuxième. Le disque est enregistré et est en cours de mixage…

Mais qui joue dessus ? Toi ?

Je ne peux rien te dire, à part que non, je ne joue pas dessus car je n’ai pas le niveau… (sourire) Officiellement, ce sont les quatre personnages de la BD qui seront crédités, c’est tout ce que je peux te dire.

Est-ce que l’on peut considérer ce futur album comme une sorte de bande originale de film ?

Pas exactement, je les vois plutôt comme deux entités bien séparées, même si elles sont très liées. Tu peux apprécier l’une sans aimer l’autre mais disons que si tu fais attention, tu trouveras sur ce disque plein de clins d’œil et de détails qui expliquent un peu la ‘mythologie’ Belzebubs telle qu’elle est présentée sur la BD. J’aime beaucoup cette idée de lier plusieurs médias entre eux autour du même univers et si j’en ai les moyens et que le succès est au rendez-vous, j’espère bien amplifier ce mouvement. Bref, il y a du boulot et c’est tant mieux, je ne fais que commencer.

Propos recueillis par Olivier Badin

Belzebubs par JP Ahonen, Glénat, 9,95€

14 Nov

Moi en double : un témoignage sur l’obésité morbide signé Navie et Audrey Lainé

Le titre pourrait le laisser penser mais Moi en double ne parle pas de schizophrénie ni d’une quelconque histoire d’agents doubles mais de l’obésité. Une histoire vraie, un combat douloureux de tous les jours, un témoignage de l’auteure Navie illustré par Audrey Lainé…

Navie pourrait se dire qu’elle est en bonne santé. Après tout, elle n’a pas de diabète, un rythme cardiaque impeccable, une tension parfaite, pas de souci de thyroïde, pas de mal de dos non plus… Elle pourrait effectivement se le dire mais son médecin, lui, ne pense absolument pas la même chose. Il faut dire que Navie mesure 1m54 pour 127 kg, ce qui lui fait un IMC, indice de masse corporelle, de 53.

« C’est très grave… », lui dit son médecin, « c’est de l’obésité morbide ». Mais Navie a appris à vivre avec depuis longtemps, multipliant les visites chez les nutritionnistes, enchaînant les régimes… jusqu’au jour où une « nutritionniste-psy-sauveur » comme elle l’appelle lui fait comprendre qu’elle porte sur ses épaules le poids moyen d’une femme.  » C’est comme si vous portiez des packs d’eau lui dit-elle, vous vivez avec un double ».

Un double ? « Je peux dire à mon mec qu’on fait souvent des plans à trois alors ? » L’humour est nécessaire et inée chez Navie mais la vie de tous les jours n’est qu’une souffrance, un mensonge à soi-même et aux autres. 

C’est le quotidien douloureux que raconte l’album Moi en double, le combat de Navie pour retrouver un corps qui lui permette d’aller mieux dans sa tête, de s’accepter enfin, de s’aimer, de se regarder dans le miroir. Mais la perte de ces kilos de trop réglera-t-elle tout ?

Un témoignage fort et intelligemment mis en images par Audrey Lainé dans un noir et blanc – et rouge pour le double – dynamique et inventif.

Eric Guillaud

Moi en double, de Navie et Audrey Lainé. Delcourt. 15,50€

12 Nov

Le petit théâtre de Spirou : Al adapte en BD les pièces jouées par le théâtre du Farfadet pendant la Deuxième guerre mondiale

Après Spirou sous le manteau et À tous les coups c’est Spirou!, le discret, rare mais précieux Alec Severin, alias Al, est de retour aux éditions Dupuis avec Le Petit théâtre de Spirou, l’adaptation en BD de saynètes écrites sous l’occupation par Jean Doisy pour un théâtre de marionnettes…

Durant la Seconde guerre mondiale, le journal de Spirou alors très sérieusement menacé de censure par l’occupant allemand, cherche une façon de garder le contact avec ses lecteurs. Il tente de le faire sous un format mensuel inauguré par un almanach sorti en décembre 1943. Sans lendemain ! L’occupant veille…

Il le fait aussi dès 1942, et l’histoire est moins connue, par l’intermédiaire d’un théâtre de marionnettes ambulant fondé par André Moons avec le soutien des éditions Dupuis. Les marionnettes à l’effigie des vedettes du journal, Spirou, Spip, Fantasio ou encore de Tif et Tondu, ont pour objectif d’entretenir la flamme de Spirou et de véhiculer ses valeurs humanistes dans une succession de pièces écrites par Jean Doisy, alors rédacteur en chef du journal de Spirou.

Mais ce n’est pas tout, « dans les coulisses… », écrivent Christelle et Bertrand Pissavy-Yvernault pour les excellents Cahiers de la BD, « se cachait un important réseau clandestin. Dès le début, Doisy, l’homme de toutes les manigances, avait perçu la double opportunité qu’offrait la création de cette compagnie itinérante : par son intermédiaire, des résistants pouvaient sillonner la Belgique munis d’Ausweis en bonne et due forme, sous couvert de prospections de nouveaux spectacles ».

À la Libération, le journal de Spirou retrouve son public et les pièces du Farfadet sont remisées dans un coin de grenier avant d’être miraculeusement retrouvées il y a quelques années par les mêmes Christelle et Bertrand Pissavy-Yvernault alors plongés dans l’écriture de l’ouvrage de référence La Véritable histoire de Spirou.

L’idée de les ramener à la lumière et de les mettre en images trouve en Alec Severin, alias Al, un allié de poids. Avec son trait malicieux, savoureusement rétro, l’auteur avait déjà signé Spirou sous le manteau, un recueil de dessins mettant en scène Spirou et Fantasio pendant la fameuse période d’interdiction du journal en 1943 et 1944.

Un graphisme étonnant de virtuosité, des planches de toute beauté, une construction intelligente, un texte respecté à la virgule près, un dos toilé rouge à l’ancienne, un très grand format, le tout accompagné du programme du Farfadet en fac-similé, Le Petit théâtre de Spirou est un album essentiel pour tous ceux qui s’intéressent un tant soit peu à l’univers du groom, un album qui aurait très bien pu être écrit au lendemain de la guerre comme un passage de témoin entre le créateur de Spirou, Rob-Vel, et celui qui hérite de ses aventures entre 1944 et 1946, Jijé. Une vraie curiosité !

Eric Guillaud

Le petit théâtre de Spirou, de Al. Dupuis. 24,95€

10 Nov

Une vie à schtroumpfer : une biographie en images de Peyo orchestrée par Vincent Odin

On ne le dirait pas à première vue mais les Schtroumpfs ont 60 ans. L’occasion pour les éditions Daniel Maghen de rendre un hommage appuyé à leur créateur à travers cet incroyable ouvrage de plus de 300 pages. De quoi schtroumpfer pour l’éternité…

Tout le monde ou presque connaît les fameux lutins bleus imaginés par Pierre Culliford, alias Peyo. Mais combien savent comment et où ils sont nés ?

Non, il ne sont pas nés dans des choux, fussent-ils de Bruxelles, mais dans une aventure de Johan et Pirlouit, La Flûte à six trous, publiée en octobre 1958 dans le journal Spirou. Au détour d’une page, les deux héros tombent nez à nez avec des Schtroumpfs qui n’arrêtent pas de schtroumpfer en schtroumpfant. Mais d’où venaient ce nom et ce langage si particuliers ? Peyo aimait raconter l’anecdote :

« J’étais en vacances à la mer avec Franquin, et à table, je lui ai demandé de me passer quelque chose, sans en trouver le nom : « Passe-moi le… heu… le schtroumpf! » Franquin a immédiatement répondu : « Tiens, voilà ton schtroumpf », à quoi j’ai répliqué ; « Merci de me l’avoir schtroumpfé, quand je n’en n’aurai plus besoin, je te le reschtroumpferai » et nous avons continué à parler schtroumpf pendant tout le repas, puis les jours suivants ».

Cette anecdote savoureuse figure bien évidemment dans cet ouvrage fantastique qui réunit sur plus de 300 pages des croquis, des illustrations de couvertures, des planches en noir et blanc, avec les marques de schtroumpfs, pardon de rubans adhésifs, et les traits de lettrage s’il vous plait, le tout ponctué par des extraits d’interviews de Peyo données tout au long de sa carrière. On y parle des Schtroumpfs, beaucoup, mais pas seulement. Vincent Odin, créateur de la collection, évoque aussi les débuts de l’auteur, les séries Johan et PIrlouit et Benoit Brisefer, les adaptations en dessin animé…

Après Juillard, Vicomte, Cosey, Tillieux, Tibet et Will, voici donc une nouvelle biographie en images sur l’un des auteurs phares de de la bande dessinée franco-belge. Un livre totalement indispensable pour tous les inconditionnels de Peyo et plus largement pour tous les amateurs du neuvième art !

Eric Guillaud

Une Vie à schtroumpfer, de Peyo, réalisation de Vincent Odin. Daniel Maghen. 59€ (en librairie le 15 novembre)

09 Nov

C’est quoi ce Pataquès ?

Il paraîtrait que Pataquès est le nom d’une nouvelle collection chez Delcourt. Tu parles d’un nom. Pataquès. Et puis quoi encore ? On pourrait aussi appeler les bouquins Pan! T’es mort! pendant qu’on y est. Ou mieux encore, Amour, Djihad & RTT. Ah ah ah, non vraiment, ils ont de drôles d’idées chez Delcourt…

Ils ont de drôles d’idées mais c’est pour mieux se marrer mon enfant. Et c’est bien là l’essentiel ! Tenez, prenez Amour, Dijhad & RTT, oui ça existe vraiment, Marc Dubuisson, l’auteur, nous offre un délire islamo-djihadiste de près de 80 pages autour d’un autoradicalisé qui n’a lu du Coran que la définition dans Wikipedia, et menace depuis lors tous ses collègues de bureau avec un trombone et une agrafeuse. Bon, l’impact est limité mais la vie de l’entreprise s’en trouve perturbée. Surtout quand notre djihadiste s’embarque dans une prise d’otage avec pour revendications : 10 tonnes d’uranium, 20 millions de francs et la libération de la Palestine… Le seul  hic, c’est que ça risque d’être long et de déclencher des heures sup pour les otages. Le boss fulmine…

Quant à Pan! t’es mort!, oui oui ça existe aussi, ils s’y sont mis à deux, Terreur Graphique et Guillaume Guerse, pour écrire un bouquin qui n’a qu’un objectif : faire un mort par page. Alors, pas de quartier, tout le monde y passe, les vieux, les jeunes, même les gamins, les amoureux, les chasseurs, les lapins, les légumes… Et tant qu’à faire, dans d’atroces souffrances. Quant aux lecteurs, eux-aussi pourraient bien mourir…de rire.

Et si vous n’en avez pas assez, alors Pataquès vous a concocté d’autres albums tout aussi savoureux. Team Méluche d’Hervé Bourhis par exemple vous entraînera au cœur du mouvement de jeunesse « En Marche » et du fameux projet Team Méluche qui a pour objectif « d’intégrer le mélenchonisme dans la startup nation, en vue d’aboutir à une fusion-acquisition des Insoumis ». Ça ne s’invente pas ! Dans l’album Medley, le Nantais RaphaëlB nous donne toutes les réponses aux questions essentielles que chacun de nous se pose tous les jours sur la musique, du genre : quelle musique écoute les super-héros ? Peut-on être laid dans la vie et sexy sur scène ? Les pianistes jouent-ils vraiment debout ? Enfin, dans Les Aventures du Mékong, Marc Pichelin et Guillaume Guerse nous invitent à suivre les aventures totalement loufoques et improbables de deux auteurs de BD, Marco et Gégé, obligés de surfer sur la vague de la BD reportage pour espérer avoir du boulot et des bouquins qui se vendent. Et comme ils ne font rien à moitié, direction le Laos…

C’est quoi ce Pataquès, c’est aujourd’hui cinq albums et plein de projets pour 2019. Et si vous n’avez pas tout compris sur la ligne éditoriale de la collection, la réponse est là, signée de son directeur James…

© Delcourt / James

Eric Guillaud

Amour, Djihad & RTT, de Marc Dubuisson. 12€ / Pan! T’es mort!, de Terreur Graphique et Guerse. 12€ / Team Meluche, de Hervé Bourhis. 12€ / Medley, de RaphaëlB. 12€ / Les aventures du Mékong, de Pichelin et Guerse. 18,95€

07 Nov

San-Antonio, Frédéric Dard, François Boucq et les autres…

Attention, ça sent le sapin à plein nez, pas celui qui finit par nous servir de maison pour l’éternité mais celui qui s’invite chaque année dans notre salon avec une déco parfois douteuse. Oui, ça sent le sapin parce qu’un bouquin comme ça, ça s’emballe et ça s’offre !

Bien sûr, on n’enseigne pas San-Antonio dans les écoles mais vous ne pouvez pas ne pas connaître. C’est un pan de notre patrimoine littéraire, un mythe, 50 ans de bons et loyaux services, 175 volumes, des centaines de millions d’exemplaires vendus un peu partout et surtout un univers à la Frédéric Dard, unique, du polar trafiqué à l’humour, au jeu de mots et à la grivoiserie.

Ce très beau livre publié par les éditions Dupuis sous label Aire Libre -Champaka réunit les 175 couvertures réalisées par François Boucq, l’auteur de Jérôme Moucherot, Bouche du Diable et du Bouncer, un énorme chantier lancé par les éditions Fleuve Noir en 2000 et qui se poursuit aujourd’hui encore avec les couvertures des Nouvelles aventures de San-Antonio écrites par le fiston, Patrice Dard.

En bonus, l’excellente interview de Frédéric Dard par Antoine de Caunes, réalisée en 1985 pour le magazine Metal Hulrlant, un texte de François Rivière, spécialiste du roman populaire et de San-Antonio, ainsi qu’une mise en avant du travail de François Boucq signé Eric Verhoest. Un très beau cadeau je vous dis !

Eric Guillaud

San-Antonio, de Boucq et Dard. Dupuis. 28,95€

Cahiers de la mer de Chine : Christian Cailleaux nous embarque sur la goélette scientifique Tara

Christian Caillaux est de la trempe des écrivains voyageurs, le genre d’homme à ne pas rester en place, à toujours désirer voir plus loin, de l’autre côté de l’horizon. Lui qui a vécu et crapahuté un peu partout sur la planète, depuis le Congo-Brazzaville jusqu’à Montréal, nous offre régulièrement son regard à travers des romans graphiques. Le dernier en date, Cahiers de la mer de Chine, est un carnet de voyage qui nous embarque à bord de la goélette scientifique Tara…

Connaissez-vous Tara ? Tara est une goélette française qui sillonne les océans avec pour double mission la recherche scientifique et la défense de l’environnement.

Durant deux ans, de 2016 à 2018, la goélette navigue sur les eaux de l’océan Pacifique. 100 000 km, 70 escales avec l’objectif « d’ausculter de manière inédite la biodiversité des récifs coralliens et leur évolution face au changement climatique et aux pressions anthropiques ».

A son bord, des marins bien sûr, des scientifiques et des artistes, huit en tout, invités à donner leur vision de l’expédition. Chistian Cailleaux est l’un d’eux. Avant d’embarquer, il expliquait à Mathieu Poulhalec des éditions Dupuis : « Je sais déjà que ce sera une expérience extraordinaire avec véritablement du sens et de l’engagement (…) Il y a 20 ans,  je voyageais le coeur léger et surtout bercé d’insouciance et d’illusions. Aujourd’hui, ce n’est plus possible ! Les bouleversements du globe sont tels qu’il faut forcément donneur sens à son usage du monde. Ceci dit, je compte bien également réaliser des images pour le seul plaisir du geste et de la création ».

Ces images, les voici aujourd’hui rassemblées dans ce cahier avec quelques lignes de l’auteur pour en expliquer le contexte. Paysages, vie à bord, marins et scientifiques au travail… Christian Cailleaux nous dévoile un peu de son expérience à bord de Tara, avec cette subtilité graphique qui caractérise son travail et nous embarque toujours très loin. Un très bel ouvrage au format cahier graphique de 64 pages, accompagné d’une sérigraphie originale signée et numérotée. Sublime !

Eric Guillaud

Cahiers de la mer de Chine, de Cailleaux. Dupuis. 28€.

05 Nov

Le coin des mangas : Signal 100, Blue Giant, Battle Royale, This is not love thank you, Hana Nochi Hare, La Fille du temple aux chats, Fruits Basket Another et Ranma 1/2

On commence avec du neuf, une série dont le premier tome est sorti en septembre et le deuxième est annoncé pour la fin du mois de novembre. Il s’agit de Signal 100, un récit à suspense d’Arata Miyatsuki et Shigure Kondo prévu en quatre volumes. Et que raconte Signal 100 ? L’histoire d’un professeur, M. Shimobe, malmené par ses élèves, sermonné par sa direction. À bout de nerf, il met en place une terrible vengeance en hypnotisant ses élèves et les soumettant à un jeu sinistre. Pour chacun d’eux, un geste anodin, aussi anodin que de se laver les dents, rire ou manger peut signer leur arrêt de mort. C’est le signal. Il en existe 100, 100 actions à ne surtout pas réaliser. À eux, les élèves, de tout faire pour les éviter… (Signal 100, de Arata Miyatsuki et Shigure Kondo. Delcourt. 7,99€)

Musique à présent avec Blue Giant dont le troisième des dix volets prévus, vient de sortir. Blue Giant nous embarque dans l’univers du jazz en compagnie de Dai Miyamoto, jeune lycéen membre de l’équipe de basket, travailleur à mi-temps dans une station service et surtout fou de jazz depuis des années. « je serai le meilleur jazzman au monde », se dit-il. Et pour cela, Dai Miyamoto bosse énormément, des heures et des heures à souffler dans son saxo, à en oublier la météo, à en oublier l’école, à en oublier les contraintes. Peu à peu, il se fait remarquer, par son professeur de musique et bientôt par ses camarades de lycée pour lesquels il prépare un concert. Après Vertical qui traitait de la haute montagne, l’auteur Shinichi Ishizuka offre à ses lecteurs un somptueux voyage au pays du jazz. (Blue Giant 3, de Shinichi Ishizuka. Glénat. 7,60€)

Battle Royale revient dans une nouvelle édition prévue en huit volumes, chacun d’entre eux réunissant deux tomes de l’ancienne édition. Ajoutez à cela de nouveaux scans des pages et un nouveau lettrage et vous aurez là – peut-être – toutes le bonnes raisons de vous jeter sur cette Ultimate Edition. Pour le reste, rien ne change, l’histoire est bien évidemment la même, celle d’un jeu de massacre organisé par une nation totalitaire d’Aise, 42 élèves de 3e isolés sur une île, 1 seul doit survivre, c’est l’heure des alliances, des trahisons… bref ça bastonne sec. Pour public averti ! (Battle Royale 1, de Koushun Takami et Masayuki Taguchi. Soleil Manga. 15€)

Beaucoup plus « love love », voici le premier volet de This is not love, thank you réalisé par une nouvelle auteure du catalogue Soleil Manga, Yuki Nojin. Prévue en trois volets, cette histoire raconte les aventures de Sara Izumi, 16 ans, une gamine comme les autres qui rêve depuis toute petite de vivre le grand amour, comme dans les films. Sauf que la vie n’a pas grand chose à voir avec le cinéma. Et que parfois, l’amour n’est pas réciproque. Sara en vivra l’amère expérience avec un beau garçon prénommé Tsubasa qui se moquera d’elle. Mais la jeune Sara n’a pas dit son dernier mot… (This is not love, thank you, de Yuki Nojin. Soleil Manga. 6,99€)

L’amour encore, l’amour toujours avec cette série de Yoko Kamio, Hana Nochi Hare, dont le 4e volet vient tout juste de sortir et nous embarque une nouvelle fois pour le lycée d’élite Eitoku, un lycée réservé aux plus riches dans lequel un groupe d’élèves, les Correct 5, s’évertue à débusquer et faire expulser les lycéens pauvres simplement pour préserver la réputation de l’établissement. La jeune Oto Edogawa pourrait être la nouvelle victime. Elle fait tout pour cacher les origines modestes de sa famille, jusqu’au jour où Haruto Kaguragi, leader des Correct 5, découvre que la jeune fille travaille dans une supérette. Ce qui ne les empêche pas de tomber amoureux… (Hana Nochi Hare tome 4, de Yoko Kamio. Glénat. 6,90€)

Premier volet d’une série en six volumes, La Fille du temple aux chats raconte l’histoire de Gen, un jeune garçon qui visiblement ne supporte plus ses parents. « Du moment que c’était loin de mes vieux, j’étais prêt à vivre n’importe où », clame-t-il. Même dans la cambrousse la plus reculée, même dans un endroit vétuste. Et le voilà débarquant dans le temple où vit sa grand-mère mais aussi… surprise… une jeune-femme d’une vingtaine d’années, Chion, qu’il a connue enfant. De quoi rendre la campagne agréable à ce pur citadin… (La Fille du temple aux chats, de Makoto Ojiro. Soleil Manga. 7,99€)

Vous êtes de ceux qui avaient aimé à la folie et dévoré les 23 volumes de Fruits Basket de Natsuki Takaya ? Alors voici Fruits Basket Another, à la fois spin-off et suite de la série culte vendue à plusieurs millions d’exemplaires à travers la planète Manga. Prévue en trois volumes, cette nouvelle série très proche finalement de l’originale, trop pour certains, raconte l’histoire de Sawa Mitoma, lycéenne maladivement timide qui va se retrouver bien malgré elle au conseil des élèves où elle se fait finalement de nouveaux amis… (Fruits Basket Another tome 2, de Natsuki Takaya. Delcourt Tonkam. 7,99€)

On termine avec Ranma 1/2 sixième volet, un manga signé Rumiko Takahashi publié chez Glénat dont les jeunes garçons raffolent. Au menu, une bonne dose d’histoires d’amour, des personnages qui se transforment en animaux au contact de l’eau et des arts martiaux à gogo. (Ranma 1/2 tome 6, de Rumiko Takahashi. Glénat. 10,75€)

Eric Guillaud

04 Nov

Les Grands espaces : Quand Catherine Meurisse rêvait de Versailles

C’est un petit coin de paradis, un Versailles en mode familial, avec son potager à la française et en son milieu la statue d’un nain de jardin en guise de Roi-Soleil. C’est un petit coin de paradis à l’abri du temps qui passe trop vite, à l’abri de la cupidité des hommes, un petit coin de paradis qui doit tout à la nature, à la littérature et à la peinture…

Mais à qui appartient ce petit coin de paradis ? À l’auteure du livre elle-même, Catherine Meurisse, ou du moins à ses souvenirs de jeunesse. Catherine n’est alors qu’une toute jeune-fille lorsque ses parents décident de s’installer à la campagne. « Les filles, la campagne sera votre chance », avaient-ils décrété comme une nouvelle évidence. Et voilà toute la petite famille partie s’installer dans une ferme en ruine, au milieu de nulle part, à proximité de pas grand chose.

L’imagination au pouvoir

Il fallait avoir de l’imagination pour espérer redonner fière allure à ce lieu. Les parents n’en manquèrent pas, le père dessinant dans sa tête le plan de la future habitation, « là, ce sera la salle à manger. Ici, je vois bien la cuisine… », la mère plantant tout ce qu’elle pouvait, ici un rosier provenant du jardin de Marcel Proust, un autre du jardin de Montaigne, là un figuier venant de chez Rabelais, des ancolies de la grand-mère, des hêtres, des prunus, des cognassiers, des acacias et autres merisiers. Bref, de quoi remettre la nature en ordre de marche.

© Dargaud/Rita Scaglia

Et lorsque la pollution agricole s’invite aux portes du jardin, sous la forme d’un épandage de sang d’abattoir, la mère ne jardine plus, elle entre en résistance, plante une haie pour freiner les vents et les odeurs. Comme un pied de nez au remembrement. « Patience! Dans quelques années, on aura un parc superbe comme au château de Versailles ».

Catherine réclame sa part de château. Elle gagne un petit lopin de terre divisé en carré, comme à Versailles, à la Le Nôtre. À elle d’y faire pousser ce qu’elle veut. Des campanules, des acanthes, des benoîtes écarlates, des rhodantes, des clarkias… ? Pourquoi pas un parterre à la Zola, le fameux paradou de La Faute de l’abbé Mouret. « Tu crois que Zola a mis de l’engrais? », demande-t-elle à sa mère.

Peu à peu, à grand coup de boutures et de littérature, le paradis prend forme. Mais pendant ce temps, tout autour, c’est l’enfer qui se dessine ! Les arbres disparaissent, les lotissements grignotent l’espace, les agriculteurs carburent au roundup, les lignes à haute tension poussent comme des champignons, les forêts de panneaux publicitaires barrent l’horizon…

Le Louvre comme refuge

La famille de Catherine a envie de voyager. Mais pas de quitter le paradis pour l’enfer. C’est une nouvelle fois la littérature et plus précisément Marcel Proust qui indique la bonne direction : le Louvre. C’est là que Catherine découvre le beau, c’est là aussi que naît sa vocation pour le dessin. « En arrivant au Louvre, j’ai eu l’impression que j’arrivais dans une seconde maison… », confie-t-elle sur France Culture, « J’étais attirée par les peintures qui représentaient de la verdure, des prés, des arbres, tout ce que j’avais autour de moi mais il fallait que je vois ça à travers les yeux des artistes ». Lorsqu’elle retrouve son jardin, c’est dorénavant pour le dessiner, le peindre.

Après La Légèreté, qui s’apparentait à « un cheminement, une tentative de refaire surface » , un retour à la vie après l’attentat de Charlie auquel elle a miraculeusement échappé, Catherine Meurisse nous raconte dans ce nouvel album d’où elle vient, ce qui l’a nourri dans sa jeunesse, la nature bien sûr mais aussi la littérature et la peinture avec pour horizon commun la liberté, la beauté et les grands espaces, réels ou imaginaires. Une chronique de l’enfance tendre, poétique érudite et pleine d’humour emmenée par un trait au crayon sensuel. Pour voir le monde autrement !

Eric Guillaud

Les Grands espaces, de Catherine Meurisse. Dargaud. 19,99€

L’Info en + Catherine Meurisse sera en dédicace à Nantes, à la librairie Les Bien-Aimés, le samedi 10 novembre

© Dargaud/Meurisse