30 Déc

Sarkozy, héros de bande dessinée malgré lui…

Il est partout ! A la télévision, dans la presse écrite, à la radio, à Paris, en province, à l’étranger, seul, en famille, en avion, à vélo… Plus que tout autre président de la République française, Nicolas Sarkozy a marqué et marque encore la cinquième république par un style dynamo-nerveux et une hyper-présence. Juste retour des choses, les médias le placarde, le brocarde, le caricature, à l’envie. Impossible d’échapper à ce personnage, donc, pas même au cinéma ou dans la bande dessinée. La preuve avec ces trois albums sortis en novembre, trois albums qui ont pour personnage central ou cible principal : Nicolas Sarkozy…

Pour commencer, Quinquennat nerveux, premier volume de L’Actu en patates, regroupe les strips de Martin Widberg postés sur son blog d’humour politique, un blog créé en 2000, accueilli depuis 2008 par le site du Monde et revendiquant aujourd’hui un million de visiteurs par mois. Rien que ça ! Réordonnés, parfois redessinés pour la version album, les strips de Martin Widberg parodient les événements phares du quinquennat. Sarkozy y apparaît en petit bonhomme patate obsédé par son image, le travail, l’argent, les réformes, sa réélection en 2012… Un retour sur le mandat de Sarkozy drôle et percutant ! Et si vous en voulez encore plus, rendez-vous sur le blog de l’auteur en cliquant ici-même !

Autre style, même punition : sous la plume de Lupano et le pinceau de Bazile, Sarkozy devient Sarkozix et nous entraîne dans le Lutèce de l’an 1 après JC. Une transposition de la vie politique actuelle qui nous rappelle bien évidement les aventures d’Astérix. Vous y retrouverez Sarkozix en chef des gaulois, Fillus en serviteur loyal et soumis, mais aussi Hortefix, Alliomarix, Borlojeanlouix, Chiraquix, Juppix, Douillix, Stroskanix… bref tous ceux qui comptent dans le jeu politique français ! 

Et pour finir, le plus sérieux des trois albums, Sarkozy et les riches, un album qui s’intéresse aux liens privilégiés qui unissent le chef de l’Etat et le monde de l’argent. Les auteurs, le journaliste Renaud Dély et l’illustrateur de presse Aurel, ont construit cette bande dessinée autour des témoignages qu’il ont pu recueillir auprès de responsables politiques, de patrons, de magistrats ou encore d’artistes, et des éléments puisés dans la presse écrite (Le Monde, Libération, Le Nouvel Observateur…) ou sur internet (Mediapart, Rue 89…). Sarkozy et les riches offre une succession de courts récits qui mettent en scène quelques grands noms de la finance et de l’industrie comme Martin Bouygues, Arnaud Lagardère, Vincent Bolloré, Bernard Tapie, Liliane Bettencourt… des amis toujours prêts à se rendre quelques menus services ! E.G.

Dans le détail

Quinquennat nerveux, L’Actu en patates (tome 1), de Martin Widberg. Editions Delcourt. 16,50 euros.

N’en jetez plus, Les Aventures de Sarkozix (tome 3), de Lupano, Bazile et Maffre. Editions Delcourt. 9,95 euros.

Sarkozy et les riches, de Renaud Dély et Aurel. Editions Drugstore. 15 euros.

Sur la route de Banlung, Cambodge 1993, de Rochel et Vink. Editions Dargaud. 14,95 euros.

Ratanakiri, Cambodge. 1993. Cela fait maintenant quelques temps que Jacques est arrivé dans cette province située au nord-est du pays. Une province perdue mais historiquement très importante puisqu’il s’agit de la province natale de Pol Pot et du mouvement khmer rouge. Employé de l’ONU, Jacques est ici pour veiller au bon déroulement des premières élections libres et démocratiques du pays, 15 ans après le renversement du gouvernement de Pol Pot par l’armée vietnamienne et la découverte des atrocités commises par les Khmers rouges. Même si la population ne parle guère de cette période, désireuse sans doute de tourner définitivement la page, certains Khmers rouges continuent de semer le désordre et de faire couler le sang. Dans ce contexte, le travail de Jacques est primordial et dangereux. Chaque mois, il doit parcourir la province sous haute protection militaire pour distribuer la paie des employés de l’ONU…

D’un côté, Vink, auteur de bande dessinée né au Vietnam. De l’autre, Jacques Rochel, ancien employé de l’ONU, métissé vietnamien. L’un et l’autre ont fréquenté le même établissement scolaire à Danang. C’était en 1968. L’un et l’autre se sont retrouvés à l’occasion du 40e anniversaire de leur classe de lycée, à Liège. Et de cette rencontre est né Sur la route de Banlung, un récit mêlant fiction et réalité autour d’une période clé de l’histoire du Cambodge. Un dossier consacré à ce pays complète l’album. Il réunit une interview croisée entre les deux auteurs, des photographies de l’époque et nombre d’infos sur le génocide commis par les Khmers rouges et la mission de l’ONU. E.G.

24 Déc

Une idée de cadeau de dernière minute pour Noël ? Suivez le guide…

Vous n’avez plus le temps de réfléchir, il faut agir ! Voici une petite liste de BD pour tous les goûts…

BD Documentaire : Reportages de l’Américain Joe Sacco, Chroniques de Jerusalem de Guy Delisle, Les Ignorants d’Etienne Davodeau

Humour : Des gaffes et des chats de Franquin, Les Tuniques Bleues de Lambil et Cauvin, La Médecine et Le Sport de Serre

Action : Golden city 9 de Pecqueur, Malfin et Schelle, Aquablue 12 de Hautière et Reno,  Sillage 14 de Morvan et Buchet

Divers : Carnet intime de Zep, Bienvenue à Hoxford de Ben Templesmith, Spirou et Fantasio 52 de Yoann et Vehlmann, Atar Gull de Nury et Brunö

et l’un de mes albums préférés de l’année qui parle de danse : Polina de Bastien Vivès…

Joyeux Noël à toutes et à tous…

23 Déc

Tenue de soirée chez Fluide glacial…

Chapeaux pointus, serpentins et confettis, c’est la fête dans les locaux et dans les pages du magazine Fluide glacial. Comme tous les jours, du 14 juillet au 1er mai en passant par le 25 décembre et la saint glinglin. Du moins, si l’on en croit l’édito ! Enfin bon, cette fois, pour fêter la venue du Père Noël, l’équipe a vu les choses en grand : 100 pages d’humour, rien que de l’humour, en compagnie des plus grands noms du magazine comme Binet, Blutch, Alexis, Gotlib, Maëster, Tronchet, Coyote, Léandri, Franquin, Ferri, Edika…Bref, que du bon, du tendre, du moelleux pour 5,90 euros seulement. Disponible partout. Enfin normalement ! E.G.

L’homme, la femme, le couple, la vie…

Un homme, une femme, une Ford Mustang, une plage et quelques notes de musique… chabadabada… chabadabada… On s’y croirait ! Malheureusement, la vie, ce n’est pas toujours du cinéma. Et on n’a pas forcément une Ford Mustang sous la main. Donc… les relations entre les deux sexes peuvent parfois prendre des tournures moins romantiques, plus complexes. D’où ce manuel de survie pour le couple imaginé par deux auteurs issus de la blogosphère, Ced et Lychen. Un manuel qui vous sera utile à vous les hommes pour éviter  la corvée de vaisselle, faire en sorte que votre amoureuse ne squatte pas la salle de bain en permanence et regarder le foot à la télévision sans être dérangé. Vous les femmes, vous découvrirez dans ses pages les astuces pour lui faire faire la lessive ou le ménage, pour vous habituer à ses ronflements ou encore lui faire éteindre sa console. 36 gags, autant de solutions pour que votre vie de couple ne soit pas un perpétuel concours de saut d’obstacles. Le titre de l’album ? Tout simplement Le Couple, manuel de survie. Ne pas offrir à la Saint Valentin !

Et si ce manuel de survie ne suffit pas ?  Si votre vie conjugale est devenue un véritable enfer, si vous avez l’impression de ne plus parler la même langue, alors, je vous invite à lire Les Hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus, le best-seller de John Gray, adapté avec succès au théâtre par Paul Dewandre et aujourd’hui en bande dessinée par le scénariste Jif  et la dessinatrice Nathalie Jomard. Publié par la maison Jungle, cet album explique avec beaucoup d’humour les différences entre l’homme et la femme, non pas sur le plan physique mais sur le plan psychique. Vous y découvrerez que l’homme et la femme n’ont absolument pas la même perception  des sentiments, de l’amour, de la vie en couple, des enfants… Et si ces différences peuvent apparaitre un tantinet charmants au début, avec le temps, elles peuvent devenir de plus en plus pesantes, agaçantes, irritantes, insupportables… Les Hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus devrait vous permettre de décoder ce que dit ou tente de vous faire comprendre votre conjoint(e) et de renouer enfin le dialogue. Ou de rire un bon coup, ce qui serait déjà une belle avancée ! E.G.

Dans le détail:

Le couple, manuel de survie, de Ced et Lychen. Editions Delcourt. 10,50 euros.

Les Hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus, de Paul Dewandre et Jif et Nathalie Jomard. Editions Jungle. 12 euros.

18 Déc

Reportages, de Joe Sacco. Editions Futuropolis. 25 euros.

Un nouveau livre de Joe Sacco est toujours un événement très attendu. Il faut dire que cet Américain a une particularité qui l’a fait connaître bien au-delà de son pays. Il est à la fois auteur de bande dessinée ET journaliste ! Depuis des années, il parcourt le monde et plus particulièrement les zones de conflit pour témoigner, rendre compte, comme le ferait n’importe quel journaliste, sauf que son médium à lui n’est pas la télévision, la radio ou la presse écrite mais la bande dessinée. Et ces différents ouvrages, depuis Palestine : une nation occupée jusqu’à Gaza 1956, en marge de l’histoire, en passant par Soba : une histoire de Bosnie ou encore The fixer : une histoire de Sarajevo, ont profondément marqué le Neuvième art et décidé nombre d’auteurs à explorer avec lui cette nouvelle voie que constituait la BD-reportage. En France, des gens comme Etienne Davodeau (Les Ignorants…), Guy Delisle (Chroniques de Jerusalem…), Emmanuel Guibert (Le Photographe…) ou Stassen (Déogratias…), pour n’en citer que quelques-uns, l’ont empruntée avec bonheur.

Reportages, dernier titre en date de Joe Sacco, réunit plusieurs reportages réalisés en Irak, en Palestine, en Tchétchénie, en ex-Yougoslavie… reportages commandés par – et publiés dans – plusieurs titres de la presse internationale, comme  le Time magazine, The New York Times, Boston globe, The Guardian Weekend… Après quelques planches en couleurs consacrées à la situation à Hébron puis aux procès des crimes de guerre en ex-Yougoslavie, nous retrouvons toutes la force du graphisme en noir et blanc de Joe Sacco pour des récits qui traitent de la guerre, des génocides, des tortures, de l’immigration, des camps de réfugiés… bref de la triste condition humaine et ce en donnant toujours la parole à ceux qui ne l’ont pas habituellement. « Je me soucie surtout de ceux qui ont rarement l’occasion d’être entendus… », peut-on lire en quatrième de couverture, « et ne crois pas qu’il m’incombe de contrebalancer leurs voix avec les excuses bien ourdies des puissants. Ces derniers sont souvent excellemment servis par les médias traditionnels et les organes de propagande ».

Au delà du caractère forcément éclairant sur la marche du monde, Joe Sacco complète chacun de ces récits par quelques notes dans lesquelles l’auteur-journalsite revient sur son travail, explique ses méthodes d’investigation, son ressenti… Un témoignage forcément essentiel ! E.G.

Un Noël extraordinaire, collectif. Editions Delcourt. 14,95 euros.

Dans quelques jours maintenant, ce sera Noël ! Comme chaque année ou presque, les éditions Delcourt succombent à la magie de la fête et proposent un recueil de contes signés par quelques poulains de la maison. Au fourneau cette année : Etienne Le Roux, Thierry Ségur, Benoît Fréboug, Algésiras, Aurore, Estelle Meyrand, Lola Moral, Sergio Garcia, Gradimir Smudja, Nathalie Ragondet et Théo. Et au menu : 7 contes graphiquement très différents mais tous inscrits dans la plus pure tradition du genre. Pour les petits et les grands ! E.G.

14 Déc

L’énigme Banks, Golden city (tome 9), de Pecqueur, Malfin et Schelle. Editions Delcourt. 13,50 euros.

Golden city, la majestueuse ville flottante pour milliardaires, n’est plus qu’un amas de tôles lamentablement échoué au fond de l’océan. Tandis que les secours s’activent pour retrouver d’hypothétiques survivants, beaucoup s’interrogent sur les origines de la catastrophe. On sait maintenant qu’un commando expert en guérilla urbaine a réussi à infiltrer la ville et forcé son immersion totale avant qu’un missile vienne créer des dégâts irréversibles. Mais qui est derrière ce commando ? Qui a torpillé la ville ? Et où est passé Harrisson Banks ? Autant de questions qui ne resteront pas sans réponse très longtemps…

C’est sans conteste l’une des séries majeures de la maison Delcourt et plus largement de la bande dessinée d’anticipation franco-belge. Lancée en 1999, Golden city trouve très vite son public grâce à l’alchimie née de la rencontre entre Daniel Pecqueur, Nicolas Malfin, Pierre Shelle et, sur les 6 premiers albums, Rosa. Dès les premières pages, les lecteurs découvraient un récit alliant un dessin aux lignes pures, des couleurs informatiques d’une profondeur incroyable et, bien sûr, un scénario captivant et limpide. Ajoutez à cela un peu de high-tech, quelques considérations écologiques, quelques jolies filles aussi, beaucoup d’action, des couvertures extraordaires… et vous obtenez ce fameux cocktail qui a fait décoller la série. Valeur sûre ! E.G.

L’info en +

A l’occasion des 25 ans des éditions Delcourt, cet album bénéficie d’une édition en grand format.

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Plus d’infos sur le blog de Nicolas Malfin

11 Déc

Le Mangeur de chagrin, Yiya (tome 1), de Pecqueur et Gajic. Editions Delcourt. 13,50 euros.

C’est un drôle de tandem que forment Rogo et Yiya ! Un soir de froid polaire, comme en connaît si souvent cette région située dans le nord de la Russie, Rogo sauve Yiya d’une mort quasi-certaine. Depuis, il la considère et la protège comme une sœur. La jeune fille, de son côté, le présente à qui veut bien l’écouter comme son fiancé. Quoiqu’il en soit, quelque chose unit fortement ces deux êtres là et lorsque Rogo disparaît en mer au cours d’une plongée en scaphandre, Yiya reste inconsolable. Impossible pour elle d’abandonner celui qui l’a sauvée autrefois. Elle décide donc de plonger à son tour pour retrouver son corps et le remonter à la surface. Elle ne se doute pas un instant de la découverte extraordinaire qu’elle va faire au fond de l’océan, une découverte qui va changer fondamentalement le cours de sa vie…

Le scénariste de Golden City, l’une des séries phare des éditions Delcourt, se lance dans une nouvelle aventure en compagnie du dessinateur Vukasin Gajic, responsable de son côté du Monde Alpha paru chez Soleil Productions. Situé dans un futur très proche, Yiya s’ouvre d’une manière assez classique et plutôt brillante, baignant le lecteur dans une admirable atmosphère bleu froid, avant de prendre une tournure fantastique moins convaincante. L’éditeur annonce que le second épisode nous entrainera dans une autre dimension, au cœur de la guerre de 14-18. On attend de voir ! E.G.

08 Déc

Chroniques de Jérusalem, de Guy Delisle. Editions delcourt. 25 euros.

Faut-il connaître un pays en profondeur pour en parler avec justesse et attiser la curiosité ? Non, bien sûr, tout est dans la façon d’en parler. Guy Delisle, lui, a trouvé sa façon bien à lui. Avec des mots, bien sûr, avec des images aussi, avec ce regard acéré qui est le sien, avec ses airs de candide, de touriste moyen presque, et avec cette petite touche d’humour qui permet d’établir une distance par rapport au contexte parfois lourd, aux événements quelquefois tragiques. Après la Chine (Shenzhen), la Corée du Nord (Pyongyang) et la Birmanie (Chroniques birmanes), Guy Delisle nous invite cette fois à le suivre dans un pays qu’il pensait et qu’on pensait mieux connaître : Israël.

Mais dès son arrivée à l’aéroport, et pendant une année entière, durée de son séjour aux côtés de sa compagne, salariée de Médecins sans frontières, Guy Delisle ira de surprises en surprises. Et nous plus encore ! « Ce qui m’a motivé… », confie l’auteur, « c’est la méconnaissance géographique des Français, à mon retour à Montpellier. C’est à dire que tout le monde connaît l’existence du mur et les motivations du conflit, mais personne ne sait réellement à quoi ressemble le quotidien sur place, et comment la vie humaine est organisée ».

Sur plus de 300 pages, Chroniques de Jérusalem nous entraîne donc dans ce quotidien. On y parle bien sûr du mur, du conflit, de la peur des attentats d’un côté, de la peur des représailles de l’autre, mais aussi et surtout de tout ce qui fait une journée normale d’un israélien normal, des détails, des anecdotes, qui en disent parfois beaucoup plus qu’un long discours.

On découvre ainsi les embouteillages monstres provoqués par le chantier du tramway, les différents services de transports publics selon que vous habitez dans un quartier juif ou arabe, la complexité des calendriers scolaires établis en fonction des religions, le parcours du combattant pour visiter l’Esplanade des mosquées, les villes transformées en désert les jours de fêtes religieuses, Tel Aviv et sa douceur de vivre apparente… Et puis parfois des détails encore plus indicibles comme cette moustache « hitlérienne » portée par un juif et qui laisse Guy Delisle forcément interloqué. Ou comme cet appareil électronique posé un beau jour sur la porte de son immeuble et qui se met à vociférer une sourate à chaque passage.

Avec un style graphique légèrement simplifié par rapport aux albums précédents et en ayant recours pour la première fois dans ses carnets à la couleur, Guy Delisle donne une image de cette société pour le moins complexe, sans la juger, même si, reconnaît-il lui-même, son point de vue peut parfois transparaître de-ci de-là. Entre récit documentaire et carnet de voyage, Chroniques de Jérusalem est une nouvelle démonstration que la bande dessinée peut participer activement à la compréhension du monde. Un album utile et passionnant ! E.G.

Plus d’infos sur le site de Guy Delisle