A ses amis qui se demandaient pourquoi il avait précisément choisi Cuba pour ce nouvel album et qui pouvaient lui reprocher d’être « un romantique de la révolution » ou une « victime incurable du kitch cubain », Reinhard Kleist répondait : « Parce que c’est, précisément maintenant, un pays captivant […] Parce que Fidel Castro s’est retiré et qu’un tournant s’annonce dans un des derniers avant-postes du socialisme, fer de lance dans les flancs de l’Amérique du Nord ». Son livre publié dans la collection Écritures des éditions Casterman a nécessité des mois de préparation, de rencontres, de lectures, de contacts avec l’ambassade cubaine à Berlin et puis un voyage de quatre semaines pour tenter de trouver les réponses à ses nombreuses interrogations, sentir l’ambiance, approcher le mythe, comprendre aussi comment les cubains avaient vécu cette révolution et vivaient aujourd’hui l’après Fidel.
Et Reinhard Kleist, déjà responsable d’une biographie de Johnny Cash, parue chez Dargaud, approchera effectivement le mythe, le dépassera même pour s’intéresser à un homme, le charismatique Fidel Castro, un homme dévoué à une seule cause : la Révolution. Sur près de 300 pages, l’auteur s’empare des faits historiques pour développer une fiction autour d’un personnage inventé de toutes pièces, Karl Mertens, un jeune photographe allemand plongé dans le Cuba des années 50 et fasciné par l’histoire qui se joue en direct devant son objectif. On côtoie avec lui la pauvreté, la corruption, on suit le putsch des militaires, la prise de pouvoir par Batista, la prison pour Fidel, son exil, sa rencontre avec Ernesto Guevara, la guérilla, la victoire de la Révolution, les espoirs et les déceptions du peuple, les restrictions, le blocus américain, l’épisode de la Baie des cochons, l’expatriation de milliers d’opposants… 50 années d’histoire cubaine retracées avec beaucoup d’intelligence, d’exigence, de passion, d’objectivité et d’intensité graphique. Un album en tout point remarquable ! E.G.