15 Fév

Békame (première partie), de Ducoudray et Pourquié. Editions Futuropolis. 17 euros.

Il se prénomme Bilel mais se fait appeler Békame. Békame, comme son idole. A trois lettres près ! Trois lettres qui font la différence. Car Bilel n’est pas un joueur de football professionnel, ni un milliardaire et il ne partage pas la vie d’une top model. Son seul luxe : une collection d’autocollants Panini sur les vedettes du ballon rond. Mais Bilel ne désespère pas de rejoindre lui aussi la terre promise, l’Angleterre, et peut-être d’y trouver sa place. Alors, direction Sangatte où il va tout d’abord tenter de retrouver son frère Ahmed arrivé deux ans plus tôt. Entre les hangars de regroupement et les squats sordides, entre la rapacité ou au mieux l’indifférence des uns et la générosité de quelques autres, Bilel découvre la vie de clandestin…

Békame est une fiction. Bilel n’existe pas. Mais le centre de Sangatte, les clandestins qui arrivent la peur au ventre, les mafieux qui rôdent autour avec l’espoir de se faire facilement de l’argent… tout cela est bien réel. Et les adolescents qui comme Bilel espèrent trouver ici un passage pour l’Angleterre, un passeport pour une vie meilleure, sont nombreux. Très nombreux ! Le scénariste Aurélien Ducoudray les a rencontré entre 2003 et 2004 alors qu’il était photographe de presse. « Nombre d’entre eux… », confie-t-il dans une interview réalisée par l’éditeur, « m’ont parlé de leur passé, des méthodes de traversée, de la galère en arrivant en France pour manger, dormir, faire les demandes nécessaires, tous les petits trucs de débrouille pour s’en sortir… Békame est né de l’envie de faire vivre tous ces témoignages, invisibles dans mes photos! ». Mais Békame est aussi une histoire d’amour entre deux frangins séparés par la misère. Auteur du magnifique Championzé, biographie du boxeur Amadou M’Barick Fall, et de La Faute aux Chinois, Aurélien Ducoudray aborde ici la BD sociale à la façon d’un Baru, avec beaucoup d’humanisme et d’acuité. C’est Jeff Pourquié (Des méduses plein la tête, Vague à l’âme…) qui signe la mise en images et en couleurs de l’album, un travail exceptionnel qui rend tangible la fragilité des protagonistes et donne au récit une réelle intensité dramatique ! E.G.