23 Oct

Troubles fêtes, de Loisel et Rose Le Guirec. Editions Les Humanoïdes Associés.

Une fois n’est pas coutume, nous parlerons ici de la réédition d’un ouvrage érotique, une bande dessinée à ne pas mettre entre toutes les mains signée par l’un des maîtres du Neuvième art ! Son titre : Troubles fêtes. Ses auteurs : Rose le Guirec et Loisel, le fameux Loisel, celui-là même qui a écrit La quête de l’oiseau du temps (Dargaud), Peter Pan (Vents d’ouest) ou encore Magasin général (Casterman). C’est en 1989 qu’est initialement publié ce recueil réunissant sous les thématiques du centaure, des feux de la St Jean et du carnaval de Venise, une série de contes fortement épicés. Sur des textes de Rose Le Guirec, pseudonyme de son épouse, Loisel laisse libre cour à son imagination, offrant aux lecteurs tantôt des illustrations, tantôt de brefs récits en bande dessinée, grouillant dans les deux cas de créatures de rêve aux courbes particulièrement sensuelles et aux attitudes plutôt explicites. 70 pages de bonheur graphique à partager entre adultes ! E.G.

21 Oct

Dessiner avec… Kandinsky, Klee, Matisse et Picasso, par Ana Salvador. Editions Gallimard jeunesse. 14€.

A vos crayons ! Après Miro, Picasso et Dubuffet, Ana Salvador invite cette fois les enfants à apprendre le desssin en la compagnie simultanée de quatre grands artistes du Centre Pompidou : Kandinsky, Klee, Matisse et Picasso. Rien que ça ! Le principe reste le même. Chaque dessin est intelligemment décomposé pour permettre à l’enfant de réaliser pas à pas un dessin à la manière de… Une façon ludique de développer ses capacités artistiques et de l’initier à l’art moderne et contemporain. Et n’oubliez jamais que « L’art ne reproduit pas le visible, il rend visible » (Paul Klee). Une très belle collection qui nous plonge au coeur de la création. Pour les petits comme pour les grands ! E.G.

Stalingrad Khronika, de Bourgeron et Ricard. Editions Dupuis. 16,95€.

Des ruines ! Partout où porte le regard, Stalingrad n’est plus qu’un immense champ de ruines. Et pourtant, quelques ombres filantes en surgissent encore, attestant d’une présence humaine. Il y a bien sûr de nombreux soldats, allemands et russes, qui s’acharnent encore et toujours à s’entretuer. Et puis, il y a cette équipe de tournage envoyée par Staline lui-même pour filmer l’armée soviétique dans sa glorieuse résistance à l’ennemi. C’est le camarade Yaroslav qui a été chargé de mener à bien ce projet. Mais Yaroslav est un réalisateur médiocre, alcoolique et lâche. Tant bien que mal, l’homme commence à filmer les combats lorsqu’il apprend que son assistant n’est autre que le grand Abel Kazakstov, l’ancien directeur du centre cinématographique soviétique, un de ses pires ennemis qu’il avait autrefois fait envoyer en camp de rééducation…

Stalingrad Khronika nous plonge dans l’une des batailles les plus meurtrières et les plus décisives de la Seconde guerre mondiale pour une histoire qui tient plus du huis-clos que du récit d’aventure. Plus que la guerre en elle-même, ce qui intéresse ici les auteurs, Franck Bourgeron et Sylvain Ricard, c’est d’aborder la complexité des relations humaines dans un contexte particulier, celui de ce groupe parti tourner un film de propagande à la gloire de l’Union soviétique en pleine bataille de Stalingrad. Et la violence est tout autant physique que psychique ! Un récit prévu en deux volets ! E.G.

Les contes de Perrault, illustrés par René Hausman. Editions Dupuis. 25€.

Le Petit Poucet, Le Petit Chaperon rouge, La Belle au bois dormant, Peau d’âne, Riquet la houppe, Cendrillon ou la petite pantoufle de verre… La réédition de cet album paru initialement en 1979 chez Dupuis réunit les fameux contes de Charles Perrault illustrés par René Hausman. Illustrateur de génie, connu pour son univers graphique poétique et enchanteur, notamment ses mémorables bestiaires, René Hausman a signé en un peu plus de cinquante ans de carrière nombre de bandes dessinées (Laïyna, Le Camp-volant, Le Chat qui courait sur les toits…) et de livres illustrés (Les fables de La Fontaine, L’Oiseau bleu, Bestiaire insolite…). Sa rencontre avec l’oeuvre de Perrault, pour laquelle il ne cache pas sa fascination, était une évidence. 96 pages de bonheur où le texte répond aux images et inversement. Un très très très beau livre à offrir ou à s’offrir ! E.G.

Saint-Malo se prépare à accueillir les amoureux de la BD…

Envie de prendre le large ? Direction Saint-Malo qui accueillera du 28 au 30 octobre prochain le traditionnel festival de la bande dessinée Quai des bulles. Au menu de cette 31e édition : des spectacles, des rencontres, des projections, des animations jeunesse, des dédicaces et de nombreuses expositions notamment consacrées aux 25 ans des éditions Delcourt, à Georges Beuville, aux carnets de voyage de Claire et Reno Marca, au livre 12 septembre, l’Amérique d’après ou encore aux crayonnés de Jérôme Lereculey. Si vous souhaitez en savoir plus sur ces trois jours de fête et connaître les noms des 300 auteurs attendus, rendez-vous sur le site du festival en cliquant ici-même ! E.G.

Chroniques d’une mère indigne, de Sophie de Villenoisy et Anne-Olivia Messana, d’après l’oeuvre de Caroline Allard. Editions Jungle. 12€.

Elle se dit parfois qu’elle aurait pu attraper la varicelle, perdre son travail, se faire voler sa voiture, se faire enlever par des extraterrestres, que sais-je encore. Mais non, la jeune héroïne de cet album a toujours réussi à éviter le pire. Mais peut-être plus pour très longtemps. Un danger bien plus grand la guette depuis peu. Et dans sa propre maison. Ses filles ! Entre les couches, les biberons, les comptines du soir… la jeune maman n’a plus un moment de libre, plus une nuit tranquille, même plus un semblant de vie amoureuse, plus rien…. De quoi envier les célibataires et se sentir dans la foulée une mère indigne…

Le thème n’est pas nouveau mais le quotidien d’une maman comme les autres ou presque fait toujours rire. Alors pourquoi s’en priver ? Ce quotidien là est à l’origine celui de la Canadienne Caroline Allard qui, pendant son deuxième congé de maternité, en 2006, commença l’écriture d’un blog en y relatant ses aventures, ses mésaventures et quelques anecdotes que l’on préfère souvent garder pour soi. Ce sont deux autres femmes, Anne-Olivia Messana et Sophie de Villenoisy, qui ont signé l’adaptation en bande dessinée. Et le résultat est franchement drôle, même pour la gent masculine ! E.G.

3″, de Marc-Antoine Mathieu. Editions Delcourt. 14,95€.

Lire un album de Marc-Antoine Mathieu n’est pas seulement un divertissement, c’est une expérience. Une sacrée expérience même ! Souvenez-vous des différentes aventures de Julius Corentin Acquefacques, de L’Origine publié en 1990 avec sa case en moins, de La Qu…, du Processus, du Début de la fin, de La 2,333e dimension ou encore du one-shot Dieu en personne, une farce mettant en scène le retour de Dieu dans notre monde actuel. A chaque fois, l’auteur nous a surpris par son imagination, par son univers influencé par Kafka, Borges, Linch ou Gilliam, par son appétit d’innovation et surtout par cette volonté de toujours pousser plus loin les limites du Neuvième art. Et 3″ ne déroge bien évidemment pas à la règle, proposant non pas une mais deux nouvelles expériences de lecture, l’une sur papier, l’autre en numérique. Et difficile de résumer ce nouvel opus tant il est vertigineux. Vertigineux comme le zoom qu’il nous propose sur 72 pages découpées à l’identique de 9 cases, sans dialogues, avec pour seul mouvement un grossissement à l’intérieur des vignettes entraînant le lecteur dans un tunnel d’images. « On est vraiment dans l’exploration… », confie l’auteur, « Mon envie était de développer un espace-temps particulier, et de faire une expérience autour de ça plutôt que de raconter une histoire. 3″ n’emmène pas le lecteur dans une direction précise mais plutôt dans une expérience de lecture que j’ai envie de partager. Et c’est très différent. En ce sens, il s’agit avant tout d’un jeu et d’un espace ludique. C’est non seulement une histoire qui est présentée linéairement mais ce sont aussi beaucoup d’autres histoires annexes, autant d’arborescences à ce tronc central qui constituent cet album et cet objet numérique ». Vous l’aurez compris, l’histoire est secondaire mais en l’espace de trois secondes, il se passe quantité de choses. « C’est une BD où l’on est le héros… », poursuit Marc-Antoine Mathieu, « Un album où notre regard serait la loupe, ou le limier. Il s’agit de fouiller dans les coins, de visiter le hors-cadre, de l’imaginer, de retrouver la trame principale ou de la perdre… ». Etonnant ! E.G.

14 Oct

Junk love, de Chaeman. Editions Casterman. 18 euros.

D’un côté, Ho-gyong, une jeune apprentie comédienne qui, en attendant le succès et l’argent qui va avec, pose nue dans les ateliers de peinture. De l’autre, Min-gyu, un étudiant en droit ou plus exactement un ex-étudiant qui, en attendant de reprendre sa vie en main, papillonne, travaille et couche par-ci par-là. Ho-gyong et Min-gyu vont se rencontrer dans un forum de discussion sur le net et se donner finalement rendez-vous dans un bar. Ce n’est pas le coup de foudre, loin de là, mais Min-gyu finit par s’installer chez la jeune-femme, une semaine, le temps nécessaire juge-t-elle sévèrement pour « dépenser mon fric, utiliser mes affaires et profiter de mon corps ». Et puis Min-gyu est reparti laissant Ho-gyong seule… Seule et en manque. Mais en manque de quoi ? De Min-gyu ? D’amour ?  Ou de ce petit jeu qu’ils avaient instauré tous les deux autour de la nourriture ? Porc à la sauce aigre-douce, nouilles tchajang, crêpes, gâteau à la crème, soupe d’algues… l’un et l’autre ne manqueront finalement pas une occasion de se retrouver autour d’un bon repas. Mais de là à se dévoiler et à assumer leur relation, leurs sentiments….

Pour son premier long récit, la coréenne Chaemin explore les sentiments amoureux avec un récit contemporain tout en douceur, en finesse et en sobriété. Pas de coups d’éclat entre les amants mais un morceau de vie rythmé par les séparations, les retrouvailles, les déceptions, les joies, les interrogations, les non-dits et les repas. Précédemment, l’auteur a participé à deux albums collectifs parus dans la même collection Ecritures de Casterman : Corée et Quelques jours en France. Un album très agréable à déguster sans modération ! E.G.

Tif et Tondu, Jerry Spring, La Patrouille des castors… Une nouvelle avalanche d’intégrales chez Dupuis.

Faucon, Tapir, Poulain, Chat et Mouche… la patrouille des castors au grand complet est de retour avec ce second volume de l’intégrale qui leur est consacrée. Au sommaire, quatre grandes aventures (La Bouteille à la mer, Le trophée de Rochecombe, Le secret des Monts Tabou, Le Hameau englouti) écrites entre 1957 et 1960, une époque particulièrement intense pour le scénariste Jean-Michel Charlier qui travaille parallèlement au lancement d’un nouveau magazine, le fameux Pilote. De son côté, le très perfectionniste MiTacq a affiné son style et embrassé un trait plus réaliste qui permettra à la série de conquérir durablement un lectorat de passionnés d’aventures scoutes. Ce présent recueil est bien entendu accompagné d’un cahier graphique réunissant croquis, maquettes de couvertures, lettres et illustrations diverses.

Lancées en 1938, en même temps que le journal Spirou, les aventures de Tif et Tondu abordent les années 80 avec Will au dessin, Desberg au scénario et le retour du légendaire Monsieur Choc dans le rôle du méchant. Créé en 1955 par le scénariste de l’époque, Rosy, Monsieur Choc s’opposera au chauve et au barbu dans plusieurs aventures avant d’être mis en sommeil en 1968. Mais en 1984, un changement à la tête des éditions Dupuis et une nouvelle orientation des aventures de Tif et Tondu permettent le retour de ce personnage longtemps réclamé par les lecteurs. Ce dixième recueil de l’intégrale Tif et Tondu réunit quatre aventures, Traitement de Choc (1984), Choc 235 (1985), Dans les griffes de la main blanche (1986) et Coups durs (1991). En ouverture, le traditionnel cahier graphique revient sur le contexte de création avec de nombreuses illustrations, des croquis, photographies et commentaires signés par le spécialiste Didier Pasamonik.

Pour finir, voici le quatrième et avant dernier volume de la magnifique intégrale en noir et blanc consacrée à Jerry Spring . Créé par Jijé en 1954 pour remplacer les héros de western importés des Etats Unis, ce personnage hantera les pages du journal Spirou pendant plus de 25 ans. Et c’est de fait le premier western réaliste de la bande dessinée franco-belge, le premier mais pas le dernier. Jijé a en effet fait de nombreux émules et inspiré quantité d’auteurs aujourd’hui célèbres. On retiendra notamment les noms de Will, Giraud (Lieutenant Blueberry), Franquin, Hubinon ou encore Mézières. Cette présente intégrale permet aux nombreux aficionados du maître de redécouvrir toutes les aventures du cow-boy en noir et blanc, tel que l’auteur, lui-même, les préférait. Dans le détail, ce quatrième volume réunit Pancho hors-la-loi, Les Broncos du Montana, Mon ami Red, Les Vengeurs du Sonora et un cahier graphique. Somptueux ! E.G.

Dans le détail

La patrouille des Castors (Intégrale 2), de MiTacq et Charlier. Editions Dupuis. 28€.

Le Retour de Choc, TIf et Tondu (Intégrale 10), de Will et Desberg. Editions Dupuis. 19,95€.

Jerry Spring (Intégrale 4), de Jijé. Editions Dupuis. 24€.

11 Oct

Atar Gull ou le destin d’un esclave modèle, de Nury, Brüno et Croix. Editions Dargaud. 16,95 €.

Enfant, Atar Gull s’était fait une promesse : ne jamais pleurer ! Ni sur son sort, ni sur celui des autres membres de sa tribu, les Petits Namaquas. Comme un défi à la vie, un avertissement à ses ennemis ! Puis Atar Gull a grandi. Il est devenu un homme, un homme fort, très fort, et a fini par remplacer son père à la tête de la tribu. Jusqu’au jour où, comme son père, Atar Gull est fait prisonnier par les Grands Namaquas, une tribu ennmie, et vendu au capitaine Benoît, un négrier « honnête » comme il se qualifie lui-même, qui fait ce « commerce dégradant » juste par amour pour sa petite femme qui l’attend sagement ou presque à Nantes. Après une traversée mouvementée, Atar Gull est revendu en Jamaïque à Tom Will, un planteur « humaniste » qui traite ses esclaves « avec compassion et bienveillance ». On croit rêver ! Le monde serait donc rempli de gens bien attentionnés. Valeureux, Atar Gull est attaché au service personnel de Tom Will. Atar Gull ne pleure toujours pas mais n’en pense pas moins et, bientôt, notre esclave modèle va pouvoir doucement, très doucement, mettre en place sa vengeance et la savourer…

Magnifique ! Tel est l’adjectif qui vient immédiatement à l’esprit en ouvrant et feuilletant cet album publié dans la collection Long Courier des éditions Dargaud. Magnifique par le graphisme du Nantais d’adoption Brüno, une ligne claire mâtinée d’expressionnisme tendance José Muñoz ou Alberto Breccia. Magnifique aussi par les couleurs chaudes de Laurence Croix qui participent à l’intensité dramatique se dégageant de l’album. Magnifique enfin par le scénario développé par Fabien Nury d’après un roman d’Eugène Sue, un scénario qui nous ramène à l’époque du commerce triangulaire, de ces esclaves entassés dans les soutes des bateaux et jetés en mer à la moindre faiblesse, l’époque des négriers et des planteurs qui achètent des hommes comme ils achèteraient de la marchandise et tiennent en société de beaux discours humanistes. Un album émouvant, fort et intelligent ! E.G.