19 Fév

La Cire moderne : un road trip de Vincent Cuvellier et Max de Radiguès qui sent le cierge et les pieds

Couv_294390Se faire sortir du lit par le facteur après une nuit de folie n’est pas franchement agréable. Mais se faire sortir du lit pour apprendre qu’on a hérité d’un vieil oncle inconnu ou presque, alors là, on peut subitement avoir envie d’embrasser le monde entier.

Emmanuel Poirrier, Manu pour les intimes, n’est pas allé jusqu’à cette extrémité mais la nouvelle lui a donné de folles envies de câlins avec sa dulcinée, Sam. Et de courir dans la foulée chez le notaire pour en savoir un peu plus.

Pas le temps de s’imaginer multi-milliardaire, le fameux notaire lui annonce la couleur : un stock de cierges. Un énorme stock de cierges pour héritage. Et un combi Volkswagen de 1978, tout de même. « Ah ouais, on aura qu’à aller aux Vieilles charrues avec ».

Le combi ok mais les cierges. Que faire de tous ces cierges qui dégagent en plus une mauvaise odeur de pieds ? Les vendre au plus vite. Et voilà notre tandem amoureux parti faire la tournée des monastères de France en compagnie de Jordan, le frangin de Sam, un gars un peu pénible mais diplômé d’un Bac Pro force de vente. « Arrêtez, j’ai des techniques de vente trop mortelles. Je vais te les embrouiller moi les curés ». Ça peut servir !

Magistralement jouissif ! Partir d’une idée aussi fumeuse et en faire un road trip aussi palpitant est un pari hasardeux que Max de Radiguès et Vincent Cuvellier on relevé avec brio. La Cire moderne se lit d’un trait, c’est drôle, léger, graphiquement épuré, tellement bien senti qu’on en redemande, de quoi aller brûler un cierge dans l’église la plus proche en priant pour un tome 2. Alléluia !

Eric Guillaud

La Cire moderne, de Max de Radiguès et Vincent Cuvellier. Éditions Casterman. 16,95€

© Casterman / Cuvellier & de Radiguès

© Casterman / Cuvellier & de Radiguès

18 Fév

Panini Comics fête ses 20 ans !

news_illustre_1481374685_525Pour les plus anciens d’entre nous, le nom de Panini réveille forcément des souvenirs d’autocollants sur le football qu’on collectionnait et échangeait en cours de récré. C’est toujours ça mais c’est bien plus que ça aujourd’hui.

Panini est devenu l’éditeur des comics Marvel pour la France, comics distribués à la fois en kiosque et en librairie. Deux millions d’albums vendus en 2016, 365 nouveautés annoncées pour 2017 et un vingtième anniversaire fêté comme il se doit tout au long de l’année.

Panini a en effet demandé à des artistes de renommée et notamment à des auteurs de bande dessinée franco-belge de réaliser vingt illustrations exclusives pour des comics Marvel qui seront publiés tout au long de l’année.

Parmi ces auteurs : Boulet, Trondheim, Joan Sfar, Olivier Vatine, Denis Bajram ou encore Bastien Vivès dont le dessin fait la couverture de Spider-Man un jour de plus, de Straczynski et Quesada. Champagne !

Eric Guillaud

Gaston Lagaffe : le premier employé fictif de la bande dessinée fête ses 60 ans avec de vrais albums

Couv_298379« Je ne sais plus comment l’idée m’en est venue… », racontait André Franquin, « Je sais seulement que le rédacteur en chef de l’époque, Yvan Delporte, était très ouvert à toutes les suggestions, mêmes les plus farfelues, pour animer le journal. Je sais aussi qu’un jour, je suis allé le trouver en lui disant qu’il serait peut-être amusant d’essayer dans le journal un personnage de bande dessinée qui ne figurerait pas dans une bande dessinée parce que, contrairement aux héros, il n’aurait aucune qualité, il serait con, pas beau, pas fort. Ce serait un «héros sans emploi» un héros dont on ne voudrait dans aucune bande dessinée tellement il serait minable… Alors Yvan a sauté d’enthousiasme, évidemment. Mais l’idée était tellement informe et minuscule que je ne savais pas moi-même où je m’engageais en lançant ce personnage… »

L’air de rien, André Franquin avait inventé ce jour-là un héros peu banal, un anti-héros pour être juste, le premier employé fictif de l’histoire de la bande dessinée. Mais Gaston Lagaffe va très vite trouvé sa place – et ses lecteurs – dans le journal de Spirou, une sacrée place même, d’abord en perturbateur des pages rédactionnelles puis en gaffeur invétéré de ses propres aventures. Gaffeur ? Il l’était, il l’est toujours assurément. Mais Gaston est bien plus encore. Hippie avant l’heure, de gauche, écolo, amoureux des Capture d’écran 2017-02-18 à 09.57.38animaux, poète à ses heures, doux rêveur toujours, Gaston va imprégner une marque indélébile à la bande dessinée, participer à l’éveil de plusieurs générations de lecteurs et peut-être même – qui sait ? – donner des idées d’emplois fictifs à quelques politiques.

60 ans et trente millions d’albums plus tard, Gaston Lagaffe, qui est revenu dans le catalogue Dupuis en 2013 avec le rachat de Marsu Productions par l’éditeur belge, est l’objet de toutes les attentions.

Champagne, bougies, expos et, bien sûr des albums pour marquer le coup avec la sortie ce mois-ci de L’anniv’ de Lagafffe, un album de compilation des meilleurs gags, et pour les plus riches, la réédition des 22 albums en coffret avec planches remasterisées et recoloriées, nouvelles maquettes de couvertures, quelques inédits…

Eric Guillaud

L’anniv de Gaston, de Franquin. Éditions Dupuis. 10,95€

Tout Gaston en coffret, de Franquin. Éditions Dupuis. 299€

Gaston hors-série 60 ans par Franquin Jidéhem © Dupuis 2017

Gaston hors-série 60 ans par Franquin Jidéhem © Dupuis 2017

 

16 Fév

Le Journal de Spirou fête les 60 ans de Gaston Lagaffe, héros catastrophe du génialissime Franquin

le Journal de Spirou du 22 février 2017

le Journal de Spirou du 22 février 2017

En fanfare ou presque ! Et il le vaut bien notre Gaston national. Ce gars a l’air de rien permis à plusieurs générations de voir la vie autrement que sous des aspects de productivité, d’efficacité, de rendement. Un anti- héros qui va révolutionner la bande dessinée mais pas que…

Avec Gaston, c’est le farniente assuré, la poésie à toutes les cases, la folie générale, l’amour pour tous, la joie toujours, le stress plus jamais… Un hippie avant l’heure imaginé en 1957 par le maître à tous, André Franquin.

C’est précisément le 28 février 1957 qu’il fait sa première apparition dans le journal, semant la pagaille dans les pages rédactionnelles avant de disposer de ses propres aventures en quelques cases.

Dans le numéro spécial du Journal de Spirou, disponible en kiosque mercredi 22 février, vous pourrez découvrir un supplément de folie réunissant un billard éléctrique, autrement appelé flipper, à monter soi-même et surtout une fournée de gags absolument gastonesques signés Nob, Nix, Fabrice Parme, Yoann, Fabrice Erre ou encore Bouzard, bref de quoi se marrer un bon moment. Et ce n’est pas négligeable par les temps qui courent !

Eric Guillaud

12 Fév

Pourquoi Jirô Taniguchi était-il autant apprécié en Europe ?

© Jirô Taniguchi / Casterman

© Jirô Taniguchi / Casterman

L’auteur de bande dessinée japonais est décédé samedi 11 février à l’âge de 69 ans. Depuis 1995, ses albums traduits en français rencontrent un succès considérable, bien au delà du cercle des amoureux habituels du neuvième art, un peu à l’image d’un Bilal, d’un Bourgeon ou d’un Pratt. Mais quelles sont les raisons de ce succès ?

Jirô Taniguchi n’est pas le seul auteur de mangas à avoir percé sur le territoire européen, bien évidemment. Ils sont des centaines à s’y être fait un nom avec des personnages et des séries aujourd’hui mythiques. Dragon Ball hier (plusieurs millions d’exemplaires vendus), One-Punch Man (265 000 ex. en 2016 pour le 1er tome) ou  Ki & Hi (230 000 ex.  en 2016 pour le 1er tome) aujourd’hui, les mangas font partie de notre paysage culturel depuis maintenant une trentaine d’années, depuis que, pour simplifier, Glénat a publié Akira d’Otomo. C’était en 1990.

Pour le grand public de l’époque, le manga se résume alors à des aventures violentes. Akira et Dragon Ball l’étaient effectivement mais pas seulement. Dans le flot des titres qui vont littéralement inonder le marché francophone, Jirô Taniguchi apparaît comme un extra-terrestre. En 1995, les éditions Casterman publient son premier ouvrage traduit en français, L’Homme qui marche. Rien à voir, absolument, avec ce qui est alors produit massivement. Son dessin, son univers, influencés par la bande dessinée européenne, parlent aux lecteurs de BD mais aussi aux lecteurs de mangas, de romans graphiques et de littérature classique. Ils parlent aussi de façon homogène aux hommes et aux femmes, aux jeunes et aux plus âgés. Un public large en somme conquis dès le début, dès L’homme qui marche, où la contemplation est à la base de l’aventure. 

Suivent Le chien Blanco, Le Journal de mon père, Au temps de Botchan, Quartier lointain, L’orme du Caucase, Le Sommet des dieux, Le Gourmet solitaire… plus récemment Les Gardiens du Louvre, Elle s’appelait Tomoji… tous des petits chefs d’oeuvre de récits intimistes, poétiques, mélancoliques.

Mais pas que ! Benoît Peeters, qui a eu la chance, comme il dit lui-même, de rencontrer Jirô Taniguchi dès le milieu des années 90, de le filmer en 2004 dans son atelier pour un documentaire produit par Arte, écrit dans une préface à son livre d’entretiens Jirô Taniguchi L’homme qui dessine : « S’émancipant peu à peu des contraintes et des standards de la production industrielle, Jirô Taniguchi est devenu l’un des principaux passeurs entre le monde des mangas et celui de la bande dessinée. Mais il est surtout, tous domaines, confondus, l’auteur d’une des oeuvres les plus fortes et les plus universelles de notre temps ».

Universelle ! C’est bien là qu’il faut chercher les raisons de cette popularité. Jirô Taniguchi ne parle pas que de lui, de son pays, il parle de l’homme et de notre monde. Avec curiosité, avec calme, avec sérénité.

Car en plus d’être talentueux, Jirô Taniguchi était un homme « profondément bienveillant et doux », comme l’écrivent les éditions Casterman à l’annonce de son décès. « Si l’humanisme qui traverse toute son œuvre est familier de ses lecteurs, on connaît beaucoup moins l’homme, d’un naturel réservé et plus enclin à laisser ses récits parler à sa place ».

Jirô Taniguchi était étonné de l’engouement suscité en Europe par ses albums. Au journal Les Inrocks qui lui demandait ce que signifiait pour lui la rétrospective présentée au festival d’Angoulême en 2015, Jirô Taniguchi répondait : « C’est un événement qui me fait profondément plaisir et m’honore, bien sûr. Mais je suis aussi un peu inquiet de la façon dont cette exposition sera reçue. Je me demande si mon travail est à la hauteur de l’honneur qui lui est ainsi rendu ».

Eric Guillaud

 

11 Fév

Le célèbre mangaka Jirô Taniguchi est mort

©PHOTOPQR/LE PARISIEN ; FESTIVAL INTERNATIONAL DE LA BANDE DESSINEE VAISSEAU MOEBIUS UNE GRANDE EXPOSITION RETRACANT L OEUVRE DU DESSINATEUR JAPONAIS Jir? TANIGUCHI FAIT LE PLEIN A LA CITE DE LA B.D. LE MANGAKA A VISITE LES LIEUX EN COMPAGNIE DU MAIRE DE LA VILLE XAVIER BONNEFONT (JEUNE BRUN MANTEAU NOIR) ET DU COMMISSAIRE DE L EXPOSITION NICOLAS FINET (CHAUVE). (SA TRADUCTRICE AVEC ECHARPE ROUGE) (MaxPPP TagID: maxpeopleworld854401.jpg) [Photo via MaxPPP]

© MaxPPP / Jean-Baptiste Quentin – janvier 2015

C’est l’un des auteurs de mangas les plus connus et les plus appréciés en Europe. L’homme qui marche, Le Journal de mon père, Quartier lointain, Enemigo, Furari, Au temps de Botchan, Le Gourmet solitaire, Sky Hawk ou encore Les Années douces, Jirô Taniguchi a élaboré une oeuvre personnelle, sensible, humaniste, influencée par la bande dessinée européenne.

Aucun genre du neuvième art ne lui était indifférent, baladant sa plume et son crayon avec le même talent du côté du western, de la saga animalière, du carnet de voyage, du récit intimiste, de l’adaptation littéraire ou autobiographique. Une oeuvre abondante qu’on ne se lassait pas de découvrir de ce côté-ci de la planète. Chaque parution était un petit moment de bonheur, d’excitation et de récréation.

En janvier 2015, le Festival international de la bande dessinée d’Angoulême lui avait consacré une exposition de grande ampleur revenant sur quarante ans de création. L’artiste était venu pour l’occasion en France, invité exceptionnel du festival.

Les éditions Casterman qui ont largement contribué à faire connaître son oeuvre en Europe ont annoncé la triste nouvelle sur leur compte Facebook parlant d’un artiste « profondément bienveillant et doux ».

Et de préciser : « Si l’humanisme qui traverse toute son œuvre est familier de ses lecteurs, on connaît beaucoup moins l’homme, d’un naturel réservé et plus enclin à laisser ses récits parler à sa place. Le regard de Jirô Taniguchi s’illuminait dès lors que la conversation portait sur la bande dessinée. C’est l’un des rares sujets qui le voyait, lui d’ordinaire discret et peu prolixe, s’éveiller avec fougue et passion. Il aimait à témoigner de sa vive admiration à l’égard des auteurs occidentaux qu’il considérait comme des maîtres, et s’empressait de partager des anecdotes savoureuses sur les circonstances dans lesquelles il avait découvert leur travail. Il nourrissait également un intérêt profond pour les formes les plus récentes du neuvième art, toujours avide de voir où la bande dessinée allait, curieux de voir éclore de nouveaux talents. »

Eric Guillaud

08 Fév

Jean Doux et le mystère de la disquette molle : un récit de Philippe Vallette solidement déjanté

jeanDouxEtLeMystereDeLaDisquetteMolle« Je ne vais pas tortiller du cul pour chier droit », comme dirait l’un des personnages de l’album, « Jean Doux et le mystère de la disquette molle » est une tuerie de rigolade, une aventure au fin fond du grand n’importe quoi mais sacrément bien foutue quand même…

Il faut dire que Philipe Valette, son auteur, a déjà de la bouteille dans ce genre d’histoire. En 2013, honte à lui, il comettait Georges Clooney une histoire vrai, un album débile avec plein de fautes d’orthographe « légèrement scatologique, lourdement comique », écrivais-je à l’époque. Et je maintiens mes propos même sous la torture d’un deuxième album.

Rien de vraiment scatologique cette fois, même si’l y a quelques restes à droite ou à gauche, mais du lourdement comique assurément. A commencer par le titre et l’objet central de l’aventure, une disquette molle de 1976. Pour ceux qui ne seraient pas encore très loin des couches culottes et des aventures de Mireille L’abeille, les disquettes molles ou souples servaient à stocker et transporter des données d’un ordinateur à l’autre. L’ancêtre des clés USB mais avec beaucoup beaucoup beaucoup moins de capacité de stockage. Toute une époque !

Mais revenons à notre sujet, Jean Doux et le mystère de la disquette molle nous propulse au coeur d’une entreprise des années 90, Privatek, spécialisée dans les broyeuses à papier. Jean Doux, cadre pas vraiment dynamique, découvre un beau jour dans un faux plafond, un attaché-case contenant une disquette molle qui va l’entrainer, lui et deux de ses collègues, dans une aventure incroyable, un parcours à la Indiana Jones, sans Indiana Jones, et sans l’Arche d’alliance, mais avec un Jean Doux hallucinant autant qu’halluciné et une broyeuse de niveau 12, summum de la technologie dont on aurait voulu cacher l’invention pour je ne sais quelle raison obscure. Je me renseigne et reviens vers vous, comme dirait tout bon Responsable des Ressources Humaines.

En attendant – vous pouvez attendre longtemps! – jetez-vous à plat ventre sur ce copieux album de 250 pages en couleurs, oui oui, avec une impression recto verso, dingue non?,  un dessin façon 2D sans traits avec grands aplats, et de la dérision à foison. Un album pour ne plus jamais broyer du noir !

Eric Guillaud

Jean Doux et le mystère de la disquette molle, de Philippe Valette. Éditions Delcourt. 29,95€

04 Fév

Rose : Premier volet d’un thriller ensorcelant de Vernay, Alibert et Lapière

B0pRBAtnxsOVSkFuURgorEa1cxfz9PIB-couv-1200Sortir de son corps, être le spectateur de sa propre vie, traverser les murs, être transparent. Rose à cette sensation, que dis-je ce pouvoir depuis toujours. Elle s’infiltre dans les appartements pour regarder les gens vivre, s’invite au coeur des discussions pour surprendre les échanges intimes…

Ce qu’elle croyait être une maladie quand elle était toute petite devient une force en grandissant. Et lorsqu’elle va devoir enquêter sur la mort mystérieuse de son père, tué d’une balle dans la tête, alors ce pouvoir deviendra une bénédiction.

Rien ne prédestinait Rose à devenir détective. Elle travaillait jusqu’ici dans un musée. Mais les circonstances vont la pousser à reprendre l’affaire de son père. Premier boulot, se rendre chez lui pour y trouver peut-être un indice, une trace de son meurtrier.

Elle ne trouvera rien de tout ça mais croisera trois fantômes, des vrais, qui hantent la maison depuis 18 ans et qui aimeraient bien aller prendre l’air…

Denis Lapière, éminent scénariste, Emilie Alibert, directrice d’écriture de Plus Belle la vie, et Valérie Vernay, qui a signé les couleurs de plusieurs séries comme Harmony ou Millénium, livrent un récit fantastique surprenant par son scénario et son approche graphique. Un thriller qui pourrait vous faire aimer les fantômes !

Eric Guillaud

Rose (tome 1/3), de Vernay, Lapière et Alibert. Éditions Dupuis. 12€

© Dupuis / Vernay, Alibert & Lapière

© Dupuis / Vernay, Alibert & Lapière

01 Fév

Irena : l’histoire en trois tomes de la Juste parmi les nations, militante et résistante polonaise, Irena Sendlerowa

9782344013632Premier constat, le dessin tranche singulièrement avec le propos. S’il n’y avait pas ce titre en couverture, Le Ghetto, on pourrait s’attendre à une bande dessinée humoristique, ou du moins semi-réaliste, comme en dessine habituellement Evrad, aka E411. Mais Irena n’est pas une bande dessinée humoristique, il suffit d’entreprendre sa lecture pour comprendre qu’elle nous entraîne, assez brutalement d’ailleurs, dans la tragédie de l’holocauste…

Un monde de misère où seuls les rêves des enfants sont encore en couleurs. Bienvenue dans le ghetto de Varsovie ! Irena est attendue impatiemment. Avec sa petite estafette, elle apporte de quoi manger et s’habiller aux familles juives, de quoi supporter encore un peu l’ignominie de la situation. Jusqu’au jour où une jeune femme sur le point de mourir confie son enfant à Irena. Que doit-elle faire ? Le faire sortir clandestinement ? Le temps de se poser la question, le gamin est abattu par un officier allemand. Pour Irena, c’est le choc, elle décide ce jour-là de sauver le plus d’enfants juifs possibles.

Et elle en sauvera 2500. Elle, c’est Irena Sendlerowa, une résistante, une vraie, déclarée Juste parmi les nations en 1965 et décédée en 2008. Malgré ses actes de bravoure et d’amour, les livres d’histoire n’ont pas gardé, semble-t-il, sa mémoire. C’est en tombant par hasard sur un article qui lui est consacré que Jean-David Morvan décide de raconter sa vie. Trois tomes sont prévus avec Séverine Tréfouël au scénario, David Evrad au dessin et Walter aux couleurs. Trois tomes qui permettront de raconter « l’histoire d’une femme ordinaire qui réalisa quelque chose d’extraordinaire ». Un album à mettre bien évidemment entre toutes les mains et notamment celles des enfants !

Eric Guillaud

Le Ghetto, Irena (tome 1/3), de Morvan, Evrard, Tréfouël et Walter. Éditions Glénat. 14,95 €

© Glénat / Morvan, Evrard, Tréfouël et Walter

© Glénat / Morvan, Evrard, Tréfouël et Walter

29 Jan

Tu sais ce qu’on raconte… la mécanique de la rumeur décortiquée par Gilles Rochier et Daniel Casanave

Capture d’écran 2017-01-29 à 20.07.49La nouvelle n’a fait qu’un tour dans le village. Gabory, le môme Gabory, est revenu. Mais pour quoi faire ? Voir sa famille ? Il n’a plus de famille ici. Se venger alors ? Tout le monde le craint et le cherche. Il est peut-être caché quelque part à épier tout ce petit monde qui s’agite et s’affole à la seule prononciation de son nom…

Il faut dire que l’histoire n’est pas très claire ma Pauv’ dame, on dit même que c’est la gamine, celle qui est morte, qui conduisait la voiture. Un accident, une tragédie, qui a boulversé la vie de la petite communauté. De là à imaginer qu’ils étaient drogués, il n’y a pas loin. Certains avancent même le nom de leurs fournisseurs. Quant aux parents de ces deux-là, forcément, ils ne sont pas nets…

Racontars, bobards, rumeurs, Tu sais ce qu’on raconte… nous parachute dans une petite ville de province où tout le monde se connaît, tout le monde s’observe, tout le monde a finalement une idée sur tout. De l’employé municipal au médecin, Gilles Rochier et Daniel Casanave donnent la parole à tous les habitants du village qui imaginent les raisons de ce retour, échafaudant des scénarios improbables, déformant les propos des uns et des autres, rajoutant une couche de sordide au passage. La rumeur est en marche, une mécanique de précision qui finit toujours par faire des dégats. Passe à ton voisin !

Et bien sûr, les esprits ne manquent pas de s’échauffer. Une milice se met en place pour accueillir comme il se doit le môme Gabory. « J’espère qu’ils vont le coincer et lui foutre une belle raclée », dit une villageoise ordinaire.

Le scénariste Gilles Rochier a obtenu le Prix Révélation au Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême en 2012 pour l’album Ta Mère la pute publié aux éditions 6 Pieds sous terre. On retrouve ici sa sensibilité, son humanité, pour dénoncer la bêtise générale et communicative avec un point de vue original et une chute inattendue. Non non, je ne vous la dévoilerai pas mais à ce qu’on raconte… il se pourrait que…

Eric Guillaud

Tu sais ce qu’on raconte…, de Rochier et Casanave. Éditions Warum?. 15€

© Warum? / Rochier & Casanave

© Warum? / Rochier & Casanave