Profitant de la sortie le 7 Juin dernier de sa première adaptation cinématographique, plusieurs séries consacrées à Wonder Woman sont opportunément (ré)édités, histoire de ce rendre compte que ce personnage plus complexe qu’il n’y paraît est à chaque fois un bon reflet de son époque et de la lutte pas toujours gagnée pour l’égalité des sexes…
Dès ses débuts en 1941, Wonder Woman est une sorte de paradoxe : créée à la base avant tout pour répondre à ceux qui (déjà) accusaient les comics d’être sexistes et de n’offrir aucun modèle féminin, la première super-héroïne de l’histoire avait beau être une pin-up capable de soulever un tank ou de défendre l’univers, son identité secrète la reléguait au simple rôle de secrétaire, comme si une femme ne pouvait au final n’être que la subalterne d’un homme dans la vraie vie. La sortie simultanée de ‘Dieux et Mortels’ (en deux tomes) et de ‘Terre-Un’ (cinq tomes) est d’autant plus intéressante qu’on tient là deux réécritures clefs de son histoire, témoignant de l’évolution de la société depuis la seconde guerre mondiale, de notre vision de la femme et des comics en général.
Le premier est le plus gros morceau : signé par Georges Pérez au dessin, il revient sur ses origines sur l’ile de Themyscira, refuge d’amazones immortelles à l’écart des hommes depuis plus de 3,000 ans et comment l’intrusion accidentelle d’un pilote de l’US Air Force va tout chambouler et l’obliger à se confronter au monde réel et à Arès, le dieu de la Guerre. Le tout est sorti initialement en 1986 et cela se sent car baignant dans une certaine tradition (noblesse des sentiments, patriotisme, héros forcément bien intentionnés). Reste qu’en plus d’être un bon co-scénariste et d’être un fin connaisseur de la mythologie grecque qu’il a injecté ici à fortes doses, Pérez vit avec son temps et ose donc pour la première fois aborder certaines thématiques plus adultes, en premier lieu le féminisme et la prolifération des armes atomiques mais sans jamais que cela ne prenne le pas sur ce qui fait toute la saveur d’un comics classique. Mais son héroïne reste bien sage et limite asexuée, ce qui est loin d’être le cas de la dernière incarnation en date de Wonder Woman signée Yanick Paquette…
Même si l’histoire est à la base la même, avec le dessinateur canadien au crayon flamboyant et haut en couleur, la princesse Diana a des courbes renversantes digne d’un mannequin, tombe amoureuse d’un Steve Trevor ici à la peau noire tout en laissant aussi fortement sous-entendre sa possible bisexualité et n’est plus la petite fille sage respectueuse des règles érigées par les dieux. Quant aux hommes, ils ne sont plus seulement bêtes mais aussi et surtout violents et dangereux. Ce premier épisode tient donc limite plus du pamphlet anti-phallocrates que d’un comics plein de pif, paf et boum. Il est surtout en phase avec le ton du film qui vient de lui être consacré et qui est sur les écrans depuis le 7 Juin dernier, bien loin de l’image un peu kitsch mais ô combien culte de celui de son adaptation télé entre 1976 et 1979 dont l’actrice principale était devenue une icône gay. Oui, en trente ans, la vision de la femme a bien évolué. Et Wonder Woman aussi.
Olivier Badin
Wonder Woman : Dieux et Mortels, de George Pérez, Greg Potter et Len Wein, Urban Comics, 35 euros
Wonder Woman : Terre-Un, de Yanick Paquette et Grant Morrison, Urban Comics, 15 euros