Il suffit parfois de quelques lettres apposées sur une couverture pour avoir la garantie d’un grand moment de lecture. Et lorsque ces quelques lettres forment les noms de Fred Bernard et Benjamin Flao, alors le paradis n’est plus très loin…
En tout cas pour nous lecteurs. Car pour le personnage principal de ce récit, Achille Antioche, c’est une toute autre histoire. Pour connaître le paradis, cet amoureux de la belle mécanique va d’abord devoir passer par le purgatoire des pilotes et comprendre les raisons de sa mort. Car oui, avant même la première case du récit, Achille Antioche est mort. Mort dans une voiture qui n’est pas la sienne, une Porsche 911, plongée dans un étang gelé. C’est tout ce qu’on sait à ce stade du récit. Est-ce un accident ? Un meurtre ? Mystère…
En attendant de trouver la vérité, Achille Antioche tourne en rond dans le purgatoire à bord d’une Ford Mustang – autant se faire plaisir – avec pour seule préoccupation de trouver du carburant. Pied au plancher, les décors défilent au gré de ses envies, espaces désertiques ici, mégapoles fantomatiques là, ambiances post-apocalytiques plus loin… et pour l’aider à comprendre, à trouver la vérité, à la place du passager, une très belle jeune-femme. Elle ne veut pas donner son nom mais se présente comme son ange-gardien.
Ensemble, ils remontent le temps à vie allure, se faufilent entre vie affective, passion pour les belles voitures et sombre histoire d’espionnage, le tout sur fond de moteur à énergie infinie. Ça vous paraît bizarre ? Pas tant que ça…
L’année 2018 commence sacrément bien aux éditions Futuropolis avec cet album au format atypique, presque carré, et surtout à l’histoire complètement dingue, un road trip sans limite au pays des morts. On y croise une galerie de personnages plus déjantés les uns que les autres, quelques cinglés de l’asphalte aussi, James Dean et Gilles Villeneuve en tête, on se laisse embarquer dans un monde onirique à la fois familier et extraordinaire avant de redescendre sur Terre l’imaginaire gorgé de carburant pour l’hiver. Le scénario de Fred Bernard est grandiose et sans faille, le graphisme de Benjamin Flao largement à la hauteur, les couleurs somptueuses. Le paradis que je vous dis !
Eric Guillaud
Essence, de Fred Bernard et Benjamin Flao. Éditions Futuropolis. 27€
Bon, Noël c’est fait ! Mais il reste encore le Nouvel An et ses étrennes pour offrir ou se faire offrir quelques beaux livres. Franquin, Serge Clerc, Frank Le Gall, Liberatore, Romain Gary… On vous donne quelques pistes ici.
À commencer par ce très beau livre qui ravira tous les fans du génialissime Franquin, un recueil réunissant toutes les couvertures réalisées par l’auteur pour les albums du journal Spirou (fabriqués à partir des invendus), 80 couvertures accompagnées de leurs esquisses, autant de petits chefs-d’oeuvre de dessin et de mise en scène. Les plus attentifs diront qu’il s’agit là d’une réédition. Et ils auront raison. En 2013, la maison d’édition célèbrait les 75 ans du journal Spirou avec une tripotée d’ouvrages portant sur ses auteurs, ses séries, ses personnages, tous plus beaux et indispensables les uns que les autres. Et parmi ces livres, figurait déjà Toutes les couvertures des recueils du journal de Spirou par Franquin mais dans une édition luxe tirée à seulement 2000 exemplaires et vendue 120€. Le revoici donc dans une version moins luxueuse mais toute aussi jubilatoire et quatre fois moins chère. De quoi se régaler du trait de génie d’un des plus grands auteurs de la bande dessinée franco-belge sans trop se ruiner. Toutes les couvertures des recueils du journal de Spirou, par Franquin. Dupuis. 30€
Si je vous dis Ranx, vous me répondez ? Liberatore. Bingo. Le célèbre auteur italien se fit connaître en France dès le début des années 80 avec cette série aujourd’hui culte mais l’homme n’en était pas à son coup d’essai. Depuis le milieu des années 70, Liberatore multipliait les expériences graphiques, illustrations ou histoires courtes, pour différents supports médiatiques, notamment Libération, Métal Hurlant, Télérama ou encore L’Écho des Savanes… Petites morts (et autres fragments du chaos) réunit ces premiers travaux, d’autres plus récents, inédits pour la plupart en albums, des histoires parfois inachevées, un univers qui se met en place mais porte déjà en lui la marque de l’hyperréalisme et de l’ultraviolence façon sexe, drogue et rock’n’roll. Au scénario, son complice des débuts, Stefano Tamburini mais aussi Daniel Varenne, Georges Wolinski ou encore Jean-David Morvan. Une petite curiosité ! Petites morts (et autres fragments du chaos), de Liberatore. Glénat. 35€
Le côté noir de la ligne Clerc ! La formule est belle, on l’aurait bien imaginée en couverture de cet ouvrage publié aux éditions Dupuis, elle ne restera finalement qu’une accroche dans le texte d’introduction signé Frédéric Prilleux. Noir, tout simplement, a été de fait choisi pour nommer cette quatrième et dernière intégrale consacrée à l’oeuvre de Serge Clerc, qui était l’un des chefs de file de la ligne claire aux côtés d’Yves Chaland, Ted Benoit ou encore Joost Swarte. Après Phil Perfect, Rock et Science-fiction, Noir réunit sur plus de 300 pages trente ans de création placée sous le signe du polar et de l’espionnage. Une mise en perspective chronologique composée de plus de 350 dessins et pages de bande dessinée assortis d’un dossier et de commentaires de l’auteur, un « labeur de dingue », pour citer Serge Clerc, qui nous plonge dans le côté sombre de son univers, rempli de privés, de durs à cuire, de femmes fatales, d’agents russes et autres personnages fascinants. Comme les précédentes, cette ultime intégrale est en édition numérotée et signée, avec frontispice. Sublime ! Noir, de Serge Clerc. Dupuis. 48€
Il ne s’agit pas d’une bande dessinée mais d’un roman cette fois, et pas n’importe quel roman puisque La Vie devant soi a valu à son auteur, Émile Ajar aka Romain Gary, le Prix Goncourt en 1975. Porté au cinéma en 1977 par Moshe Mizrahi avec Simone Signoret dans le rôle de Mme Rosa, La Vie devant soi n’a étonnamment jamais fait l’objet d’une adaptation en bande dessinée si ce n’est par Thierry Leprevost pour le magazine Je Bouquine. Les éditions Futuropolis en proposent aujourd’hui une magnifique version illustrée, avec aux crayons Manuele Fior, lauréat du Fauve d’or d’Angoulême de la meilleure bande dessinée en 2011 pour Cinq mille kilomètres par seconde (éd. Atrabile). Environ 80 illustrations accompagnent le texte intégral de Romain Gary, des illustrations au trait léger, sensible, aux couleurs douces. Une très belle façon de (re)découvrir un chef d’oeuvre de la littérature française. La Vie devant soi, de Romain Gary, illustré par Manuele Fior. Futuropolis. 26€
Théodore Poussin est de retour ! D’abord dans les pages du journal Spirou depuis le numéro spécial de Noël, bientôt en album, et enfin sous la forme d’une série de cahiers au tirage limité à 2500 exemplaires, offrant le récit dans une magnifique version en noir et blanc accompagnée d’une interview de l’auteur Frank Le Gall. Trois cahiers sur les quatre annoncés sont aujourd’hui disponibles. Le dernier le sera en février 2018. Le Dernier voyage de l’Amok est le nom de cette nouvelle aventure qui nous permettra de retrouver ce fantastique personnage de la trempe d’un Tintin ou d’un Corto Maltese dont il a hérité le goût du large, l’envie de voyages. Tout commence en 1928 à Dunkerque. Théodore est alors commis aux écritures à la Compagnie des chargeurs maritimes. Un travail de bureau sans horizon. Jusqu’au jour où il se décide à embarquer pour l’Indochine à la recherche d’un oncle disparu : le capitaine Steene. C’est le début d’une longue, très longue quête du côté de Haiphong, Singapour, Macassar, Bornéo ou encore Java. Aventure, exotisme, mystère… La série de Frank Le Gall est l’une des plus belles créations des années 80-90 et l’une des plus belles du Neuvième art tout simplement. Cahiers Théodore Poussin, de Frank Le Gall. Dupuis. 13€
À la fois illustrateur, photographe, plasticien, dessinateur de BD, cinéaste et musicien, l’Anglais Dave McKean a élaboré depuis ses débuts dans les années 1980 une oeuvre quasi-expérimentale d’une très grande richesse, parfois complexe, toujours marquante, une oeuvre qui fait autant appel au dessin qu’à la peinture, à la photographie, au collage, et explore en permanence différentes approches narratives et graphiques du neuvième art. Son dernier opus, Black Dog : Les rêves de Paul Nash publié chez Glénat n’échappe pas à la règle. Ses 120 planches grand format nous embarquent dans les pas de Paul Nash, artiste de la première moitié du XXe siècle, peintre officiel de la première et de la deuxième guerre mondiale, profondément marqué par l’horreur des tranchées. Black Dog : Les rêves de Paul Nash est le fruit d’une commande de la commission artistique du centenaire de la Première guerre mondiale. Un récit fort, très fort, qui témoigne à sa manière de la guerre, des blessures, que dis-je des traumatismes légués à plusieurs générations d’humains. Essentiel ! Black Dog : les rêves de Paul Nash, de Dave McKean. Glénat. 25€
Aïe ! Noël approche à la vitesse de la lumière et vous séchez affreusement question cadeaux? Alors voici rien que pour vous deux BD qui feront à coup sûr de l’effet au pied du sapin.
Il est riche, immensément riche, il croule même littéralement sous l’or, ce qui ne l’empêche pas d’être un peu beaucoup énormément pingre. Balthazar Picsou, c’est son nom, fête ses 70 ans autour de cette anthologie de plus de 400 pages parue aux éditions Glénat. Au menu, des récits, une vingtaine, bien évidemment signés Carl Barks, son génial créateur, mais aussi Don Rosa, des entrées thématiques pour tout savoir du personnage et une galerie de portraits inédits réalisés pour l’occasion par des auteurs de la bande dessinée contemporaine comme Bertolucci, Bourhis, Cornette, Cosey, Herenguel, Supiot et quelques autres. Balthazar Picsou, Glénat, 29,50€
Si vous n’aimez pas les canards, encore moins les canards milliardaires, ou si vous n’êtes pas réceptif au trait de génie de Carl Barks, alors voici une souris que le cartooniste Floyd Gottfredson a propulsé de quelques coups de crayon dans la sphère des héros interplanétaires. Car oui, pour ceux qui l’ignoreraient encore aujourd’hui, Mickey n’est pas qu’un personnage d’animation sur grand écran, c’est aussi un héros de papier qui a, comme le souligne Thomas Andrae, « connu certains de ses meilleurs moments dans les pages des journaux… ». Pour le vérifier, rien de plus simple, les éditions Glénat viennent de publier le premier volet d’une toute nouvelle collection réunissant de manière chronologique l’intégralité de l’œuvre du maître, restaurée directement à partir des épreuves de chez Disney et de quelques pièces de collection. Et c’est sublime !
Avec deux albums publiés par an dans un format à l’italienne qui respecte le format des strips d’origine, l’éditeur ambitionne de faire de cette collection le « rendez-vous incontournable des amoureux du travail de l’auteur, autant que des fans de Mickey de la première heure ». Une chose est sûre, ce premier album est une merveille qui, en plus des treize récits réunis, nous offre un dossier très complet pour planter le décor et nous plonger dans les archives Gottfredson. De quoi nous faire pousser des oreilles de Mickey ! Mickey Mouse, La Vallée de la mort. Glénat. 29,50€
Aïe ! Noël approche à la vitesse de la lumière et vous séchez affreusement question cadeaux? Alors voici rien que pour vous une sélection de BD qui feront à coup sûr de l’effet au pied du sapin et animeront peut-être la fin de soirée.
Et si on parlait politique ! En commençant par ce qui se passe à l’étranger histoire de ne pas se fâcher trop vite et par un homme qui fait finalement l’unanimité contre lui. Je veux parler bien sûr de Trump. Vous le trouvez caricatural ? Garry B. Trudeau explique en ouverture de son livre Énorme! 30 ans de BD-enquête sur Trump que pour certains Trump est même au-delà de la satire et que « les professionnels savent très bien qu’il est en fait la satire incarné, pure, brute, disponible pour tous ceux qui veulent s’en servir et samuser. Pour cela, nous lui sommes reconnaissants. Pour notre pays, malheureusement, c’est à pleurer ».
Et il sait de quoi il cause Gary B. Trudeau, ça fait seulement 30 ans qu’il le croque à toutes les sauces. il en a même fait le personnage principal de Doonesbury, comics strip humoristique diffusé dans plus de 1400 journaux et qui lui valut sept prix prestigieux, dont le Pulitzer du dessin de presse. Oui quand même !
À l’époque des premiers strips, Trump n’était bien évidemment pas président des États-Unis mais – qui s’en souvient ? – l’homme avait déjà des velléités de ce côté-là. Pouvoir, argent, luxe, femmes… finalement, l’homme a peu changé en trois décennies, peut-être est-il juste un peu plus riche, une peu plus odieux, un peu plus misogyne qu’à ses débuts. Pour le reste, il suffit de lire ce livre qui réunit les meilleurs strips et vous comprendrez qu’on savait déjà tout du zigoto et qu’il n’y a finalement aucune surprise. Énorme! 30 ans de BD-enquête sur Trump, Garry B. Trudeau. Hachette Comics. 19,95€
On revient sur nos terres avec Le Député – La noble assemblée, une bande dessinée de Xavier Cucuel et Al Coutelis qui à défaut d’être très marquée idéologiquement nous permet de pénétrer le Palais Bourbon, d’en découvrir la face cachée, les coulisses de la démocratie en quelques sortes, mais aussi les coutumes, les règles non écrites, le protocole et bien évidemment les secrets, les coups bas, les luttes d’influence…
L’histoire ? Celle d’un médecin de campagne, Jean-René Galopin, maire d’un petit village d’Aquitaine, qui décide un beau jour de se présenter sans étiquette à une législative partielle qu’il remporte. Dès le lendemain matin, le député fraichement élu débarque à Paris, direction l’Assemblée nationale où il va vite devoir prendre ses marques et de l’assurance pour faire – ce qu’il a promis – de la politique autrement. Le Député – La noble assemblée est une fiction mais une fiction qui s’appuie très fortement sur la réalité grâce à l’aide d’un homme qui connaît par coeur le Palais Bourbon et les rouages du monde politique, Jean-Louis Debré, qui en plus d’avoir fourni aux auteurs toutes les clés du lieu signe une préface. Passionnant ! Le Député – La noble assemblée, Xavier Cucuele et Al Coutelis. Éditions Bamboo. 21,90€
Le livre de David Servenay et Thierry Martin ne raconte pas une affaire d’état mais une affaire d’états. Avec un S. Car elle implique deux pays, la France et Djibouti, et deux chefs d’états, Jacques Chirac et Ismaël Omar Guelleh. Au centre de cette affaire, un homme, le juge Borrel qui se serait suicidé pour les uns, qui aurait été assassiné pour les autres. Nous sommes en octobre 1995, son corps est retrouvé partiellement brûlé à Djibouti où il occupait officiellement le poste de conseiller du ministre de la justice. Première à défendre la thèse de l’assassinat, sa femme, Elisabeth Borrel qui pendant des années et des années se bat pour que surgisse la vérité. Face à elle, deux états, deux raisons d’états, à ses côtés deux avocats et quelques journalistes dont David Sevenay qui enquête pendant des années sur l’affaire jusqu’à ce qu’il en soit débarqué par la direction de RFI, sur ordre de l’Elysée précise-t-il.
C’est cette histoire que David Savenay raconte ici avec le dessinateur Thierry Martin, une histoire éminemment politique qui ne trouve toujours pas d’issue judiciaire même si de nouvelles expertises ont cet été encore confirmé la thèse de l’assassinat. Un livre très instructif complété par une interview d’Élisabeth Borrel et de son avocat Olivier Morice.
Une affaire d’états, de David Servenay et Thierry Martin. Éditions Soleil. 17,95€
Aïe ! Noël approche à la vitesse de la lumière et vous séchez affreusement question cadeaux? Alors voici rien que pour vous une sélection de BD qui feront à coup sûr de l’effet au pied du sapin.
Depuis la nuit des temps, les hommes et les femmes font du sexe. Oui oui, ne jouez pas les pudibonds ! Sinon, comme le souligne l’un des auteurs de ce livre intitulé Dirtybiology La Grande aventure du sexe, nous ne serions pas là, nos parents n’auraient pas été là non plus, ni nos arrières grands-parents, bref l’espèce humaine n’existerait pas. Mais savez-vous ce qu’est vraiment le sexe ? Physiquement peu-être mais scientifiquement ? C’est la mise en commun de l’identité de deux individus qui en produit un troisième, différent.
Avec beaucoup d’humour mais aussi une grande précision scientifique, Léo et Colas Grasset répondent à toutes les questions que l’on peut se poser. Qu’est- ce que le sexe? Est-ce que ça a toujours existé ? A quoi ça sert ? Peut-on faire du sexe sans sexe ? Une adaptation en BD de la chaîne YouTube aux centaines de milliers d’abonnés et aux millions de vues. Dirtybiology La Grand aventure du sexe, de Léo et Colas Grasset. Éditions Delcourt. 19,50€
Après le sexe, direction la cuisine – en général, ça ouvre l’appétit – avec Les recettes inavouables illustrées. Pourquoi inavouables ? N’imaginez surtout pas qu’elles ont quelque chose que la morale réprouve. Non, plus simplement, ces recettes sont du genre très – trop? – faciles « tellement rapides, tellement faciles, tellement bon marché qu’on ose à peine les appeler recettes », préviennent les auteures, Seymourina Cruse Ware et Anne-Sophie Constancien. Et pourtant, en vrac, on découvre comment faire du canard à l’orange, du crumble de sardines, du dauphinois de saumon ou encore du porc laqué au carambar, le tout en deux trois coups de cuillère à pot et avec des beaux dessins. Miam… Les Recettes inavouables illustrées, de Cruse et Constancien. Éditions Delcourt. 18,95€
C’est un lieu improbable, niché au bout du bout du monde. Un enchevêtrement de collines pour horizon, une terre aride et une caravane, enfin ce qu’il en reste, celle de Paul, celle de son père surtout qui a dû s’absenter quelques mois pour le travail. Paul est resté seul, vraiment seul, jusqu’au moment où surgit Ramona…
Quelques boîtes de conserves pour repas, des avions de papier et un Rubik’s Cube pour distraction, un père parti faire la saison ailleurs…. On ne peut pas dire que les vacances de Paul prennent une orientation très folichonne. Mais soudain débarque Ramona, une brune de caractère sortie de nulle part. Ramona et Paul vont partager quelques instants, quelques jours, découvrir l’amour, combattre ensemble la solitude et tenter de soigner leurs blessures respectives…
Ramona est le premier roman graphique d’une jeune auteure nantaise qui a toujours voulu faire de la BD. Elle sort de l’école Pivaut à Nantes et nous raconte comment ce qui n’était à l’origine qu’un projet de diplôme est devenu un album publié aux éditions Vraoum…
Quel a été le déclic pour l’écriture de ce premier roman graphique?
Naïs. Ça date de quand j’étais étudiante, plus précisément d’un exercice où j’ai commencé à dessiner un garçon roux maigrichon et tout ramassé dans des décors de campagne un peu désolée, avec une fille brune un peu étrange sur certains plans. Ensuite ça s’est déroulé assez naturellement jusqu’à devenir l’histoire de Ramona.
Peux tu nous expliquer en deux trois mots l’histoire ?
NaÏs. On suit Paul, un garçon timide et solitaire, qui passe l’été au beau milieu d’une campagne désertique. Un beau jour débarque Ramona, une fille exubérante et charmante mais qui reste très énigmatique. Sans trop que Paul en apprenne plus sur elle, les deux adolescents tombent amoureux, alors qu’en parallèle Ramona commence à se conduire de façon de plus en plus étrange et malsaine.
D’où vient Ramona ? Où va Romona ? On aimerait bien en savoir un peu plus sur cette gamine. Tout est un peu trouble. Qu’est-ce que tu peux en dire de plus ?
Naïs. Rien ! Plus sérieusement, je préfère laisser les lecteurs sur les éléments que j’ai disséminés dans la BD. Que ça soit en tant que public ou auteure, j’aime qu’une histoire laisse de la place au lecteur pour y apporter ses interprétations, et plus largement qu’il puisse remplir les zones de flou avec un peu de lui-même, et qu’ainsi chacun s’approprie l’histoire de façon personnelle. On est forcément plus touché par quelque chose quand on y a apporté du sien, à mon avis.
Je pense que ça serait un peu casser l’expérience de lecteur que d’invalider par la suite ce qu’il aurait naturellement compris (ou non) par lui-même.
D’ailleurs je n’ai pas forcément moi-même de réponses, j’ai mis dans la BD ce que je voulais raconter, et comme ce que je voulais raconter restait par essence évasif ça ne m’a pas semblé très intéressant à creuser.
Après ce premier album, tu te sens plutôt dessinatrice, plutôt scénariste ou plutôt les deux ?
Naïs. Disons auteure, puisque j’ai géré tous les éléments de la BD. Je trouve que tout ça fonctionne de façon très imbriquée quand on est à la fois scénariste et dessinateur sur une histoire.
Personnellement, c’est vraiment l’histoire et la narration qui m’intéressent et me préoccupent en priorité, et je mets le dessin au service de ça. En général, je peux avancer assez loin dans ma tête sur une histoire sans avoir encore fait le moindre dessin.
Quelles sont tes influences en général et peut-être plus précisément tes références pour cet album ?
Naïs. En ce qui concerne la bande dessinée, même si je ne cherche pas à m’inspirer volontairement d’autres oeuvres, j’ai été particulièrement marquée par Inio Asano (Bonne nuit Punpun étant sans conteste ma bande dessinée préferée, qui m’a beaucoup touchée en terme de ressenti et de narration), et Cyril Pedrosa (Pour Portugal et Trois Ombres, c’est ici en particulier son dessin que j’admire beaucoup).
Cela étant dit, je pense être beaucoup plus influencée par le cinéma que par la bande dessinée pour ce qui est de la narration et des influences en général. Pour Ramona, je pense pouvoir citer Morse, Submarine ou encore Restless. Quant aux décors, certains passages de Kill Bill 2 ont dû pas mal m’influencer.
Est-ce que tu as une idée de bande son pour ton album ?
Naïs. J’avais utilisé Hood de Perfume Genius pour un sorte de mini trailer en BD que j’avais réalisé à l’école, qui est un morceau que j’adore et qui colle pas mal à l’esprit de l’histoire.
Je m’étais aussi amusée à trouver des thèmes musicaux spécifiques aux personnages, et je m’étais arrêtée sur Youth knows no pain de Lykke Li pour Ramona et Awake my soul de Mumford and Sons pour Paul. D’ailleurs je pense que ce dernier groupe pourrait globalement être une bonne bande son pour la BD.
Comment te situes-tu dans le milieu de la BD nantaise ?
Naïs. Je ne pense pas en être à un stade où j’ai réellement une place quelconque dans le milieu.
En tout cas, entre les anciens camarades d’école et les rencontres ultérieures que ça implique, l’immense majorité de mes amis se compose d’autres jeunes auteurs/dessinateurs nantais, qui sont très talentueux en plus d’être des personnes merveilleuses !
Ça va ressembler à quoi le proche avenir de Naïs ? Quels sont tes projets ?
Naïs. J’ai été contactée par un scénariste il y a quelques mois, et nous essayons de proposer un projet BD, dont je ne peux pas encore trop parler.
Si cela se concrétise, comme je serai cette fois uniquement dessinatrice, je commencerai sans doute à réfléchir à un prochain projet personnel.
Merci Naïs
Propos recueillis par Eric Guillaud le 15 décembre 2017
Aïe ! Noël approche à la vitesse de la lumière et vous séchez affreusement question cadeaux? Alors voici rien que pour vous une sélection de BD qui feront à coup sûr de l’effet au pied du sapin
L’année 2018 sera celle du changement. En tout cas, l’auteur anglais – et bouddhiste – Mike Medaglia nous a concocté pour cela un livre, petit par le format mais grand par l’ambition, réunissant 365 pensées illustrées, autant d’invitations à la méditation et à la pleine conscience.
Un jour, une pensée, celle du 4 janvier est signée de la romancière britannique George Eliot, de quoi se mettre de bonne humeur le matin…
« Il n’est jamais trop tard pour devenir ce que tu aurais pu être »
George Eliot, Anne Frank, Groucho Marx, Oscar Wilde, Vincent Van Gogh, Mère Teresa, Jack Kerouac, Gabriel Garcia Marquez ou encore Mark Twain, Mike Medaglia est allé chercher ses pensées auprès des écrivains mais aussi des philosophes, des personnalités religieuses, artistiques, politiques ou autres.
« Une bonne citation peut changer un point de vue, ne serait-ce qu’une seconde. Elle peut donner de l’espoir, inspirer le changement, faire rire et rappeler la richesse de la vie », nous explique Mike Medaglia en introduction. De quoi méditer ! Une année pour méditer, Mike Medaglia, Delcourt, 19,99€
Pendant que les uns méditent, les autres passent leurs nuits à dessiner, c’est le cas de l’auteure américaine Leslie Stein qui a pris comme résolution à la veille de l’année 2016 de dessiner une page de bande dessinée chaque jour ou plus précisément chaque nuit. Leslie est alors barmaid dans un bar de nuit. Sur un coin du comptoir, elle pose sa feuille et griffonne nuit après nuit son quotidien, ses pensées intimes, ses souvenirs d’enfance, ses doutes, ses interrogations, ses espoirs et vient de les réunir dans ce roman graphique.
Dans un style pâte de mouche, Elle nous embarque dans sa vie avec pas mal d’humour et beaucoup de folie. Toutes mes nuits sans dormir, Leslie Stein, Decourt, 25,50€
Le travail, c’est la santé ? Pas si sûr. En tout cas, Vaïnui de Castelbajac a pris le parti d’en rire avec une série d’illustrations et de gags affreusement drôles. Et ça, ça fait plutôt du bien par où ça passe. C’est tour à tour absurde, odieux, misogyne, ça sent le burn out à toutes les pages, on y parle de fusion d’entreprise dans un club échangiste, de promotion canapé, de productivité, de brainstorming au LSD, d’employé du mois, de harcèlement, d’ateliers de méditation, de tri sélectif au service RH… on rit, on grince des dents, on hurle et on retourne au boulot un peu soulagé ! Au taf, Vaïnui de Castelbajac, Delcourt, 16,95€
Vous le reconnaissez ? Oui c’est bien lui, Théodore Poussin, le héros ou plus exactement l’anti-héros imaginé par Frank Le Gall en 1984, disparu des écrans radars depuis 2005, et finalement de retour aujourd’hui même dans le journal Spirou spécial Noël pour une toute nouvelle aventure…
Une chose est sûre, il nous aura affreusement manqué notre Théodore. Oui je dis notre parce qu’il n’appartient plus vraiment à son créateur, Frank Le Gall, mais à ses fans, ses nombreux fans dont je suis.
Il faut dire que Théodore Poussin n’est pas un héros au sens strict du terme. C’est un gars ordinaire plongé dans une aventure extraordinaire. Il est né anti-héros, il le restera le temps de ses 12 aventures. Un anti-héros magnifique de la trempe d’un Corto Maltese. De ce dernier, il a d’ailleurs hérité le goût du large, l’envie de voyages.
Tout commence en 1928 à Dunkerque. Théodore est alors commis aux écritures à la Compagnie des chargeurs maritimes. Un travail de bureau sans horizon. Jusqu’au jour où il se décide à embarquer pour l’Indochine à la recherche d’un oncle disparu : le capitaine Steene. C’est le début d’une longue, très longue quête du côté de Haiphong, Singapour, Macassar, Bornéo ou encore Java. Aventure, exotisme, mystère… La série de Frank Le Gall est l’une des plus belles créations des années 80-90 et l’une des plus belles du Neuvième art tout simplement.
Des soldats noirs en Bretagne. L’affaire peut paraître aujourd’hui absolument banale, elle l’est nettement moins dans les années 40. Surtout quand ces fameux soldats sont des prisonniers de guerre venus aider aux travaux des champs. Fournier et Kris mettent en images une réalité de la seconde guerre mondiale, une réalité à priori moins tragique, moins sanglante, que celle des combats ou des camps de concentration, mais ne vous y fiez pas, l’horreur n’est jamais très loin et peut surgir à tout moment…
C’est à Landennec, précisément, que Jean-Claude Fournier et Kris ont planté leur chevalet pour nous peindre cette belle histoire d’amour qui se déroule pendant la deuxième guerre mondiale. Car oui, Plus près de toi raconte bien une histoire d’amour entre un de ces prisonniers noirs, Addi, et une jeune institutrice blanche, Jeanne.
Tout commence au Sénégal, lorsque la France entre en guerre contre l’Allemagne. Addi ne rêve que d’une chose, devenir prêtre. Il est sur le point d’être ordonné lorsque cette foutue guerre éclate. Son père, un ancien combattant de la Grande guerre lui ordonne de s’engager pour l’honneur de la famille, pour l’honneur de la patrie. Il revêt l’uniforme et part pour la France où il est rapidement fait prisonnier.
C’est la débâcle, les Allemands ne s’embarrassent pas des prisonniers noirs, ils en fusillent beaucoup. Addi, lui, échappe à la mort mais se retrouve dans un camp de prisonniers en Bretagne. Il y fait froid, il faut construire les baraquements pour s’abriter, se contenter d’une soupe à peine plus épaisse qu’un verre de cidre mais les femmes sont jolies. Le mari de Jeanne est mort à la guerre, du moins le croit-elle, et son coeur est libre. Addi tombe amoureux. Entre l’amour, la guerre et la religion, la vie d’Addi est complètement bouleversée tandis que le monde sombre dans l’horreur absolue…
Pour la première fois, les deux auteurs bretons aux parcours si différents mais identiquement imprégnés de la culture bretonne se retrouvent autour d’une bande dessinée, Kris au scénario, Fournier au dessin. L’histoire à première vue légère d’un tirailleur sénégalais tombant amoureux d’une belle bretonne se révèle plus complexe et plus profonde que ça. La guerre ressurgit régulièrement dans les pages de l’album avec une violence insoutenable et un déchaînement d’actes racistes. Le livre nous interroge aussi, bien évidemment, sur la place de ces soldats venus d’horizons lointains dans notre mémoire collective. Première partie d’un diptyque, Plus près de toi est une fiction inscrite dans un contexte bien réel, une histoire comme il a pu en exister quantité à l’époque, dans une Bretagne qui avait effectivement accueilli de très nombreux prisonniers de guerre.
Kris a dédié ce livre « à tous les soldats ayant combattu pour la France sans en avoir pour autant la nationalité pleine et entière« , et notamment aux tirailleurs africains du Bataillon de marche n°5 de la 1ère Division de la France Libre dont son arrière-grand-père , Henri Hennebaut, était le capitaine.
Eric Guillaud
Plus près de toi, de Fournier et Kris. Éditions Dupuis. 14,50€
Il a marqué le grand public avec ses photos et ses tweets envoyés depuis la station spatiale internationale entre novembre 2016 et juin 2017, Thomas Pesquet est aujourd’hui le personnage central d’une bande dessinée de Marion Montaigne. Vous avez toujours rêvé de devenir astronaute ? Voilà ce qui vous attend…
Et c’est chaud ! Autant vous le dire tout de suite, on ne devient pas astronaute en jouant à Super Mario Galaxy 2 ou en lisant les aventures de Buck Danny. Ça peut déclencher des vocations, certes, mais ce n’est pas suffisant.
Pour nous montrer la face cachée de ce monde obscur, Marion Montaigne a pris sa plus belle lampe torche, son humour, sa plume et ses pinceaux, et remonté le temps, direction les années 80. Thomas Pesquet n’est alors qu’un petit morveux avec deux grosses dents à la manière de Bugs Bunny mais en plus écartées, qui lui servent de frein moteur dans sa fusée en carton. Bon, en tout cas, c’est comme ça qu’elle l’imagine.
Et de nous raconter avec l’humour qu’on lui connaît et la vulgarisation scientifique dont elle s’est fait une spécialité le Thomas Pesquet enfant, adolescent, étudiant puis candidat à un concours de recrutement d’astronaute lancé par l’Agence Spatiale Européenne.
Exercice : « On dicte une liste de chiffres entre 3 et 10. Le candidat ne sait pas quand la liste va s’arrêter. Elle peut durer entre 30 secondes et 3 minutes. Mais quand elle stoppe… Il doit donner le maximum de chiffres retenus et dans l’ordre inverse de ce qu’il a entendu. »
Oui, je vous l’accorde, c’est terrible ! Et ce n’est rien à côté de ce qui l’attend, un déluge d’examens médicaux dans tous les genres et tous les sens, depuis le test d’effort jusqu’à la coloscopie, en passant par l’analyse de sang, la myélographie, l’angiographie, l’examen des selles… « et enfin enterrement de votre dignité ».
Tout ça dans l’infime espoir d’être l’élu. 8413 candidats au départ, 1000 sont sélectionnés pour les épreuves, 1 seul sera à l’arrivée, les probabilités d’y arriver sont faibles, très faibles, mais… Thomas Pesquet y parvient.
« Vous allez vous entrainer des années comme des chacals sans savoir quand vous serez affectés. Ni trop pourquoi ».
L’entrainement, la mission, le retour sur Terre, ce qui s’est vu ou pas dans les médias, l’extraordinaire comme le quotidien, l’essentiel comme l’anecdotique, Marion Montaigne nous fait vivre l’aventure de l’intérieur, au plus près de Thomas Pesquet, avec un humour dévastateur et en même temps une écriture et une mise en images des plus subtiles. Dans la combi de Thomas Pesquet est un docu-fiction absolument captivant qui confirme l’immense talent de la créatrice du blog Tu mourras moins bête (mais tu mourras quand même).
Eric Guillaud
Dans la combi de Thomas Pesquet, de Marion Montaigne. Editions Dargaud. 22,50€
Marion Montaigne en dédicace le Jeudi 7 décembre au Planétarium de Nantes, le 10 décembre à librairie Mollat à Bordeaux, le 13 décembre à la librairie Bulle en tête à Paris, le 16 décembre à la librairie Momie de lyon, le 20 décembre, à Bd fugue café à Toulouse, le 21 décembre à la cité de l’espace de Toulouse, le 12 janvier à la librairie BD Flash à Rambouillet, le 13 Janvierà la médiathèque Jules Verne à Vandœuvre-lès-Nancy, du 25 au 28 janvier au Festival d’Angoulême…