17 Juin

Les naufragés de la Méduse : la double histoire d’un naufrage et d’un tableau racontée par Jean-Sébastien Bordas et Jean-Christophe Deveney

Pas de naufrage en vue pour l’album de Jean-Sébastien Bordas et Jean-Christophe Deveney, retardé pour faute de pandémie, le voici à  trôner magistralement dans les vitrines de toutes les bonnes librairies déconfinées. Et vous n’allez pas être déçus…

Pour réussir un tableau, faut-il tout connaitre de son sujet, comme le laisse supposer un des personnages de ce récit ? Peut-être. En tout cas, Théodore Géricault le concevait certainement ainsi. Pour Le radeau de la Méduse, le peintre a amassé une documentation conséquente sur le naufrage de la frégate, cherchant le moindre détail dans les archives disponibles ou à travers le témoignage des survivants. Au risque parfois de s’y perdre.

Réalisé entre 1818 et 1819, soit deux petites années seulement après le naufrage, Le radeau de la Méduse est une oeuvre majeure de la peinture française, une oeuvre imposante, hors norme, de par ses dimensions, près de 5 mètres sur 7, de par le retentissement qu’elle eut à l’époque dans la société, et finalement de par son influence sur l’évolution de la peinture.

Le Musée du Louvre qui a très vite accueilli le tableau résume parfaitement les déchirements nés autour de l’oeuvre. Quand certains y voyaient « un amas de cadavres » abject loin de ce que préconisait le classicisme, d’autres y décèlaient un manifeste libéral, une critique de l’ultra-royalisme, un tableau moderne, une oeuvre d’actualité.

De fait, Gérivault cherchait-il à rendre compte de l’horreur ou de l’héroïsme, voulait-il montrer les hommes de la Méduse comme des miraculés, des assassins, des monstres ou simplement comme des êtres humains plongés dans un contexte qui ne l’était pas ?

Alternant l’histoire de cette création picturale et celle de la tragédie maritime, passant de la solitude de l’artiste à celle des naufragés, Jean-Sébastien Bordas et Jean-Christophe Deveney nous offrent un récit au scénario intense et documenté avec une belle fluidité narrative, un dessin tout en finesse et une mise en couleurs d’une très grande légèreté. De quoi se laisser embarquer dans l’aventure… avec une bouée tout de même !

Eric Guillaud

Les naufragés de la Méduse, de Deveney et Bordas. Casterman. 26€