Certains nous prédisent la fin de l’histoire depuis des lustres. Qu’on se rassure, du côté du neuvième art, l’histoire avec un grand H est et sera encore longtemps la matière première des auteurs, une source d’inspiration inépuisable et un voyage sans fin pour les lecteurs. En mode biographie, documentaire ou fiction, ce genre littéraire se porte à merveille. La preuve avec cette sélection de livres sortis ces derniers mois…
On commence avec la très belle série De Gaulle dont le deuxième volet vient de sortir aux éditions Glénat. Quatre petits mois d’attente seulement pour retrouver ce grand personnage de l’histoire de France avec à la plume et aux pinceaux Mathieu Gabella (scénario), Frédérique Beau-Dufour (historienne), Christophe Regnault (Story-board) et Michaël Malatini (dessin). Le premier volet retraçait la période allant de la jeunesse de De Gaulle jusqu’à son départ pour Londres. On le retrouve ici au micro de la BBC le 18 juin 1940 lançant son célèbre appel à continuer le combat contre l’ennemi allemand. Ce deuxième volet s’achève avec la libération de Paris. Un dossier d’une petite dizaine de pages accompagne le récit et finit judicieusement de nous plonger dans cette époque sombre de l’histoire de France. Une très belle biographie prévue en trois volets, co-éditée par Glénat et Fayard dans la collection Ils ont fait l’histoire (De Gaulle tome 2, de Gabella, Renault, Malatini et Neau-Dufour. Glénat / Fayard. 14,50€).
Huit mois, trois tomes, une affaire rondement menée par Damour au dessin, Vincent Brugeas et Emmanuel Herzet au scénario. La Cagoule, comme son nom l’indique nous entraîne dans la France des années 30, celle du Front populaire, et bien sûr celle de La Cagoule, organisation secrète anti-républicaine, anti-communiste et anti-sémite fondée en 1936 par les anciens membres d’Action Française. Le récit, mélange de fiction et de réalité, se présente comme un polar autour de personnages ayant réellement existé, notamment le policier Pierre Mondanel ou les politiciens Marx Dormoy et Roger Salengro (La Cagoule, un fascisme à la française, de Brugeas et Herzet. 3 tomes. 14,95€ chaque).
Berlin, avril 1945. La ville n’est plus qu’un immense champ de ruine. Les derniers habitants sont prostrés dans les caves, il n’y a plus d’eau potable, plus d’électricité, plus de téléphone, plus de transports et plus de pain. Les enfants hurlent de faim, les adultes tremblent de peur. Et au milieu de tout ça, deux femmes, l’Allemande Ingrid et la Russe Evgeniya. La première a assisté impuissante à la chute de Berlin, la deuxième est arrivée avec l’armée soviétique, avec la mission de reconnaître les restes d’Hitler. Une rencontre improbable qui donnera naissance à une amitié sincère dépassant les clivages nés de la guerre. Un récit fort et poignant qui aborde une thématique inhabituelle en BD et ailleurs à travers ces deux femmes, le tout avec une mise en images de caractère. Magistral ! (Seules à Berlin, de Nicolas Juncker. Casterman. 25€)
On reste en Allemagne avec Le banquier du Reich, un récit de Pierre Boisserie et Philippe Guillaume au scénario, de Cyrille Ternon au dessin, qui retrace la vie d’Hjalmar Schacht. Considéré comme l’un des plus grands économistes de tous les temps, cet homme est connu pour avoir mis un terme à l’hyperinflation allemande de 1923, puis sorti l’Allemagne de la grande crise des années 1930 et surtout pesé sur le succès du régime nazi en devenant son ministre de l’économie. Personnage ambigüe qui fut arrêté et déporté après l’attentat manqué de juillet 1944 contre Hitler, Hjalmar Schacht fut acquitté, à tort pour beaucoup, lors de sa comparution devant le tribunal de Nuremberg. Une biographie solidement documentée prévue en deux tomes ! (Le banquier du Reich, de Boisserie, Guillaume et Ternon. Glénat. 14,50€)
D’une guerre à l’autre, la série d’Alfio Buscaglia et Philippe Richelle, dont le deuxième volet – sur les cinq prévus – est sorti en mars nous embarque dans l’Algérie des années 50 pour une fiction ancrée dans ce qu’on appelait à l’époque « les événements » le tout à travers les parcours de quatre personnages fictifs qui sont unis par les liens de l’enfance. Des histoires d’amour et de haine, d’amitié et de trahison sur fond d’opérations militaires, d’actes terroristes, d’exécutions sommaires et de tortures. Réaliste, documenté, couvrant toute la période depuis les prémices du conflit jusqu’à son épilogue, Algérie, une guerre française permet d’aborder cette période sombre de l’histoire de France tout en se divertissant. Une belle réussite ! (Algérie, une guerre française, Alfio Buscaglia et Philippe Richelle. Glénat. 14,50€)
Eric Guillaud