Le sort s’acharne sur l’écurie Valiant. Des années que le petit poucet de l’industrie comics US attendait SON adaptation cinématographique pour toucher le grand public et Bloodshot devait enfin ouvrir le bal. Sauf qu’un certain COVID 19 est passé par là et a tué l’idée dans l’œuf… Seule compensation, ce raté a été l’occasion de relancer une nouvelle série BD de ce super-soldat mi-homme mi-machine, dont le premier volume en français vient de paraître.
Des années de développement, plusieurs stars se bousculant pour reprendre le rôle-titre jusqu’à ce que Vin Diesel (Fast & Furious) emporte la mise, un réalisateur venu du monde des jeux vidéos… Bref, Bloodshot – Le Film aurait dû ouvrir une nouvelle ère pour Valiant. Sauf que le film est sorti… Â quelques jours seulement du confinement qui a mis le monde entier à l’arrêt. Moralité : il est resté mort-né et après seulement quelques jours d’exploitation en salles et quelques rares critiques pas très emballées, il est aujourd’hui sorti sans fanfare en VOD, condamné à rapidement disparaître de l’horizon.
Un tour du sort plutôt cruel, surtout lorsqu’on attaque la lecture de la nouvelle série BD du même nom qui devait accompagner le film. Ni vraiment reboot ni stricte continuité de la série précédente (Bloodshot Salvation), cette nouvelle aventure peut se lire de façon indépendante et permet surtout de remettre à jour deux ou trois détails essentiels. Notamment en mettant à sa tête un nouveau duo artistique, le scénariste Tim Seeley et surtout le dessinateur Brett Booth.
Alors oui, ce vrai-faux nouveau Bloodshot est, à l’image du film, beaucoup plus porté sur l’action et moins sur la psychologie. Quitte à tomber un chouia dans l’outrance… Il faut dire que ce personnage de super soldat virtuellement immortel dont le corps est sans cesse régénéré par des nanites, des sortes de microscopiques robots aux capacités illimitées permet tout. Quitte à faire subir à ce héros traqué par à peu près tout le monde les pires souffrances : en une petite centaine de pages, il est tour-à-tour criblé de balles, brûlé au dernier degré, découpé par une palle d’hélicoptère ou encore éparpillé façon puzzle par un bazooka et on en passe. Et à chaque fois, il se régénère, avec toujours (autre nouveauté ici) une petite blague caustique en bandoulière.
Or justement, avec son trait très dynamique et très années 90 qui rappelle parfois celui de Todd McFarlane (le créateur de Spawn) ainsi que son sens de la dynamique, Booth donne un sacré coup de fouet à ce personnage amateur de gros flingues qui, par le passé, n’avait pas toujours hélas été servi par un graphisme assez punchy. Quant à Seeley, en lançant à ses trousses une sorte d’agence gouvernementale secrète agissant pour ses propres intérêts, il reste fidèle à l’état d’esprit techno-thriller d’origine mais réussit à imprimer sa patte, moins mystique on va dire et plus portée sur l’action pure.
En bonus non négligeable, on retrouve dans ce premier tome en préambule une sorte de prologue sorti à l’occasion du ‘Free Comic Book Day’ l’année dernière aux Etats-Unis cruellement court (12 pages) mais servi par les dessins réalistes et classieux de Tomas Giorello, l’orfèvre argentin qui a complètement réinventé le Conan de chez Dark Horse.
Moins cérébral donc mais toujours aussi paranoïaque et porté par des créateurs dont le style sied très bien à cette nouvelle donne, le héros le plus consensuel de l’écurie Valiant (ou encore celui au potentiel commercial le plus large on va dire) réussit ici à se réinventer dans la continuité on va dire. Film à succès ou pas…
Olivier Badin
Bloodshot – Tome 1 de Tim Seeley, Brett Booth, Adelso Corona, Andrew Dalhouse et Tomas Giorello. Valiant/Bliss. 15€