Aïcha, Sabiha, Hamedda, Houssen, Ouda… Leur point commun ? Être femmes dans le Yémen d’aujourd’hui, un pays pauvre, l’un des plus pauvres au monde, écrasé par des traditions religieuses ancestrales. Cette bande dessinée réalisée par Ugo Bertotti parle de ces femmes et des autres, de toutes les autres. De celles qui ont été mariées de force parfois à l’âge de dix ans au nom d’Allah et de la religion, de celles qui n’ont plus eu le droit de sortir, de travailler et même de conduire une fois mariées. De celles que les maris ont répudiées pour un rien et qui se sont retrouvées à la rue, sans un sou, sans un abri pour leurs enfants. De celles qui bien sûr ne sortent jamais sans le fameux niqab, ce voile qui couvre entièrement le visage de la femme à l’exception des yeux…
Initialement publié dans la revue XXI, Le monde d’Aïcha s’inspire des impressions de voyage de la photographe Agnès Montanari, qui pendant 3 mois et demi a pu approcher, parfois partager le quotidien et l’intimité de femmes yéménites.
Dans une postface à l’album, Agnès Montanari explique : « Quand on déambule dans les rues étroites de la vieille ville de Sana’a, on a l’impression de croiser des oiseaux mystérieux, des ombres noires, qui diffèrent que par leur taille. Et puisque ces femmes ne montrent pas leur visage, élément essentiel de connaissance et de reconnaissance dans nos sociétés occidentales, on en conclut rapidement qu’elles n’existent pas. »
Avec beaucoup de pudeur et d’humanité, l’auteur italien Ugo Bertotti lève un bout du voile sur ce pays méconnu du monde occidental, régi par la loi de l’honneur, l’honneur de la famille. Un récit surprenant, fascinant, dont la mise en images en noir et blanc, bien que plus réaliste et intégrant quelques photographies, rappelle bien évidemment l’album Persepolis de Marjane Satrapi.
Eric Guillaud
Le monde d’Aïcha, de Bertotti. Editions Futuropolis. 20 €