Alain Bujak n’est pas auteur de bande dessinée, il est photographe. Et c’est à l’occasion d’un reportage au coeur d’une résidence sociale à Dreux qu’il fait la rencontre d’Abdesslem, un ancien tirailleur marocain.
Que faisait-il ici dans une situation de total dénuement ? Pourquoi ce vieil homme n’était-il pas au Maroc au milieu des siens, de sa famille ? C’est ce qui intrigua Alain Bujak qui lui rendit régulièrement visite bien après la fin du reportage pour partager avec lui un peu de café et beaucoup de souvenirs. Et c’est l’histoire de cet homme, une histoire incroyable que raconte Le Tirailleur.
Tout commence en 1939 quelque part au Maroc, Abdesslem s’engage dans le 4e Régiment des Tirailleurs Marocains un peu pour sauver la France, beaucoup pour fuir la misère du bled et le désoeuvrement. Il n’a alors que 17 ans et ne quittera l’armée que 15 années plus tard après avoir connu la Drôle de guerre, la déroute, les camps de prisonniers, le débarquement des Américains en Afrique, la bataille du Garigliano en Italie… et finalement le retour sur ses terres. Mais avec la fin du protectorat de la France sur le Maroc et le gel des pensions d’anciens combattants, la vie devint de plus en plus difficile. Abdesslem se résigna alors à rejoindre la France et y habiter, condition sine qua non pour bénéficier d’une allocation vieillesse. D’où sa présence à Dreux, loin de sa terre, de ses oliviers, de ses proches.
C’est une histoire absolument émouvante et captivante que nous livrent Alain Bujak et le dessinateur italien Piero Macola, dont on avait déjà pu apprécier l’intelligence graphique dans une histoire parue aux éditions Vertige Graphic et intitulée Aller simple. Un album à mettre entre toutes les mains histoire de rappeler à certains « bons Français » que notre beau pays ne s’est pas sauvé seul des griffes nazies.
Eric Guillaud
Le Tirailleur, de Macola et Bujak. Editions Futuropolis. 20 €